• Articles sur les animaux...Le chien,dix mille ans d'affection

    Le chien

    Dix mille ans d'affection

     
     


     

     

    Quel cabot ! Corniaud ou de noble race, le chien s'est discrètement installé au fil des siècles dans nos vies. Aujourd'hui, 7,5 millions de ses semblables partagent le quotidien des Français. Autrefois considéré comme un auxiliaire de travail, il est devenu un de nos animaux de compagnie les plus appréciés (après le chat et... les poissons rouges).

    Mais a-t-il toujours eu une vie de chien ? Pour le savoir, partons à la découverte de son parcours, depuis l'état sauvage... jusqu'au moelleux du canapé.

    Mosaïque, 200-100 av. J.-C., Alexandrie, Musée national

    Quel clown !

    Depuis Argos attendant Ulysse pour pouvoir mourir, nous verrons que le chien occupe une place éminente dans notre culture.  

    Benjamin Rabier, Le Chien Azor, début XXe, Paris, BnF

    Si la littérature a rendu célèbre le nom de Croc-Blanc (Jack London), Le Chien des Baskerville (Conan Doyle) ou encore Le Chien jaune (Georges Simenon), c'est surtout dans les bandes dessinées que les toutous s'en donnent à cœur joie.

    Benjamin Rabier, Le Chien Azor, début XXe, Paris, BnF

    Qui n'a jamais ri aux aventures de Milou (Hergé), Bill (Roba), Pif (Arnal), Snoopy (Schulz), Idéfix (Goscinny et Uderzo) et bien sûr Rantanplan, le « chien le plus bête de l'Ouest » ? 

    Après le cirque qui les avait transformés en savants ou équilibristes, le cinéma ne pouvait se passer d'interprètes possédant une telle cote d'amour. Lassie, Rintintin ou encore Benji la Malice crevèrent l'écran avec une belle énergie.

    Mais lorsque le chien se fait cabot, pourquoi ne pas se contenter de le dessiner ? Et voici triomphant sur nos écrans Belle et le Clochard, Droopy, Pollux et Scooby-Doo.

    Depuis 1965, une question reste en suspens : « Z'avez pas vu Mirza » (Nino Ferrer) ?

    Peinture rupestre de Sefar, Tassili-n-Ajjer (Algérie), 5000 av. J.-C. (photo Gérard Grégor)

    Dans la famille canidés, je demande... le loup

    Observez votre chien : ne voyez-vous pas le loup qui sommeille en lui ? Il appartient en effet, comme le chacal et le renard, à la grande famille des canidés issus du leptocyon qui vivait il y a sept millions d'années. Mais surtout il est le descendant direct du loup d'Asie, petit et « sociable » à la différence de ses cousins européens qui s'amusent à terrifier les personnages des contes pour enfants. Il devait être aussi un peu futé (ou très sot !) pour remarquer un beau jour qu'il lui suffisait de vivre tranquillement aux crochets des hommes en mangeant leurs déchets.

    Parmi ces chiens-loups, les plus gentils parvinrent à ne pas finir en ragoût et furent accueillis au sein des familles de nos ancêtres paléolithiques. S'établit ainsi une sorte de sélection naturelle, pour le plus grand bénéfice des deux partis. À eux les restes et les prédateurs, à nous le gibier ! Le chien fut ainsi le premier animal domestiqué par l'homme, plusieurs millénaires avant le suivant (la chèvre).

    Avec la sédentarisation, le chien passe de compagnon de travail à compagnon tout court : on a ainsi retrouvé en Israël le corps d'une femme, morte il y a plus de 12.000 ans, serrant tendrement un chiot dans ses bras. C'est aussi l'époque où notre animal, qui nous a suivi dans nos déplacements à travers le globe, change d'apparence selon l'influence de l'environnement. Du chow chow chinois au lévrier afghan, il y en a désormais pour tous les goûts, même si la plupart des races ont été créées il y a moins de 300 ans par sélection !

    Fresque de Tirynthe, vers 1300 av. J.-C., Athènes, National Archaeological Museum

    Homère, L'Odyssée (VIIIe siècle av. J.-C.)

    Ulysse, revenu à Itaque, discute avec Eumée, un de ses anciens serviteurs, qui ne l'a pas reconnu.

    Soudain un chien couché près d'eux lève sa tête et dresse ses oreilles : c'est Argos, que le vaillant Ulysse avait élevé lui-même ; mais ce héros ne put voir le succès de ses soins, car il partit trop tôt pour la ville sacrée d'Ilion. Jadis les jeunes chasseurs conduisaient Argos à la poursuite des chèvres sauvages, des cerfs et des lièvres ; mais depuis que son maître était parti, il gisait honteusement sur le vil fumier des mules et des bœufs, qui restait entassé devant les portes, jusqu'à ce que les serviteurs d'Ulysse vinssent l'enlever pour fumer les champs. C'est là que repose, étendu, le malheureux Argos tout couvert de vermine.

    Stèle d'Antigona, naïskos avec petite fille et chien, début du IIIe siècle av J.-C., Alexandrie (Égypte), Paris, musée du LouvreLorsqu'il aperçoit Ulysse, il agite sa queue en signe de caresses et baisse ses deux oreilles ; mais la faiblesse l'empêche d'aller à son maître. Ulysse, en le voyant, essuie une larme qu'il cache au pasteur, puis il prononce ces paroles : « Eumée, je m'étonne que ce chien reste ainsi couché sur le fumier, car il est d'une grande beauté. Toutefois j'ignore si avec ses belles formes il est bon à la course, ou si ce n'est qu'un chien de table que les maîtres élèvent pour leur propre plaisir ».

    Le pasteur Eumée lui répond en disant : « Hélas ! c'est le chien de ce héros qui est mort loin de nous ! S'il était encore tel qu'Ulysse le laissa quand il partit pour les champs troyens, tu serais étonné de sa force et de son agilité. Nulle proie n'échappait à sa vitesse lorsqu'il la poursuivait dans les profondeurs des épaisses forêts : car ce chien excellait à connaître les traces du gibier. Maintenant il languit accablé de maux ; son maître a péri loin de sa patrie, et les esclaves, devenues négligentes, ne prennent aucun soin de ce pauvre animal ! » Quand Eumée a achevé ces paroles, il entre dans les demeures d'Ulysse et va droit à la salle où se trouvaient les fiers prétendants.

    Mais le fidèle Argos est enveloppé dans les ombres de la mort dès qu'il a revu son maître après vingt années d'absence !

    Le maître de l'autre monde

    Anubis, Le Caire, Musée national. (photo : Gérard Grégor)Au fil des siècles, Toutou a réussi à se rendre indispensable auprès des bergers comme des chasseurs.

    Mais cela ne lui a pas suffi : il lui fallait aussi prendre possession des lieux de culte !

    C'est chose faite en Égypte où, sous l'identité d'Anubis, il commence à régner sur le royaume des morts.

    Tout-puissant dans la vallée du Nil, il reprend son rôle de simple gardien du côté de la Grèce. Mais quel gardien ! 

    Le plus courageux des héros n'ose plus prétendre pousser la porte des Enfers dès qu'il se retrouve face à ce molosse à trois têtes dénommé Cerbère.

    Peintre des Aigles, Héraclès amenant Cerbère à Eurysthée, 530 av. J.-C., Paris, musée du Louvre

    Mais le monstre a une faiblesse : la gourmandise !

    Xolotl, codex Fejérváry-Mayer, s. d., Mexique, Liverpool, Free Public Museum

    C'est ainsi qu'Énée et Psyché parviennent à l'amadouer en lui offrant une petite douceur sucrée...

    Un gros défaut que ne semblait pas avoir Xolotl qui, chez les Aztèques, était chargé de conduire les défunts au « neuvième ciel ».

    Revenons en Europe où on a également su rendre hommage au chien en lui offrant... une auréole !

    On raconte en effet qu'un lévrier appelé Guinefort (formé sur : guigner, « bouger la queue »), fut accusé à tort d'avoir attaqué un bébé et finit massacré par son maître sans autre forme de procès. 

    Saint Christophe Cynocephalus, icône, XVIIe s., Athènes, Byzantine and Christian Museum

    Pauvre châtelain, qui ignorait que l'animal venait en fait de sauver son enfant, menacé par un serpent !

    Les paysans firent preuve de plus de reconnaissance et finirent par considérer leur héros comme un martyr, puis un saint.

    Et c'est comme ça qu'on a parfois l'impression qu'Anubis s'est égaré sur certaines icônes grecques...

    La légende du chien de Montargis

    Au début du XIXe siècle, Catulle, Vendredi et Miro sont trois chiens qui vont se succéder sur scène pour rendre vie à l'un de leurs comparses du XIVe siècle. 20 ans de succès !

    Un tel engouement ne peut s'expliquer que par une histoire et un héros exceptionnels. Jugez-en vous-même : sous Charles V, le chevalier Aubry de Montdidier vient d'être assassiné et enterré dans la forêt par un archer, jaloux de son succès. Un seul témoin connaît l'identité du coupable : le lévrier du chevalier, Verbaux, qui a assisté à toute la scène.

    Après être resté des heures sur la tombe improvisée, il rejoint le village où son comportement de désespéré attire vite l'attention. On finit par le suivre dans les bois et découvrir le corps du malheureux auquel on donne une sépulture convenable.

    Quelque temps plus tard Verbaux, confié à un proche du chevalier, se précipite tout un coup sur un passant qu'il tente de déchiqueter. C'est l'assassin ! Prévenu, le roi ordonne que l'affaire soit réglée grâce au jugement de Dieu, lors d'un combat singulier. C'est alors que, sur le point d'être égorgé, le traître Macaire avoue son crime. La justice a triomphé grâce à la fidélité d'un chien !

    Jacques Androuet Du Cerceau, Le combat d'un chien contre un gentilhomme qui avoit tué son maître, faict à Montargis sous le règne de Charles V en 1371, XVIe s., Paris, BnF

    Chien de bonne race rêve de la chasse

    Il est vrai que le chien a bien mérité tous ces honneurs : à la fois puissant et joueur, agressif lorsqu'il est nécessaire et fidèle toujours, il a su se faire une place dans le cœur des familles. Le Moyen Âge ne peut plus s'en passer !

    Gaston Phébus, Le Livre de la chasse : Le lévrier, XVe s., Chantilly, musée CondéLe chien obtient alors ses lettres de noblesse en tant que compagnon de chasse, activité qui, avec l'amour et la guerre, est à la base des valeurs chevaleresques.

    Rien de tel en effet pour épuiser le seigneur et le détourner de l'oisiveté et des préoccupations moins honorables...

    À bon chasseur le paradis est ouvert !  Si cela est vrai, soyons sûrs que Gaston Phébus, comte de Foix, y est monté directement après avoir passé deux années (1387-1389) à dicter son célèbre Livre de chasse.

    Gaston Phébus, Le Livre de la chasse : Des maladies des chiens et de leurs conditions, XVe s., Chantilly, musée Condé

    Au cœur d'une forêt d'enluminures dignes d'une Bible, il s'applique à rendre hommage à « la plus noble bête, la plus raisonnable et la plus avisée que Dieu fit jamais ». Tant pis pour les autres !

    Jean-Baptiste Oudry, Perle et Ponne, chiennes de la meute de Louis XIV, 1686, Fontainebleau, châteauDans les siècles suivants, cette passion dévorant les puissants ne faiblira pas.

    Folle et Mite, les chiennes d'arrêt de Louis XIV, avaient ainsi droit à leurs niches dans l'ancien cabinet du Conseil à Versailles !

    « Le conseil à ses yeux a beau se présenter
    « Sitôt qu'il voit sa chienne, il quitte tout pour elle »
    .

    Persifflage de jaloux ? Non, auto-dérision de la part du Roi-Soleil qui impose même à ses peintres de faire le portrait de ses favorites poilues. Une façon comme une autre de rester bien entouré ! (...)

      

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