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    Le Grand Magicien

     

    Contes et Légendes:  Le Grand Magicien

     

    L’Histoire Du Magicien Québécois Qui Détruisit l’Escadre Anglaise

     

    Jean-Pierre Lavallée était le fils d’un Amérindien Iroquois et d’une Française. Dès son plus jeune âge, Lavallée s’intéresse à la sorcellerie, aux incantations, aux formules magiques et à d’autres attributs propres au chamanisme.

     

    Lorsqu’il eut douze ans, le jeune Jean-Pierre pouvait déjà faire tomber la pluie et débarrasser le ciel des nuages. Avec le temps, de plus en plus de jeunes femmes venaient lui demander son aide magique, dans l’espoir qu’il puisse ensorceler et ainsi rendre amoureux d’elles, les élus de leur coeur.

     

    Vers ses vingt ans, Lavallée avait atteint une renommée nationale. Frontenac et Jean Talon invitaient régulièrement le magicien à prendre part aux assemblées du Conseil Souverain.

     

    Il a contribué à la construction des fortifications à Québec, où il avait promis d’assurer un temps ensoleillé, mais pas trop chaud, pendant toute la durée de la construction, alors qu’au même moment, la pluie inondait les champs environnants.

     

    Lavallée sauva Québec de la famine en hiver 1704. Cette année-là, on avait trouvé dans un dépôt des dizaines de barils remplis de viande salée. Lavallée ordonna de perforer une ouverture dans un des murs du sous-sol, derrière lequel on trouva de la nourriture entassée dans les barils d’une manière qui laissait supposer qu’on l’y avait déposée tout récemment.

     

    Mais l’exploit le plus remarquable du célèbre magicien québécois correspond à l’année 1711. La guerre ravageait le pays. Une escadre anglaise avait atteint Québec. Il semblait alors que tout était perdu.

     

    C’est alors que le Gouverneur s’adresse au magicien : - À l’aide ! Tu es notre seul espoir.

     

    Le 24 août 1711, l’amiral britannique Walker avait réuni des dizaines de navires pour prendre la forteresse d’assaut. Il se préparait à détruire Québec à coups de canons, alors que les habitants regardaient avec horreur les armes de l’ennemi.

     

    Tout à coup, un grand vieillard barbu est apparu sur la côte de l'Île d’Orléans. Il était vêtu d’une tunique blanche et d’un chapeau à bords pointus. Dans ses mains, il tenait un bourdon énorme. Le vent jouait dans ses cheveux gris. Derrière sa barbe d’une blancheur immaculée, on pouvait distinguer ses lèvres murmurant des incantations…

     

    Au moment précis où les bateaux ennemis s’apprêtaient à entrer dans la baie, une brume incroyablement épaisse recouvrit l’emplacement, et ce, au beau milieu d’une très chaude journée d’été.

     

    Ayant perdu tout point de repère, les vaisseaux anglais s’écrasèrent contre les falaises. Des milliers de marins anglais périrent noyés. L’escadre anglaise fut presque totalement anéantie.

     

    La brume se dispersa aussi soudainement qu'elle était apparue. Les vaisseaux survivants prirent la fuite, mais alors qu’il entraient au port de Boston, le bateau amiral explosa pour une raison inconnue. Quatre cents autres marins y trouvèrent la mort, à la vue de ceux qui les regardaient partir du port. C’était comme si l’explosion était programmée pour arriver au moment exact, où le bateau accostait au port ! 

     

    C’est depuis ces événements que l'île d’Orléans est connu comme une île des Sorciers. Jean-Pierre Lavallée, quant à lui, continua à aider les Québécois les années suivantes.

     

    En 1719, le grand magicien dit adieu à ses amis et ses proches et s’éclipsa dans la forêt. Personne ne l’a jamais revu depuis.

     

    Le gouverneur, qui raccompagna le magicien jusqu’au mur qui encerclait la ville, lui demanda ce qui allait arriver à Québec maintenant. Le sorcier répondit avec tristesse que ses incantations protectrices garderaient la ville pendant les quarante prochaines années, jusqu’en 1759, mais que des mondes parallèles le réclamaient et il devait s’y rendre.

     

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    Veillée de campagne

     

    Veillée de campagne

     

    La municipalité de Saint-Zéphirin-de-Courval n’échappe pas à la tradition des racontars. Des contes nés dans Courval nous sont parvenus grâce à l’étonnante mémoire de la tradition orale.

     

    Voici donc, un contes qui, à l’époque parcoura les chemins de Saint-Zéphirin colporté autant par les notables que par les quêteux :

     

    Alors que l’Église désapprouve la danse et que l’évêque qui préside aux destinées des fidèles de Saint-Zéphirin-de-Courval l’interdit complètement à l’intérieur de son diocèse, considérant la danse comme une manifestation déplacée pouvant entraîner au scandale, un paroissien de Saint-Zéphirin de Courval se prépare, ce soir-là, à recevoir dans sa maison parents et amis à ce que nous appellerons « une veillée de campagne » où la place est presque entièrement laissée à la chanson, à la danse et au p’tit blanc.

     

    Les préparatifs dela soirée vont bon train, lorsque s’arrête à la porte le quêteux rouge qui est reçu, comme il est d’usage de la faire en ce temps-là, et invité à rester pour la fête qui commencera bientôt. Dans l’attente de la fête, il observe longuement la jeune fille de la maison qui, vêtue de sa plus belle robe, est anxieuse de voir arriver les premiers invités.

     

    Au moment où résonnent les premières notes invitant tout le monde à la danse, le quêteux rouge se glisse lentement auprès de la jeune fille qu’il a si longuement admirée et lui demande de lui accorder une danse. Devant son refus, le quêteux-rouge entre dans une violente colère et déclare: «Tu vas danser sur un temps de chien» et sort précipitamment de la maison. Le froid jeté dans la maisonnée par cet esclandre sera cependant vite tempéré par la chaude ambiance de cette soirée de réjouissances et personne ne pensera plus à cette «indélicatesse» jusqu’à…

     

    La fête bat son plein, certains invités retardataires arrivent encore, dont un beau grand jeune homme qui, par ses manières charmantes, impressionnera fortement la jeune fille de la maison. Il ne s’écoulera pas beaucoup de temps avant que le jeune couple ne soit réuni pour la danse qui prendra alors des allures endiablées.

     

    La danse se transformera en un tourbillon sans fin où seule la gaieté est de mise. Les rires feront cependant bientôt place aux cris. La jeune fille ne peut plus arrêter de danser; elle est en transe, elle danse contre sa volonté.

     

    Quelqu’un veut-il intervenir directement pour l’arrêter qu’en la touchant il est lui aussi entraîné par cette frénésie. Que faire? On parle de mystère, de folie et même de sorcellerie, mais durant ce temps, elle danse toujours. Finalement, on décide d’aller chercher le curé Ricard (celui qui sait lutter contre les incendies et les sauturelles, voir: Au feu et L'Invasion); il est, pense-t-on, le seul qui puisse quelque chose devant une telle situation.

     

    Arrivé avec son bréviaire et son étole, le curé comprend aussitôt l’importance du drame. Il fait une prière et déclare: « À minuit, elle ne dansera plus »; on espère, on attend l’heure fatidique. Au douzième coup de minuit, la jeune fille cesse alors de danser; elle pleure et se plaint; elle est complètement épuisée, mais tout est maintenant rentré dans l’ordre.

     

    Le curé retourne paisiblement à son presbytère; il sera cependant rappelé trois jours plus tard; la jeune fille est morte d'une pleurésie.

     

    Source : www.saint-zephirin.ca/contes-legendes-faits-vecus.asp

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    Légende de la Corriveau

     

    Philippe Aubert de Gaspé père, Les Anciens Canadiens)

     

    Légende de la Corriveau

     

    Trois ans après la conquête du pays, c’est-à-dire en 1763, un meurtre atroce eut lieu dans la paroisse de Saint-Valier, district de Québec; et quoiqu’il se soit bientôt écoulé un siècle depuis ce tragique événement, le souvenir s’en est néanmoins conservé jusqu’à nos jours, entouré d’une foule de contes fantastiques qui lui donnent tout le caractère d’une légende.

     

    En novembre 1749, une femme du nom de Corriveau se maria à un cultivateur de Saint-Valier.

     

    Après onze ans de mariage, cet homme mourut dans cette paroisse le 27 avril 1760. Une vague rumeur se répandit alors que la Corriveau s’était défaite de son mari, en lui versant, tandis qu’il était endormi, du plomb fondu dans l’oreille.

     

    On ne voit pas toutefois que la justice de l’époque ait fait aucune démarche pour établir la vérité ou la fausseté de cette accusation; et trois mois après le décès de son premier mari, la Corriveau se remariait en secondes noces, le 20 juillet 1760, à Louis Dodier, aussi cultivateur de Saint-Valier.

     

    Après avoir vécu ensemble pendant trois ans, la tradition s’accorde à dire que, sur la fin du mois de janvier 1763, la Corriveau, profitant du moment où son mari était plongé dans un profond sommeil, lui brisa le crâne, en le frappant à plusieurs reprises avec un broc (espèce de pioche à trois fourchons). Pour cacher son crime, elle traîna le cadavre dans l’écurie, et le plaça en arrière d’un cheval, afin de faire croire que les blessures infligées par le broc provenaient des ruades de l’animal. La Corriveau fut en conséquence accusée du meurtre conjointement avec son père.

     

    Le pays étant encore à cette époque sous le régime militaire, ce fut devant une cour martiale que le procès eut lieu.

     

    La malheureuse Corriveau exerçait une telle influence sur son père (Joseph Corriveau), que le vieillard se laissa conduire jusqu’à s’avouer coupable de ce meurtre: sur cet aveu, il fut condamné à être pendu, ainsi que le constate la pièce suivante extraite d’un document militaire, propriété de la famille Nearn, de la Malbaie.

     

    La Cour martiale, dont le lieutenant-colonel Morris était président, ayant entendu le procès de Joseph Corriveau et de Marie-Josephte Corriveau, Canadiens, accusés du meurtre de Louis Dodier, et le procès d’Isabelle Sylvain, Canadienne, accusée de parjure dans la même affaire: le gouverneur ratifie et confirme les sentences suivantes: Joseph Corriveau, ayant été trouvé coupable du crime imputé à sa charge, est en conséquence condamné à être pendu. La Cour est aussi d’opinion que Marie-Josephte Corriveau, sa fille, veuve de feu Dodier, est coupable d’avoir connu avant le fait le même meurtre, et la condamne, en conséquence, à recevoir soixante coups de fouet à neuf branches sur le dos nu, à trois différents endroits, savoir: sous la potence, sur la place du marché de Québec et dans la paroisse de Saint-Valier, vingt coups à chaque endroit, et à être marquée d’un fer rouge à la main gauche avec la lettre M.La Cour condamne aussi Isabelle Sylvain à recevoir soixante coups de fouet à neuf branches sur le dos nu, de la même manière, temps et places que la dite Josephte Corriveau, et à être marquée d’un fer rouge à la main gauche avec la lettre P. » Heureusement ces sentences ne furent point exécutées, et voici comment le véritable état de la cause fut connu.

     

    Le malheureux Corriveau, décidé à mourir pour sa fille, fit venir le Père Glapion, alors supérieur des Jésuites à Québec, pour se préparer à la mort.

     

    À la suite de sa confession, le condamné demanda à communiquer avec les autorités. Il dit alors qu’il ne lui était pas permis consciencieusement d’accepter la mort dans de pareilles circonstances, parce qu’il n’était pas coupable du meurtre qu’on lui imputait. Il donna ensuite aux autorités les moyens d’arriver à la vérité et d’exonérer Isabelle Sylvain du crime supposé de parjure, dont elle était innocente.

     

    À la suite des procédés ordinaires, l’ordre suivant fut émané:

     

    « Quebec, 15th April, 1763 GENERAL ORDER.

     

    The Court Martial, whereof lieutenant colonel Morris was president dissolved.

     

    The General Court Martial having tried Marie Josephte Corriveau, for the murder of her husband Dodier, the Court finding her guilty. The Governor (Murray) doth ratify and confirm the following sentence: – That Marie Josephte Corriveau do suffer death for the same, and her body to be hung in chains wherever the Governor shall think fit.

     

    (Signé) THOMAS MILLS, T. Major » (Traduction) « Québec, 15 avril 1763 ORDRE GÉNÉRAL.

     

    La Cour Martiale, dont le lieutenant-colonel Morris était président, est dissoute.

     

    La Cour Martiale Générale ayant fait le procès de Marie- Josephte Corriveau, accusée du meurtre de son mari Dodier, l’a trouvée coupable. Le Gouverneur (Murray) ratifie et confirme la sentence suivante: – Marie-Josephte Corriveau sera mise à mort pour ce crime, et son corps sera suspendu dans les chaînes, à l’endroit que le gouverneur croira devoir désigner. » (Signé) THOMAS MILLS, Major de ville ».

     

    Conformément à cette sentence, Marie-Josephte Corriveau fut pendue, près des plaines d’Abraham, à l’endroit appelé les buttes à Nepveu, lieu ordinaire des exécutions, autrefois.

     

    Son cadavre fut mis dans une cage de fer, et cette cage fut accrochée à un poteau, à la fourche des quatre chemins qui se croisent dans la Pointe-Lévis, près de l’endroit où est aujourd’hui le monument de tempérance – à environ douze arpents à l’ouest de l’église, et à un arpent du chemin.

     

    Les habitants de la Pointe-Lévis, peu réjouis de ce spectacle, demandèrent aux autorités de faire enlever cette cage, dont la vue, le bruit et les apparitions nocturnes tourmentaient les femmes et les enfants. Comme on n’en fit rien, quelques hardis jeunes gens allèrent décrocher, pendant la nuit, la Corriveau avec sa cage, et allèrent la déposer dans la terre à un bout du cimetière, en dehors de l’enclos.

     

    Cette disparition mystérieuse, et les récits de ceux qui avaient entendu, la nuit, grincer les crochets de fer de la cage et cliqueter les ossements, ont fait passer la Corriveau dans le domaine de la légende.

     

    Après l’incendie de l’église de la Pointe-Lévis, en 1830, on agrandit le cimetière; ce fut ainsi que la cage s’y trouva renfermée, et qu’elle y fut retrouvée en 1850, par le fossoyeur. La cage, qui ne contenait plus que l’os d’une jambe, était construite de gros fer feuillard. Elle imitait la forme humaine, ayant des bras et des jambes, et une boîte ronde pour la tête. Elle était bien conservée et fut déposée dans les caveaux de la sacristie. Cette cage fut enlevée secrètement, quelque temps après, et exposée comme curiosité à Québec, puis vendue au musée Barnum, à New-York, où on doit encore la voir.

     

    Les légendes : elles disent vrai tant qu'elles peuvent, comme elles peuvent. Elles n'osent pas toujours que tous les comprennent ; et d'abord, elles ne racontent que ce qu'on peut souffrir. (Denys Gagnon, écrivain québécois, Les Noces de la bête).

     

    Illustration : Pretty in Blue © tous droits réservés neurosciencetv.blogspot.com

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    Malédiction du phare

     

    Légende du phare du Rocher-aux-Oiseaux

     

    Légende du phare du

    Rocher-aux-Oiseaux

     

     

    En 1870, le gouvernement du Québec fait ériger le phare du Rocher-aux-Oiseaux. On y place aussi un canon pour guider les vaisseaux par temps de brume. On nomme alors le premier gardien du phare, un monsieur Fennelton, dont on ignore le prénom.

     

    Cependant, M. Fennelton refuse la charge au dernier moment en alléguant qu’il a rêvé d’une prémonition, selon laquelle, jamais aucun gardien ne garderait le phare plus de dix ans, sans malheur.

     

    C’est monsieur Guitté qui remplace le premier gardien et qui se désiste, lui aussi, après deux années de travail, n’ayant pu s’habituer à la vie d’ermite d’un gardien de phare à l’époque.

     

    C’est M. Patrick Whalem qui devient le nouveau gardien. Les sept premières années, tout va bien, mais le 8 avril 1880, M. Whalen  aperçoit d’un grand nombre de loups-marins aux environs du rocher et décide d’aller les chasser. Il est accompagné de son fils et de M. Thomas Thivierge, un ami qui était de passage. À peine les trois hommes arrivent sur la banquise qu’une tempête se lève et les glaces, poussées par la force du vent, s’éloignent si vite que les pauvres hommes ne réussissent pas à regagner leur demeure.

     

    Le lendemain, M. Thivierge retourne au Rocher, les pieds gelés et à moitié mort de froid. Il rapporte à l’inconsolable épouse du gardien que son époux et son fils sont morts pendant la nuit.

     

    Quelques mois plus tard, le 25 juillet 1880, Monsieur Charles Chiasson, du Hâvre-aux-Maisons, est nommé nouveau gardien du phare. Cette fois, l’accident survient un an plus tard. Le 23 août 1881, ses amis Paul Chenelle, Jean Turbide et la famille de M. Chenelle viennent en visite et leur hôte décide de leur faire un petit tour guidé des installations. Le groupe parcourt la tour, la bouilloire, les engins. Pour finir, ils s’approchent du canon d’alarme. Les visiteurs prient le gardien de bien vouloir tirer un coup de canon.

     

    Le gardien accède au désir de ses invités, mais… hélas, le canon explose. Le gardien est tué sur place, tout comme son fils et M. Chenelle.

     

    L’assistant du gardien décédé, monsieur Télesphore Turbide est jugé compétent et nommé nouveau gardien. Après 10 ans de service sans aucun accident, au début 1891, une nouvelle explosion du canon survient, cette fois au moment où le gardien tire pour avertir des bateaux de passage. M.Turbide perd un bras.

     

    Le gardien suivant, M. Pierre Bourque, fait une chute grave du rocher en septembre 1896. Il est blessé et démissionne.

     

    Le 7 mars 1897, par un temps magnifique, le nouveau gardien, M. Arsène Turbide, son fils Charles et son ami Damien Cormier aperçoivent un troupeau de loups-marins dans les alentours et décident d’aller à la chasse sur les glaces… ensuite… c’est la répétition des événements de 1880. Les chasseurs sont surpris par la tempête et emportés à la dérive. Le jeune Charles Turbide, 17 ans, et Damien Cormier, 60 ans, meurent de froid la première nuit qu’ils passent sur la banquise. Arsène Turbide, après trois jours et trois nuits sur la glace, sans aucune nourriture, les pieds gelés, fait terre à la Baie Saint-Laurent, mais il expire à l’hôpital.

     

    On nomme immédiatement un nouveau gardien, M. Hippolyte Melanson. Cette fois, il n’a pas fallu attendre longtemps avant que l’accident arrive… L’histoire est banale : le 12 juin 1897, le canon d’alarme explose et M. Melanson est grièvement blessé.

     

    Après cette troisième explosion du canon, on le remplace par un sifflet à air comprimé.

     

    Au début mars 1911, le gardien suivant, Wilfrid Bourque, est allé à la chasse des loups-marins)  On connaît déjà la suite, n’est-ce pas? On a retrouvé son corps inanimé le lendemain.

     

    Le gardien suivant (un héros sans peur, évidemment!), M. Elphège Bourque, neveu du feu gardien Wilfrid Bourque, vient occuper le poste du gardien l’été 1912. Pendant un temps, tout marche bien. Il ne va jamais à la chasse aux loups-marins. Le canon n’existant plus, on ne peut être victime d’une explosion, et il ne s’approche jamais des ravins…

     

    Mais Monsieur Elphège Bourque, son frère Albin Bourque et M. Philias Richard, sont morts à la suite d’un empoisonnement par l’eau qui s’est fait mauvaise après une longue conservation dans un réservoir où était probablement tombé un animal.

     

    L’année suivante, personne n’exprimant le désir de postuler pour le poste de gardien du phare, celui-ci fut abandonné. Ici se termine la mystérieuse histoire de la malédiction du phare du Rocher-aux-Oiseaux.

     

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    Ridha, Lune et Sahara

     

    de Natalie Kurtog

     

    Traduit du russe par Yulia Smirina, adaptation Nathalie Nédélec-Courtès

     

    Illustré par l'auteur

     

    Brouillon !!

     

    Ridha cheminait en compagnie de sa vieille ânesse. De grands yeux ronds et jaunes semblables à deux astres lunaires illuminaient la tête noire et velue de la brave bête. C'est pourquoi on l'avait nommée Lune.

     

    Lune s'arrêta brusquement.

     

    — Qu'est-ce qui t'arrive, ma belle ? Nous y sommes presque, s'exclama Ridha en la tirant par la bride.

     

    Mais l’ânesse ne bougea pas d'un pouce. Ridha tenta de la faire avancer, sans plus de succès. Il vit alors qu'une vieille valise en piteux état se trouvait en travers du chemin. « Quelqu'un a dû s'en débarrasser ; elle est si vieille et abimée », se dit Ridha tout en la poussant du pied. À tout hasard, il scruta l'horizon à la recherche de son propriétaire. Mais il ne vit personne. Autour de lui, seules s'étendaient des plaines nues sous l'ardeur du soleil.

     

    — À qui peut bien appartenir cette valise ? dit-il tout haut.

     

    Seul le vent jouant dans ses cheveux lui répondit.

     

    — Voyons… Qu'y a-t-il là-dedans ? murmura-t-il en ouvrant la valise.

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    Il y découvrit trois objets : une longue écharpe rouge, une paire de lunettes et un rameau d’olivier tout desséché.

     

    — Eh bien… pas grand-chose, dit le garçon. Il prit l'écharpe entre ses mains. Une écharpe de femme.

     

    L’ânesse s'approcha de la valise, l'examina, puis s'ébroua avant de goûter une petite feuille d'olivier.

     

    — Mmm ! Quel délice, s'exclama-t-elle.

     

    Abasourdi, Ridha leva les yeux. Qui venait de parler ?

     

    — Que t'arrive-t-il donc ? demanda Lune.

     

    — Tu ne peux pas parler, tu es une ânesse ! hoqueta Ridha.

     

    — C'est ce que tu crois ? rétorqua Lune indignée, martelant le sol à coups de sabots. Eh bien, tu as tort. Je parle aussi bien que toi.

     

    De surprise, Ridha fit un pas en arrière, trébuchant contre la valise. Il tomba sur le sol, écrasant le rameau d'olivier desséché. Il ramassa les lunettes et se releva, enroulant l'écharpe rouge autour de son cou. Et soudain, il s'envola comme un ballon.

     

    — Oh! s'écria-t-il. Que m'arrive-t-il ?

     

    — L'écharpe ! Ôte l'écharpe, lui cria Lune.

     

    Ridha suivit son conseil et atterrit aussitôt.

     

    — C’est une valise magique. Le contenu est ensorcelé. Tu vois, quand je mets l'écharpe, je vole ; et toi, tu as goûté une feuille d'olivier et tu parles, tu comprends les humains.

     

    — Je les comprends depuis longtemps, affirma Lune en fermant un œil, tandis que l'autre, bien ouvert, restait fixé sur Ridha. Et je peux lire tes pensées. Des tas de choses t'effraient.

     

    — Par exemple ?

     

    — Eh bien, tu es de petite taille. Tu as peur de ne pas grandir davantage. Tu voudrais fabriquer de belles valises, mais tu as peur que l'on se moque de toi. Tu n'en as parlé à personne. Tu voudrais voyager aussi, et tu es même prêt à te cacher dans une malle pour faire le tour du monde. Mais tu ne veux pas quitter ta vieille grand-mère aveugle.

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    Ridha était stupéfait. Lune disait la vérité. Sa petite taille lui faisait honte, et il rêvait d'être fabriquant de valises. Il voulait aussi voyager mais n’en avait jamais parlé à personne. Surtout pas à sa grand-mère. Il craignait de l'inquiéter. Les parents de Ridha étaient morts, et sa grand-mère n'avait que lui au monde, mis à part Lune.

     

    — C'est humain de rêver, commenta tristement Ridha.

     

    — Tu crois peut-être que les ânes ne rêvent pas, hein ? remarqua Lune, d'un ton narquois.

     

    — De quoi donc pourraient-ils rêver ? D’une carotte bien sucrée ? D'olives savoureuses ? Tu as toujours faim, toi. Tu serais prête à manger n’importe quoi, pourvu que tu aies la panse pleine… Ou peut-être rêves-tu d'être un grand cheval, toi qui es si petite ?

     

    — Tu as raison sur un point : je suis gourmande, répliqua Lune fièrement. Mais je n'ai pas envie d'être un cheval ; je voudrais voler comme un oiseau dans le ciel. Voilà pourquoi je me nomme « Lune ». Donne-moi cette écharpe, je vais la mettre et m'envoler vers la lune.

     

    — Avec plaisir. Envole-toi. Tu seras la première ânesse volante.

     

    Ridha s'apprêtait à enrouler l'écharpe autour du cou de Lune lorsque deux chameliers s'approchèrent. Ils étaient richement vêtus et coiffés de turbans.

     

    — Hé, mon garçon, fit l'un d'entre eux en agitant la main.

     

    Ridha eut un pressentiment : ces hommes étaient dangereux.

     

    — Vite, fuyons ! lança-t-il. Et il sauta sur le dos de l'ânesse.

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    Lune se mit à galoper sur le sable chaud du désert.

     

    — Mais où allons-nous ? Que se passe-t-il ? s'enquit l'ânesse.

     

    Ridha tourna la tête. Les deux hommes les avaient pris en chasse. Ils les rattraperaient bientôt. Le garçon enroula l'écharpe rouge autour de son cou et du cou de Lune, et ils s'envolèrent au-dessus du désert.

     

    — Victoire ! cria Ridha.

     

    — Aha, fit Lune à son tour. Je vole ! Quel bonheur ! Je vole ! Quel dommage qu'aucun de mes congénères ne me voie.

     

    — Mais les chameaux te voient, eux. Regarde ! répondit Ridha.

     

    En dessous d'eux, des chamelles et leurs petits levaient des yeux ébahis. Quant à leurs poursuivants, ils semblaient avoir disparu.

     

    — Comme ils sont petits ! s'étonna Lune.

     

    — Nous volons très haut dans le ciel. Regarde le soleil, il est éblouissant ! Ridha mit les lunettes qu'il tenait à la main. Oh! C'est magnifique ! Les lunettes aussi sont magiques. Je vois un trésor, des vases remplis d'or et de pierres précieuses dans une ville ancienne.

     

    — Vois-tu aussi à manger dans cette ville ? demanda Lune.

     

    — Non, pauvre affamée. Rien à manger, juste un trésor et des hommes, dit Ridha.

     

    — Donne-moi ces lunettes. Je veux les voir, moi aussi.

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    Le garçon ôta les lunettes et la vision magique disparut. Il les plaça sur les yeux de Lune.

     

    — De l'eau ! Que d'eau ! s'exclama Lune. Un fleuve.

     

    L'ânesse, apparemment ravie, fit une pirouette dans les airs, manquant de désarçonner Ridha.

     

    — De l'eau ? fit celui-ci surpris. Il n'avait pas vu de fleuve, mais une ville regorgeant de trésors.

     

    — Regarde par toi-même, dit Lune.

     

    Et en effet ; lorsque Ridha remit les lunettes, il vit un grand fleuve souterrain se dérouler sous le sable du désert, tel un serpent gigantesque.

     

    — Toute cette eau ! Comme elle serait utile pour notre village, s'émerveilla Ridha.

     

    — J'ai soif, dit Lune en secouant la tête.

     

    — Eh bien, tu attendras, remarqua Ridha. C'est un fleuve souterrain ; il est trop loin sous le sable.

     

    — J'ai soif, s'obstina Lune, têtue comme une mule.

     

    — Tu devras patienter. Rentrons à la maison.

     

    Soudain le ciel s'assombrit. Une tempête de sable se leva, emportant les deux amis comme des fétus de paille. Le sable tourbillonnait tout autour d'eux, les aveuglant.

     

    — Ahhh ! lança Lune, effrayée. Elle battit l'air de ses jambes, tournoyant dans un trou d'air. Je veux descendre !

     

    Sa tête tournait et sa bouche était pleine de sable qu'elle s'efforçait de recracher.

     

    La tempête s'apaisa aussi vite qu'elle avait commencé. Le garçon et l'ânesse tombèrent en piqué et furent engloutis par les sables du désert. Ridha ouvrit les yeux. Près d'eux s'entassaient d'anciennes jarres d'argile, des tableaux et des tapis précieux, ainsi que de la riche vaisselle.

     

    — J'ai soif, fit encore Lune d'un air plaintif. Elle avança vers une grande jarre emplie d'eau.

     

    Ridha s'en approcha également et vit que s'y reflétait le visage d'une vieille femme, une écharpe rouge enroulée autour du cou. Elle s'éclaircit la gorge.

     

    — Qui es-tu? Quel est ton nom ? demanda Ridha.

     

    — On me nomme Sahara.

     

    — Comme le désert ?

     

    — Pas du tout. C'est le désert qui s'appelle comme moi. Je suis la Maîtresse des Sables. Je te connais. Ton nom est Ridha. C'est alors que la vieille aperçut les objets que Ridha avait trouvés dans la valise. Son expression changea. Comment as-tu osé prendre mes affaires ?

     

    — Je les ai trouvées au bord de la route… commença Ridha.

     

    Mais la vieille lui coupa la parole.

     

    — Tu les as trouvées ? Et où est ma valise ?

     

    — Elle est restée là-bas. Deux chameliers me suivaient…

     

    — Des chameliers ? Des sorciers noirs, tu veux dire ! Ils ont dérobé ma valise où se trouvaient les objets magiques. Ils convoitaient le rameau d'olivier. J'ai déclenché une tempête de sable pour les arrêter. Mais ma valise s'est égarée dans la tempête. Et tu l'as trouvée…

     

    Ridha tremblait, sa bouche était sèche. Il craignait d'avouer à Sahara qu'il avait écrasé un rameau d'olivier en tombant.

     

    — Qu'as-tu donc ? reprit Sahara d'un ton sévère.

     

    — Pourquoi ces sorciers t'ont-ils volé un rameau d'olivier ?

     

    — Oh, ces horribles sorciers ! Ils ont découvert un parchemin contenant des formules magiques. Ils veulent lever une armée d'entre les morts. Une armée dévastatrice. Et ils ont besoin d'un rameau d'olivier pour prononcer le sortilège. Ils pourraient aussi faire de moi leur esclave. Tu dois retrouver la valise et le rameau d'olivier. Et le parchemin avec les formules.

     

    — Mais… murmura Ridha effrayé, j'ai écrasé la branche et elle s'est émiettée. Elle était sèche. Et je n'ai pas trouvé de parchemin…

     

    Sahara ne prêta pas la moindre attention à ses paroles.

     

    — Si tu accomplis cette tâche, je te récompenserai. Sinon, je te punirai : tu seras condamné à me servir éternellement dans la ville des morts. Tu ne reverras plus jamais ta grand-mère. Je te donne trois jours. Va ! Lune restera auprès de moi. Ne parle à personne de notre rencontre ou je te transforme en sable.

     

    La vieille femme disparut. Ridha donna de l'eau à Lune, puis but à son tour. Lorsqu'il leva les yeux, il vit que l'ânesse s'était endormie. Il était las, lui aussi. Il se jeta à terre et s'endormit sur-le-champ.

     

    * * *

     

    Ridha s'éveilla au milieu du désert. Où était-il ? Des vagues et des vagues de sable blanc s'étalaient à l'infini. Le soleil déclinait ; la nuit était proche. La peur le rongeait : il était seul désormais, sans eau, sans provisions. Qu'allait-il faire ?

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    Soudain, il aperçut un oiseau. Quel réconfort de ne plus être seul ! L'oiseau voltigeait autour de lui, et Ridha comprit qu'il cherchait à lui montrer le chemin. Il le suivit en courant. La course dans le sable était épuisante, mais il devait se hâter, car la nuit serait bientôt là.

     

    Il croisa un énorme serpent qui se tordait de douleur. Ridha s'approcha de lui et demanda :

     

    — Qu'as-tu donc ?

     

    — Une épine me fait souffrir.

     

    — Une épine ? Montre-la moi. Je ferai de mon mieux pour t'aider.

     

    Le serpent ouvrit grand sa gueule.

     

    — Je l'ai avalée. Est-ce que tu peux l'enlever ?

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    « C'est un piège. Il veut me dévorer », pensa d'abord Ridha. Et à vrai dire, sa gueule était si grande qu'il aurait pu sans le moindre doute engloutir Ridha, un âne et un chameau à la fois. Malgré tout, le garçon décida d'aider le serpent.

     

    — D'accord, dit-il. Et il se glissa dans sa gueule et le long de son ventre.

     

    Il faisait sombre à l'intérieur de la bête. Ridha avançait petit à petit, et se piqua soudain lui-même sur l'épine. Malgré la vive douleur, il parvint à l'arracher et à soulager le serpent. Celui-ci recracha le garçon sur le sable.

     

    — Merci Ridha ! Tu es un bon et brave garçon. Tu m’as sauvé malgré ta peur. Tu mérites une récompense.

     

    Une larme coula de ses yeux, Ridha tendit la main et la larme du serpent y roula comme une perle.

     

    — Si jamais tu es dans le besoin, jette ce présent dans l’eau et j'accourrai à ton aide. Mais surtout, n'oublie pas, tu dois le jeter dans l’eau.

     

    Cela étant dit, le serpent s'éloigna en rampant dans le sable du désert.

     

    Le soleil disparut derrière l'horizon. La nuit et la fraîcheur s'installèrent. Les étoiles s'allumèrent dans le ciel. Ridha contempla la perle rare au creux de sa paume. Elle brillait dans l'obscurité, éclairant tout autour de lui. Il vit alors la silhouette de deux chameaux et des deux sorciers noirs. Tous semblaient dormir. La valise magique était attachée au bât d'une des bêtes. Ridha s'approcha sans bruit, tentant de saisir la valise. Hélas, l'un des sorciers le captura. Le garçon tenta de résister, mais en vain.

     

    — Je te tiens ! Dis-moi ton secret ; comment fais-tu pour voler dans le ciel ? Allez, dis-le moi !

     

    Le garçon garda le silence.

     

    — Tu es muet ? se fâcha le sorcier. Te rends-tu compte que je peux te tuer ?

     

    Ridha était pétrifié par la peur, mais restait silencieux. S'il échouait, la colère de Sahara serait terrible.

     

    L'autre sorcier s'était levé lui aussi.

     

    — Laisse-le réfléchir jusqu'à l'aube. Il parlera, crois-moi. Attachons-le.

     

    Ils le ligotèrent, l'abandonnant près d'un chameau, puis retournèrent se coucher. Ils ronflèrent bientôt de concert. Alors, le garçon ouvrit sa main et regarda sa perle. Elle illuminait tout alentour, et aussi l'oiseau noir qui lui avait montré la route. Un oiseau tout petit, avec deux cercles jaunes autour des yeux, deux cercles qui rappelaient deux pleines lunes.

     

    Cet oiseau ne lui était pas inconnu.

     

    — Lune, chuchota Ridha.

     

    — Enfin, tu m'as reconnu, dit l'oiseau en battant des ailes. Je n'y croyais plus.

     

    — Que t'est-il arrivé ?

     

    — Tu sais combien j'aime bavarder. Cela m'a perdue. La vieille en a eu assez de m'entendre et m'a ordonné de me taire. Mais je n'ai pu garder le silence très longtemps. Elle m'a transformée en oiseau. Après tout, j'en rêvais depuis toujours. Maintenant je vole. Elle m'a avertie que je ne pourrais parler que si tu me reconnaissais. Tu es un sage, Ridha, et si valeureux. Je suis fière de toi.

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    — Et je suis si content de te revoir, Lune. Mais nous devons partir d'ici.

     

    — Tu as raison. Attends…

     

    Lune défit les liens de Ridha. En quelques instants, il était libre. Il scella silencieusement un chameau, puis tirant l'autre par sa longe, il s'éloigna dans le désert. Lune s'était installée sur la selle avec lui.

     

    — Es-tu contente d'être un oiseau ? lui demanda Ridha alors qu'ils étaient déjà loin.

     

    — Ma foi, oui. Je suis une ânesse originale, non ? Je parle comme les humains, je vole comme les oiseaux et je voyage à dos de chameau. Je suis certainement la seule en mon genre !

     

    Ridha rit. L'aube pointait déjà. Le garçon arrêta les chameaux qui se jetèrent à terre, se recroquevillant comme des lits pliants. Qu'ils étaient drôles !

     

    Ridha détacha la valise et l'ouvrit. Il y trouva les petits morceaux desséchés et écrasés du rameau d'olivier. Il les ramassa soigneusement et les glissa dans sa poche. Quant au parchemin, il eut beau chercher, il ne le trouva pas.

     

    — Les sorciers l'ont gardé, maugréa-t-il. Nous devons retourner le chercher.

     

    — Non, c'est trop dangereux. Reste ici. J'y vole, proposa Lune.

     

    Ridha n'eut pas le temps de répondre. Lune avait déjà pris son vol et s'était éloignée. Le garçon trouva un sac sur le dos du chameau ; il contenait une gourde d'eau et des galettes. Il but et mangea en attendant le retour de Lune. Le soleil se coucha à nouveau, mais l'oiseau ne revint pas.

     

    — Cette ânesse m'en fera voir de toutes les couleurs, marmonna Ridha. Que lui est-il donc arrivé ?

     

    Ridha rattacha la valise sur le dos du chameau et se prépara à partir. Et soudain, son amie revint.

     

    — Enfin, te voilà ! J'étais inquiet.

     

    — Je n'ai pas trouvé le parchemin. Cache-toi vite, les sorciers arrivent.

     

    La nuit était tombée. Où pouvait-il aller ? Il risquait de s'égarer dans les ténèbres. Il décida de se cacher dans la valise.

     

    Et les sorciers s'approchèrent du camp.

     

    — Où est passé ce maudit garçon ? fit l'un d'entre eux.

     

    — Peut-être s'est-il enfui dans le désert, fit l'autre.

     

    — De toute façon, il ne peut pas aller loin. Et puis, n'oublie pas, tout doit s'accomplir demain.

     

    Ridha, couché en chien de fusil à l'intérieur de la valise, entendait tout. Il ne pouvait rien faire et s'endormit bientôt.

     

    Il fut éveillé à l'aube par les mouvements de la valise. Les sorciers s'étaient mis en route. Ridha était tout engourdi, mais ne pouvait pas bouger sous peine de se trahir. Les chameaux marchèrent longtemps. Le garçon étouffait dans la valise, et il mourait de soif. La perle lui brûlait la paume.

     

    Les sorciers restèrent longtemps silencieux, puis l'un d'eux s'exclama :

     

    — Regarde, la pleine lune !

     

    — Il est temps, répondit l'autre.

     

    Ils s'arrêtèrent et les chameaux s'allongèrent aussitôt.

     

    — Prends le parchemin et lis, fit une voix.

     

    Et Ridha entendit :

     

    — Le sortilège doit être prononcé à la lueur de la pleine lune. Un captif sera jeté aux pieds de l'armée et des cendres d'olivier répandues dans le sable. Les forces du désert et la reine Sahara se mettront au service de ceux qui ont prononcé la formule.

     

    — Nous n'avons pas de captif.

     

    — Humm. Prenons d'abord le rameau d'olivier, fit l'autre. Et il s'approcha de la valise.

     

    Ridha osait à peine respirer. Le couvercle s'ouvrit.

     

    — Nous avons un hôte, s'exclama le sorcier qui l'avait découvert. Quelle chance ! Juste ce qu'il nous fallait. Les forces noires sont avec nous. Il se saisit fermement de Ridha. Regarde, dit-il à son comparse, que tient-il dans sa main ?

     

    Il desserra les doigts crispés du garçon et prit la perle.

     

    — Rendez-la moi, fulmina Ridha.

     

    Mais les deux sorciers se contentèrent de lui lier les mains.

     

    — Lisons la formule, vite, tant que la lune brille.

     

    Ridha entendit les paroles terribles, psalmodiées par les sorciers. Puis des centaines de pas résonnèrent dans le désert : les âmes des soldats revenaient d'entre les morts, leurs visages terrifiants se dressant devant lui. L'un des sorciers jeta Ridha à leurs pieds.

     

    — Brûlons le rameau d'olivier maintenant, cria le plus âgé.

     

    — Je ne le trouve pas, fit l'autre en fouillant frénétiquement la valise.

     

    — Où est-il ? hurla le premier à l'adresse de Ridha, son visage déformé par la fureur. Donne-le moi et je te rends ta perle.

     

    Il ouvrit la main pour la montrer à Ridha. Et Lune en profita pour plonger et la saisir dans son bec. Mais le sorcier claqua son fouet en direction de l'oiseau. Lune tomba aux pieds de Ridha.

     

    — Lune ! Le garçon s'agenouilla près de son amie. Si seulement on pouvait la mettre dans l'eau, murmura-t-il.

     

    Soudain, une goutte d'eau s'écrasa sur sa main, puis une autre et encore une autre. En peu de temps, des torrents de pluie se déversaient sur eux. La perle devint un grand fleuve qui serpentait dans le désert. Et le serpent apparut.

     

    — Tu m'as appelé, mon ami ?

     

    — Tuez-le ! ordonna l'un des sorciers aux soldats.

     

    C'est alors que le serpent commença à grandir. Il devint gigantesque, si grand qu'il aurait pu avaler une armée entière et les sorciers aussi.

     

    — Libérez le garçon, siffla le serpent.

     

    Épouvantés, les mains tremblantes, les sorciers détachèrent le garçon.

     

    Puis le serpent ordonna à Ridha de s'éloigner.

     

    — Tu n'as plus rien à craindre, lui dit-il.

     

    Le garçon prit Lune inanimée dans ses mains et monta sur une dune. Le serpent dansait et tournoyait autour des sorciers pétrifiés par la peur. Sa peau tomba. Le serpent s'enroula autour des sorciers et les précipita dans le fleuve, entraînant l'armée des morts à leur suite. Puis, en un clin d'œil, le fleuve disparut.

     

    — Bien fait, remarqua Lune.

     

    — Lune ! Ça va mieux ? s'exclama Ridha l'air ravi.

     

    Les ombres de la nuit s'estompaient à nouveau, faisant place au petit matin. La peau de serpent gisait sur le sable, resplendissant comme des milliers de perles. Le vent se leva, l'emportant sur la valise. Et miracle ! La vieille valise devint neuve. Ridha plongea la main dans sa poche et en retira le rameau d'olivier. La branche morte était redevenue verte et embaumait la sève. Lune se posa sur la branche pour y goûter.

     

    — Nous avons une valise neuve, une branche verte et un parchemin. Il ne nous reste plus qu'à les restituer à Sahara.

     

    Ridha plaça le rameau d'olivier et le parchemin dans la valise. Puis il leva les yeux pour appeler les chameaux, mais ils avaient disparu. Et tout près de lui se trouvait Lune, redevenue ânesse.

     

    — Où sont-ils passé ? demanda Ridha.

     

    — Nous n'avons plus besoin d'eux. Ils sont retournés auprès de Sahara.

     

    — Et toi, tu n'es plus un oiseau !

     

    — Hi han, fit Lune en s'ébrouant.

     

    — Eh… tu ne parles plus !

     

    — Hi han !

     

    — Plus de miracles, alors ! Mais comment vais-je pouvoir rendre tout ceci à Sahara ?

     

    À ces mots, la dune ondula, et un puits s'y creusa, aspirant la valise et son contenu. En un rien de temps, la valise magique avait disparu, engloutie par les sables.

     

    — J'ai accompli ma tâche et tout ce que m'avait demandé Sahara. Je peux rentrer chez moi.

     

    Au moment où la valise disparaissait dans les sables, Ridha réalisa qu'il avait oublié d'y remettre les lunettes. Il enfourcha l'ânesse et ils rentrèrent chez eux. Sa vieille grand-mère aveugle l'accueillit avec joie.

     

    * * *

     

    Lorsqu'il devint adulte, Ridha ouvrit un atelier. Il devint fabriquant de valises. Ses valises étaient faites du cuir le plus souple et le plus beau qui fût. D'où venait ce cuir ? Nul ne le sut jamais, mais les valises se vendirent fort bien. Ridha fit fortune grâce à elles et put réaliser son rêve : il voyagea dans le monde entier. Il emmena sa grand-mère qui retrouva la vue grâce aux lunettes magiques de Sahara.

     

    Conte:  Ridha, Lune et Sahara

     

    FIN

     

    Natalie Kurtog est née à Perm, en Russie, mais habite à Moscou depuis 1989. Enfant, déjà, elle rêvait de devenir écrivain.

     

    Après avoir fait des études de Lettres à l'Université, elle a travaillé quelque temps comme journaliste.

     

    Outre son activité d'écrivain, elle a enseigné le Russe, l'Histoire, écrit des scenarii pour le cinéma.

    Ses contes ont donné lieu à des spectacles qui ouvrent le festival de cinéma de Moscou et les Émirats arabes unis, Sharjah.

     

    Depuis 2005, elle a publié plus de cinquante contes pour les enfants. Elle est même à l'origine d'une nouvelle tendance en Russie, appelée « Contes de l'Oreiller ».

     

    En effet, c'est sur l'oreiller, avant de fermer les yeux, que s'entendent les plus belles histoires. 

     

    Son idée est de promouvoir l'amour de la lecture par le jeu, idée qui fait son chemin non seulement en Russie, mais aussi partout dans le monde.

     

    Ses œuvres ont déjà été traduites en plusieurs langues dont l'anglais, l'ukrainien et le komi (langue finno-ougrienne) de la région de Perm, mais aussi en arabe.

     

    Les livres de Natalie Kurtog sont recommandés en Russie pour les enfants d'âge scolaire.

     

    Elle a été récompensée par plusieurs prix littéraires russes dont le Prix Sholokhov et le Prix Griboyedov.

     

    Ses œuvres comprennent « Le conte d’une vieille souris », « Les contes de la région de Perm », « Contes-cadeaux », et de nombreux autres.

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