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    Le réchauffement climatique fait

    verdir la Terre

     

    Le réchauffement climatique fait fondre les glaciers, affecte la pluviosité et le niveau des mers mais il fait aussi croître la couverture végétale de la Terre où peut se trouver piégé du CO2. Un des puits de carbone de la Planète est donc actuellement plus efficace, comme le confirment les données collectées par les satellites.

     

     
     

    Cette image des Bahamas a été obtenue grâce à l'instrument Modis à bord du satellite Terra permettant d'étudier l'évolution de la couverture végétale de la Terre. © Nasa

    Cette image des Bahamas a été obtenue grâce à l'instrument Modis à bord du satellite Terra permettant d'étudier l'évolution de la couverture végétale de la Terre. © Nasa

     
     

    Le physicien Freeman Dyson caresse l’espoir que les progrès de la génétique au XXIe siècle vont permettre de créer des espèces végétales particulièrement gourmandes en dioxyde de carbone. En gérant intelligemment la couverture végétale de la Terre, ainsi que ces OGM, il pense qu’il est peut-être possible de limiter, voire de résoudre, le réchauffement climatique en créant un important puits de carbone. Il n’est nullement évident qu'une telle opération soit possible et, surtout, qu'elle soit réalisable suffisamment rapidement pour éviter une acidification des océans, difficilement réversible passé un certain point.

     

    Même sans cela, on peut se demander s’il ne va pas se produire une sorte de fertilisation de la Terre avec une augmentation naturelle de la biomasse végétale qui prospérera mieux avec une atmosphère enrichie en CO2. Ce point n’a évidemment pas échappé aux climatosceptiques ou plus exactement à ceux qui pensent qu’il ne faut pas gaspiller de l’argent pour lutter contre le réchauffement climatique, que ce soit avec la séquestration du carbone ou éventuellement la géoingénierie à grande échelle ou plus simplement en développant le solaire et l’éolien. Pour eux, cela aurait au moins le mérite de permettre une production de nourriture plus importante et peut-être même, à la longue, de limiter les effets du réchauffement, qu’il soit d’origine humaine ou non.

     

    Les forêts jouent un grand rôle dans le cycle du carbone. Les processus d'échange de carbone entre l'atmosphère, la végétation et le sol sont la photosynthèse, la respiration autotrophe et la respiration hétérotrophe. La photosynthèse permet à la végétation d'absorber le CO2 de l'atmosphère.
    Les forêts jouent un grand rôle dans le cycle du carbone. Les processus d'échange de carbone entre l'atmosphère, la végétation et le sol sont la photosynthèse, la respiration autotrophe et la respiration hétérotrophe. La photosynthèse permet à la végétation d'absorber le CO2 de l'atmosphère. © douaireg, Flickr, by sa 2.0

     

    Les effets secondaires d'un changement du climat

     

    L’argumentation semble ne pas tenir car certains pays sont et seront frappés par la montée des eaux, la diminution de la pluviosité et l’augmentation des températures, de sorte qu'il paraît probable qu'apparaîtront des centaines de millions de réfugiés climatiques manquant d’eau et de nourriture si les objectifs de la COP21 ne sont pas atteints.

     

    Clairement, les effets négatifs du réchauffement ne seront pas compensés par une plus grande quantité de végétation et, comme l’explique Jean-Marc Jancovici, dans une de ses conférences, ces effets comprennent des guerres qui deviendront de plus en plus difficilement évitables dans certaines régions du Globe si l’on ne fait rien.

     

    Mais il reste néanmoins tout à fait exact que la couverture végétale globale de la Terre est en train d’augmenter, comme le prouve un article paru dans Nature Climate Change et provenant d’une équipe internationale de 32 chercheurs.

     

    L'augmentation de la couverture végétale pour une surface donnée est montrée sur ce schéma. On voit qu'elle croit presque partout depuis une trentaine d'années.
    L'augmentation de la couverture végétale pour une surface donnée est montrée sur ce schéma. On voit qu'elle croit presque partout depuis une trentaine d'années. © Boston University

     

    La surface végétale aurait augmenté de 25 à 50 %

     

    La surveillance de cette couverture est possible grâce à des instruments comme les spectromètres Modis (Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer) équipant les satellites Aqua et Terra de laNasa. Ils font partie du programme international EOS (Earth Observing System, système d’observation de la Terre). Avec eux et d’autres engins sont surveillés les paramètres clés du climat, mais aussi l’océan et les activités humaines. Une visite sur le site de l’EOS vaut le détour, même pour les non-anglophones.

     

    Les chercheurs ont ainsi découvert en utilisant les données satellitaires collectées depuis 33 ans que le gaz carbonique injecté par l’humanité dans l’atmosphère avait étendu la végétation sur l’équivalent du double de la surface des États-Unis. Au total, l'indice de surface foliaire (LAI, Leaf Area Index) aurait augmenté de 25 à 50 % à l'échelle de la Terre. Cet indice donne la surface totale des feuilles rapportée à la surface au sol. La capacité d'absorption du dioxyde de carbone et d'émission d'oxygène a donc augmenté. Une belle illustration (mieux compréhensible, encore une fois, par les anglophones) est visible sur cette vidéo du centre Goddard, de la Nasa. Toutefois, toujours selon les chercheurs, les plantes s’adaptent à l’augmentation du gaz carbonique et son effet fertilisant devrait diminuer à l’avenir.

     

    Le phénomène a bien été pris en compte de longue date dans les modélisations du Giec mais il reste certaines incertitudes à son sujet.

     

    À découvrir en vidéo autour de ce sujet :


    La limite des 2 °C a été fixée en 2009 lors du sommet de Copenhague, entre les états participants et la communauté scientifique. L’idée étant de limiter les dégâts du réchauffement climatique au maximum. Dunod a interviewé Jean Jouzel, vice-président du groupe scientifique du Giec, et Olivier Nouaillas, journaliste à l'hebdomadaire La Vie, à propos de leur livre traitant du sujet : Quel climat pour demain ?

     

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    Le blanchissement des coraux se poursuit en Nouvelle-Calédonie

     

    Des blanchissements massifs de coraux ont été observés... (PHOTO ARCHIVES AFP)

     

    Des blanchissements massifs de coraux ont été observés dans de nombreux autres endroits du globe, comme en Australie où les scientifiques ont récemment estimé que 93 % de la Grande barrière (ci-dessus) était affectée.

     
    Agence France-Presse
    NOUMÉA, Nouvelle-Calédonie
     
     

    L'épisode massif de blanchissement qui frappe depuis février les coraux de l'archipel français de Nouvelle-Calédonie, dans l'océan Pacifique, se poursuit, mais devrait progressivement s'estomper avec la baisse des températures, espèrent les scientifiques.

     

    «Il fait encore très chaud, mais on peut penser que le phénomène va ralentir avec l'arrivée de la saison fraiche», a déclaré mardi à l'AFP Claude Payri, directrice de recherche à l'IRD (Institut de recherche pour le développement).

     

    Les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie, dont plusieurs sites sont inscrits au patrimoine mondial de l'humanité, sont touchés par un épisode de blanchissement d'une ampleur sans précédent.

     

    Les scientifiques l'imputent à «une anomalie météorologique», qui s'est traduite pendant plusieurs semaines consécutives par une absence de vent, des températures très élevées et un fort rayonnement des UV, faute de nuages.

     

    «En février, on a noté une hausse des températures de plus de 2 degrés (Celsius, NDLR) au-dessus de la moyenne des mois les plus chauds, ce qui constitue un record sur les 30 dernières années», a déclaré Mme Payri, qui a fait lundi une conférence sur ce thème au Congrès de l'archipel.

     

    Pour mieux comprendre ce blanchissement observé un peu partout sur le vaste récif calédonien - 23 000 km2 en tout -, l'IRD a mis en place un suivi régulier de sept espèces majeures de corail sur 4 sites, équipés d'enregistreurs de températures et de salinité.

     

    Les scientifiques ont observé trois scénarios différents: une récupération du corail depuis février, sa mortalité et une poursuite du phénomène de blanchissement. «On est en train d'étudier les données et il n'est pas possible de dire à l'heure actuelle lequel de ces scénarios est le plus fréquent. Les observations vont durer au moins 18 mois», a expliqué Claude Payri.

     

    Des blanchissements massifs de coraux ont été observés dans de nombreux autres endroits du globe, comme en Australie où les scientifiques ont récemment estimé que 93 % de la Grande barrière était affectée.

     

    Le blanchissement est un phénomène de dépérissement qui se traduit par une décoloration des coraux. Il est provoqué par la hausse de la température de l'eau, qui entraîne l'expulsion des algues symbiotiques, à la base de la couleur et des nutriments de ces animaux marins.

     

    Environnement: Le blanchissement des coraux se poursuit en Nouvelle-Calédonie

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    Des nanorobots au graphène pourraient

    dépolluer l'eau

     

    Guidés par un champ magnétique, de minuscules tubes de graphène pourraient piéger des métaux lourds en solution dans une eau polluée. Rapatriés de la même manière, ils permettraient de les extraire. Une équipe vient d'en faire la démonstration

     
     

    Modélisation numérique d'un feuillet de graphène d’une seule épaisseur d’atomes de carbone organisés en nid d’abeilles. © Pasieka, SPL/Cosmos-Cnrs

    Modélisation numérique d'un feuillet de graphène d’une seule épaisseur d’atomes de carbone organisés en nid d’abeilles. © Pasieka, SPL/Cosmos-Cnrs

     
     

    Parmi les chantres de la nanotechnologie, certains nous promettent des miracles dans quelques décennies. Des essaims de nanorobots maîtriseraient la matière atome par atome et renforceraient notre corps, au point que des transhumains auront un jour les capacités imaginées dans le court-métrage de l’Esa réalisé à l’occasion de la mission Rosetta.

     

    Il est malheureusement difficile d’y voir autre chose que des espoirs condamnés à rester de la science-fiction. Toutefois, des microrobots sont sans doute en train de voir le jour et l’impact des nanosciences est bien réel. On peut s’en convaincre avec les travaux menés par une équipe internationale de chercheurs, et publiés dans un article de Nano letters. Ils affirment que des microrobots recouverts de graphène pourraient dépolluer efficacement des eaux contenant des métaux lourds. En l’occurrence, leurs travaux montrent qu’il est possible de retirer 95 % du plombcontenu dans l’eau en une heure.

     

    La performance est intéressante car il faut se rappeler que la pollution par des métaux comme le mercure, le cadmium et le chrome, donc pas seulement le plomb, est un vrai problème avec des enjeux environnementaux importants. Elle peut provenir d'activités industrielles aussi importantes que l’exploitation minière, la fabrication de batteries ou l’électronique.

     

    Une représentation d'artiste des microrobots propulsés par des bulles d'oxygène. Leur revêtement en oxyde de graphène capture efficacement le plomb dans l'eau.
    Une représentation d'artiste des microrobots propulsés par des bulles d'oxygène. Leur revêtement en oxyde de graphène capture efficacement le plomb dans l'eau. © American Chemical Society

     

    Des tubes magnétiques recouverts de graphène et propulsés par l'oxygène

     

    Pour répondre à ce défi, les chercheurs ont conçu et fabriqué des micro-objets cylindriques composés de trous couches. La plus interne constitue un tube creux en platine qui réagit avec de l’eau contenant du peroxyde d’hydrogène (l'eau oxygénée, H2O2). Des microbulles d’oxygène se forment alors dans le tube, dont elles sortent par une ouverture : voilà une propulsion par réaction. Le tube de platine est enrobé dans une couche de nickel ferromagnétique, de sorte que les tubes se comportent aussi comme des microaimants en mouvement. Il devient ainsi possible d'en diriger les trajectoires à l’aide de champs magnétiques variables. La couche externe entourant le nickel est faite d’oxyde de graphène et c’est elle qui capture efficacement les atomes de plomb.

     

    L’utilisation des champs magnétiques permet aussi bien de déplacer ces micro-objets dans l’eau polluée que de les extraire une fois terminée la collecte des métaux. Traités avec une solution acide, ils relâchent les polluants et sont à nouveau prêts à l’emploi.

     

    Les résultats obtenus laissent penser que le procédé peut aussi servir à extraire d’autres métaux des eaux polluées et avec un coût plus bas que les autres techniques utilisées jusqu’ici.

     

    À découvrir en vidéo autour de ce sujet :


    Le graphène est un matériau composé d’une seule couche d’atomes de carbone. Il a notamment des propriétés électriques étonnantes. Découvrez en vidéo, grâce à Tout Est Quantique, les secrets du graphène.

     

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    Le réchauffement climatique favorise

    l'expansion de Zika

     

    L'aedes aegypti - le moustique de la fièvre... (PHOTO FELIPE DANA, ARCHIVES AP)

     

    L'aedes aegypti - le moustique de la fièvre jaune - est à ce stade le principal vecteur de Zika.

    PHOTO FELIPE DANA, ARCHIVES AP

     

    MARLOWE HOOD
    Agence France-Presse
    PARIS
     

    Le virus Zika arrivera peut-être dès cet été en Europe et aux États-Unis. Mais pour les scientifiques, une chose est certaine : l'expansion de ce type de virus portés par des moustiques devrait encore s'accélérer avec le réchauffement du climat.

     

    «Le changement climatique a contribué à la propagation des moustiques,» souligne Moritz Kraemer, qui étudie à l'Université d'Oxford la dynamique des maladies infectieuses véhiculées par deux espèces sous les feux de l'actualité.

     

    Dont l'aedes aegypti - le moustique de la fièvre jaune -, à ce stade principal vecteur de Zika. Ce virus, qui avait jusqu'ici peu fait parler de lui, s'est propagé au Brésil, en Colombie et dans les Caraïbes depuis fin 2014, générant des malformations chez les foetus et des troubles neurologiques sévères chez certains adultes.

     

    Une deuxième espèce, l'aedes albopictus (le moustique tigre), venu d'Asie du Sud-Est, a colonisé le sud de l'Europe en 20 ans, amenant dengue et chikungunya, qui peuvent entraîner de la fièvre, des maux de tête, des douleurs, et dans quelques cas, la mort.

     

    Or, des tests en laboratoire ont montré que l'albopictus peut lui aussi porter le Zika. Le virus a d'ailleurs été retrouvé sur cette espèce en Afrique, au Gabon, notamment.

     

    «La menace est de voir le virus Zika en Europe l'été prochain», estime Anna-Bella Failloux, virologue à l'Institut Pasteur.

     

    «Nous avons déjà vu ce scénario se réaliser en 2010 avec la dengue et le chikungunya,» rappelle-t-elle à l'AFP depuis son laboratoire, tandis qu'un assistant pose des souris blanches endormies dans un aquarium rempli de moustiques affamés.

     

    Le virus s'étend à de nouvelles zones quand un moustique est infecté par un humain : par exemple «quelqu'un passe des vacances en Amérique du Sud, est piqué et infecté par Zika,» explique Mme Failloux. S'il rentre en Europe dans la semaine et est de nouveau piqué, cette fois par un albopictus, celui-ci peut se retrouver soudain vecteur.

     

    Reproduction accélérée

     

    Et c'est là que le réchauffement climatique empire la situation, car le moustique devient contagieux plus vite sous l'effet de la chaleur après sa contamination : le virus, d'abord contenu dans son système digestif, remonte dans la salive de l'insecte plus rapidement, venant ainsi infecter l'humain piqué.

     

    «À des températures plus élevées, ce temps est raccourci», accroissant le risque que le moustique transmette la maladie avant de mourir (un moustique vit en moyenne une dizaine de jours, NDLR), explique Lyle Petersen, chercheur au centre national des maladies infectieuses de Fort Collins, au Colorado.

     

    De la même manière, les moustiques se reproduisent en plus grand nombre, car le réchauffement accélère l'incubation des oeufs : si la température de l'air passe de 25 à 28 °C, la durée est ramenée de deux semaines à dix jours.

     

    Et puis le virus lui-même prospère mieux quand il fait chaud.

     

    Pour autant, le dérèglement du climat n'est pas le seul facteur d'essor de ces maladies ni même le principal aujourd'hui, pointent les scientifiques.

     

    «Cela compte, mais les échanges humains et commerciaux - en gros, la mondialisation - comptent encore plus», analyse Hervé Zeller, responsable au Centre européen pour la prévention des maladies.

     

    Alors, en l'absence de vaccin ou de remède, dans l'immédiat, le meilleur moyen de freiner l'expansion de ces maladies est d'éviter de se faire piquer, préconisent les experts, au moyen d'insecticides ou encore de moustiquaires.

     

    Des expériences sont aussi en cours, au Brésil ou encore en Floride, avec des moustiques génétiquement modifiés.

     

    Une stratégie consiste à lâcher des mâles stériles. Une autre est de «favoriser l'immunité des femelles» (les seules à piquer) contre ce virus qu'elles ne pourront donc pas transmettre, explique Mme Failloux.

     

    La chercheuse et ses confrères ont développé en laboratoire une femelle moustique tigre immunisée contre Zika. Mais à ce stade, elle n'est pas encore assez forte pour résister à la vie dans la nature, et finit par y mourir très vite.

     

     

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    Tara : un long voyage pour – enfin –

    comprendre la fragilité du corail

     

    Tara Pacific 2016-2018 : c'est le nom de la plus vaste campagne océanographique dédiée aux coraux de l'océan Pacifique. La goélette Tara partira le samedi 28 mai de Lorient pour une mission de plus de deux ans. Des scientifiques du monde entier se relaieront tous les trois mois pour tenter de comprendre comment les récifs coralliens font face au changement climatique global.

     
     

    Après avoir été rafraîchie, la goélette Tara sera fin prête pour démarrer sa mission dans le Pacifique le mois prochain. On la voit ici à l'île Maurice. © S. Bollet, Tara Expéditions

    Après avoir été rafraîchie, la goélette Tara sera fin prête pour démarrer sa mission dans le Pacifique le mois prochain. On la voit ici à l'île Maurice. © S. Bollet, Tara Expéditions

     
     

    Jamais une telle investigation scientifique sur le corail n'aura été menée dans l'océan Pacifique. L'animal, fixé, est certes facile à étudier mais l'ausculter sur 100.000 km demande d'importants moyens humains, techniques et financiers. Tara Expéditions, qui organise des missions scientifiques à but non lucratif depuis 2003, a trouvé la bonne équation. Entre 2009 et 2012, la goélette Tara avait passé plus de deux ans dans plusieurs océans et les biologistes du bord avait mené une vaste étude du plancton qui avait ramené « des trésors », comme nous l'avait expliqué Christian Sardet, grand spécialiste du domaine. Auparavant, l'expédition Tara Artic avait parcouru l'océan Arctique, où elle est retournée en 2013 (Tara a été imaginée par Jean-Louis Étienne, qui l'avait baptisée Antarctica). En Méditerranée, le navire était parti à la chasse des polluants en matière plastique.

     

    Cette année, l'équipe lance Tara Pacific 2016-2018 depuis les côtes bretonnes. Objectif : étudier de manière originale et approfondie les récifs coralliens et leur évolution face aux variations climatiques et aux pressions anthropiques.

     

    S'ils ne couvrent qu'une infime partie de la superficie des océans (moins de 0,16 %), les récifs coralliens réunissent près de 30 % de la biodiversité marine. « Leur santé est donc cruciale pour la diversité des espèces qu'ils abritent mais aussi pour l'humanité, expliquent les organisateurs.Étudier un tel écosystème à l'échelle de l'océan Pacifique devient une priorité alors qu'une grande partie des récifs coralliens – véritables indicateurs de la santé des océans – tend à disparaître ces dernières années... »

     

    En cause, le réchauffement des températures des eaux de surface qui provoque un stress chez le corail et conduit à son blanchissement. « L’ampleur du phénomène et ses conséquences concrètes sur les récifs de la planète restent encore incertains », rappelle l'équipe. Sont également concernés des facteurs humains comme la pollution, l'acidification des océans, les méthodes de pêchedestructives, les dégradations dues au tourisme de masse, les rejets de sédiments, etc.

     

    La précédente mission de Tara Expéditions visait l’étude du plastique en mer Méditerranée. On voit ici de minuscules fragments parmi du zooplancton. © Christian Sardet, Tara Expéditions
    La précédente mission de Tara Expéditions visait l’étude du plastique en mer Méditerranée. On voit ici de minuscules fragments parmi du zooplancton. © Christian Sardet, Tara Expéditions

     

    La fragilité du corail reste incomprise

     

    Pour Romain Troublé, secrétaire général de Tara Expéditions, cette vaste recherche viendra compléter des travaux bien développés sur des sites spécifiques, comme en Australie. « La première attente est d'ordre fondamental, déclare Serge Planes, spécialiste du corail du Pacifique depuis 25 ans (laboratoire Criobe-CNRS) et directeur scientifique de Tara Pacific. Quelles sont les causes de la fragilité des coraux ? »

     

    Pour tenter de répondre à cette question, trois espèces largement distribuées seront étudiées :Porites lobata, Pocillopora mandrina et Millepora platyphylla. Il a fallu monter des protocoles, choisir une quarantaine de sites corallifères dans différentes zones biogéographiques « sur la base de nos connaissances », indique Serge Planes. Et monter des équipes d'une quinzaine de personnes (scientifiques et marins) remplacées tous les trimestres. « Toutes les compétences nécessaires sont réunies (virologie, bactériologie, systématique, génomique, etc.), du postdoctorant au scientifique senior », ajoute-t-il.

     

    Sur les îles, le revêtement des sols les rendent imperméables, ce qui accentue le lessivage des sédiments. Ils s'accumulent en mer et étouffent les coraux, ici Millepora platyphylla. Revoir les politiques d'aménagement est l'une des pistes pour améliorer la conservation des coraux. © Pannini, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
    Sur les îles, le revêtement des sols les rendent imperméables, ce qui accentue le lessivage des sédiments. Ils s'accumulent en mer et étouffent les coraux, ici Millepora platyphylla. Revoir les politiques d'aménagement est l'une des pistes pour améliorer la conservation des coraux. © Pannini, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

     

    Quel bruit fait le corail ?

     

    Deux transects sont au programme pour passer à la loupe îles, îlots et archipels : l'un d'est en ouest sur 2016-2017 et un second, du sud vers le nord (2017-2018). Ces trajets permettront notamment d'observer les récifs des zones chaudes et à salinité forte et ceux de zones plus froides et moins salées. « Comment évoluent-ils par rapport à leur environnement physico-chimique ?, se demande Romain Troublé. On sait que dans certaines zones, des coraux subissent un irréversible phénomène de blanchissement . D'autres, ailleurs, sont capables de le surmonter. » Les tracés marins croiseront en outre des endroits à forte et faible activité humaine. Il n'est pas impossible que des coraux très isolés en souffrent indirectement, à distance, envisagent les scientifiques.

     

    Quelles sont les causes de leur résilience ou de leur non-résilience ? « Les coraux sont-ils notamment capables d'émettre des composés chimiques leur conférant une résilience à l'échelle du Pacifique ? Il semblerait que Millepora platyphylla, le corail de feu, serait plus résistant, mais cela reste à vérifier », souligne Serge Planes.

     

    En tout, une dizaine de paramètres dont « le bruit que font les coraux » seront relevés. « Nous allons forcément découvrir de nouvelles choses car nous regardons le problème différemment », annonce Romain Troublé.

     

    Après le départ de Lorient, fin mai, la goélette Tara prendra la direction des États-Unis, puis du Panama et visitera l'Asie du Sud-Est (Japon, Taïwan, Chine, Corée du Sud) et le Pacifique Sud (Nouvelle Zélande). « On va essayer d'éviter les typhons », ironise Romain Troublé. Le bateau devrait être aux îles Fidji lors de la Conférence mondiale triennale sur les océans et les mers de 2017 organisée par les Nations Unies. Tous les trois mois, les échantillons seront rapportés à la vingtaine de laboratoires partenaires (Arabie Saoudite, Australie, États-Unis, Europe, Japon, Nouvelle Zélande). Les premiers articles scientifiques devraient sortir courant 2018.

     

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