• Environnement: Tara : un long voyage pour – enfin – comprendre la fragilité du corail

     

    Tara : un long voyage pour – enfin –

    comprendre la fragilité du corail

     

    Tara Pacific 2016-2018 : c'est le nom de la plus vaste campagne océanographique dédiée aux coraux de l'océan Pacifique. La goélette Tara partira le samedi 28 mai de Lorient pour une mission de plus de deux ans. Des scientifiques du monde entier se relaieront tous les trois mois pour tenter de comprendre comment les récifs coralliens font face au changement climatique global.

     
     

    Après avoir été rafraîchie, la goélette Tara sera fin prête pour démarrer sa mission dans le Pacifique le mois prochain. On la voit ici à l'île Maurice. © S. Bollet, Tara Expéditions

    Après avoir été rafraîchie, la goélette Tara sera fin prête pour démarrer sa mission dans le Pacifique le mois prochain. On la voit ici à l'île Maurice. © S. Bollet, Tara Expéditions

     
     

    Jamais une telle investigation scientifique sur le corail n'aura été menée dans l'océan Pacifique. L'animal, fixé, est certes facile à étudier mais l'ausculter sur 100.000 km demande d'importants moyens humains, techniques et financiers. Tara Expéditions, qui organise des missions scientifiques à but non lucratif depuis 2003, a trouvé la bonne équation. Entre 2009 et 2012, la goélette Tara avait passé plus de deux ans dans plusieurs océans et les biologistes du bord avait mené une vaste étude du plancton qui avait ramené « des trésors », comme nous l'avait expliqué Christian Sardet, grand spécialiste du domaine. Auparavant, l'expédition Tara Artic avait parcouru l'océan Arctique, où elle est retournée en 2013 (Tara a été imaginée par Jean-Louis Étienne, qui l'avait baptisée Antarctica). En Méditerranée, le navire était parti à la chasse des polluants en matière plastique.

     

    Cette année, l'équipe lance Tara Pacific 2016-2018 depuis les côtes bretonnes. Objectif : étudier de manière originale et approfondie les récifs coralliens et leur évolution face aux variations climatiques et aux pressions anthropiques.

     

    S'ils ne couvrent qu'une infime partie de la superficie des océans (moins de 0,16 %), les récifs coralliens réunissent près de 30 % de la biodiversité marine. « Leur santé est donc cruciale pour la diversité des espèces qu'ils abritent mais aussi pour l'humanité, expliquent les organisateurs.Étudier un tel écosystème à l'échelle de l'océan Pacifique devient une priorité alors qu'une grande partie des récifs coralliens – véritables indicateurs de la santé des océans – tend à disparaître ces dernières années... »

     

    En cause, le réchauffement des températures des eaux de surface qui provoque un stress chez le corail et conduit à son blanchissement. « L’ampleur du phénomène et ses conséquences concrètes sur les récifs de la planète restent encore incertains », rappelle l'équipe. Sont également concernés des facteurs humains comme la pollution, l'acidification des océans, les méthodes de pêchedestructives, les dégradations dues au tourisme de masse, les rejets de sédiments, etc.

     

    La précédente mission de Tara Expéditions visait l’étude du plastique en mer Méditerranée. On voit ici de minuscules fragments parmi du zooplancton. © Christian Sardet, Tara Expéditions
    La précédente mission de Tara Expéditions visait l’étude du plastique en mer Méditerranée. On voit ici de minuscules fragments parmi du zooplancton. © Christian Sardet, Tara Expéditions

     

    La fragilité du corail reste incomprise

     

    Pour Romain Troublé, secrétaire général de Tara Expéditions, cette vaste recherche viendra compléter des travaux bien développés sur des sites spécifiques, comme en Australie. « La première attente est d'ordre fondamental, déclare Serge Planes, spécialiste du corail du Pacifique depuis 25 ans (laboratoire Criobe-CNRS) et directeur scientifique de Tara Pacific. Quelles sont les causes de la fragilité des coraux ? »

     

    Pour tenter de répondre à cette question, trois espèces largement distribuées seront étudiées :Porites lobata, Pocillopora mandrina et Millepora platyphylla. Il a fallu monter des protocoles, choisir une quarantaine de sites corallifères dans différentes zones biogéographiques « sur la base de nos connaissances », indique Serge Planes. Et monter des équipes d'une quinzaine de personnes (scientifiques et marins) remplacées tous les trimestres. « Toutes les compétences nécessaires sont réunies (virologie, bactériologie, systématique, génomique, etc.), du postdoctorant au scientifique senior », ajoute-t-il.

     

    Sur les îles, le revêtement des sols les rendent imperméables, ce qui accentue le lessivage des sédiments. Ils s'accumulent en mer et étouffent les coraux, ici Millepora platyphylla. Revoir les politiques d'aménagement est l'une des pistes pour améliorer la conservation des coraux. © Pannini, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
    Sur les îles, le revêtement des sols les rendent imperméables, ce qui accentue le lessivage des sédiments. Ils s'accumulent en mer et étouffent les coraux, ici Millepora platyphylla. Revoir les politiques d'aménagement est l'une des pistes pour améliorer la conservation des coraux. © Pannini, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

     

    Quel bruit fait le corail ?

     

    Deux transects sont au programme pour passer à la loupe îles, îlots et archipels : l'un d'est en ouest sur 2016-2017 et un second, du sud vers le nord (2017-2018). Ces trajets permettront notamment d'observer les récifs des zones chaudes et à salinité forte et ceux de zones plus froides et moins salées. « Comment évoluent-ils par rapport à leur environnement physico-chimique ?, se demande Romain Troublé. On sait que dans certaines zones, des coraux subissent un irréversible phénomène de blanchissement . D'autres, ailleurs, sont capables de le surmonter. » Les tracés marins croiseront en outre des endroits à forte et faible activité humaine. Il n'est pas impossible que des coraux très isolés en souffrent indirectement, à distance, envisagent les scientifiques.

     

    Quelles sont les causes de leur résilience ou de leur non-résilience ? « Les coraux sont-ils notamment capables d'émettre des composés chimiques leur conférant une résilience à l'échelle du Pacifique ? Il semblerait que Millepora platyphylla, le corail de feu, serait plus résistant, mais cela reste à vérifier », souligne Serge Planes.

     

    En tout, une dizaine de paramètres dont « le bruit que font les coraux » seront relevés. « Nous allons forcément découvrir de nouvelles choses car nous regardons le problème différemment », annonce Romain Troublé.

     

    Après le départ de Lorient, fin mai, la goélette Tara prendra la direction des États-Unis, puis du Panama et visitera l'Asie du Sud-Est (Japon, Taïwan, Chine, Corée du Sud) et le Pacifique Sud (Nouvelle Zélande). « On va essayer d'éviter les typhons », ironise Romain Troublé. Le bateau devrait être aux îles Fidji lors de la Conférence mondiale triennale sur les océans et les mers de 2017 organisée par les Nations Unies. Tous les trois mois, les échantillons seront rapportés à la vingtaine de laboratoires partenaires (Arabie Saoudite, Australie, États-Unis, Europe, Japon, Nouvelle Zélande). Les premiers articles scientifiques devraient sortir courant 2018.

     

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  • Commentaires

    1
    geoffroy
    Jeudi 14 Avril 2016 à 21:18

    Excellent, comme toujours...yesyes

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