• Finances: La retraite précoce, tout un défi!

     

    La retraite précoce, tout un défi!

     

     

    Par Sophie Stival du magazine Le Bel Âge

     

    Qu’elle soit un choix mûrement réfléchi ou plus inattendu, suite à des soucis de santé par exemple, la retraite anticipée demande la prise en compte de certains enjeux. On en fait le tour à travers le cas-type de Marie.

     

    Finances:  La retraite précoce, tout un défi!

    iStock Photo

     

     

    Marie (prénom fictif) a 58 ans. Elle est l’heureuse propriétaire d’un appartement, qu’elle a fini de payer l’an dernier. Il y a quelques jours, son employeur l’a malheureusement licenciée pour des motifs économiques. Après avoir repris ses esprits et réfléchi à son avenir, cette célibataire réalise qu’elle ne souhaite plus travailler à temps plein. En fait, Marie se sent même prête à se retirer de la vie active si elle en a les moyens. Elle en profiterait pour faire du bénévolat et s’adonner à ses loisirs préférés. Avant toute chose, il lui faut donc examiner sa situation financière en consultant un planificateur financier d’expérience. Daniel Laverdière, directeur principal planification financière et service conseil chez Banque Nationale Gestion privée 1859, analyse son cas.

     

    PORTRAIT FINANCIER DE MARIE

     

    •  Revenu brut annuel jusqu’à aujourd’hui: 45 000 $ (salaire)
    •  REER: 145 000 $
    •  CELI: 25 000 $
    •  Revenu de pension de son employeur: 10 000 $ par année à partir de 65 ans (non indexé)
    •  Régie des rentes du Québec (RRQ): 9 600 $ par année, indexé
    •  Pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV): 6 846 $ par année, indexé 
    •  Elle vit dans son appartement libre d’hypothèque d'une valeur de 225 000 $
    •  Elle pense avoir besoin d’un revenu annuel après impôt d'environ 28 000 $ pour vivre et faire un petit voyage tous les deux ou trois ans.
    •  Elle s’estime en bonne santé, à part un peu d’hypertension.

     

    Une fois toutes ces données entrées dans son ordinateur, Daniel Laverdière y ajoute des hypothèses plausibles. Il suppose, par exemple, un taux d’indexation de 2 % pour sa rente de la RRQ et de la PSV, mais un pouvoir d’achat amoindri à mesure qu’elle vieillira sur la portion de ses revenus provenant de la rente de son employeur. En effet, celle-ci n’étant pas indexée au coût de la vie, 10 000 $ par an lui seront donc versés à 65 ans comme à 85 ans, 20 ans plus tard. Le planificateur présume aussi qu’elle aura un taux de rendement sur ses REER et son CELI de 3,5 % puisqu’elle a un profil de risque prudent. Finalement, il indexe au coût de la vie, soit 2 %, le montant de 28 000 $ que Marie souhaite retirer chaque année.

     

    En priorité, il faut déterminer combien d’actifs Marie possède et sur quels revenus elle peut compter à la retraite. «Notre épargne est le solage de notre maison. On pourra ensuite tenter d’optimiser notre situation financière en favorisant les retraits du REER ou du CELI, mais sans s'attendre à des miracles», met en garde M. Laverdière.

     

    À première vue, Marie comble presque son coût de la vie de 28 000 $ avec ses seuls revenus de pension de son employeur, de la RRQ et de la PSV, qui totalisent aujourd’hui 26 446 $ par an. On est pourtant assez loin du compte: entre 58 et 65 ans, Marie n’aura aucun revenu de pension et de travail, et devra donc piger dans l’épargne de son REER et de son CELI. De même, elle devra payer des impôts sur le revenu dont elle a besoin pour vivre. Il faudra donc indexer le montant net de 28 000 $ chaque année, sous peine de s’appauvrir. À ce rythme, Marie n’aura plus un sou à 63 ans et demi alors qu’elle devra attendre jusqu’à 65 ans avant de recevoir ses revenus de pension. Et même à 65 ans, ses revenus de pension ne suffiront pas à combler son coût de la vie, passé de 28 000 $ en 2016 à plus de 32 000 $ en 2023 (indexation de 2 %). Il lui faudra aussi payer environ 4 000 $ d’impôt

     

    Quel revenu annuel indexé et net d’impôt lui permettrait alors de survivre à son épargne jusqu’à un âge avancé? «Pour obtenir des revenus et dépenses à peu près équilibrés jusqu’à tout près de 90 ans, Marie devra accepter de couper son revenu de 7 000 $ par an, pour arriver à 21 000 $, avance M. Laverdière. Avec un revenu net annuel indexé de 21 000 $, elle commencera à manquer de sous vers 88 ans, puisque le revenu de pension de son employeur n’est pas indexé au coût de la vie. Elle pourrait alors vendre son appartement et aller vivre en résidence avec ce montant.

     

    Un meilleur compromis serait de travailler à temps partiel quelques années, en plus de réduire son train de vie de 28 000 $ à 24 000 $. En travaillant pendant cinq ans à temps partiel au salaire net de 20 000 $ par an, Marie pourra améliorer son sort et hausser son revenu annuel à la retraite de 21 000 $ à 24 000 $.

     

    «En supposant que Marie vive jusqu’à 95 ans, en ayant un emploi de 21 ans à 58 ans, elle aura travaillé durant 37 ans et sera pensionnée un nombre égal d’années. Il n’est pas évident de financer une retraite aussi longue», constate Daniel Laverdière. Beaucoup de travailleurs se retrouvent dans une telle situation à la fin de la cinquantaine. Ils font face à ces choix économiques parfois difficiles de continuer à travailler partiellement ou de diminuer leur train de vie. Quel montant d’épargne-retraite aurait alors dû accumuler Marie à ses 58 ans afin de pouvoir prendre une pleine retraite avec 28 000 $ après impôt indexé? En supposant qu’elle ait maximisé ses CELI à 46 500 $, il lui faudrait avoir amassé environ 450 000 $ dans son REER, ce qui est énorme! Avec ce montant de près de 500 000 $, elle pourrait toutefois vivre jusqu’à 100 ans sans souci financier et rester propriétaire de son appartement.

     

    Quand on fait un plan de retraite, il y a deux points importants à considérer:

     

    - l’incertitude liée aux rendements de nos placements en raison de l’économie et de l’inflation. Ainsi, ceux qui n’ont pas de fonds de pension de leur employeur mais un gros REER ou un fonds de pension à cotisations déterminées sont à la merci des rendements sur leurs placements.

     

    - la longévité. Les revenus garantis à vie ou viagers comme la RRQ ou la PSV sont donc à considérer. Le REER n’entre pas dans cette catégorie puisqu’on peut en vider le contenu rapidement. «Lorsqu’on manque de revenus garantis, on peut utiliser une partie de son épargne pour acheter une rente viagère et compenser, par exemple, l’absence d’un fonds de pension de son employeur», remarque M. Laverdière. Ce type de revenu permet de payer les coûts fixes à la retraite, comme la nourriture et le chauffage. Quand on est trop serré, on coupe alors du côté des coûts variables (restaurants, voyages, etc.).

     

    Le fait de ne plus avoir d’hypothèque est également une très bonne chose: c’est un coût fixe en moins à payer. Mais cela ne rentre pas pour autant dans les prévisions de retraite. «À moins de posséder une maison ou une propriété très dispendieuse qu’on pourrait vendre afin de vivre dans plus petit et moins cher, on ne tient généralement pas compte de cet actif dans les calculs. Par contre, s’il faut aller vivre un jour dans un CHSLD après 80 ans, la vente de cet actif pourrait permettre de s’offrir un centre privé plus luxueux et offrant de meilleurs services», précise Daniel Laverdière.

     

    Étonnamment, il est parfois opportun de retirer d’un coup tout le montant du REER. «Ma mère, à la retraite, sortait 500 $ de ses REER chaque année pour offrir des cadeaux de Noël à la famille. Elle qui avait droit au Supplément de revenu garanti (SRG) perdait 50 cents de SRG par dollar retiré de son REER. Donc, cela lui coûtait 250 $, en plus de payer 30 % d’impôt sur ce retrait. Un impact fiscal total de 80 %!» raconte notre spécialiste. Pour bien des gens qui commencent à toucher le SRG, il vaut parfois mieux vider le REER la même année. On paiera 50 % d’impôt l’année du retrait, mais on s’assure de recevoir le SRG sans être pénalisé les années suivantes.

     

    Parlant de Supplément de revenu garanti (SRG) justement, une personne seule y aurait droit si elle gagne moins de 17 304 $ en 2016. Ce revenu n’inclut pas la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et les premiers 3 500 $ de revenus d’emploi, en cas de travail à temps partiel, par exemple. «Certains retraités sans aucun revenu de pension pourraient donc le recevoir, précise M. Laverdière, le montant maximum mensuel étant de 774 $ par mois.» Au début de la retraite, si on a peu de revenus parce qu’on n‘a pas encore 65 ans, on risque de payer moins d’impôt en décaissant le REER plutôt que le CELI. Il n’y a aucune conséquence fiscale à retirer des sommes de ce dernier, puisqu’il n’y a pas d’impôt à payer sur les montants accumulés.

     

    Il est également possible de repousser ses prestations de la RRQ et de la PSV après 65 ans pour recevoir des montants bonifiés. «Les retarder jusqu’à 70 ans est mathématiquement intéressant et permet de mieux gérer le risque de survie. Cela peut obliger à retirer plus vite des montants des REER, mais ces prestations payables à vie seront aussi plus élevées, un atout non négligeable, note Daniel Laverdière. On se construit ainsi une rente viagère plus importante pour ses vieux jours sans avoir à en acheter une auprès d’un assureur.»

     

    Dans le cas d’un couple aux revenus bien différents, le fractionnement peut être intéressant. Le revenu de pension est fractionnable à partir de 65 ans au provincial (plus tôt au fédéral). Le montant retiré devra toutefois provenir d’un FERR et non du REER. Et avant 71 ans, le REER devra être converti en FERR. «Il faut évaluer au préalable les effets d’une telle décision sur l’impôt à payer et les programmes sociaux», conseille M. Laverdière. Pour réduire l’impôt à payer, on peut aussi fractionner sa rente de la RRQ avec son conjoint, même si l’un des deux n’a jamais cotisé, à condition que les deux aient 60 ans ou plus. Si chacun des conjoints a cotisé, ils doivent tous deux recevoir des rentes pour la diviser. Elle ne sera pas séparée en parts égales, mais en fonction de la période de vie commune. «Pour beaucoup de particuliers, le fractionnement du revenu de pension est plus simple, puisqu’il se fait dans la déclaration de revenus de la personne. Il ne nécessite pas un don d’argent à l’autre comme dans le cas du partage de la RRQ, aux montants versés directement aux conjoints.» Les célibataires comme Marie ne peuvent profiter de ces règles de fractionnement et assument en plus seuls tous les frais fixes de leur vie en appartement. «Mais même si on vit en couple, il faudrait faire sa projection de retraite à titre personnel. Dans le cas contraire, une séparation, par exemple, pourrait compromettre grandement les projections.»

     

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