• 18 avril 1906

    San Francisco en ruines

     
     

     

    Le 18 avril 1906, à 5h15 heure locale, un violent séisme frappe la ville de San Francisco, en Californie.

    Plusieurs secousses de magnitude 8,5 sur l'échelle de Richter soulèvent le sol à plusieurs reprises.

    La fin de la cité de l'or

    Des immeubles s'effondrent. Mais le pire reste à venir.

    La rupture des canalisations de gaz provoque un gigantesque incendie dans le centre. 25.000 immeubles prennent feu.

    Incendies et pillages réduisent en quelques heures à néant le quartier commercial de la prestigieuse cité née de la ruée vers l'or.

    On compte officiellement 452 morts, la réalité étant sans doute plus proche de 700, ainsi que 250.000 sans-abri.

    Le séisme se traduit par un élargissement considérable de la faille de San Andreas, un phénomène géologique qui tend à détacher la Californie du continent américain.

    Aujourd'hui, la Californie, qui s'inscrit en effet dans la «ceinture de feu» du Pacifique, attend avec résignation un nouveau séisme de grande ampleur.

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  • 1er juillet 776 avant JC

    Naissance des Jeux Olympiques

     
     

     

     
    Le 1er juillet de l'an 776 avant JC sont officiellement nés les premiers Jeux Olympiques. Leur nom vient de ce qu'ils avaient lieu à Olympie, un sanctuaire consacré à Zeus, le roi des dieux.

    Des jeux à caractère sacré

    On peut encore voir l'emplacement où se tenaient les compétitions, dans une région de collines verdoyantes et boisées à l'ouest du Péloponnèse. Il était entouré de divers temples dont le plus renommé était évidemment le temple consacré à Zeus, avec une statue monumentale du dieu par le sculpteur Phidias.

    Les jeux qui se déroulaient à Olympie comme dans de nombreux autres sanctuaires, tel celui d'Apollon à Delphes, avaient pour principale vertu de rapprocher les Grecs et de suspendre les guerres entre les cités.

    Dans les sanctuaires mineurs, les vainqueurs étaient récompensés par des cadeaux de grande valeur. Aussi ces jeux attiraient-ils de véritables professionnels, analogues à nos sportifs de haut niveau qui n'ont souvent d'«amateurs»que le nom.

    Quatre sanctuaires se distinguaient en ne distribuant que des récompenses symboliques. Parmi eux Olympie, où les vainqueurs recevaient une couronne en rameau d'olivier tressé, Delphes avec une couronne de laurier, Némée avec une couronne de... céleri et Corinthe avec une couronne de pin. Mais ces sanctuaires étaient si réputés que les sportifs avaient à coeur de s'y montrer pour soigner leur réputation.

    Les Jeux Olympiques et les autres ont été abolis par l'empereur romain Théodose 1er, en 393 après JC, après plus de mille ans d'existence... et restaurés à la fin du XIXe siècle par le baron Pierre de Coubertin.

    Pierre

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  • 24 août 79

    Disparition de Pompéi

     

     

    Le 24 août 79, une violente éruption du Vésuve provoque l'enfouissement de la riche cité romaine de Pompéi sous une pluie de cendres volcaniques. Le même jour, le port voisin d'Herculanum, à l'habitat plus populaire, est écrasé, lui, sous une coulée de roches et de laves.

    Pompéi disparaît sous 6 mètres de lapilli (fines particules de roches volcaniques) et Herculanum sous 16 mètres de boues. Sorties de l'oubli 1700 ans plus tard, ces deux cités nous ont permis, grâce à leur malheur soudain, de connaître la civilisation romaine à son apogée avec autant de précision que si elle s'était éteinte hier.

    Fabienne Manière

    La répétition du Joueur de flûte dans la Maison pompéienne du prince Napoléon (Gustave Boulanger, 1860)

    Un volcan que l'on croyait éteint

    La précédente éruption du Vésuve remontait à 3.500 ans avant JC et n'avait laissé aucun souvenir dans la mémoire des hommes. Aussi les Romains ne savaient-ils même pas que la montagne fertile dominant la baie de Naples était un volcan !

    , une alerte avait eu lieu le 5 février de l'an 62, sous le règne de l'empereur Néron. Elle s'était traduite par un violent tremblement de terre qui avait détruit une première fois Pompéi.

    Sans attendre, les riches propriétaires avaient reconstruit les superbes demeures décorées de fresques, de statues, de mosaïques et de fontaines, où ils venaient se reposer des turbulences de la vie romaine.

    La reconstruction était à peine terminée que le volcan se réveillait pour de bon en l'an 79, sous le règne de Titus, celui-là même qui écrasa avec son père une révolte juive.

    Une surprise de taille

    En une heure, le volcan propulse dans l'atmosphère un énorme nuage de cendres brûlantes en forme de pin parasol. À plusieurs kilomètres de hauteur, ces cendres d'un total de plusieurs millions de tonnes se refroidissent et retombent sous forme de poussières et de pierres ponce sur Pompéi. On parle de nuées ardentes.

    Reconstitution grahique de l'éruption du VésuveSur les 10.000 à 15.000 habitants que devait compter Pompéi, on en a retrouvé à ce jour 2.000 qui ont succombé par asphyxie. Habitués aux tremblements de terre mais ignorant tout du volcanisme, ils avaient négligé de fuir quand il en était encore temps.

    Quelques heures plus tard, une coulée composée de roches en fusion et de cendres, dite pyroclastique, dévale la pente du Vésuve et carbonise instantanément Herculanum et ses habitants. On retrouvera deux mille ans plus tard des débris de squelettes. Au total, en près de 24 heures, le Vésuve entraîne la mort de plusieurs milliers de personnes dans les villes et les campagnes du golfe de Naples.

    À Misène, à la pointe nord du golfe de Naples, un jeune homme de 17 ans, Pline le Jeune, assiste à l'éruption et en rédige le compte-rendu détaillé dans deux lettres. Les vulcanologues donneront bien plus tard le qualificatif de plinéen à une éruption volcanique comme celle qu'il a décrite.

    L'oncle du jeune homme, Pline l'Ancien, est un savant connu pour une gigantesque Histoire naturelle en 37 volumes (on lui doit aussi cette critique des excès gastronomiques de ses concitoyens : «Un cuisinier coûte plus cher qu'un triomphe»).

    Au moment de la catastrophe, il commande la flotte romaine qui mouille à Misène. Mû par la curiosité scientifique et par un sentiment d'humanité, il meurt asphyxié sur la plage de Stabies après avoir tenté avec ses navires d'apporter de l'aide à des habitants.

    Karl Brullov, Le Dernier jour de Pompéi, 1833, Musée russe, Saint-Pétersbourg.

    Mode posthume

    La disparition de Pompéi et d'Herculanum est une tragédie humaine comme on en voit hélas à toutes les époques et sur tous les continents. Si elle a gardé une place à part dans l'Histoire, c'est qu'elle s'est avérée être une bénédiction pour les archéologues et les artistes des temps modernes.

    L'éruption du Vésuve et les villes martyres sont tombées dans l'oubli pendant plusieurs siècles. Puis, au XVIIIe siècle, des paysans, en  poussant leur charrue, sortent de terre des vestiges antiques. Ceux-ci suscitent la curiosité du prince d'Elbeuf, un noble de la cour des Habsbourg. 

    Il dirige en 1710 une campagne de fouilles sur ce qui s'avèrera être l'amphithéâtre d'Herculanum et extrait trois belles statues féminines de marbre. Il en fait don à son cousin, le prince Eugène de Savoie

    Ce premier acte de pillage va être de nombreux autres jusqu'à ce que les autorités napolitaines interdisent l'exportation des vestiges. 

    À la fin du XVIIIe siècle, sous le règne du falot Ferdinand VII et de sa brillante épouse Marie-Caroline de Habsbourg, le site de Pompéi devient une destination à la mode pour les nobles de toute l'Europe comme pour les savants.

    Les trésors de l'empire romain recueillis à Pompéi deviennent une source d'inspiration pour les décorateurs et les artistes qui inauguren en France les styles Directoire et Empire. Ainsi le sculpteur Canova a-t-il réalisé dans le style antique la statue de Pauline Bonaparte nue que l'on peut voir à la villa Borghèse, à Rome.

    La rue des tombeaux, à Pompéi (photochrome, 1890)

    Bénéfices d'une tragédie

    Dès le XVIIIe siècle, les archéologues se mettent à excaver les traces presque intactes de la vie quotidienne des riches Romains, faisant de Pompéi le premier et le plus  grand de tous les chantiers archéologiques.

    Victimes de la catastrophe de Pompéi (moulages)On s'aperçoit bientôt que les meubles et les corps ensevelis sous les cendres chaudes ont laissé la place à des cavités vides en se décomposant.

    L'archéologue Giuseppe Fiorelli a l'idée d'injecter du plâtre dans ces cavités de façon à restituer la forme des disparus.

    D'où ces moulages saisissants des habitants de Pompéi figés dans l'attitude où la mort les a surpris.

    Moulages de plâtre, à Pompéi (début XXe siècle)

    On peut aujourd'hui visiter les ruines des deux villes et y retrouver le souvenir de l'ancienne Rome ainsi que dans le musée archéologique de Naples, qui abrite plus d'un million d'objets retrouvés sur les sites.

    Reste à souhaiter qu'aucune éruption ne vienne à nouveau recouvrir les sites de Pompéi et Herculanum (la dernière éruption remonte au 17 mars 1944 et la précédente au 26 avril 1872)... D'aucuns pensent toutefois que le plus grand danger qui les menace aujourd'hui tient à la crise économique et au manque de ressources du gouvernement italien.

    L'éruption du Vésuve le 26 avril 1872 (photo : Giorgio Sommer)

    Pierre

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  • 14 juillet 1789

    La prise de la Bastille

     

     

     
     

    Le 14 juillet 1789, la Bastille est prise d'assaut par les Parisiens. De ce jour date la fin de l'«Ancien Régime» et le début de la Révolution française.

    La Fête nationale du 14 juillet perpétue le souvenir de cet événement.

    La Révolution en germe

    40 jours plus tôt, les états généraux se sont réunis à Versailles et les députés ont constaté que les maux du gouvernement appelaient davantage qu'une simple réforme de l'impôt. Ils ont décidé de remettre à plat les institutions et de définir par écrit, dans une constitution, de nouvelles règles de fonctionnement, selon l'exemple américain.

    Le 9 juillet, l'assemblée réunie à Versailles se proclame «Assemblée nationale constituante». L'initiative ne plaît pas au roi ni à son entourage. Le 12 juillet, Louis XVI renvoie son contrôleur général des finances, Jacques Necker, un banquier très populaire.

    Échec de l'émeute

    Le 13 juillet, à Paris, la rumeur se répand que les troupes royales vont entrer en force dans la capitale pour mettre les députés aux arrêts. De fait, des corps de troupes sont rassemblés au Champ de Mars et aux portes de Paris. Un comité permanent, la «municipalité insurrectionnelle», est formé pour faire face à la menace. Il se substitue à la vieille municipalité royale.

    Au matin du 14 juillet, des artisans et des commerçants se rendent à l'hôtel des Invalides en quête d'armes. Le gouverneur cède aux émeutiers et ouvre les portes. La foule emporte 28.000 fusils et 20 bouches à feu. Mais il lui manque encore de la poudre...

    Des émeutiers rugissent alors : «À la Bastille !» où la rumeur prétend que de la poudre y aurait été entreposée. Au demeurant, le peuple a une revanche à prendre sur la vieille forteresse médiévale dont la masse lugubre lui rappelle à tout moment l'arbitraire royal.

    La garnison se compose de 82 vétérans, dits invalides, et d'un détachement de 32 soldats suisses. Face à elle, les émeutiers ne font pas le poids. Ils sont un millier seulement, sans commandement et sans armes lourdes.

    Le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, veut gagner du temps en attendant des secours. Il reçoit trois délégués et les retient à déjeuner. Il s'engage à ne pas tirer sous réserve que les émeutiers ne tentent pas d'entrer dans la forteresse. Mais une explosion mystérieuse émeut la foule. On crie à la trahison. Un groupe pénètre dans l'enceinte par le toit du corps de garde et attaque à coups de hache les chaînes du pont-levis.

    De Launay, sans expérience militaire, perd ses moyens. Il donne l'ordre de tirer. La troupe suisse fait des ravages chez les assaillants. On compte une centaine de morts.

    Les gardes françaises contre la Bastille

    Tout bascule avec l'arrivée de deux détachements de gardes françaises. Ces soldats professionnels chargésde veiller sur la capitale prennent le parti des émeutiers. Ils vont leur assurer la victoire.

    Sous le commandement de deux officiers, Élie et Hulin, ils amènent deux canons et les pointent sur la Bastille. Il s'ensuit un début d'incendie à l'entrée de la forteresse et quelques pertes chez les défenseurs.

    Il est 4 heures du soir. De Launay se ressaisit, ordonne soudain le feu à outrance puis tente de faire sauter les magasins de poudre. Mais ses invalides lui imposent de brandir un mouchoir pour parlementer. Le feu cesse. Les ponts-levis sont abaissés et la foule se rue dans la forteresse.

    Les soldats suisses, qui ont eu le temps de retourner leurs uniformes, sont pris pour des prisonniers et épargnés. Mais la foule lynche les malheureux invalides.

    Le marquis de Launay, qui a tenté de se suicider, est traîné dans les rues de la capitale avant d'être décapité par un boucher. Sa tête est fichée sur une pique et promenée en triomphe à travers le faubourg ainsi que les têtes des autres défenseurs de la Bastille. Ce rituel macabre, inédit dans l'Histoire du pays, illustre le basculement de la Révolution dans la violence.

    À la Bastille, on libère les détenus au prix d'une légère déception car il ne s'agit que de sept personnages de minable envergure (escrocs, faussaires, délinquant sexuel...). Au demeurant, les émeutiers sont surpris de découvrir des chambres spacieuses et d'un grand confort, à l'opposé des cellules de torture que décrivaient complaisamment dans leurs brochures les intellectuels poudrés qui avaient eu, comme Voltaire ou le marquis de Sade, l'occasion de séjourner à la Bastille.

    Fin d'un monde...

    Le soir même, Palloy, un entrepreneur zélé, réunit 800 ouvriers et entreprend la démolition de la vieille forteresse dont les jours étaient de toute façon comptés.

    Le propre frère du roi, le comte d'Artois, futur Charles X, prend la mesure de l'événement. Il quitte la France sitôt qu'il en a connaissance. Il est suivi dans cette première vague d'émigration par quelques autres hauts personnages, dont le prince de Condé et Mme de Polignac.

    ... début d'un autre

    À Versailles, Louis XVI note dans son journal à la date du 14 juillet : «Rien»... Mais il ne s'agit que du résultat de sa chasse habituelle. Surpris par la violence populaire, le roi se retient de de dissoudre l'Assemblée. Les députés, dans une séance mémorable présidée par l'abbé Grégoire, prennent la résolution de siéger en permanence. La Révolution peut suivre son cours.

    Le premier anniversaire de l'événement donnera lieu à une grande réconciliation nationale, la Fête de la Fédération, et beaucoup plus tard, en 1880, la IIIe République, en faisant du 14 juillet la Fête nationale, consacrera la réconciliation de la France de l'Ancien Régime et de celle de la Révolution.

     

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  • Première mondialisation

    La route de la soie rapproche l'Orient et l'Occident

     
     

     

     
    Chameau bâté et son chamelier, époque Tang, deuxième moitié du VIIe siècle, musée Guimet, ParisTextile préféré des rois et des coquettes, la soie est depuis plus de trois millénaires au cœur de toutes les attentions, au point d'avoir donné son nom à une route transcontinentale.

    Baptisé en 1877 «route de la soie» par le géographe allemand Ferdinand von Richthofen, ce ruban a longtemps été le lien unique entre la Méditerranée et la Chine, l'Orient et l'Occident. On peut y voir la première «mondialisation» des échanges.

    Marchandises mais aussi croyances, connaissances et idées ont emprunté ses 8.000 km sur les pas des caravanes, des envahisseurs ou des pèlerins.

    Tirons le fil de la soie pour accompagner ces aventuriers et rêveurs vers d'autres horizons !

     

    Les routes de la soie

    cliquez pour agrandir la carte
    La route de la soie
    De la capitale chinoise aux ports italiens, en passant par les ports ou «échelles» du Levant, les caravanes chargées de précieuses soieries ont tracé tout au long du Moyen Âge un ensemble de circuits commerciaux majeurs : la «route de la soie».

    Ces 8.000 kilomètres à travers steppes et oasis ont été relayés plus tard par des routes maritimes...

    Marco Polo sur la route de la soie, Atlas Catalan, XIVe s., BnF, Paris

    Au bout du fil

    Un jour une impératrice chinoise, paisiblement installée sous un mûrier pour boire son thé, vit tomber dans sa tasse... un cocon ! Cherchant à le repêcher, elle déroula un fil tellement long qu'elle dut l'enrouler sur une bobine. Son époux, le mythique Empereur jaune, décida alors de garder en Chine le secret de cette nouvelle matière.

    Ainsi serait né un monopole qui fit de la Chine le principal producteur de soie depuis les débuts de la sériciculture, au IIIe millénaire av. J.-C. Le nom que nous donnons à l'Empire du Milieu pourrait d'ailleurs venir de sseu, qui désigne en chinois la soie.

    Chamelier et son chameau, estampage d'une brique gravée, dynastie Tang, VIIIe s., Dunhuang

    Les Hellènes, toujours plus loin vers l'est

    Ménade en robe de soie, Ie s., Pompéi, Musée national, Naples.Quand il parvint aux frontières du Penjab (Inde), Alexandre le Grand ne devait pas imaginer que d'autres civilisations l'attendaient de l'autre côté des hautes montagnes. Mais en mettant pied en Asie centrale, il permettait une avancée considérable dans le rapprochement entre Occident et Orient.

    Fondée au IVe s. dans la vallée de Fergana (Tadjikistan), la ville d'Alexandrie Eskhaté (en grec : «Alexandrie l'ultime», actuellement Khodjent) devint ainsi un point de rencontre important entre les deux pôles de l'humanité.

    Le conquérant s'empressa d'encourager les caravanes et la diffusion des marchandises, notamment par l'intermédiaire des Scythes installés de l'Ukraine à la Mongolie.

    Plus au sud, il sut tirer parti de la Voie royale mise en place un siècle plus tôt par Darius Ier entre Sardes (Turquie) et Suse (Iran). Sa mort, en 323 av. J.-C., mit fin à cet élan, mais temporairement...

    Et Zhang Qian partit vers l'ouest...

    C'est l'Orient des Han qui reprit l'initiative. Au IIe s. av. J.-C, alors que commençait à se développer la civilisation romaine, l'empereur chinois Wudi (on écrit aussi Wou Ti) décida d'envoyer une expédition à la rencontre des tribus d'Asie pour consolider les alliances, se procurer les fameux «chevaux célestes» du Ferghana et, par la même occasion, ouvrir de nouveaux débouchés commerciaux.

    À la tête d'une centaine de cavaliers, Zhang Qian partit en 138 av. J.-C. pour une odyssée qui l'emmena jusque chez les Yuezhi, en Asie centrale, après une pause d'une dizaine d'années chez les Xiongnu pour cause de captivité. L'aventure extraordinaire du «Grand voyageur» est le premier témoignage que l'on possède sur la quête d'une nouvelle route reliant l'empire chinois aux «trente-six royaumes des Régions occidentales» (Asie centrale), dont la description a fasciné le souverain. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas aller encore plus loin ?

    Zhang Qian (à genoux à gauche) prend congé de l'empereur Wudi, près de la capitale chinoise Changan (peinture murale des grottes de Mogao, 618-712)

    «Une matière qui ne cache pas le corps» (Sénèque)

    De l'autre côté du monde, Rome est elle aussi fascinée par la serica (la soie, en latin, d'après le mot chinois sseu), dont les survivants de la défaite de Carrhes (53 av. J.-C.) ont vanté le chatoiement. Comment donc les Parthes avaient-ils créé ce tissu qui ornait leurs bannières ? Son origine resta longtemps un mystère, notamment pour l'historien Pline l'ancien : «Les Sères - Chinois - sont célèbres pour la substance laineuse tirée de leurs forêts ; après les avoir trempées dans l'eau, ils peignent le duvet blanc des feuilles [qui permettra que] les jeunes filles romaines se pavanent publiquement en habits transparents» (Histoire naturelle, VI, 20).

    Ce ne sont pas les Sères, que les Latins ne connaissent que par ouïe-dire, qui vont familiariser Rome avec la soie, mais les Parthes. Habiles commerçants idéalement situés aux portes de l'Asie, ils se réservent le monopole du commerce de cette matière devenue synonyme de décadence, au point d'être interdite par Tibère. Peine perdue !

    Caravane de chameaux, mosaïque romaine, VIe av. J.-C., Bosra, Syrie

    Incontournables Sogdiens !

    Petit à petit, des missions diplomatiques puis commerciales s'organisent entre la Chine et les pays d'Asie centrale, tandis qu'à l'autre bout de la route, au Proche-Orient, des villes comme Palmyre profitent d'échanges de plus en plus actifs.

    Après l'affaiblissement des Parthes au IIIe siècle de notre ère, c'est au tour des habitants de la Sogdiane, la région de Samarcande, de s'assurer la maîtrise des itinéraires caravaniers. Dès le IV siècle, ils étendent leurs réseaux de la Chine aux steppes turco-mongoles, au point d'acquérir la réputation d'être les meilleurs marchands de l'époque : ils «excellent au commerce et aiment le gain ; dès qu'un homme a vingt ans, il s'en va dans les royaumes voisins ; partout où on peut gagner, ils sont allés» !

    Fourrures et ambre de la Baltique, plats d'argent et richesses d'Asie passent entre leurs mains avant de souvent transiter par Byzance, comme ces splendides tissus qui servent alors à protéger les reliques de nos églises. L'apogée de leur commerce, au VIIIe s., est de courte durée. L'irruption des troupes arabo-musulmanes et, simultanément, la chute de la dynastie chinoise des Tang marquent le début de leur déclin.

    Ambassadeurs sogdiens, VIIe s., Samarcande, musée national, Ouzbekistan (photo : Gérard Grégor, pour Herodote.net)

    Sous la protection mongole

    Au XIe s., la route de la soie n'est plus guère fréquentable : les légendaires Haschischins ne cessent en effet d'attaquer les caravanes. Victime de l'insécurité et de l'instabilité politique, l'itinéraire terrestre disparaît jusqu'au XIIIe, au bénéfice des voies maritimes. C'est alors que les Mongols entrent en scène en plaçant sous leur seule autorité l'ensemble de la route, du cœur de la Chine à Antioche (Turquie).

    Caravansérail, miniature ottomane, 1588, Bibliothèque de Topkapi, IstanbulGengis Khan et ses successeurs mettent fin aux exactions des Haschischins (au prix de massacres d'une toute autre ampleur) et encouragent les Occidentaux à traverser ses contrées. Des dizaines d'entre eux acceptent l'invitation à l'exemple du célèbre Marco Polo, originaire de la puissante Venise.

    La Sérénissime République contrôle les points d'arrivée des caravanes, dans l'empire byzantin et les échelles du Levant. Mais cela ne suffit pas à ses marchands qui, tels les Polo, profitent de la «paix mongole» pour remonter la route de la soie jusqu'à son point de départ.

    À la fin du XIVe siècle, cependant, l'unité de l'Eurasie, imposée par les Mongols, n'est plus qu'un lointain souvenir.

    Alors que s'organise à l'ouest l'empire ottoman, à l'autre extrémité de l'Asie, les Chinois de la dynastie des Ming se replient sur eux-mêmes. Au XIVe siècle,les relations entre l'Occident et la Chine se raréfient, les Chinois finissant même par refuser les échanges : «Nous possédons toutes choses. [Nous n'avons] que faire des produits de votre pays».

    Chargement d'un chameau, Ispahan, XVIIe s., British Museum, Londres

    La fin du monopole chinois de la soie

    Plus que jamais avides d'or et d'épices, les Occidentaux choisissent de contourner la barrière érigée en Asie centrale par les Turcs ottomans. Ils se lancent sur les mers. La route maritime des épices prend alors la place de la route terrestre de la soie, matière d'ailleurs devenue moins précieuse depuis que le secret de sa fabrication est arrivé en Occident...

    La soie, il est vrai, n'est plus depuis longtemps une exclusivité chinoise. Dès 552, selon la chronique, des moines nestoriens offrent à l'empereur Justinien, à Constantinople, des cocons de ver à soie volés aux Chinois.

    Cocons de vers à soie (photo : Gérard Grégor, pour Herodote.net)

    Mais c'est en Perse que se diffuse d'abord l'élevage des vers à soie, à la base de la sériciculture, et la culture des mûriers, dont les feuilles servent à nourrir les vers à soie.

    Cette industrie de la soie se répand plus tard en Occident, en Italie et en France.

    Au début de la Renaissance, le roi Louis XI et le roi François Ier encouragent la fondation d'ateliers de tissage à Tours puis à Lyon, avec le désir d'éviter ainsi de coûteuses importations. Plus tard, le roi Henri IV et son ministre Sully font appel à l'agronome Olivier de Serres pour développer la culture du mûrier, y compris dans le jardin des Tuileries, à Paris.

    Traité de l'art de la soie à Florence, manuscrit du XVe s

    Le «Grand Jeu»

    Il faut attendre le XIXe s. pour voir les Occidentaux se pencher de nouveau sur une carte d'Asie centrale.

    Paul Nadar, Portrait de l'émir de Boukhara, 1890, Ministère de la Culture, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, ParisIl s'agit alors de faire face à l'expansionnisme russe qui met en danger les Indes britanniques.

    Une partie d'échec se met en place entre les espions et aventuriers de chaque camp, avec en toile de fond les steppes kazakhes et montagnes afghanes. Linguistes et cartographes se précipitent sous divers déguisements pour transformer ce no man's land en partie du territoire national ou en zones tampons, à l'exemple de l'Afghanistan.

    Les révolutions russes de 1917 ne mettent pas fin au Great Game que Lénine relance en déclarant : «L'Orient nous aidera à conquérir l'Occident» ! Son gouvernement reprend à son compte la politique des tsars et impose la férule de Moscou aux populations musulmanes d'Asie centrale.

    Mais la montée du fascisme en Europe dans les années 1930 détourne l'attention de cette région. L'époque, appelée «le tournoi des ombres» par les Russes, et décrite par Rudyard Kipling dans Kim, est révolue.

    Sous le sable, des trésors...

    Le grand Bouddha de Bamiyan (Afghanistan), cliché de la Croisière jaune, 1931, musée Guimet, Paris À la fin du XIXe siècle, la concurrence entre Russes et Anglais change d'objectif, tout en restant aussi acharnée : il s'agit désormais de sortir vainqueur d'une nouvelle course aux trésors, archéologiques cette fois-ci. On commence à prêter attention aux légendes de cités enfouies dans le désert et à observer avec envie les quelques antiquités rapportées par les aventuriers. Puis, en 1890, est annoncée la découverte de feuillets d'écorce de bouleau rédigés en sanskrit au Ve siècle : ces manuscrits Bower deviennent une des plus anciennes traces écrites de l'humanité !

    Les grandes puissantes se précipitent : les Suédois, avec Sven Hedin, parcourent le désert du Taklamakan (Chine) tandis que le Britannique Aurel Stein met à jour les villes anciennes du Turkestan. Côté allemand, Albert von Le Coq recueille 34 tonnes d'antiquités de l'oasis de Turpan (Chine). Chez les Français, c'est le jeune Paul Pelliot qui va marquer l'histoire de l'archéologie en 1908 en déchiffrant à la bougie près de 20.000 des manuscrits amassés dans les grottes de Dunhuang.

    Entre pillage et démarche scientifique, objets, tablettes et peintures murales prennent la route des plus grands musées européens, permettant enfin la redécouverte de civilisations jusqu'ici oubliées.

    Vers une nouvelle route ?

    Si les expéditions archéologiques parvenaient encore en ce début du XXe siècle à parcourir les anciens royaumes de la route de la soie, les réalités géopolitiques allaient rendre de plus en plus difficile le voyage d'ouest à est. En 1924, les cartes d'Asie centrale se couvrent des nouvelles frontières dessinées par les Soviétiques.

    Boukhara, scène de rue, 2010 (photo : Gérard Grégor, pour Herodote.net) Leur intervention en Afghanistan en 1979 conduit le pays au chaos et déstabilise durablement la région. Il faut attendre 1991 et l'indépendance de ces républiques pour voir la fameuse route de nouveau accessible.

    Les liaisons ferroviaires avec la Chine et l'Iran sont rétablies, les pipelines et gazoducs traversent les déserts et les camions au lourd chargement se lancent de nouveau à l'assaut des montagnes.

    En ce début du XXIe siècle, près de dix siècles après son Âge d'or, la route de la soie n'a pas été oubliée, au contraire : devenue destination touristique, elle renaît également avec un gigantesque projet d'autoroute reliant la Chine et la Russie, via le Kazakhstan.

    Gageons qu'avec ce New Silk Road Corridor, toute cette partie du monde, si longtemps inaccessible, sera bientôt désenclavée. Il reste à souhaiter qu'elle ne perde pas cette part de mystère qui a fait rêver tant de voyageurs.

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