• Histoire Moderne 2: 22 avril 1988 - 22 avril 1988 Attaque d'une gendarmerie à Ouvéa ; Paris sous tension

     

    22 avril 1988

     

    Attaque d'une gendarmerie à Ouvéa ;

    Paris sous tension

     

    Histoire Moderne 2:  22 avril 1988 - 22 avril 1988  Attaque d'une gendarmerie à Ouvéa ; Paris sous tension

    par Jean-Pierre Bédéï

      

    En 1988, après deux ans de cohabitation à la tête de l’exécutif français, les élections opposent le président, François Mitterrand, et son Premier ministre, Jacques Chirac.

    Le 22 avril, deux jours avant le 1er tour, en Nouvelle-Calédonie, sur l’île d’Ouvéa, des indépendantistes kanaks attaquent une gendarmerie, tuent quatre gendarmes et font 27 prisonniers qui partent soit au sud soit au nord, vers le « trou sacré » de Gossanah…

    Il va s’ensuivre une tragédie, racontée par Jean-Pierre Bédéï (L’Info-pouvoir, Acte Sud, 2008) et reprise par le cinéaste Mathieu Kassovitz (L'Ordre et la Morale, 2011). Elle mêle le futur statut de la Nouvelle-Calédonie et l’entre-deux tours des présidentielles.

     

    Histoire Moderne 2:  22 avril 1988 - 22 avril 1988  Attaque d'une gendarmerie à Ouvéa ; Paris sous tension

      

    Montée des tensions en Nouvelle-Calédonie

    Depuis 1981 et l’assassinat de l’indépendantiste Pierre Declercq, les rapports entre Caldoches (habitants originaires d’Europe, principalement de France) et Kanaks (autochtones mélanésiens) se dégradent. Les troubles au sujet du statut de l’île et du rééquilibrage du pouvoir au sein des institutions locales sont récurrents.

    Les Kanaks (ou Canaques) ne représentent qu'un tiers des habitants de l'archipel mais sont majoritaires au Nord et dans les îles Loyauté.

     

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    Jean-Marie Tjibaou

     

    En 1985, le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) de Jean-Marie Tjibaou accepte le « plan Fabius »donnant plus de pouvoir aux Kanaks.

    Mais en 1986, la droite revient au pouvoir avec Chirac et l’annule : le pouvoir revient au haut-commissaire, représentant de l’État. Le FLNKS rejette alors ce « statut Pons » (du nom du ministre des Dom-Tom) et l’autorité de l’État.

    Les tensions montent : les indépendantistes annoncent qu’ils ne se présenteront pas aux élections régionales du 24 avril 1988 et qu’ils boycotteront le scrutin national. Ils espèrent la réélection de Mitterrand qui leur est plus favorable.

     

    Passage à l’acte

    En mars 1988, Bernard Pons apprend que les Mélanésiens préparent des opérations violentes. Il envoie 840 CRS et gendarmes en Nouvelle-Calédonie, portant à 3 000 hommes les effectifs pour le maintien de l’ordre.

    La tragédie éclate le 22 avril 1988 à la gendarmerie de Fayaoué, sur l’île d’Ouvéa.

    Chirac ordonne à Pons de se rendre sur place. La Nouvelle-Calédonie devient un enjeu de la bataille présidentielle.

    Les ravisseurs posent trois conditions à la libération des détenus : le retrait des forces de l’ordre, l’annulation des élections régionales et la nomination d’un médiateur pour « discuter d’un véritable référendum d’autodétermination ».

    Au premier tour, Chirac arrive deuxième (19,94%) loin derrière Mitterrand (34%). Il confie à l’armée, et non plus à la gendarmerie, la mission de rechercher les otages. Comme si la France était en guerre contre un pays étranger.

    Le 25 avril, les otages du sud sont libérés. Mais ceux du nord restent introuvables. La population de Gossanah, soupçonnée d’être en contact avec les ravisseurs, est interrogée non sans brutalité : coups, matraquages, simulacres d’amputation et d’exécution...

     

    L'échec des négociations

     

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    Philippe Legorgus

     

    À l’Élysée, on s’irrite de la rétention d’information de Matignon. À Ouvéa, les preneurs d’otages sont enfin localisés dans une grotte.

    La nuit du 26 au 27 avril, les hommes du GIGN investissent la zone. Leur chef, Philippe Legorgus, propose d’engager des négociations mais cela échoue faute d’interlocuteurs chez les indépendantistes.

    Le 1er mai, Mitterrand suggère à Chirac une mission de conciliation avec deux personnalités choisies par chacun d’eux. Mais il refuse.

     

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    Le même jour, à Nouméa, on prépare l’attaque « Opération Victor ». Chirac l’approuve mais Mitterrand calme le jeu : « Je donne l’ordre de ne pas exécuter les Kanaks. »

    Finalement, le général Jacques Vidal décide de façon inattendue de la reporter, le temps de mettre en place le dispositif militaire !

    Le 4 mai suivant, surprise : Chirac annonce triomphalement la libération de trois otages français qui étaient détenus au Liban.

    À l’Élysée, on le soupçonne d’avoir pour cette raison reporté l’opération d’Ouvéa et, de la sorte, mis en danger les détenus de la grotte...

     

    Assaut final

    Le 5 mai enfin, l’assaut est donné. Il se solde par la libération des otages, la mort de deux membres des forces d’intervention et de 19 Kanaks. La presse maintenue à l’écart, des Kanaks sont délibérément exécutés, notamment leurs deux chefs. D’après le général Vidal, « ils sortaient avec des armes. (...) Il n’y avait pas d’alternative. »

    Mais un Kanak, Alphonse Dianou, serait mort des violences subies après sa reddition. Enfin, les constatations médico-légales laissent supposer que des blessés ont été achevés par un coup de grâce d’une balle dans la tête (douze sur dix-neuf morts).

     

    Amnistie générale

     

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    Malgré des « actes individuels inexcusables », le rapport de l’armée refuse de « porter un coup à l’institution militaire et à ses chefs ».

    Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense de Mitterrand réélu, dénonce des « actes contraires à l’honneur militaire ». Mais il se contente de ce rapport, ne voulant pas se mettre l’armée à dos.

    L’année suivante, les accords dits « de Matignon » ramèneront la paix sur l’île et la loi d’amnistie clôturera un chapitre douloureux de l’histoire néo-calédonienne.

    Publié ou mis à jour le : 2019-04-30 08:23:31

    du site Herodote 

     

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