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    3 coups de coeur littéraires du mois

     

    PAR  du magazine Coup de Pouce
     

    Trois romans à dévorer ce mois-ci.

    Homo Sapienne

    Livres à Lire 2:  3 coups de coeur littéraires du mois

     

    Cinq jeunes s’aiment, se séparent, se transforment et se découvrent dans un roman éclaté où se côtoient textos, dialogues et confessions, en français, en anglais, mais aussi en danois et en groenlandais, première langue de l’auteure. Leurs histoires sont touchantes, mais aussi fort révélatrices d’une époque où savoir qui on est (et qui on aime!) s’avère parfois bien complexe.

    Homo Sapienne par Niviaq Korneliussen - Peuplade, 2017, 232 p., 24,95 $.

     

    JOHNNY

     

    Livres à Lire 2:  3 coups de coeur littéraires du mois

    Johnny

    Photographe: Boréal

     

    C’est l’amour fou entre Johnny, un jeune Abénaquis qui cache bien ses origines, et Valentine, une blonde de Ville-Émard. Mais entre les contrats que Johnny exécute pour la pègre locale et l’arrivée des petits, Valentine étouffe. Elle partira loin avec les enfants, tentant de trouver un peu de paix dans les vagues du fleuve. Un premier roman où la réconciliation avec soi-même, avec ses origines et son passé agit comme un baume pour les jours gris.

    Johnny par Catherine Eve Groleau - Boréal, 2017, 208 p., 20,95 $.

     

     

    LE POTAGER

     

    Livres à Lire 2:  3 coups de coeur littéraires du mois

    Le potager

    Photographe: Québec Amérique

     

    Caroline, qui souffre déjà d’anxiété, voit son stress quotidien grimper en flèche quand un virus menace la santé de tous, incluant ses deux jeunes garçons et son amoureux, Samuel. Comment survivre quand tout est rationné et qu’on ne sort plus sans masque ni gants protecteurs? Un roman qui se lit en rafale où on peut aller loin pour tout protéger... même son potager!

    Le potager par Marilyne Fortin - Québec Amérique, 2017, 344 p., 26,95 $.

     

     

    Livres à Lire 2:  3 coups de coeur littéraires du mois

     

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    Le clitoris, la clé pour une vie sexuelle améliorée?

     

    Dans son livre Becoming Cliterate, la Dre Laurie Mintz explique comment la sexualité axée sur la pénétration prive la femme du plaisir recherché.

     

    par Katie Underwood de la revue Châtelaine

     

    Livres à Lire 2:  Le clitoris, la clé pour une vie sexuelle améliorée?

     


    Quels sont les mythes perpétués par notre culture dans le domaine de la sexualité? On pourrait en parler pendant des heures!

    Dans son livre Becoming Cliterate, la Dre Laurie Mintz, professeure de sexualité humaine à l’Université de Floride, s’attaque à une croyance, sans doute la plus insidieuse de toutes: celle voulant que le coït soit le moyen par excellence d’atteindre l’orgasme.

    Dans les faits, plus de la moitié des femmes rapportent avoir régulièrement du mal à atteindre l’orgasme avec un partenaire masculin. Mais encore? Une proportion de 64 % des femmes (comparé à 91 % des hommes) disent avoir eu un orgasme lors de leur dernière relation sexuelle. Quel est le problème? Nous avons discuté avec la Dre Mintz des avantages de la sexualité queer, des connotations négatives entourant le mot «préliminaires» et de la clé pour combler le fossé qui existe entre le plaisir de l’homme et celui de la femme.


    Qu’est-ce que «l’inégalité des orgasmes»?

    En bref, c’est le fait que les hommes aient plus d’orgasmes que les femmes, même si en théorie, d’un point de vue biologique, la possibilité existe autant pour un sexe que pour l’autre. L’égalité des orgasmes signifie recevoir ce dont on a besoin pour atteindre l’orgasme lors d’une relation sexuelle, peu importe à quel sexe on appartient.

    Dans votre livre, vous insistez sur le fait que dans notre culture, on nous enseigne que la sexualité est une affaire de pénis et de vagin, et que tout le reste est accessoire. Cependant, la majorité des femmes n’atteignent pas l’orgasme par le coït.

    Dans le cadre d’études récentes, on leur a posé la question clairement: «Pouvez-vous atteindre l’orgasme uniquement grâce au mouvement du pénis, sans stimulation clitoridienne?» Seulement 15 % des femmes ont répondu par l’affirmative. Quand je demande à mes étudiantes: «Quelle est pour vous la façon la plus sure d’avoir un orgasme?», seules 4 % disent y arriver par le seul mouvement du pénis. Il me paraît ahurissant que ce soit pourtant notre façon de concevoir la sexualité.

    Quand on prend conscience de cette aberration, on ne peut plus lire certaines choses qui se disent en ligne sans se mettre en colère – comme tous les articles sur «les meilleures positions». C’est tellement ancré dans notre culture, jusque dans les cours d’éducation sexuelle, que ni les hommes ni les femmes ne remettent quoi que ce soit en question. Par conséquent, la plupart des femmes pensent qu’elles ne sont pas normales.

    On voit aussi la relation sexuelle comme un enchaînement de gestes convenus, prévisibles: préliminaires, pénétration, coït, orgasme de l’homme. Non seulement c’est routinier et ennuyant, mais c’est aussi typiquement hétéro.

    Les femmes qui ont des partenaires féminines n’ont pas les mêmes problèmes d’orgasme, elles savent s’y prendre. Mais notre société ne définit même pas leurs pratiques comme de véritables relations sexuelles, malgré le fait qu’elles en retirent beaucoup plus de plaisir que les couples hétéros. Nous sommes dans une situation déplorable: les femmes hétéros passent le plus souvent à côté de l’orgasme, ou finissent par le feindre. Les personnes queer ne voient pas leurs pratiques sexuelles reconnues, ni par la société ni par la recherche. Les hommes sont également perdants, parce qu’ils subissent l’énorme pression, irréaliste, d’amener la femme à l’orgasme en maintenant leur érection longtemps. Ils ne retirent pas autant de plaisir qu’ils le pourraient, eux non plus, concentrés comme ils le sont sur leur performance.

    Il y a aussi le mot «préliminaires», qui laisse entendre que tout ce qui a lieu avant la pénétration n’est qu’un prélude à l’acte lui-même.

    Oui, un peu comme l’entrée avant le plat principal. Je trouve ce vocabulaire tellement éloquent! Ce mot réduit notre plaisir à un échauffement avant l’événement important plutôt que d’en faire l’événement important.


    On a souvent l’impression qu’il y a un objectif à atteindre dans une relation sexuelle, comme si on devait marquer un but, et qu’autrement ça ne compte pas. Comment pourrait-on en arriver à rechercher le plaisir, plutôt que l’orgasme?

    J’essaie de pousser les femmes à atteindre l’orgasme, mais le vieux réflexe de se dire «Il faut que j’y arrive, il le faut» risque à tout moment de leur nuire. Selon moi, la clé des rapports sexuels dépourvus de but est la pleine conscience: on doit se laisser submerger par les sensations du moment et ressentir le plaisir sans se dire: «Il faut que je jouisse, il faut que je le (la) fasse jouir.» Ne pas se concentrer sur le but est la meilleure façon de l’atteindre, dans ce cas-ci.


    J’ai ri en lisant le passage dans lequel vous parlez du nouvel engouement pour la «méditation orgasmique», qui consiste en fait à caresser le clitoris de sa partenaire pendant 15 minutes. Les femmes non hétéros se demandent: «Mais qu’est-ce qu’il y a de nouveau là-dedans?»

    Je sais! J’ai une très bonne amie lesbienne qui m’a dit, après avoir lu ça: « Je ne peux m’empêcher d’être fière de moi! Comment se fait-il qu’il y a encore des gens qui ne savent pas ça?» C’est parce que, dès que le pénis entre en scène, on lui accorde la priorité, encore une fois à cause de la définition de la sexualité dans notre culture.


    Croyez-vous que cela ait à voir avec la dynamique de pouvoir entre les sexes?

    À mon avis, oui. Je crois que notre approche de la sexualité reflète la répartition du pouvoir dans la société. Certains diront: «Mais non, c’est simplement parce que ce type de sexualité est celui qui assure la procréation!» C’est en partie vrai, mais ça n’explique pas que l’orgasme féminin ait été négligé à ce point.


    Il existe une sorte de nouvelle école de pensée féministe autour de l’égalité des orgasmes. Je pense au commentaire d’Amy Schumer dans le magazine Glamour, où elle rapportait avoir demandé à certains partenaires: «Connais-tu mon clitoris?» Mais n’y a-t-il pas un effet pervers à ce que tous se mettent à réclamer un orgasme?

    Je crois honnêtement que dans une situation idéale, il ne devrait pas être nécessaire de réclamer quoi que ce soit. Personne n’aura avantage à ce que les femmes se mettent à exiger et à s’attendre à des orgasmes de la même façon que les hommes l’ont toujours fait. Tout le monde y gagnera si nous nous entendons sur l’idée que la sexualité consiste à donner et à recevoir autant de plaisir – et que chaque personne est responsable d’exprimer ses besoins en ce sens.


    Vous enseignez à l’université. Quelles sont les idées les plus erronées que se font vos étudiantes quant à la sexualité?

    Il y en a tellement! J’ai l’impression que mon cours ne sert qu’à déboulonner des mythes. Les deux principales sont a) qu’on devrait normalement avoir un orgasme au cours d’un rapport sexuel; et b) qu’on est une mauvaise fille si on a des relations sexuelles ou qu’on y prend plaisir. Si nous pouvions tous être plus à l’aise pour parler de sexualité et élargir notre conception de ce qu’est réellement la sexualité, toutes les inégalités – et toutes les inquiétudes à savoir si on est une personne normale – disparaîtraient.

     

    Livres à Lire 2:  Le clitoris, la clé pour une vie sexuelle améliorée?

     

    Et on arriverait peut-être à atteindre l’orgasme?

    Exactement!

     

     

    Livres à Lire 2:  Le clitoris, la clé pour une vie sexuelle améliorée?

     

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    Hivernages: comme un hiver sans fin

     

    Le deuxième roman de l’écrivaine québécoise Maude Deschênes-Pradet dépeint un univers mystérieux où la poésie côtoie l’effroi.

     

    Monique Roy du magazine Châtelaine

     

    Livres à Lire 2:  Hivernages: comme un hiver sans fin + extrait

     

    L’histoire

    Quelles que soient les causes – « tempête magnétique venue du Soleil » ou « phénomène météorologique rare » –, un jour « il n’y avait pas eu d’autre saison que l’hiver ». Le froid et la faim avaient englouti les populations, alors que les rares survivants réussissaient à organiser leur existence en marge dans des abris de fortune : église abandonnée aux pigeons, bunker, « Ville-Réal », métropole souterraine prise d’assaut, ou la forêt, ressource féconde.

     

    Les personnages

    Simone et Talie, jumelles séparées, mais « reliées par un fil invisible ». Sam et son amoureuse, Alyse, réfugiés dans la ville souterraine, que la jeune femme, enceinte, quittera. Elle accouchera dans la forêt glaciale d’une petite Aude qu’un chien-loup protégera et mènera chez une vieille sage. Le Vieux, qui, de son plein gré, s’est barricadé depuis des années dans l’immeuble où, fonctionnaire, il a gaspillé sa vie. Ren, l’orphelin, à qui l’on dérobe son seul bien, ses longs cheveux. Socrate, le chien-loup, sentinelle fidèle. Et les innombrables pigeons, menaçants.

     

    On aime

    L’audace de l’auteure, qui s’aventure en territoire imaginaire. L’intensité de son récit. Le sens du merveilleux au sein de la tourmente, du froid implacable, de la glace meurtrière. Des personnages attachants et solidaires. L’espoir, malgré tout…

     

    L’auteure

     

    Livres à Lire 2:  Hivernages: comme un hiver sans fin + extrait

     

     

    Maude Deschênes-Pradet naît à Québec en 1983. Après une maîtrise à l’Université Laval, elle enseigne aux États-Unis et publie en 2013 un premier roman, La corbeille d’Alice. Récipiendaire de la prestigieuse bourse Vanier (50 000 $ pendant trois ans), elle termine en 2017 un doctorat en création littéraire à l’Université de Sherbrooke. Le sujet de sa thèse : les lieux inventés et leur rapport au monde réel… Elle est également prof de yoga à Sainte-Foy depuis de nombreuses années, une discipline qui inspire sa vie et son écriture.

     

    Livres à Lire 2:  Hivernages: comme un hiver sans fin + extrait

    XYZ éditeur, 182 pages

     

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    Martine Delvaux: l’amour filial au

    temps du féminisme

     

    Dans son livre Le monde est à toi, l’écrivaine féministe Martine Delvaux revient sur l’éducation – légitimement imparfaite et taillée dans l’amour – de sa fille de 13 ans.


    Caroline R. Paquette du magazine Châtelaine

     

    Livres à Lire 2:  Martine Delvaux: l’amour filial au temps du féminisme


    Photo: Valérie Lebrun


    Vous n’avez jamais empêché votre fille de porter des diadèmes et des robes de princesse. En quoi ce geste-là est-il foncièrement féministe pour vous?


    C’était son désir à elle; elle prenait plaisir à se costumer, à rêver. Les femmes doivent pouvoir faire leurs propres choix en ce qui concerne leur corps, et ça commence dès l’enfance. J’ai moi-même été une petite fille qui portait des voiles tout le temps. Ma mère m’a raconté que je voulais être «princesse-religieuse-infirmière». Quand j’ai vu que ma fille voulait porter des diadèmes, je me suis dit que c’était un peu la même chose. Ça ne me faisait pas peur.


    Aujourd’hui, je deviens folle quand j’entends que les filles ne peuvent pas porter de camisoles à fines bretelles dans les écoles secondaires, alors qu’il fait très chaud. Le problème, ce n’est pas la fille, ce sont les regards autour d’elle.

     

    Vous n’avez pas travaillé à faire de votre fille une féministe. Mais elle l’est quand même devenue: comment est-ce arrivé?


    C’est difficile de revenir sur les traces d’une éducation. Elle l’est sans doute devenue parce que j’ai essayé le plus possible de lui parler comme à un être humain qui a de la valeur. Je n’en ai pas fait un objet, je ne l’ai pas câlinée comme si c’était un chat. Le féminisme est là: dans le fait de donner une vraie place à son enfant. Si on se défend quand il nous dit qu’on a fait une connerie, on invalide sa vision du monde. Il faut accorder de la crédibilité à sa lecture des choses. C’est un exemple, mais je pense que ça s’est tricoté comme ça.

     

    Votre fille apprend de vous, et vous apprenez d’elle. Cette idée de transmission mutuelle est vraiment au cœur de votre récit…

     

    Absolument. Cet amour-là fait que c’est parfois elle, le guide. Elle m’a appris à avoir beaucoup d’humilité. Quand ma fille a commencé à lire, l’enseignante nous a donné une feuille avec des lettres toutes croches et nous a dit: c’est ce que vos enfants voient. Pour eux, c’est du charabia. Je n’ai jamais oublié ça. Dans cette capacité à se mettre à la place des autres, il y a du féminisme.

     

    Vous écrivez: Être une mère féministe, c’est aussi s’assurer de mal élever. Qu’est-ce que vous avez voulu dire?

     

    Le danger, quand on a des filles, c’est de verser dans tous les clichés qu’on leur colle à la peau. Je ne pense pas que j’exagère en affirmant qu’on s’attend encore à ce qu’elles soient polies, douces, souriantes. Or, si on insiste là-dessus, on les met dans une position de vulnérabilité, de prêtes-à-être-opprimées. C’est dangereux. On pouvait me le reprocher, mais je n’ai jamais obligé ma fille à faire un câlin à quelqu’un alors qu’elle ne le voulait pas. Je me disais: si je lui laisse entendre qu’elle doit le faire maintenant, qu’est-ce que ça va être quand elle aura 14, 18, 30 ans? On en demande beaucoup aux mères, mais aussi aux filles. Mal élever, c’est se dire: tu as le droit de hausser la voix, de péter les plombs, de te tromper, d’en échapper – d’être imparfaite.

     

    Vous insistez beaucoup sur le fait que ce livre n’est pas un guide, ni un manifeste. Pourquoi?

     

    Parce que je ne voulais pas qu’on m’accuse de tenir des propos idéologiques ou dogmatiques. Ce que je décris n’est pas un mode de vie mû par le désir de transmettre à ma fille une définition très précise de ce qu’est le féminisme. Ma démarche était plus sensible, plus poétique que ça.

     

    Livres à Lire 2:  Martine Delvaux: l’amour filial au temps du féminisme

    Le monde est à toi, Martine Delvaux, Héliotrope, Montréal, 2017, 152 pages

     

    Livres à Lire 2:  Martine Delvaux: l’amour filial au temps du féminisme

     

     

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    Caroline St-Hilaire: ouvrir la voie

     


    Des barrières, Caroline St-Hilaire en a fait tomber plusieurs. Plus jeune femme à avoir été élue députée au Parlement canadien, première mairesse de Longueuil, elle a contribué à ouvrir une voie encore peu fréquentée par la gent féminine: celle du pouvoir. Elle espère aujourd’hui que son parcours, raconté dans sa biographie Se faire entendre, pourra inspirer d’autres femmes à se lancer dans ce monde encore très masculin.


    Andréanne Moreau du magazine Châtelaine

     

    Livres à Lire 2:  Caroline St-Hilaire: ouvrir la voie


    «Si j’ai pu le faire, tout le monde le peut», lance-t-elle humblement.


    Caroline St-Hilaire est pour ainsi dire «tombée dans la politique quand elle était petite», accompagnant son père, conseiller municipal, dans son porte-à-porte. Elle n’avait pourtant jamais envisagé de devenir elle-même candidate.


    «Ça a pris d’autres personnes qui y croyaient plus que moi pour me convaincre de faire le saut», confie-t-elle, évoquant l’ancien candidat à la chefferie du Bloc québécois, Rodrigue Biron, qui le lui avait suggéré.


    Le premier réflexe de la jeune femme alors âgée de 27 ans a été de douter. «Comme la grande majorité des femmes à qui on propose de se présenter aux élections, j’ai tout de suite vu ce qui devait m’en empêcher: mon manque d’expérience, de réseau, de connaissances. Mais, après réflexion, j’ai décidé de me lancer. Je n’avais rien à perdre.»


    Bien sûr, elle a vite dû faire face à un lot de préjugés. Contrairement à ses collègues masculins, elle a parfois été jugée davantage sur son apparence que sur ses idées. Loin d’être un frein, les remarques et les attaques sont devenues pour elle des catalyseurs. «Ça m’a seulement poussée à performer encore plus», assure-t-elle.


    De la même façon, Caroline St-Hilaire n’a jamais considéré sa surdité comme un handicap. Elle en parle publiquement pour la première fois dans son livre. Malgré tous les inconvénients de vivre avec des appareils auditifs, elle refuse que cela l’empêche d’avancer.


    Concilier les rôles


    Souvent, les femmes qui se lancent en politique le font plus tard que les hommes, quand leurs enfants sont grands. L’horaire exigeant des députés a de quoi en décourager plus d’une. Mais pas Caroline St-Hilaire. Pour elle, il était essentiel que les jeunes femmes aient aussi une voix au Parlement.


    Ses deux fils, maintenant adolescents, elle les a portés et élevés pendant son mandat. Elle a posé des questions en chambre alors qu’elle était «enceinte jusqu’aux oreilles», a allaité dans son bureau et a même dû faire installer une table à langer au parlement.


    Grâce à son conjoint et à sa famille élargie, elle a pu se consacrer à la politique du lundi au jeudi, à Ottawa, et retrouver ses enfants les trois autres jours de la semaine.


    «Je mentirais si je disais que ça ne m’a pas déchirée. Mais c’est pour mon cœur de mère que ça a été difficile. Mes fils, eux, étaient bien entourés. Aujourd’hui, ils me disent qu’ils sont fiers de moi, et mon aîné songe à une carrière en politique, alors je sais que j’ai bien fait.»


    Y croire encore


    Caroline St-Hilaire avoue comprendre le cynisme ambiant envers la politique. La mesquinerie, les lignes de parti, les médias qui ne parlent que des scandales et rarement des bons coups, tout ça l’a souvent découragée.


    Mais ni son expérience, ni les scandales qui ont marqué la scène municipale québécoise dans les dernières années n’ont pu entacher l’impression que la politicienne se fait de son milieu.


    «Pour moi, la politique, c’est très noble, c’est vouloir se mettre au service des gens. C’est ce que je voyais à la maison, quand mon père était conseiller municipal. Je l’ai vu se désâmer pour son monde», soutient-elle.


    Même si elle quitte ses fonctions de mairesse de Longueuil sans avoir encore d’idée précise sur ce qui occupera son avenir, elle conservera toujours un lien avec la politique. «Ça fait partie de moi. C’est pour ça que j’ai accepté de participer à l’émission La Joute, à LCN. Et puis, ça va aussi me permettre de retrouver une liberté de parole que j’avais en quelque sorte perdue», fait-elle valoir.


    Savoir quitter


    En février, Caroline St-Hilaire a annoncé qu’elle ne briguerait pas un troisième mandat à la mairie de Longueuil. Devant une salle remplie de gens d’affaires de sa municipalité, elle a prononcé son discours sans céder aux larmes.


    «Un homme qui pleure en annonçant son départ, c’est touchant. Une femme, c’est un burnout, un signe que quelque chose ne va pas», affirme-t-elle.


    Elle ne voulait pas non plus qu’on dise, encore une fois, que la politique est dure pour les femmes. «C’est difficile pour tout le monde. Peut-être qu’on prend ça plus à cœur ou plus personnel, simplement.»


    Depuis, elle a pleuré quelques fois, en faisant ses boîtes ou quand des membres de son équipe quittaient. Mais elle ne regrette aucunement sa décision.


    «Le confort piège les esprits légers», comme lui répète souvent son mari, Maka Koto, député du Parti québécois.


    Elle en était à ce point. Non pas que Longueuil ne présente pas de nouveaux défis. Le développement immobilier, industriel, les relations avec l’agglomération sauront mettre à l’épreuve le ou la maire qui lui succédera. Mais Caroline St-Hilaire ne sera pas celle qui livrera ces batailles.


    Elle a mené sa ville où elle voulait la conduire. Maintenant, elle prend une nouvelle voie.


    Se faire entendre, biographie de Caroline St-Hilaire, par Geneviève Lefebvre, Libre Expression, 208 pages.

     

     

    Livres à Lire 2:  Caroline St-Hilaire: ouvrir la voie

     

     

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