• Livres à Lire: Une bien bonne histoire de cancer avec extrait

     

    Une bien bonne histoire de cancer

     

     

    La maladie n’empêche pas le bonheur, raconte Dominique Demers dans Chronique

    d’un cancer ordinaire.

     

    Par Marie-Hélène Proulx du magazine Chatelaine
    Dominique Demers (photo : Martine Doyon)

    Dominique Demers (photo : Martine Doyon)

     

    Avoir un cancer. Virulent. Mais se jurer qu’il ne vous pourrira pas la vie, ni pendant ni après – si on survit. Dominique Demers raconte comment elle a gagné ce pari dans Chronique d’un cancer ordinaire – Ma vie avec Igor.

     

    On s’attache à Dominique Demers en lisant Chronique d’un cancer ordinaire. Tellement que, la rencontrant pour la première fois, on a le goût de lui faire une accolade. Comme si on était sa sœur ou sa vieille chum. Et de lui demander comment ça va, en espérant ne pas entendre le mot récidive.

     

    Des yeux pervenche brillant d’une lumière intense, chandail et pantalon jaune poussin, sourire fendu jusqu’aux oreilles. À son bras, lové dans un panier, Tim, un pitou noir tout neuf qui pèse une plume. La prolifique auteure jeunesse se réjouit : terminés depuis un an, ses traitements de radio et d’hormonothérapie. Igor, le cancer du sein invasif « attrapé » en 2008, a été liquidé. Igor? « C’est un prénom classique de méchant dans les films d’horreur. Et j’avais très beaucoup envie de le haïr! »

     

    K.-O. donc. Pour le moment. « Il pourrait revenir, mais ça ne me préoccupe pas. » Car l’auteure vit désormais dans un autre « cadre philosophique ». Elle a beau avoir voué Igor aux enfers, il lui a quand même révélé 
« de façon criante » à quel point elle aimait la vie. « Je sais, c’est une lapalissade », soupire-t-elle. Des épreuves, notamment un immense chagrin d’amour, lui avaient déjà fait gaspiller « trop de temps de 
bonheur ». Elle n’attend plus les « ciels parfaits » pour y goûter.

     

    Ce n’était pourtant pas la première fois que la Faucheuse s’approchait. En parachute, en canot, dans une caverne, à vélo, Dominique Demers a failli mourir tant de fois qu’elle pourrait écrire 10 livres sur ses mésaventures. Ces rappels de sa finitude étaient toutefois bien différents, assure-
t-elle. « Bien sûr, quand ça dérape, on réalise qu’on ne tient qu’à un fil. Mais vivre en sachant que, statistiquement, on a moins de chances de se rendre loin à cause du risque de récidive… c’est autre chose. »

     

    Elle le dit sans une once de mélo. À l’image de Chronique d’un cancer ordinaire, qu’elle a écrit d’abord pour le plaisir de raconter, en prenant soin de ne pas surligner l’émotion. « Ça m’aurait fait vomir, j’aurais eu honte de moi! »

     

    Simplement, elle trouvait que ça faisait une « bien bonne histoire », ce moment de vie en concentré. Une bonne histoire avec des sorcières – une omnipraticienne sans compassion, des employés d’hôpital bêtes comme leurs pieds – et puis des fées – la radiologiste d’une clinique privée avec le cœur gros comme ça, une Asiatique discrète qui servait du café à l’Hôtel-Dieu du CHUM. « Elle ne souriait pas, mais sa présence rassurait. » L’auteure en souhaiterait donc plus, des gens aussi perméables à la souffrance des autres.

     

    chronique-dun-cancer-ordinaire

     

    Extrait du livre:

     

     

     

    Son expérience a aussi fait ressurgir ses réflexes de journaliste, métier qu’elle a pratiqué autrefois à Châtelaine et à L’actualité. « Par rapport au système de santé, il y a des trucs qui me chicotent et dont je voudrais que nous débattions. Je n’ai pas la générosité de me lancer en politique, alors Chronique d’un cancer ordinaireest ma contribution. »

     

    Dominique Demers s’inquiète notamment du fait qu’on entende tant parler du cancer du sein – le côté fashiondes fameux rubans roses lui donne de l’urticaire –, alors que d’autres maladies ne reçoivent pas d’attention. Et encore moins de financement. « Je pense aux troubles psychiatriques, par exemple, dont on fait peu de cas parce que ce n’est pas rentable médiatiquement. C’est pourtant aussi grave. »

     

    Et puis, l’auteure comprend mal pourquoi elle n’a plus droit à l’examen annuel d’imagerie par résonance magnétique qui permettrait de repérer d’éventuels cousins d’Igor, alors que des fortunes sont dépensées pour faire avancer la recherche sur le cancer. « J’ai l’impression que des gens se font plaisir là-dedans. À une époque où le manque de ressources dans le système de santé est criant, est-ce si important de miser sur de nouvelles découvertes, au lieu d’investir dans la prévention et de faire profiter le plus grand nombre des outils et du savoir qu’on a déjà développés? »

     

    Ses pérégrinations dans le monde médical lui ont aussi appris que la médecine moderne, malgré les grandes avancées des dernières décennies, n’offre aucune certitude au rayon des traitements. À preuve, cette suggestion que lui a faite une chirurgienne de s’inscrire à un protocole de recherche sur les effets de la chimiothérapie. Des participantes avec risque modéré de récidive allaient être choisies au hasard pour recevoir – ou non – des traitements de chimio. On verrait ensuite lesquelles s’en tirent. « Un genre de loto, quoi. » Non merci.

     

    Étant donné ce flou, étant donné qu’aucun spécialiste, aussi patenté soit-il, n’a vraiment de réponse, Dominique Demers juge que les femmes ont plus de pouvoir de décision qu’elles ne le croient lorsque le cancer du sein leur tombe dessus.

     

    Elle, par exemple, a fait le choix de ne pas se soumettre à la chimiothérapie. Et d’abréger d’un an les traitements d’hormonothérapie qui la minaient, dans son corps et entre les deux oreilles. Pas parce qu’elle se pense forte, mais pour profiter plus confortablement du temps qui lui est imparti. Après tout, sa propre mère et une grande amie sont décédées du cancer du sein alors qu’elles avaient opté pour « la table d’hôte gastronomique » côté traitements.

     

    Elle s’est rendue en joggant à toutes ses séances de radiothérapie. Aller-retour. Quelques jours après l’opération qui l’a amputée d’un bout de sein, elle a sauté sur ses skis. « C’était ma manière de me “vitaminer”, de me tourner vers le soleil comme une plante. » N’allez surtout pas lui dire qu’elle est courageuse, elle connaît plein de malades avec une force morale extraordinaire qui sont morts pareil.

     

    « Ma plus grande fierté n’est pas tant d’avoir survécu au cancer que d’avoir continué à vivre heureuse quand même, dit-elle. Je suis allée à la guerre sans me laisser envahir par l’horreur des bombardements, ni pendant ni après. J’ai profité de cette expérience pour m’épanouir au maximum. » S’épanouir, s’épanouir… À quoi bon, si c’est pour mourir de toute façon? Regard pervenche pénétrant. « Ça fera une maudite belle fleur qu’on vient de couper. »

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