• Mammifères 2: Rat-taupe glabre

     

    Rat taupe

     

    Vous aurez du mal à trouver un animal plus laid que le rat-taupe. Les rats-taupes portent d’ailleurs mal leur nom, car ils n’ont aucune parenté avec les taupes. Il existe de nombreuses espèces de rats-taupes. Parmi eux, l’un des rongeurs les plus étonnants au monde est sans doute le rat-taupe glabre (Heterocephalus glaber). L'hétérocéphale également appelé rat-taupe nu mêle une apparence hideuse à une intelligence sociale unique chez les mammifères.
    En effet, le rat-taupe glabre fonctionne selon un système social identique à celui de certains insectes sociaux comme les fourmis.

     

     

    Portrait d'Heterocephalus glaber

    lHeterocephalus glaber est aussi appelé le sand-puppy « chiot des sables » par les Anglo-Saxons. C’est un rongeur comme tous les rats-taupes.

    Cette étrange créature ridée et rosâtre est pratiquement dépourvue de poils.
    Il n’est pas totalement nu puisque quelques poils, sensibles au contact, sont disséminés sur l’ensemble de son corps.
    Il possède également une moustache formée par des poils sensitifs qui s’insèrent autour de ses lèvres.
    De plus, ses pattes sont bordées de poils fort utiles dans son métier de terrassier. Il balaie ainsi et ratisse derrière lui.

     

    Rat taupe nu. Heterocephalus glaber

    Heterocephalus glaber. Rat taupe nu. Photo Credit: Meghan Murphy, Smithsonian’s National Zoo

     

    Le rat-taupe glabre passe toute sa vie sous terre. Comme ses cousins, il ferme ses narines quand il creuse.
    Cette espèce mesure 8 à 9 cm de long en moyenne pour un poids de 30 à 80 grammes.

    Bien qu’il ne possède pas de pavillons externes, les oreilles sont fonctionnelles et très sensibles.
    Les yeux sont de très petite taille et pratiquement inutiles, mais le rat-taupe glabre n’est pas aveugle.

    Longues et projetées vers l’avant, les incisives sont en croissance perpétuelle. Les incisives inférieures sont mobiles de façon indépendante.

    Il utilise ses deux paires d’incisives comme des barres à mine lui permettant de progresser en creusant la terre. La mobilité des lèvres lui évite d’avaler les débris.

     

    Rat taupe. Heterocephalus glaber

    Rat taupe. Hétérocéphale . By Riude

     

    Les mains servent très peu à creuser tandis que les pieds sont utilisés pour évacuer la terre.

    Tous les mammifères sont capables de réguler leur température corporelle. Le rat-taupe glabre fait exception à cette règle. Ce n’est pourtant pas un problème pour lui.
    Il se contente d’une température corporelle de 32 °C qui correspond à peu près à la température ambiante des galeries.
    Si cette température baisse, les rats-taupes se rassemblent les uns contre les autres pour se réchauffer.

    Cette espèce ne possède ni glandes sudoripares, ni couche de graisse sous la peau.

     

    Rat taupe glabre

    Jeunes rats-taupes glabres dans leur galerie. By Vuturistic

     

    Le rat-taupe glabre se nourrit des tubercules. Comme ses cousins, il n’a pas besoin de boire, car les racines sont riches en eau.

    Le rat-taupe glabre se rencontre dans le centre et l’est de l’Éthiopie, dans le centre de la Somalie et au Kenya.

     

    Une monarchie souterraine

    L’eusocialité est la règle chez les fourmis et chez certaines guêpes ou abeilles. Dans une organisation eusociale, il existe des individus spécialisés dans la reproduction et d’autres chargés de différentes taches : récolte, défense, nourrice…
    En outre, plusieurs générations vivent ensemble et forment une colonie.

     

    Rats-taupes

    Des ouvriers en train de creuser un tunnel. By Meshmar 2

     

    On pensait que ce mode de vie n’existait pas chez les mammifères. Or, au début des années 1980, le biologiste américain Richard Alexander, avec l’aide de la scientifique Jennifer Jarvis, a découvert que le rat-taupe glabre fonctionnait, comme certains insectes, selon un système social basé sur les castes.

    Cette chercheuse de l’Université du Cap, en Afrique du Sud, avait déjà remarqué que les rats-taupes coopéraient entre eux.
    Elle arriva à démontrer que le rat-taupe glabre était bien une espèce eusociale. Les colonies ne comportent qu’une seule femelle reproductrice appelée la reine.
    Seuls la reine et quelques mâles se reproduisent.

    Elle allaite les jeunes dont l’élevage est ensuite assuré par les femelles non reproductrices.

    On pense que, comme les insectes, la reine produit dans son urine une phéromone, substance chimique qui inhibe les capacités reproductrices des autres femelles.

    Quand elle meurt, une des femelles non reproductrices retrouve un cycle ovarien normal et prend la place de cette dernière.

     

    Un régime de castes

    Les sociétés de rats-taupes glabres sont généralement composées de 20 à 30 individus, même si des colonies de 100 individus ont été signalées.

    La hiérarchie comprend un petit groupe de mâles non ouvriers qui forme la « cour » de la reine.
    Tous les autres mâles et femelles sont des ouvriers.

     

    Rat taupe nu. Reine

    Reine âgée d'environ 20 jours. By Carrie Cizauskas

     

    Les ouvriers sont de plus petite taille que la reine. Les courtisans, eux, passent tout leur temps auprès de la reine qui ne sort de la chambre d’élevage que pour uriner et déféquer.

    L’activité des ouvriers comprend la recherche de nourriture et le creusement des tunnels. Ils ne travaillent que le matin et en fin d’après-midi pour éviter les trop fortes chaleurs.

    La construction d’une galerie fait intervenir le travail d’une équipe bien coordonnée.

     

    Rats taupe dans leur galerie

    Illustration d'une galerie de rats-taupes. © Angela Hartgreaves

     

    Le premier ouvrier « le mineur » creuse le tunnel. Le second ouvrier récupère les déblais qu’il évacue derrière lui et ainsi de suite jusqu’au dernier ouvrier de la chaîne, préposé à l’évacuation de la terre à l’extérieur.

    Mineurs, pousseurs et préposés à l’évacuation sont remplacés régulièrement par d’autres membres.

    Le trou de sortie reste toujours ouvert et des déblais sont continuellement éjectés. L’entrée d’une galerie active fait ainsi penser à un volcan en éruption.

     

    Trous des galeries du rat taupe

    Trous de sortie des galeries. By Scaparius

     

    Une société peut occuper un réseau de 300 mètres de galeries qui rayonnent au départ d’une vaste chambre commune.

     

    La reproduction du rat-taupe glabre

    La reine choisit son partenaire sexuel parmi les mâles non ouvriers. Les nouveau-nés sont aveugles et glabres.
    En captivité, une reine peut donner naissance, par an, à 4 ou 5 portées d’une douzaine de jeunes en moyenne.
    Le chiffre peut même atteindre 100 nouveau-nés par an ce qui est un record pour un mammifère. De plus, la reine peut se reproduire jusqu'à un âge très avancé.

    Les jeunes sont soignés par les ouvrières qui leur procurent chaleur et nourriture. Elles les alimentent avec des morceaux de tubercules.

    Les jeunes se développent très lentement et n’ouvrent les yeux qu’après quelques semaines. Ils atteignent leur taille adulte au bout d’un an.
    Cependant, ils commencent leur vie d’ouvrier juste après le sevrage, vers un ou deux mois.

     

    Longévité du rat taupe

    Heterocephalus glaber a une longévité exceptionnelle pour un rongeur. Il peut vivre entre 25 et 30 ans. En comparaison, une gerbille vit en moyenne 4 ans, le rat noir (Rattus rattus) ne dépasse pas un an en liberté et vit jusqu'à 4 ans en captivité.
    Les chercheurs se sont donc intéressés à cette espérance de vie hors du commun pour comprendre le vieillissement humain.
    En effet, la longévité maximum de notre espèce n'a guère évolué depuis plusieurs centaines d'années.
    Les progrès médicaux nous permettent de rester en meilleure santé plus longtemps, mais l'espérance de vie moyenne aurait tendance à stagner, voire à légèrement diminuer selon l'indicateur « espérance de vie sans incapacité » (EVSI) publié en 2011.

    Le faible taux métabolique peut être une des raisons de cette longévité.

     

    Rat taupe et cancer

    Le rat taupe nu est le seul rongeur, connu à ce jour, qui soit immunisé contre tous les types de cancers. Un article publié dans la revue Nature du 19 juin 2013 donne un espoir pour la lutte contre le cancer.
    Des chercheurs américains de l'université de Rochester pensent que cette protection est due à une molécule, l'acide hyaluronique.
    L'acide hyaluronique contribue à la prolifération et à la migration des cellules. Il peut se trouver impliqué dans la progression de certaines tumeurs malignes. Il est notamment présent dans la peau et le cartilage.
    Il lubrifie les articulations et rend la peau plus élastique. Il est utilisé pour traiter l'arthrose du genou, en collyre pour les yeux, mais également en médecine esthétique pour le comblement des rides. On le trouve dans de nombreux produits cosmétiques.

    Les scientifiques ont trouvé une très forte quantité d'acide hyaluronique dans les tissus du rat taupe. C'est également ce qui expliquerait la longévité exceptionnelle de ce rongeur qui est de 30 ans en moyenne.
    Chez ce rongeur, le taux est cinq fois plus important que chez l'homme ou chez la souris.
    Heterocephalus glaber produirait donc son propre anticancéreux.

    Les chercheurs ont inhibé génétiquement la production de cette molécule ce qui a rendu l'animal sensible à l'apparition de tumeurs.

    Commentaire des chercheurs :

    « L'acide hyaluronique, booste, en effet la réparation des tissus et empêche les cellules de développer des tumeurs »
    « Nous espérons qu'elle puisse donner lieu à de nouveaux traitements contre le cancer »
    « Il faudrait réussir à faire en sorte que la molécule soit produite dans tout l'organisme. Et il n'est pas encore certain que l'acide hyaluronique fonctionne pour tous les cancers »

    Classification : Animalia. Vertebrata, Mammalia, Rodentia, Bathyergidae, Heterocephalus

    V.Battaglia (26.03.2006). M.à.J 08.2013

    Références

    Le rat-taupe, Editions Marshall Cavendish 1994
    Mammifères de l'Afrique Australe, Gus Mills et Lex Hes, Editions Könemann 1999
    Old mole-rat boosts ageing research. Revue Nature 18.11.2002
    Simple molecule prevents mole rats from getting cancer. Revue Nature 06.2013

     

    Mammifères 2:  Rat-taupe glabre

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