• Médecine: Avancée montréalaise contre le cholestérol

     

    Avancée montréalaise contre le cholestérol

     

     

    Un nouveau traitement pourrait réduire le risque de maladie cardiovasculaire de...

     

    Ma Presse

     

    Un nouveau traitement pourrait réduire le risque de maladie cardiovasculaire de milliers de Québécois, mais à quel prix ?

     

    Une nouvelle classe de médicaments miracles fait irruption en cardiologie. Les inhibiteurs de PCSK9 font des miracles pour abaisser le taux de cholestérol. Des milliers de Québécois souffrant d'hypercholestérolémie familiale pourraient enfin diminuer à un niveau acceptable leur risque de mourir d'une crise cardiaque. Mais ces médicaments coûtent cher, 7000 $ par année, contre 200 $ à 300 $ par année pour les statines généralement utilisées pour le cholestérol. Le coût au Québec pourrait atteindre des dizaines, voire des centaines de millions de dollars.

     

    « C'est une belle histoire montréalaise », explique Robert Dufour, directeur associé de la clinique de prévention cardiovasculaire à l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). « C'est un chercheur de l'IRCM, Nabil Seidah, qui a découvert la PCSK9 en 2003. Par la suite, un groupe de Français ont communiqué avec lui parce qu'ils avaient trouvé une famille dont les membres avaient un taux de cholestérol élevé, mais n'avaient pas de problème avec les récepteurs de cholestérol comme on le voit souvent dans les cas d'hypercholestérolémie familiale. On s'est rendu compte que cette famille avait une mutation dans le gène de la PCSK9. »

     

    Cette découverte est importante au Québec parce que l'hypercholestérolémie familiale y est plus fréquente qu'ailleurs. Un Québécois sur 270 en souffre, contre un sur 500 dans le reste du monde, selon le Dr Dufour. « Et dans certaines régions comme au Saguenay, c'est une personne sur 80. »

     

    Les médicaments habituellement utilisés pour réduire le taux de cholestérol, les statines, ne sont pas toujours assez puissants pour l'hypercholestérolémie familiale, où les taux de cholestérol LDL peuvent dépasser 5 millimoles par litre, alors que la cible recommandée au Canada pour les patients à haut risque cardiovasculaire est de 2 mmol/L. De plus, plus de 10 % des patients sont intolérants aux statines, qui peuvent causer des problèmes musculaires ou tout simplement ne pas fonctionner.

     

     

    DEUX MÉDICAMENTS APPROUVÉS

     

    Deux inhibiteurs de PCSK9 ont été approuvés par Santé Canada : Praluen de Regeneron/Sanofi et Repatha d'Amgen. Un troisième, de Pfizer, s'en vient. « Santé Canada a accepté les inhibiteurs de PCSK9 pour l'hypercholestérolémie familiale et pour les patients chez qui les statines ne permettent pas d'abaisser suffisamment le taux de cholestérol », explique Jean Bergeron, chef du service de lipidologie au Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ), qui a participé à plusieurs études sur la question.

     

    «Mais aucun seuil de cholestérol LDL n'a été précisé. Il va revenir à chaque province de fixer ses propres critères en fonction de sa capacité de payer.

     

    Jean Bergeron,
    chef du service de lipidologie au CHUQ

    Les cardiologues québécois attendent avec impatience de voir si l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux du Québec (INESSS) recommandera le remboursement des inhibiteurs de PCSK9 pour d'autres patients que ceux qui souffrent d'hypercholestérolémie familiale. Selon le Dr Bergeron, la RAMQ accepte déjà de couvrir ce coût.

     

    « J'ai l'impression que les gouvernements vont attendre les prochaines grosses études cliniques » pour étendre l'utilisation au-delà de l'hypercholestérolémie familiale, estime Jean Grégoire, de l'Institut de cardiologie de Montréal, qui est coprésident des lignes directrices sur l'antilipidémie de la Société canadienne de cardiologie. « Jusqu'à ce jour, on n'a pas de preuve de l'impact de cette classe de médicaments sur la réduction des événements cardiovasculaires. »

     

    COÛTS POTENTIELS ÉLEVÉS

     

    L'inquiétude est toutefois palpable. Si les inhibiteurs de PCSK9 sont limités à l'hypercholestérolémie familiale, aussi peu qu'un millier de patients pourraient y avoir droit au Québec, selon le Dr Bergeron. Le coût serait donc de 7 millions. Mais la Sun Life, dans un document publié l'an dernier intitulé « Nouvelles thérapies contre le cholestérol - votre assurance-médicaments est-elle prête », chiffrait à 250 millions le coût potentiel au Canada, et 2,5 milliards en 2026. Aux États-Unis, les pharmacies CVS ont avancé l'an dernier, sur le blogue CVS Health, que les coûts pourraient atteindre 200 milliards US.

     

    Il faut dire que Sanofi n'a été particulièrement rassurante : son directeur de la R & D, Elias Zerhouni, a affirmé en 2015 à Bloomberg Businessweek que 6 millions d'Américains pourraient prendre l'inhibiteur de PCSK9, 10 à 30 fois plus que les cas d'hypercholestérolémie familiale. Un cardiologue de l'Institut de cardiologie, Martin Juneau, a envoyé à La Presse une présentation d'un influent cardiologue américain, Michael Davidson de l'Université de Chicago, où le Dr Davidson propose que tous les patients intolérants aux statines reçoivent des inhibiteurs de PCSK9, quel que soit leur risque cardiovasculaire.

     

    « Le Dr Davidson est un expert des lipides que je respecte, mais je préconise une utilisation plus sélective » des inhibiteurs de PCSK9, commente Steven Nissen, un cardiologue de la Clinique de Cleveland, en Ohio, qui a mené plusieurs études cliniques importantes sur les inhibiteurs de PCSK9, dont la dernière a été publiée en avril dans le Journal de l'Association médicale américaine (JAMA). « Pour moi, ce devrait être limité aux cas d'hypercholestorémie familiale ne pouvant être traités avec les statines. »

     

    L'étude du JAMA était accompagnée d'un éditorial prévoyant que d'autres études cliniques, qui se termineront d'ici deux ans, occasionneront un débat sur l'utilisation des inhibiteurs de PCSK9 pour tous les patients intolérants aux statines.

     

    Le débat risque d'être compliqué par la tendance générale à l'abaissement des cibles de cholestérol LDL. « Il y a plusieurs années, le seuil était de 2,5, dit le Dr Bergeron, du CHUQ. Là on est à 2. Il y a des études qui montrent des bénéfices à 1,4-1,5. Pour caricaturer, faudra-t-il se rendre à zéro ? »

     

    L'abc des inhibiteurs de PCSK9

     

    La proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9) est une enzyme circulant dans le sang qui interagit avec les récepteurs du cholestérol, des protéines éliminant le cholestérol du sang. Si la PCSK9 est trop active, ces récepteurs ne font pas leur travail et le taux de cholestérol sanguin est élevé. Les inhibiteurs de PCSK9, qui rétablissent le bon fonctionnement de ces récepteurs, diminuant le taux de cholestérol, sont des « anticorps monoclonaux », une nouvelle classe de médicaments plus ciblés mais souvent cher, avec des coûts pouvant atteindre des dizaines de milliers de dollars.

     

    Coûts annuels

    Traitement aux statines: 200 à 300 $

    Traitement aux inhibiteurs de PCSK9: 7000 $

     

    Dépenses annuelles projetées au Canada

     

    Si les inhibiteurs de PCSK9 sont réservés aux patients souffrant d'hypercholestérolémie familiale prenant des statines et n'atteignant pas les cibles de cholestérol: 140 millions $

     

    Si tous les patients prenant des statines et n'atteignant pas les cibles de cholestérol reçoivent des inhibiteurs de PCSK9: 5,6 milliards $

     

    Note : Ces montants ont été calculés à partir de données populationnelles américaines et du coût des inhibiteurs de PCSK9

     

    Sources : Statistique Canada, CVS Health, Bloomberg Businessweek, Nature Biotechnology, Centre hospitalier de l'Université Laval, Institut de cardiologie de Montréal, IRCM

     

     

     

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