• Nature en Images 3: Les secrets de la forêt d'Huelgoat

     

    Les secrets de la forêt d'Huelgoat

     

    Par Hughes Derouard
    source : Hors série - France sauvage
     

    Rivière d’Argent, camp d’Artus, Roche Tremblante, moulin du Chaos… S’enfoncer dans la forêt d’Huelgoat, vestige occidental de l’ancienne sylve de Brocéliande, qui recouvrait jusqu’au XVIe siècle une majeure partie de la région, c’est glisser ses pas dans un monde où l’imaginaire a planté durablement ses racines. Balade entre deux mondes…

     

    la forêt d'Huelgoat

    La forêt d’Huelgoat est un ensemble forestier domanial de plus de 1 000 hectares. Si ce paysage s’explique par un lent travail d’érosion, c’est à la légende que notre préférence peut aller. Ainsi, dit-on pas que ce serait Gargantua, courroucé de la « mauvaise bectance » offerte par la population, qui aurait accompli sa vengeance en bombardant la sylve armoricaine de cailloux colossaux. Pour accéder au Ménage de la Vierge et ses excavations creusées par l’érosion dans la roche, il faut descendre au creux du vallon...

    Tout commence à L’ Autre Rive. Un lieu que les citadins pensent forcément improbable. Songez, un cybercafé-librairie planté quasiment au milieu de nulle part, soit au hameau de Restiniou Vraz, près de Berrien ! C’est pourtant accoudé au bar, une tentante blonde Tantad (brassée par An Alarc’h à Huelgoat) face à moi, que j’engage la conversation avec Tugdual. Un fondu de photo, qui a quadrillé la forêt en quelques milliers de clichés. Les mystères de la forêt d’Huelgoat ? Rendez-vous est fixé au lendemain pour une découverte qui flirte avec l’initiation.

     

    Le Chaos

    Le Chaos le long de l'Allée Violette.

     

    Au petit matin, une brume gorgée d’humidité insuffle au moulin du Chaos une dimension on ne peut plus dramatique. Au pied du moulin (1339), la rivière d’Argent (nommée ainsi en raison des mines argentifères exploitées localement jusqu’à la fin du XIXesiècle), refuge des princesses celtes et des druidesses, jaillit du lac en une cataracte assourdissante. J’emboîte le pas de mon mentor ès légendes sur l’étroit, abrupt et glissant sentier courant sur la rive droite du cours d’eau, entre un amoncellement de blocs granitiques paraissant en équilibre précaire. Fermement cramponnés à la rambarde de l’escalier s’enfonçant au cœur de la grotte du Diable, nous progressons sur la « route des auberges ». Une balade qui n’a rien de festif puisqu’on raconte que quatre-vingt-dix-neuf affriolantes serveuses soumettaient à la tentation les pauvres mortels de passage. Y succomber était déjà mettre un pied dans l’autre monde…

     

    La roche tremblante

    Par un théâtre de verdure en surplomb se découvre la Roche Tremblante. Un mastodonte de granit jaugeant plus de cent tonnes, long de sept mètres de haut et haut de trois. Tugdual me met au défi de la faire bouger d’un simple coup d’épaule. Le point très précis trouvé, le roc géant oscille. Toujours impressionnant.

    Il faut descendre plus profond au creux du vallon pour que le Ménage de la Vierge et ses excavations creusées par l’érosion dans la roche se révèlent. Les plus imaginatifs disent y voir l’empreinte du berceau où reposait, auprès de sa mère, l’Enfant Jésus… Mais c’est une autre figure qui hante le Chaos d’Huelgoat : Dahut, la princesse d’Ys et fille du roi Gradlon. Ici, en sa demeure de Kastel-Guidel, elle menait une vie de débauche. Ses amants « consommés », Dahut chargeait son âme damnée, l’Homme noir, de les précipiter dans les abîmes du gouffre. Ce dernier existe bel et bien, et la rivière d’Argent y caracole en cascade écumeuse.

    Nous nous écartons du légendaire pour rejoindre la stèle dressée en hommage à Victor Segalen, mort mystérieusement dans cette profondeur forestière. L’archéologue qu’il était devait être intéressé par le camp d’Artus. En 1938, l’archéologue anglais Sir Christopher Wheeler exhume des traces de foyers et de fondations d’un habitat de l’époque gauloise ; situé au sommet d’une haute motte artificielle, le camp n’est autre qu’un puissant oppidum celtique (de type murus gallicus) d’une superficie d’une trentaine d’hectares, véritable forteresse défendue par une enceinte fortifiée. Là, vivait le peuple gaulois des Osismes. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les Huelgoatains refusaient de s’y aventurer, assurés que des êtres démoniaques veillant sur un trésor secret y rôdaient…

    Victor Segalen, la fôret pour linceul

    Médecin et grand voyageur explorateur, fin connaisseur de l’Océanie et de la Chine, où il dirige des expéditions archéologiques et géographiques, le Brestois Victor Segalen (1878-1919) revient s’installer en France en 1918, après avoir travaillé sur des sépultures dans la région de Nankin. Il séjourne alors à Huelgoat. Sa santé s’est subitement détériorée : « Je n’ai aucune maladie connue, reçue, décelable. Et cependant tout se passe comme si j’étais gravement atteint. Je ne me pèse plus. Je ne m’occupe plus de remèdes. Je constate simplement que la vie s’éloigne de moi. » Est-il victime d’une dépression profonde… Pour tromper l’ennui, ce promeneur solitaire parcourt les coins et recoins de la forêt et de ses chaos rocheux. Il y est retrouvé mort le 23 mai 1919, au pied d’un arbre, un exemplaire d’Hamlet de Shakespeare à ses côtés. Sa jambe est entaillée d’une blessure profonde et un garrot de fortune y est posé. Les circonstances de sa disparition ne seront jamais clairement établies. À lire : Les Immémoriaux, Terre Humaine/ Plon ; Équipée, L’Imaginaire/Gallimard ; Stèles, Éditions Chatelain-Julien.

     

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