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    La mystérieuse nage des Nothosaures trahie par des empreintes de pas

     

     

    Ressemblant aux Plésiosaures du Jurassique et du Crétacé, les Nothosaures devaient constituer les prédateurs dominants dans les mers du Trias. Mais comment nageaient-ils ? Des traces de locomotion enregistrées dans des sédiments calcaires découvertes en Chine du sud permettent aux paléontologues d'y voir plus clair.

     

     
     

    Le Nothosaurus, signifiant lézard mixte, a donné son nom à la famille des Nothosauridés qui regroupe des espèces semi-aquatiques ayant vécu pendant le Trias, de -250 à -210 millions d'années environ. Ils pouvaient atteindre trois mètres de longueur, avec un long cou, une longue queue aplatie, de courtes pattes palmées et une douzaine de dents pointues qui s'imbriquaient les unes dans les autres. On voit ici une représentation d'artiste d'un de ces Nothosauridés, un Lariosaurus. © Adrian Choo

    Le Nothosaurus, signifiant lézard mixte, a donné son nom à la famille des Nothosauridés qui regroupe des espèces semi-aquatiques ayant vécu pendant le Trias, de -250 à -210 millions d'années environ. Ils pouvaient atteindre trois mètres de longueur, avec un long cou, une longue queue aplatie, de courtes pattes palmées et une douzaine de dents pointues qui s'imbriquaient les unes dans les autres. On voit ici une représentation d'artiste d'un de ces Nothosauridés, un Lariosaurus. © Adrian Choo

     
     
     
     

    Certains lecteurs de Futura-Sciences ont peut-être eu la chance, comme l’auteur de ces lignes, de participer il y a plus de 20 ans à une extraordinaire aventure qui a duré de 1975 à 1995 dans le Bas-Bugey. D'importantes campagnes de fouilles dans la carrière de calcaires lithographiques de Cerin (commune de Marchamp, dans l'Ain) y ont eu lieu sous la direction de l'université de Lyon et du CNRS. Des étudiants et des particuliers s’y sont relayés chaque été pour explorer les archives sédimentaires d’une petite lagune en bord d’un récif corallien de l’époque des dinosaures, plus précisément le Jurassique supérieur, il y a environ 150 millions d'années.

     

    Le travail accompli portait sur la paléoécologie et il a permis la récolte defossiles d'algues, de fougères, de conifères, de mollusques, d’oursins, d’étoiles de mer, de divers crustacés, de reptiles et de poissons, mais aussi de traces de locomotion de tortues et de reptiles. Les fouilles, qui permettaient par exemple de travailler sous la direction d’Éric Buffetaut, le spécialiste français bien connu des dinosaures, se sont arrêtées mais on peut encore visiter le musée consacré au site de Cerin et y visionner le documentaire L'île à remonter le temps (Pavé d'Or, Paris, 1993. Prix du Meilleur Film de vulgarisation scientifique, Festival Oullins, 1992) des géologues Paul Bernier et Christian Gaillard.

     

    Deux couches sédimentaires qui se sont déposées dans une mer du Trias moyen gardent en mémoire une paire d'empreintes laissées par un reptiles marin. Selon les fossiles retrouvés à proximité du site de fouilles, il devait s'agir d'un Nothosauridé.
    Deux couches sédimentaires qui se sont déposées dans une mer du Trias moyen gardent en mémoire une paire d'empreintes laissées par un reptiles marin. Selon les fossiles retrouvés à proximité du site de fouilles, il devait s'agir d'un Nothosauridé. © Chengdu Center of China Geological Survey

     

    Le Nothosaure ne nageait pas comme un manchot

     

    Ceux qui connaissent le musée de Cerin ou qui ont participé aux fouilles se souviennent sans doute bien des pistes attribuées à des tortues et des reptiles, dont certains étaient peut-être des dinosaures, qui ont été dégagées dans la carrière et qui ont même été moulées. Ils éprouveront sans doute un peu de nostalgie et une sensation de déjà vu en découvrant les pistes et les empreintes laissées sur un fond marin il y a environ 245 millions d’années présentées aujourd'hui dans un article de Nature Communications.

     

    Elles ont été trouvées dans le biota fossilisé de Luoping, un site bien connu pour la préservation exceptionnelle de ses fossiles et qui appartient à la formation Guanling, en Chine du sud. On y a trouvé des milliers de fossiles de créatures marines, et occasionnellement de plantes et de petits animaux terrestres en provenance des îles voisines, d’une très grande beauté.

     

    Les traces qui ont été découvertes nous donnent un témoignage de ce qui se passait dans les océans du Trias supérieur, environ 8 millions d’années après la grande crise du Permien-Trias. D’après les paléontologues, elles doivent appartenir à des Nothosauridés, des grands reptiles marins de quelques mètres de longueur qui occupaient alors le sommet de la chaîne alimentaire.

     

    Une reconstitution d'un Lariosaurus dans les eaux peu profondes d'une mer du Trias Moyen. En prenant appui sur le fond boueux, il en faisait probablement sortir des crevettes et autres petits animaux dont il pouvait se saisir avec ses mâchoires pourvues de petites dents pointues.
    Une reconstitution d'un Lariosaurus dans les eaux peu profondes d'une mer du Trias Moyen. En prenant appui sur le fond boueux, il en faisait probablement sortir des crevettes et autres petits animaux dont il pouvait se saisir avec ses mâchoires pourvues de petites dents pointues. © Brian Choo

     

    D’après les squelettes fossilisés associés au biota de Luoping, il pouvait s’agir d’empreintes laissées par un Nothosaurus ou un Lariosaurus. Mais ce qui enchante surtout les chercheurs c’est qu’ils ont maintenant les informations nécessaires pour pouvoir trancher entre plusieurs hypothèses qui faisaient débat quant au mode de natation de ces animaux qui précèdent de peu l’apparition des premiers dinosaures, Eoraptor et Herrerasaurus, des carnivores âgés de 225 à 230 millions d'années.

     

    Certains paléontologues pensaient que les Nothosaures effectuaient des mouvements de va-et-vient avec leurs membres à la façon des rameurs. D’autres les imaginaient plutôt comme des manchots qui donnent l’impression de voler dans l’eau en faisant pivoter leurs courtes nageoires selon plusieurs axes. Or, les pistes trouvées dans les boues calcaires transformées en roche ne correspondent pas à ce dernier cas. On remarque en effet des séries de 10 à 50 paires d'empreintes sur un même axe perpendiculaire à la trajectoire, droite ou courbe, comme celles d'un kangourou avançant par bonds. Mais les Nothosaures vivaient dans l'eau. Ils devaient en quelque sorte ramer, peut-être un peu à la manière d'une tortue, effleurant parfois le fond du bout des pattes.

     

     

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    Un nouveau pré-Néandertalien découvert :

    l’Homme de Tourville-la-Rivière

     

     

    Une équipe d’archéologues de l’Inrap a mis au jour sur le site préhistorique de Tourville-la-Rivière, en Seine-Maritime, les vestiges d’un ancêtre des Néandertaliens. Exceptionnelle, cette découverte vient combler un vide dans nos connaissances sur l'histoire de cette lignée.

     

     

     
     

    Les trois os longs du bras gauche d’un pré-Néandertalien (humérus, cubitus et radius) retrouvés sur le site de Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime) en 2010, comparés à un bras moderne. © Denis Gliksman, Inrap

    Les trois os longs du bras gauche d’un pré-Néandertalien (humérus, cubitus et radius) retrouvés sur le site de Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime) en 2010, comparés à un bras moderne. © Denis Gliksman, Inrap

     
     

    Malgré les nombreux sites très anciens exhumés depuis la fin du XIXe siècle, les fossiles humains du Pléistocène moyen (de -781.000 à -128.000 ans) restent extrêmement rares en Europe du nord-ouest. En effet, hormis les deux crânes fragmentaires de Biache-Saint-Vaast dans le nord de la France, les rares fossiles humains de cette période proviennent de dix sites entre Allemagne et en Angleterre. L’individu de Tourville-la-Rivière constitue une découverte majeure en Europe pour la connaissance de cette lignée humaine.

     

    Les vestiges humains fossiles se composent des trois os longs du bras gauche d’un même individu (humérus, cubitus et radius). L’étude paléoanthropologique et les analyses morphologiques et métriques permettent de les attribuer à la lignée néandertalienne. Les résultats viennent d'être publiés dans la revue Plos One par un groupe de chercheurs du CNRS, de l’Inrap, de l’université nationale australienne, du Centre national de recherche sur l’évolution de l’Homme à Burgos (Espagne) et du département d’Anthropologie de l’université Washington à Saint Louis.

     


    Les restes de l'Homme de Tourville suscitent beaucoup d'intérêt chez les anthropologues car l'histoire de cette lignée humaine en Europe à son époque, environ 200.000 ans avant le présent, est mal connue. Intervenants : Jean-Philippe Faivre, préhistorien (CNRS) - Responsable d'opération Inrap de Tourville; Bruno Maureille, paléoanthropologue, directeur de recherche (CNRS); Céline Bemilli, archéozoologue (Inrap). © Inrap - Tournez S'il Vous Plaît - 2014

     

    Le fossile et l’occupation humaine sur le site de Tourville-la-Rivière sont datés entre 236.000 et 183.000 ans. Cinq échantillons d’os humains ont été analysés par les isotopes radioactifs de la série de l’uranium 238 et huit dents animales par la même méthode et par celle de résonance de spinélectronique (RSE), ou en anglais electron spin resonance (ESR). S’il est impossible de déterminer le sexe de l’individu, en raison des dimensions des diaphyses des trois os, ils pouvaient appartenir à un « grand » adolescent ou à un adulte.

     

    L’absence de preuves d’une intervention humaine ou de carnivores sur les ossements laisse envisager un scénario : le bras entier de ce pré-Néandertalien a été charrié par la Seine avant de se déposer, avec ou sans la main, sur les berges ou sur des bancs de sable au pied de la falaise crayeuse de Tourville-la-Rivière.

     

     

    Un Néandertalien atteint d’enthésopathie ?

     

    L’Homme de Tourville est le premier fossile humain aussi ancien qui révèle, sur son humérus, une crête inhabituelle à l’endroit de l’attache du muscle deltoïde. Cette anomalie résulte, selon toute vraisemblance, de la sollicitation du muscle deltoïde postérieur par un mouvement répétitif – peut-être celui du lancer – qui peut être comparable à celle observée chez certains athlètes professionnels contemporains. Bien que cette anomalie ait eu probablement peu d'influence sur la survie de l'individu, elle pose des questions sur le comportement individuel et collectif, la vie quotidienne deshomininés du Paléolithique moyen.

     

    Site préhistorique et paléontologique, Tourville-la-Rivière  est situé dans un des nombreux méandres de la vallée de la Seine, à 14 km au sud de Rouen. Il offre une imposante séquence, de plus de 30 m de haut, reposant sur la basse terrasse de la Seine. La stratigraphie se compose de nappes d’alluvions qui se sont accumulées entre 350.000 et 130.000 ans avant notre ère. En 2010, la fouille d’un hectare s’est focalisée sur celles riches en vestiges et caractéristiques de la fin d’une période interglaciaire, datant d’environ 200.000 ans.

     


    Un site préhistorique et paléontologique vieux de 200.000 ans a été mise au jour en Seine-Maritime. Cette fouille extensive renoue avec une longue tradition de recherches paléontologiques et préhistoriques menées au XIXe siècle dans les carrières du nord de la France. Intervenants : Jean-Philippe Faivre, archéologue responsable d'opération (Inrap). © Inrap - Tournez S'il Vous Plaît - 2014

     

     

    Des outils particulièrement élaborés et remarquablement

    efficaces

     

    Les espèces animales présentes sont caractéristiques de ce contexte de fin de période interglaciaire : outre le cerf, on trouve l’auroch et deux espèces d’équidés (dont l’hydrontin). Avec ces herbivoresgrégaires, il y a également du sanglier et du rhinocéros. Ils sont accompagnés de plusieurs carnivores : le loup, le renard, l’ours et la panthère. En plus de cette grande faune abondante, le site livre également des petits mammifères (chats sauvages) ou des rongeurs (castor et lièvre). Cette accumulation résulte, pour une large part, de phénomènes naturels : des carcasses animales, entières ou partielles, charriées par le fleuve, viennent se déposer sur les berges ou sur des bancs de sable de Tourville-la-Rivière.

     

    L’industrie en silex est peu abondante au regard de la surface fouillée (500 objets seulement sur un hectare). Ce sont des lames et des éclats produits selon un processus particulier et complexe, la technique Levallois. Par exception, une petite aire de débitage concentre 300 objets sur moins de 3 m2. Elle offre de précieuses informations sur les objectifs de production recherchés par les tailleurs pré-Néandertaliens. Les éclats et lames Levallois, remarquablement performants du point de vue fonctionnel, répondent à des besoins immédiats d’outils spécifiques et permettent de prélever des matières animales (viande, tendons, peaux…) sur la faune déposée naturellement sur les berges de la Seine.

     

    Paléontologie:  Un nouveau pré-Néandertalien découvert : l’Homme de Tourville-la-Rivière avec 2 vidéos

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    Apparus au Trias, les mammifères seraient

    plus vieux qu’on le pensait

     

    Trois nouvelles espèces de fossiles ressemblant à des rongeurs grimpeurs appartiendraient au groupe des mammifères, selon des paléontologues. Ces découvertes de la province chinoise du Liaoning pourraient chambouler la chronologie de leur apparition sur Terre car elles démontreraient que les mammifères sont apparus au Trias, il y a plus de 200 millions d'années, et non au Jurassique.

     

     
     

    Une reconstruction d'une des nouvelles espèces de mammifères dont les restes fossilisés datant du Jurassique ont été découverts récemment. Xianshou songae était un animal de la taille d'une souris. Arboricole, il appartenait à un groupe éteint de mammifères du Mésozoïque appelé Euharamiyida. © Zhao Chuang

    Une reconstruction d'une des nouvelles espèces de mammifères dont les restes fossilisés datant du Jurassique ont été découverts récemment. Xianshou songae était un animal de la taille d'une souris. Arboricole, il appartenait à un groupe éteint de mammifères du Mésozoïque appelé Euharamiyida. © Zhao Chuang

     
     
     

    À en juger par leurs incisives, leurs longues queues et leurs pattes adaptées à la vie arboricole, les six spécimens de fossiles, très bien conservés et passés à la loupe des spécialistes, pourraient avoir ressemblé à des écureuils. Pour autant, « toute ressemblance entre ces créatures et les écureuils sont dues à une évolution convergente », signale Jin Meng, conservateur au Musée d’histoire naturelle de New York, aux États-Unis, et co-auteur d’un article à leur sujet publié dans la revue Nature.

     

    Nommées à partir des noms de leurs découvreurs, mais aussi de la ville Linglongta concernée et de mots chinois signifiant « bête », les trois nouvelles espèces Shenshou Lui, Xianshou Linglong, et Xianshou songae, auraient vécu au Jurassique, il y a 160 millions d’années, dans un environnement tropical et arboré. Les chercheurs les réunissent dans un nouveau groupe (ou clade) appeléEuharamiyida, aux côtés des Multituberculata et des Haramiyidés, eux-mêmes appartenant à la sous-classe des Allotheria, qu’ils classent au sein des mammifères.

     

    « Depuis des décennies, les scientifiques débattent pour savoir si le groupe appelé Haramiyida, de nos jours éteint, appartient ou non à celui des mammifères, rapporte Jin Meng. Auparavant, tout ce que nous savions au sujet de ces animaux était basé sur des mâchoires fragmentées et des dents isolées. Mais les nouveaux spécimens que nous avons découverts sont extrêmement bien conservés. Et à partir de ces fossiles, nous avons maintenant une bonne idée de ce à quoi ces animaux ressemblaient vraiment et qui confirme qu’ils sont bien des mammifères. »

     

     
    Un fossile de Shenshou lui (et le schéma de son squelette), découvert dans la province de Liaoning, en Chine. Ces animaux mesuraient environ 15 cm, se nourrissaient d'insectes, de graines et de fruits et vivaient essentiellement dans les arbres. © Shundong Bi et al., Nature

     

    Des fossiles qui portent la marque des mammifères

     

    Malgré une inhabituelle et intrigante structuration de leurs dents, la morphologie générale et d’autres caractéristiques physiques des fossiles se rapportent à celles des mammifères, par exemple, au niveau de l’oreille moyenne, la zone située dans le tympan et qui transforme les vibrations de l’air en des ondulations au sein des fluides de l’oreille ; celles des échantillons fossiles contiennent trois os, un trait anatomique propre aux mammifères.

     

    En outre, les auteurs de l’étude retracent le scénario de l’apparition des mammifères de la façon suivante : les mammifères allothériens auraient évolué à la fin du Trias, il y a 208 millions d’années, à partir d’un ancêtre proche des Haramiyavia puis se seraient diversifiés en deux branches : celles des Euharamiyida et des Multituberculata.

     

    Si leur hypothèse se confirme, elle avance l’apparition des mammifères du Jurassique moyen (qui s’étend de 176 à 161 millions d’années) à la fin du Trias (entre 235 et 201 millions d’années). Pour les chercheurs cela correspond aux résultats de certaines études génétiques.

     

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    Un « nid » de ptérosaures volants livre des

    secrets sur leur croissance

     

     

    Double bonne pioche pour des paléontologues au Brésil : des fossiles révèlent une espèce inconnue de ptérosaures, ces reptiles volants du crétacé, et le grand nombre d’individus d’âges différents permet de reconstituer la croissance de leur crâne… plutôt spécial.

     

     
     

    Reconstitution du ptérosaure Caiuajara dobruskii, qui se fait remarquer par son impressionnante crête au-dessus du crâne. Ces animaux, du moins ceux qui ont été retrouvés au sud du Brésil, dépassaient deux mètres d'envergure pour les plus grands. © Maurilio Oliveira, Museu Nacional-UFRJ, CC-BY

    Reconstitution du ptérosaure Caiuajara dobruskii, qui se fait remarquer par son impressionnante crête au-dessus du crâne. Ces animaux, du moins ceux qui ont été retrouvés au sud du Brésil, dépassaient deux mètres d'envergure pour les plus grands. © Maurilio Oliveira, Museu Nacional-UFRJ, CC-BY

     
     
     

    Dans le sud du Brésil, une équipe de paléontologues fouille depuis trois ans un site exceptionnel qui recèle de nombreux restes de vertébrés fossiles. Dans une publication dans la revue Plos One, Paulo Manzig et ses collègues révèlent qu’il s’y trouve pas moins de 47 individus d’une même espèce de ptérosaure, jusque-là inconnue et baptisée Caiuajara dobruskii. Selon les auteurs, la datation les situerait entre le Turonien et le Campanien, donc au Crétacé supérieur, quelque part entre -94 et -741 millions d’années. C’est la première fois que des ptérosaures sont retrouvés au sud du Brésil, tous les autres provenant du nord du pays. De plus, cette espèce appartient, affirment les auteurs, aux tapéjaridés, un groupe connu par des fossiles retrouvés en Chine, en Espagne et au Maroc.

     

    Ces « reptiles » (puisque ce terme, devenu scientifiquement imprécis, ne s’applique pas vraiment à ces animaux) forment une grande famille, apparue au Trias il y a 230 millions d’années. Comme les dinosaures, avec lesquels ils n’ont qu’un cousinage, les ptérosaures ont disparu il y a 65 millions d’années, à la fin du Crétacé. Ils volaient et semblent bien avoir été les premiers vertébrés à conquérir les airs. Le ptérosaure géant Quetzalcoatlus atteignait douze mètres d’envergure, mais beaucoup étaient bien plus petits. Les 47 individus découverts au Brésil mesuraient entre 65 cm et 2,35 m d’envergure.

     

    Le crâne d'un adulte. La bouche est en bas à droite avec la mâchoire inférieure (d) et l'os maxillaire (m). Au centre, en noir, la cavité oculaire. © Paulo Manzig/Plos One
    Le crâne d'un adulte. La bouche est en bas à droite avec la mâchoire inférieure (d) et l'os maxillaire (m). Au centre, en noir, la cavité oculaire. © Paulo Manzig/Plos One

     

    Des ptérosaures grégaires dont les jeunes apprenaient

    vite à voler

     

    Cette variété de tailles est une aubaine pour les paléontologues, car elle provient des différences d’âge entre les individus, qui vont du juvénile (l’essentiel des ossements retrouvés) à l’adulte. Les chercheurs ont donc eu le loisir de reconstituer la croissance de l’étonnante crête osseuse ornant la tête de ce ptérosaure, apanage des mâles dans ce groupe. Elle se développait entre les deux yeux vers le haut et vers l’arrière. De même, caractéristique des tapéjaridés, une autre excroissance, plus petite, poussait sous l’extrémité de la mâchoire inférieure. Le reste du squelette, en revanche, diffère peu du juvénile à l’adulte, ce qui conduit à la conclusion que les jeunes devaient savoir voler assez tôt.

     

    Pour les auteurs, le fait qu’autant de restes soient concentrés au même endroit (en fait sur trois niveaux stratigraphiques) démontre que ces ptérosaures menaient une vie grégaire. Jusque-là, rappellent les auteurs dans la revue Plos One, le comportement social de ce groupe était démontré chez deux espèces, le géant Quetzalcoatlus et un cousin des Ptérodactyles, Pterodaustro. Caiuajara dobruskii, expliquent les paléontologues brésiliens, devaient vivre en colonie autour d’un lac, au sein d’une région plutôt désertique. Les 47 individus retrouvés seraient morts à proximité d’une oasis.  Sécheresse trop forte ? Tempête dans le désert ? Les auteurs n’avancent que des hypothèses sur la raison de cet amoncellement de ptérosaures.

     

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    Il y a environ 510 millions d'années, après l'explosion du Cambrien, plus de 50 % des espèces vivantes disparaissent lors de la première grande extinction du paléozoïque. En datant des laves anciennes en provenance de la grande province ignée de Kalkarindji en Australie, un groupe de géologues a établi un lien entre ces deux événements.

     

     
     

    Les trilobites sont nés au Cambrien. Cette classe d'arthropodes marins très répandus pendant l'ère primaire a persisté jusqu'à la grande extinction du Permien. Plusieurs espèces avaient déjà été victimes de la crise biologique du Cambrien moyen, que l'on pense maintenant être liée aux gigantesques épanchements basaltiques de la province volcanique de Kalkarindji, en Australie. © St. Petersburg Paleontological Laboratory

    Les trilobites sont nés au Cambrien. Cette classe d'arthropodes marins très répandus pendant l'ère primaire a persisté jusqu'à la grande extinction du Permien. Plusieurs espèces avaient déjà été victimes de la crise biologique du Cambrien moyen, que l'on pense maintenant être liée aux gigantesques épanchements basaltiques de la province volcanique de Kalkarindji, en Australie. © St. Petersburg Paleontological Laboratory

     
     
     

    Tout le monde a entendu au moins une fois parler de la période géologique du Cambrien, l’une des six divisions de l’ère paléozoïque. Le nom de cette période a été donné au début du XIXe siècle alors que la géologie moderne prenait son essor sous l’influence des géologues britanniques tels Adam SedgwickJames Hutton et Charles Lyell. Il est issu du terme latin Cambria, qui désigne une tribu préromaine du pays de Galles. Ce sont donc certaines couches géologiques de cette région, avec leurs fossiles, qui vont servir de repères pour définir partout ailleurs dans le monde cette période qui s’étendait entre 540 et 485 millions d’années avant notre ère.

     

    On la connaît surtout parce qu’elle semble accompagnée d’une brusque diversification et d’une augmentation marquée de la complexité des formes vivantes, l’explosion cambrienne. Les paléontologues discutent encore de la réalité et de la signification de cette explosion. Le Cambrien, c’est aussi le moment où apparaissent de fascinants arthropodes marins : les trilobites. Tous les collectionneurs de fossiles qui se respectent en possèdent au moins quelques exemplaires fossiles de cet animal, dont on connaît pas moins de 18.750 espèces.

     

    Extinction massive au début du Cambrien moyen

     

    Le Cambrien est aussi marqué par les premières crises biologiques attestées touchant les multicellulaires. Celle qui s’est produite il y a environ 510 millions d’années a eu comme conséquence la disparition de 50 % des espèces de la biosphère. On sait qu’elle a été accompagnée par des changements climatiques et des océans avec des eaux anoxiques.

     

    Carte montrant la localisation de basaltes associés à la grande province ignée du Kalkarindji (en violet). En orange, on distingue les orogènes de King Leopold et Halls Creek (orogenes). Pendant le Cambrien, l'Australie faisait partie du Gondwana, un supercontinent.
    Carte montrant la localisation de basaltes associés à la grande province ignée du Kalkarindji (en violet). En orange, on distingue les orogènes de King Leopold et Halls Creek (orogenes). Pendant le Cambrien, l'Australie faisait partie du Gondwana, un supercontinent. © Commonwealth of Australia(Geoscience Australia), 2010

     

    Le géophysicien français Vincent Courtillot a constaté voilà quelques décennies une étrange corrélation entre les éruptions basaltiques massives conduisant à la formation des grandes provinces ignées ou LIP (large igneous provinces en anglais) et beaucoup d’extinctions massives. Pour lui comme pour d’autres, ces événements sont liés et les changements climatiques provoqués par la formation des LIP auraient causé ces crises biologiques. Bien qu’il semble désormais bien établi que la célèbre crise K-T a surtout été causée par l’impact d’un petit corps céleste au Yucatán il y a environ 65 millions d’années, il est difficile de nier la pertinence de l’hypothèse de Courtillot dans le cas d’autres extinctions massives comme celle du Permien-Trias.

     

    Climat qui oscille rapidement entre chaud et froid

     

    Un groupe de spécialistes en géosciences vient d’apporter de l’eau au moulin de la théorie de Courtillot en datant plus précisément les laves associées à des LIP australiennes, celles de la province volcanique de Kalkarindji. Comme l’expliquent les chercheurs dans un article publié dans Geology, les méthodes de datation radioactive par l’uranium-plomb et argon-argon ont permis d’établir que plus de deux millions de kilomètres carrés de basaltesque l’on trouve dans le Territoire du Nord et l’Australie-Occidentale provenaient de laves émises très rapidement et conjointement avec celles retrouvées dans la LIP de Kalkarindji il y a environ 510 millions d’années. Ces événements coïncident bien avec l’extinction massive du début du Cambrien moyen, mais l’analyse de la chimie des laves montre aussi qu’elles sont appauvries en dioxyde de soufre. Or, il est établi qu’une augmentation du dioxyde de soufre dans l’atmosphère à la suite d’une importante éruption volcanique conduit à un refroidissement global temporaire du climat. C’est ce que l’on a constaté avec l’éruption du Pinatubo par exemple.

     

    En se basant sur le fait que des gaz à effet de serre comme le CO2 ont aussi été relâchés en grandes quantités dans l’atmosphère de la Terre par les LIP du début du Cambrien moyen, les chercheurs ont déduit que le climat a dû subir des oscillations rapides, trop rapides pour que bien des espèces aient le temps de s’y adapter. S’ils ont raison, on connaîtrait donc désormais la cause de la première extinction biologique massive du Paléozoïque.

     

    Paléontologie:  La première extinction du Cambrien aurait bien une origine volcanique

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