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    Gordes, l’équilibriste de pierres sèches

     

    Par Dominque Roger (texte original)
    Céline Fion (adaptation web)
     

    Perché sur le flanc sud des monts de Vaucluse, dominant la vallée du Calavon, cette merveille de Provence mêle champs de lavande, ruelles en calade, bâti d’exception et douceur de vivre. 

    Panorama sur Gordes Déjà présent à l’époque gallo-romaine, Gordes était le principal oppidum (lieu de refuge public) de la Cité de Cavaillon. Le village culmine à près de quatre cent mètres d’altitude.

    Labyrinthe blanc 

    Gordes se distingue par ses ruelles caladées qui, en Provence, désignent ces délicates pentes pavées, façonnées par des artisans. Tantôt elles descendent en cascades franches, tantôt elles se font sinueuses et dessinent un véritable labyrinthe de pierres sèches, entouré de hautes bâtisses. Construits à même la roche, au bord du vide, les blocs s’empilent, comme un défi aux lois de l’équilibre.  Est-ce cette profusion de lignes franches qui influença Victor Vasarely ? Toujours est-il que l’artiste apprécia le village provençal, tout comme Marc Chagall, Jean Deyrolle ou encore Pol Mara.

    Ce dernier a même droit à son propre musée, au cœur du château qui trône au sommet de Gordes. Construit en 1525 par Bertrand de Simienne, sur l’emplacement d’une forteresse médiévale, le château sert également de mairie. A deux pas, se trouve l’église Saint-Firmin et son exubérant décor peint du XIXe siècle ainsi que les caves du Palais Saint-Firmin. Ce vaste ensemble semi-troglodytique mêle citernes, escaliers souterrains, moulin à huile,… et emmène les visiteurs dans un envoutant voyage dans l’histoire du village.

    Champ de lavande devant l'abbaye de GordesLa lavande est partout. Ici, devant l'abbaye de Sénanque. Un musée est consacré à la plante, à  quelques kilomètres (à Coustellet). 

    Route de la lavande

    Situé sur la route de la lavande, Gordes s’habille régulièrement du mauve de cette fleur apaisante. Les allées plantées parallèles mènent à la magnifique abbaye Notre Dame de Sénanque, entourée de champs odorants. Située dans un vallon à l’ouest, elle fut fondée au milieu du XIIe siècle par l’évêque de Cavaillon. Elle est l’un des joyaux éparpillés dans les proches alentours du village. De nombreux hameaux anciens comme les Beaumettes, les Gros, Les Martins ou les Marres méritent le coup d’œil tout comme le village des bories, un ancien groupement de cabanes en pierres sèches autrefois habité.

     

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    Saumur : un décor d'enluminure

     

    Par François Silvan
    source : Détours en France n°170, p. 56
     

    Monter vers le château de Saumur par les ruelles sinueuses, c’est remonter jusqu’au XXIe siècle. Découvrir les hôtels particuliers, c’est voyager vers l’âge d’or de Saumur la protestante, « seconde Genève » au rayonnement intellectuel européen...

    Château de Saumur
     

    L’élégance sur la Loire. Juché sur ses remparts bastionnés (dont une partie septentrionale au-dessus du fleuve s’écroule en
 avril 2001), l’aspect du château est dû à de nombreux réaménagements qui l’on même vu transformé en prison. On y enferme les prisonniers religieux, puis 
de guerre, et enfin ceux qui bousculent les bonnes mœurs. Parmi ces derniers,
 le marquis de Sade, en 
avril 1768, et le capitaine de vaisseau Yves-Joseph de Kerguelen, en 1774. L’allure actuelle du château de Saumur est due à l’architecte en chef Lucien Magne qui le restaure à partir de 1902, après son achat à l’État
 par la ville.

    La rue Duplessis-Mornay à Saumur
    Rive droite, la rue Duplessis-Mornay qui monte vers le château où résidait le gouverneur Saumur (1549-1623) et ami d'Henri IV.

    Intimement lié aux ducs d’Anjou, le château sera abandonné après la disparition du roi René, mort sans héritier en 1480. Il doit sa renaissance, en 1589, à Philippe Duplessis-Mornay – le « pape des huguenots » – le gouverneur de la ville qui nous transporte au « siècle d’or » de Saumur, place de sûreté protestante. Fin lettré – il maîtrisait le latin, le grec, l’hébreux... –, Duplessis-Mornay crée l’académie protestante de Saumur en 1599. Une académie réputée dans toute l’Europe qui se distinguera par son rayonnement intellectuel, son esprit de modération et son œcuménisme en cette époque troublée.

    Maisons à pans de bois dans le centre-ville de Saumur

     


    Rue du centre-ville de Saumur, architecture en tuffeau

     


    Rue du centre-ville de Saumur
    Dans le centre, royaume des piétons, on ne se lasse pas des architectures en tuffeau et des maisons médiévales autour et sur la place Saint-Pierre.

    La chapelle des Ardilliers

    Les Ardilliers, chapelle de toute beauté
    Deux églises excentrées valent le détour,
    quitte à emprunter votre véhicule. Au
 sud, l’église romane de Notre-Dame-de-Nantilly,à une dizaine de minutes à pied de la tour du Bourg, limite méridionale de notre circuit. Mais notre coup de cœur va pour la chapelle des Ardilliers, sur la route de Montsoreau. Une petite merveille architecturale du XVIIe siècle assez étonnante avec sa coupole. Historiquement, il s’agit d’un lieu de pèlerinage jusqu’au XIXe siècle où des centaines de « miracles » furent répertoriés (ou orchestrés...) par les oratoriens (congrégation de prêtres séculiers fondée en 1611) qui assuraient le service du sanctuaire. Des soi-disant miracles qui faisaient « hurler » le gouverneur protestant Duplessis-Mornay, qui faillit refuser la présence des oratoriens, finalement acceptés... pour éviter que les jésuites s’y substituent.

     

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    Naviguer sur la Loire de Touraine

    en Anjou

     

    Par François Silvan
    source : Détours en France n°170, p. 48
     

    Naviguer sur le fleuve, c’est avoir le loisir d’observer, d’écouter, de ressentir... de ralentir !  Depuis le fleuve, à la fois nonchalant et puissant, la douceur de vivre du Jardin de la France devient palpable.

    Amboise

    Le château d'Amboise vu du cielOn dit que les châteaux de la Loire ont été conçus pour être vus depuis le niveau de l’eau. Et du ciel, on comprend qu’ils l’ont aussi été pour surveiller le fleuve, ici pour sa confluence avec l’Amasse... Amboise, sur son éperon rocheux triangulaire, ne fait pas exception à la règle. Face à la Loire, le logis du Roi et la tour des Minimes, la tour Louis XI est en pointe. La chapelle Saint-Hubert regarde vers la ville, comme la seconde tour cavalière, la tour Hurtault. Sur la gauche, les jardins et la terrasse du château où Charles VIII souhaitait joindre « ensemble toutes les belles choses dont on lui faisait fête en quelques pays qu’elles eussent été vues, fût en France, en Italie ou en Flandres ».

    « La Loire est donc une rivière / Arrosant un pays favorisé des Cieux ... J'y rencontrai de si charmants appas / Que j'en ai l'âme encore toute émue. ... Je lui veux du mal en une chose : c'est que l'ayant vue, je m'imaginai qu'il n'y avait plus rien à voir ; il ne me resta ni curiosité, ni désir », assurait Jean de la Fontaine dans une lettre à sa femme en 1663.

    Château d'Amboise vu depuis la terrasse. Vue depuis la terrasse, l’aile Renaissance du château d’Amboise. Ses deux niveaux supérieurs ont été ajoutés par François Ier.

    Chaumont-sur-Loire

    Chaumont-sur-Loire
    Chaumont-sur-Loire, entre Blois et Amboise, à
 20 kilomètres entre les deux villes royales. Les parties les plus anciennes datent de 1470, et Diane de Poitiers y vécut à partir de 1560, chassée de Chenonceau par Catherine de Médicis. Voyez les fûtreaux amarrés au pied du château.

    Le bonne idée de la rédaction

    Profitez de votre venue à Chaumont-sur-Loire pour visiter le Festival international des Jardins qui se déroule dans le parc du Château, chaque année, d'avril à fin octobre. 
     

    La chapelle des Ardilliers

    La chapelle des Ardiliers
    À Saumur, prenez le temps de visiter la chapelle des Ardilliers, construite en 1553 pour accueillir les pèlerins venus rendre hommage à une petite pièta en pierre trouvée un siècle plus tôt. La rotonde et son dôme d’ardoise couronné d’un lanternon datent de 1655.

    Montsoreau

    Le château de Montsoreau
    Montsoreau, l’un des premiers châteaux d’Anjou, Sa façade nord a conservé son aspect défensif médiéval.

    Toue cabanée

    embarcations "toue" sur la Loire
    Sur la Loire, on rencontre des adeptes du « toue ou rien ». Longues d’une douzaine de mètres, large de trois et avec un tirant d’eau d’une soixantaine de centimètres, ces embarcations sont idéalement adaptées aux conditions de navigation fluctuantes qu'offre la Loire au courant libre. Sel, denrées alimentaires, étoffes, faïence... rien de ce dont les hommes ont besoin leur échappe. Pas même le transport des meubles du château de Blois expédiés de Paris, au XVIIe siècle.

    Au XVe siècle s'était créée une Communauté de marchands fréquentant la rivière de Loire et fleuves descendant en icelle, pour entretenir le chenal et son balisage en échange d'un droit de péage. Sa passionnante histoire, consultable sur Gallica.bnf.fr dans une édition de 1867, met en évidence l'intensité du trafic dès l'époque romaine.

    La Loire en Radeau
    «Je suis amoureux de Madame. » Madame, c'est la Loire... ses affluents sont "des demoiselles" pour Rachid Djellel, de l'association Loire Plus, basée en face de Montlouis. Un enfant du pays qui a grandi à Joué-lès-Tours. Vingt-deux ans passés sur la Loire en canoë-kayak et une passion intacte du fleuve : « La Loire est une rivière domaniale, elle appartient à tout le monde. Tu peux la descendre en bouée gonflable ou en radeau si tu veux », lance-t-il. De fait, des copains se sont regroupés pour construire un radeau et cela a débouché sur une descente du fleuve. Ledit radeau a repris du service à la rentrée 2013, pour le plus grand bonheur des touristes, cette fois. La Loire, c'est aussi l'occasion de pratiquer un loisir actif tel le kayak, idéal pour profiter pleinement de la tranquillité du fleuve. «Pour les vacances, tu peux prendre l'avion pour Marrakech. Moi, je vais sur la Loire »souffle Rachid.

    Embarcadère à Candes-Saint-Martin
    Embarcadère à Candes-Saint-Martin, là où la Vienne rejoint la Loire, entre Chinon et Saumur. De ce port jadis actif partaient les mariniers
« si vilains sur terre, seigneurs sur l’eau », acteurs d’un commerce florissant et lucratif lorsque, du XVIIe au XIXe siècle, la Loire était le principal axe économique de France. Ici, bancs de sable, épaves d’arbres, seuil rocheux forment depuis deux millénaires des marins experts, connaisseurs de leur environnement et des signaux qui en indiquent les moindres changements. Le Val de Loire faisant partie des sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, la navigation sur sa section fait l’objet d’une charte « prenant en compte les atouts exceptionnels du paysage culturel fluvial ».

    Entre manœuvres hardies pour passer les ponts, périodes de chômage et caprices du fleuve, sable d’été, glaces d’hiver et crues de printemps, la vie des mariniers de Loire a toujours été rude, ce qui ne les empêchait pas d’appeler la Loire le « Paradis ».

    Les caprices du fleuve

    La Loire traîne sa réputation dangereuse : tourbillons, sables mouvants... « Or il n’y en a plus depuis que le sable n’y est plus exploité, explique Rachid Djellel, de l’association Loire Plus. Mais il faut respecter le fleuve. » Autrement dit, éviter les sorties au-delà d’un débit de 1 000 m3/s. Pour mémoire, la grande crue de 1856 avait présenté un débit moyen de 3 600 m3/s... Avec 400 m3/s, fin avril, le fleuve paraît puissant, mais il est en fait tranquille. L’eau va encore descendre de 60 cm. Il faut se rappeler que les grandes crues ont lieu en mai-juin, dans la foulée de la fonte des neiges. Certes, les levées veillent sur le fleuve, ces digues dont les premières remontent à Henri II Plantagenêt, en Anjou, avant que la Touraine ne soit également équipée, puis l’Orléanais jusqu’à la fin du Moyen Âge, jusqu’au Berry et au Nivernais aux XVIIIe-XIXe siècles. Mais aucune n’arrêterait une crue d’importance, l’eau s’infiltrerait dessous. « Douce quand il lui plaît, quand il lui plaît si fière. / Qu’à peine arrête-t-on son cours impérieux. / Elle ravagerait mille moissons fertiles, / Engloutirait des bourgs, ferait flotter des villes », commentait La Fontaine.

     

    Photos-Villes du Monde 2:  Naviguer sur la Loire de Touraine en Anjou

     

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    Challans : la discrète maraîchine

     

    Par Vincent Noyoux
    source : Détours en France n°161, p. 54
     

    Avec son air de bourgade endormie, la deuxième ville de Vendée cache bien son jeu. Ville de foires et de marchés, la capitale du Marais breton-vendéen affiche un dynamisme économique à faire pâlir d’envie bien des préfectures. De quoi justifier que l’on s’y arrête un moment avant de prendre la clé des champs.

    Une emblème des foires, Léon, le canard géant.
    Un emblème des foires à l'ancienne Autrefois Challans, (cette année, les 19 et 26 juillet, 9 et 16 août), Léon, le canard géant.

    Chaque mardi matin, plus de cent cinquante commerçants envahissent le centre de Challans lors du marché hebdomadaire, le plus grand du département. Sur la place du Champ-de-Foire, les éleveurs de volailles exposent les célèbres poulets et canards de Challans, tandis que la foule se presse sous les halles pour s’approvisionner en mogettes, fromages et sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Des vieux en casquette se taquinent dans un patois maraîchin qu’ils débitent vite en avalant les mots. C’est ainsi depuis le Moyen Âge...
 Challans doit son activité
 commerciale à sa situation
 privilégiée au carrefour du
 bocage et du littoral vendéen (Saint-Jean-de-Monts est à
 quinze minutes). Foires et 
marchés continuent d’animer
 la ville, même en été lors des fêtes d’Autrefois Challans : pendant deux jeudis de juillet et deux en août, le bourg renoue avec ses foires à l’ancienne : les habitants enfilent de vieilles blouses, un maréchal-ferrant œuvre au pied du clocher et l’on célèbre même des noces maraîchines. Le reste du temps, Challans trompe son monde. Nulle effervescence, nulle trace de richesse dans les rues du centre-ville, bordées de maisons basses.

    Maison bourgeoise de Challans
    Une maison
 bourgeoise de Challans,
 au charme discret.

    Ici, l’opulence se cache derrière des façades ordinaires. Quelques curiosités méritent tout de même le coup d’œil, telle l’église Notre-Dame et son clocher séparé. Comme les fonds manquaient pour construire le clocher de la nouvelle église, on conserva l’ancien clocher, qui se dresse juste en face. Dans la rue Carnot, le théâtre Le Marais (en fait, c'est un cinéma) arbore, sur sa façade 1950, un bas-relief des frères Jan et Joël Martel.

    Sculture des frères Martel
    Une sculpture des frères Jan et Joël Martel (nés en mars 1896 d’une mère challandaise), Pierrette et le pot à lait.

    Ces jumeaux ont embelli la ville par leurs sculptures inspirées du style Art déco. Leur fresque réalisée en hommage au peintre Charles Milcendeau, un autre enfant du pays, se cache dans le jardin de l’hôtel de ville. La rue Carnot abrite aussi, au 25, une ancienne auberge, dite « maison de Louis XIII », au discret décor Renaissance. Le roi y séjourna, une nuit d’avril 1622, avant de vaincre les troupes protestantes du duc de Soubise.

    Auberge Louis XIII
    L’Auberge Louis XIII, sise dans la maison la plus ancienne de la ville, 1580.

    Au coin des halles, sur la place Aristide-Briand, cherchez la quincaillerie Bailly, qui a conservé sa devanture vert et or des années 1900. À l’intérieur, jetez un œil aux nombreux tiroirs et à l’escalier métallique des années 1920. La boutique semble avoir traversé les époques. Une autre belle devanture est à dénicher au 49, rue Bonne-Fontaine (accès par la place du Champ-de-Foire). Le Garage Moderne étale ses lettres Art déco noir et or sur une façade en mosaïque bleue du plus bel effet. En poussant jusqu’à l’impasse du Guy, faites un saut au lavoir du Guy, où les lavandières frottaient leur linge. Les premiers signes extérieurs de richesse apparaissent enfin dans la très commerçante rue Gambetta. De belles demeures bourgeoises en pierre, comme la maison du Légat et celle des Marzelles, s’alignent sans pour autant se pousser du col. À Challans, on ne tord le cou qu’aux volailles...

     

     

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    Noirmoutier : une escale entre terre

    et mer

     

    Par Vincent Noyoux
    source : Détours en France n°161, p. 62
     

    Avec son pont et son célèbre passage du Gois qui la relient au continent, on en oublierait presque que c’est une île.

    Le Gois, passage submersible de 4 km.
    Mythique, le Gois est un passage submersible de quatre kilomètres, cordon ombilical dangereux pour qui l'emprunte à marée montante. Quatre heures lors de la basse mer, c'est tout le temps qu'il vous accordera pour rejoindre ou quitter l'île de Noirmoutier en marchant au milieu des eaux.

    On pourrait presque la visiter sans se mouiller les pieds. Celui qui découvre Noirmoutier y pénètre par un pont, longe des polders, contourne des marais salants pareils à des miroirs, traverse des plaines agricoles où pousse la bonnotte (la délicate pomme de terre locale), se perd dans les jolies ruelles blanches de Noirmoutier-en-l’Île... Et la mer ? Patience, elle arrive. Et sitôt qu’on atteint les côtes, difficile de la quitter. Noirmoutier lui doit tout. C’est grâce au Gulf Stream, qui passe au large de l’Épine, que l’île jouit d’un microclimat doux : au printemps l’air embaume le mimosa, mais aussi l’arbousier, le figuier, le romarin et le laurier-rose. C’est grâce à l’Atlantique que la bonnotte fleure bon l’iode et le goémon. Grâce à elle encore que Noirmoutier put exporter son sel jusqu’aux confins de la mer Baltique.

    la jetée Jacobsen protège en partie l'île des marées trop importantes depuis 1813.
    La jetée Jacobsen protège en partie l’île des marées trop importantes depuis 1813. Aujourd’hui rénovée et surélevée (à 5 mètres), elle est piétonnière
et limite le marais de Müllembourg situé au pied du château de Noirmoutier.

    Le petit port de Noirmoutier-en-l’Île donne une faible, quoique ravissante, image du visage maritime de l’île. Situé au fond d’un étier envasé à marée basse, il est relié à la mer par un long canal d'un kilomètre et demi. Une poignée de bateaux de pêche et de plaisance amarrés aux quais attendent la marée haute. L’âge d’or du commerce maritime semble loin, mais on lit encore la prospérité des marchands dans les rues du village. Quoiqu’assez rustiques, les hôtels de négociants en sel (Jacobsen, Lebreton des Grapillières, Noizillac, Barré de la Grange) paraissent pompeux à côté des modestes maisons de pêcheurs.

    Maison de pêcheur sur l'île de Noirmoutier
    Volets couleur ciel bleu, la maison d’un pêcheur un peu plus riche que les autres, un capitaine peut-être ?

    Le parfum de la mer emplit aussi les anciennes salorges derrière le port. Ces entrepôts à sel, au bois noirci de goudron, abritent désormais des ateliers de charpente marine. Celui de Frédéric Maingret, le Chantier des Ileaux, sent bon le bois et les produits de calfatage. « À l’île d’Yeu, on construisait de gros thoniers, mais ici on n’a jamais armé que de petits sardiniers, dit-il. Puis, avec l’arrivée du tourisme vers 1900, l’île s’est tournée vers le petit yachting. » Le charpentier à la silhouette de géant souhaite relancer la production du « noirmoutrin », petit bateau insulaire. « Sa ligne est racée, son étrave, élégante et il s’échoue facilement. Il est donc parfaitement adapté à la navigation dans la baie de Bourgneuf. » Espérons que ces noirmoutrins « nouvelle formule » ne finiront pas au cimetière de bateaux tout proche. Un silence émouvant plane sur ce lieu hors du temps. De grosses épaves échouées sur la terre craquelée tombent doucement en miettes. Les mouettes se posent sur ces carcasses vermoulues qui cèdent parfois dans un ultime craquement.

    Le cimetière des bateaux
    Dans le cimetière des bateaux, le sel ronge la peinture et l’acier, les algues minuscules s’installent sur le bois.

    Ambiance Belle Époque au bois de la Chaise

    Les plages du bois de la Chaise offrent un spectacle tout aussi beau, quoique moins pathétique. Des forêts de pins maritimes et de chênes verts festonnent le rivage tantôt rocheux, tantôt sableux. À la fin du XIXe siècle, la bonne société nantaise, angevine et parisienne venait goûter aux charmes des plaisirs balnéaires.

    Front de mer de la plage des Dames.
    Sur le front de mer de la plage des Dames, on folâtre le long de l’estacade.
 Alain Maroncle est le président de l’association Les amis du Martroger, grâce à qui ce baliseur à voiles navigue à nouveau depuis juillet 2011.

    Les bois de pins regorgent de villas cossues et les cabines de bain sur pilotis s’alignent encore sur la plage des Sableaux et sur la plage des Dames. Cette dernière, la plus belle, a aussi conservé son estacade, longue jetée en bois où s’amarrait le vapeur venu de Pornic. Aujourd’hui, l’estacade sert encore. On y pêche l’éperlan au carrelet, on s’y promène à vélo, on y embrasse un amour de vacances... Au large, on aperçoit les lignes de bouchots où sont enroulées les moules. Une activité récente destinée à compléter les revenus des ostréiculteurs de l’île. Comme en Charente, l’huître est élevée en poches. Celles-ci sont posées sur des tables que la marée couvre et découvre, avant d’être affinées en claires. « Nos anciens marais salants, riches en phytoplancton, nous servent de claires. L’huître s’y engraisse et y prend sa belle couleur vert émeraude », raconte l’ostréiculteur Alain Gendron. « Allez donc au port du Bonhomme !, conseille-t-il. Lors des marées à gros coefficient, l’activité ostréicole de l’île bat son plein. »

    La Guérinière sur la côte Atlantique. La Guérinière sur la côte Atlantique.
1500 personnes résident à l’année dans cet ancien village de pêcheurs. Le port du Bonhomme est maintenant « réservé » aux ostréiculteurs aujourd’hui tourné vers le tourisme. Une évidence pour qui possède une plage de sable fin de 7 kilomètres de longueur ! Mais le farniente n’empêche pas la culture : le musée des Traditions de l’île retrace la vie noirmoutrine telle qu’elle était de 1850 à 1950 : métiers, modes de vie insulaires, tout ce qui a failli disparaître avec le progrès et le pont.

    À la pointe occidentale de l’île, L’Herbaudière est le premier port de Vendée pour la pêche au bar de ligne et à la sole. Toutes les nuits, Freddy Pineau sort son ligneur-caseyeur. « La pointe du jour nous guide et quand le jour se lève, nos lignes sont déjà jetées », dit-il. Après un rapide calcul, il estime tendre 10 kilomètres de lignes pour remonter le bar. La sole se pêche au chalut ou au filet. « Au printemps, je fais du crabe et du homard, comme mon père autrefois. » On dit que les plus beaux bars et les plus belles soles finissent sur les grandes tables parisiennes, comme le Crillon ou le Georges V. « C’est vrai, mais je n’ai pas le temps de vérifier ! », regrette le pêcheur. L’Herbaudière n’abrite pas que des bateaux, elle en construit aussi.

    Le port de l'Herbaudière.
    Voici le grand port de l’île : L’Herbaudière, qui, bien sûr, fait la distinction entre pêche et plaisance. Côté pêche, reconversion oblige après l’abandon des campagnes sardinières et pour se trouver une nouvelle spécialité, on se consacre aux espèces nobles : bonne pioche, le port est le 3e de Vendée et exporte 70 % 
de sa production (dans les pays limitrophes). Les
 80 bateaux, fileyeurs et palangriers, rapportent principalement des soles, des bars et des congres.

    Au départ de L’Herbaudière, le choix des balades en bateau est large. Envie de solitude ? Robinsonnez à l’île du Pilier, rocher nu aux deux tours jumelles (un phare et un sémaphore !). Ou alors échouez sur la belle plage sauvage de Luzéronde. Enfin n’oubliez pas le Vieil, adorable village de pêcheurs aux rues ensablées.

     

    Photos-Villes du Monde 2:   Noirmoutier : une escale entre terre et mer

     

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