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    J’aurais pu oublier moi aussi mon enfant dans l’auto

     


    « Je vais vous dire une affaire, moi. Cet accident horrible aurait pu m’arriver à moi. » Notre chroniqueuse Geneviève Pettersen revient sur le décès d’un bébé cette semaine à Saint-Jérôme.

     

    Geneviève Pettersen de la revue Châtelaine

     


    J’étais censée écrire sur autre chose, mais après avoir lu les centaines de commentaires à propos de ce père qui a oublié, hier, son bébé de moins d’un an dans une voiture alors que la température avoisinait 40 degrés, j’ai décidé d’ajouter mon grain de sel. Comme ça, vous ne comprenez pas comment c’est possible d’oublier un bambin sur le siège arrière de l’auto? Vous vous dites qu’à vous, ça n’arriverait jamais. Et vous croyez dur comme fer que ce père est un être abject qui ne mérite pas de se voir confier la garde d’enfants?


    Pour être très honnête, je dois vous avouer que chaque fois qu’un terrible accident du genre se produit, la tentation du jugement est grande. Je regarde mes enfants et je suis convaincue, moi aussi, qu’il me serait impossible de les oublier dans l’auto. Je me demande dans quel état mental il faut être pour tout simplement zapper le fait qu’on devait aller porter le plus petit au CPE. Je crois que ce sentiment est humain et normal. Devant l’horreur et l’incompréhension, la tentation de se voiler la face, de se draper dans l’indignation et de crier qu’à nous, ça n’arriverait jamais, est le premier réflexe. C’est la façon dont la plupart des humains se protègent de l’horreur.

     

    Société 2:   J’aurais pu oublier moi aussi mon enfant dans l’auto

    Photo: iStock

     

    Parce que c’est bien d’horreur dont il s’agit. Il n’y a rien de plus horrifique, pour un parent, que de perdre un enfant par sa propre faute. Ce père de famille de Saint-Jérôme a, par distraction ou je ne sais trop, oublié son bébé dans son petit banc d’auto. L’enfant est mort et c’est de sa faute. Point barre. Pouvez-vous imaginer la détresse et la peine que ressent ce père en ce moment ? Songez au sentiment de culpabilité qui le rongera toute sa vie. Pensez à la mère de ce petit, qui sera, on la comprend, sans doute incapable de cesser de lui en vouloir. Imaginez les regards accusateurs à l’épicerie, au dépanneur et à la caisse. Pouvez-vous vous mettre à la place de ce pauvre homme une minute ? Non. Vous en êtes incapables. Il est bien plus sécurisant, pour le tribunal populaire, de le condamner sans équivoque. Vite ! Que roule sa tête aux pieds des parents tellement bons qu’un tel drame ne pourrait jamais se jouer dans leur vie.

     

    Je vais vous dire une affaire, moi. Cet accident horrible aurait pu m’arriver à moi. Je me rappelle d’un matin où, particulièrement épuisée, au bout du rouleau, j’ai attaché mes deux filles dans ma voiture. Je me suis assise côté conducteur et j’ai démarré. C’est à ce moment-là que ma plus vieille a demandé où était son petit frère. Mon sang a fait trois tours quand j’ai réalisé que mon petit bébé était là, sur le trottoir, dans sa coquille à -25 C. Sans ma fille, je suis CERTAINE que je serais partie en l’oubliant. Et Dieu seul sait ce qui aurait pu arriver.


    J’ai oublié mon fils sur le trottoir. Je n’étais pas encore habituée à toute cette dynamique à trois et je sous-estimais, comme bien du monde, les effets pernicieux que le manque de sommeil a sur ma personne. Alors, chaque fois que je lis dans le journal ou sur internet qu’un parent a oublié son petit quelque part, je me rappelle de ce matin-là. Oh, je ne vous dis pas que je ne le juge pas un instant, mais je me ressaisis. Et je pense à mon fils dans son petit banc d’auto. Je pense qu’il aurait pu être sur la banquette arrière, qu’on aurait pu être en été, et que ce père, ça aurait très bien pu être moi.

     

     

    Société 2:   J’aurais pu oublier moi aussi mon enfant dans l’auto

     

     

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    J’ai survécu à 3 jours sans les enfants

     

     

    « J’avais hâte de me retrouver en tête à tête avec mon mari, mais ça me faisait peur en même temps. » Les petits chez les grands-parents, Geneviève Pettersen est partie dans le bois pendant 3 jours avec son chum. Et ils ont survécu.

     

     

    Geneviève Pettersen du  magazine Châtelaine

     

     

    Pour la première fois en fin de semaine, je me séparais de mon fils de 17 mois durant plus de 24 heures. Oh, il lui est arrivé de se faire garder un après-midi par sa mamie et il fréquente un service de garde depuis peu, mais il n’avait jamais fait dodo ailleurs sans moi.

     

     

    Même si j’ai eu deux autres enfants avant lui et que je savais que mon bébé serait en sécurité, et surtout, qu’il aurait beaucoup de plaisir en compagnie de ses grands-parents, je n’ai pas pu empêcher mon cerveau, la veille du jour J, d’élaborer mille scénarios catastrophes:

     

     

    Il allait se noyer dans l’étang derrière chez ma mère.

    Il allait avaler un bleuet de travers et s’étouffer.

    Il ne dormirait pas de la nuit et appellerait à l’aide du fin fond de sa couchette.

    Il allait casser son petit bras en tombant d’un lit.

    Il allait se faire frapper par un tracteur.

    Il allait peut-être bien même se faire enlever par des extra-terrestres.

     

     

    Heureusement, en me levant ledit matin, j’étais plus sereine que la veille au soir et j’avais hâte de prendre le bois avec mon chum. D’ailleurs, je vous raconterai dans un prochain billet pourquoi nous sommes allés nous perdre dans la forêt saguenéenne trois jours de temps.

     

     

     

    Société 2:  J’ai survécu à 3 jours sans les enfants

    Photo: iStock

     

     

    Oui, vous avez bien lu : TROIS jours. Avouez que vous m’enviez. Trois jours sans les enfants, à pouvoir égrener le temps comme bon me semble. Soixante-douze heures de liberté totale, où j’ai pu manger ce que je voulais (tout sauf du pâté chinois, des pâtes et des gold fish), faire des siestes l’après-midi, lire et discuter avec mon amoureux sans qu’une petite personne nous interrompe parce qu’elle veut du lait ou est écoeurée de se pogner le beigne dans le salon.

     

     

    J’avais hâte de me retrouver en tête à tête avec mon mari, mais ça me faisait peur en même temps. On a tous entendu parler de ces couples qui n’ont plus rien à se dire et n’ont pas d’autres sujets de discussion que les enfants. Je me suis demandé si ce serait notre cas. Après tout, nous avions pris nos dernières vacances il y a plus de 2 ans.

     

     

    Avant la naissance de notre troisième enfant, nous avions l’habitude de partir ensemble au moins trois fois par année. Je m’en voudrais de passer sous silence la grâce que ma mère et son conjoint nous font en acceptant de garder nos mousses pendant qu’on essaie de souffler un peu. Sans ces grands-parents très impliqués et bien conscients de l’importance de s’accorder des moments en couple, il nous serait impossible de bénéficier de ces pauses familiales essentielles.

     

     

    J’avais peur qu’on n’ait rien à se dire, donc. Je vous rassure tout de suite, ce ne fut pas le cas. On a parlé de toutes sortes d’affaires et quasiment pas des enfants. Cette petite escapade m’a rappelé pourquoi j’étais amoureuse de mon mari et m’a confirmé que même si nous avions décidé de ne pas avoir d’enfants ensemble, je voudrais tout de même être sa femme. Je sais que c’est un petit peu quétaine, mais ce que j’essaie de dire, c’est que c’est important, selon moi, de revalider périodiquement la force de sa relation de couple et de se demander si on partage sa vie avec l’autre pour les bonnes raisons. Je souligne au passage que l’hypothèque et la peur de la solitude ne sont pas, dans mon livre à moi, des raisons suffisantes pour être en couple.

     

     

    Oui, ça peut être angoissant de se livrer à l’exercice de se retrouver en tête à tête plus qu’une soirée et qu’on peut avoir de mauvaises surprises. Sauf que vaut mieux savoir à quoi s’en tenir que de demeurer dans une relation parce qu’on a peur de briser sa famille.

     

     

    Pour ce qui est de mon fils, il ne s’est ni noyé ni étouffé. Et ma benjamine me confirme qu’elle n’a aperçu aucune soucoupe volante au-dessus du chalet de mes parents. 

     

     Société 2:  J’ai survécu à 3 jours sans les enfants

     

     

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