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    15 psychopathes les plus célèbres

    de l’histoire

    Ces psychopathes célèbres sont connus pour leurs horribles meurtres, dont on préfèrerait croire qu’ils ne se produisent que dans des films d’horreur.


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    Ed Gein fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.HAROLD OLMOS/AP/SHUTTERSTOCK

    Ed Gein

    Norman Bates (Psychose), Leatherface, (Massacre à la tronçonneuse), et Buffalo Bill (Le silence des agneaux) sont trois des personnages d’horreur fictifs les plus emblématiques de l’histoire, qui s’inspirent tous d’un seul homme: Ed Gein.

    Connu aussi comme le boucher de Plainfield, Gein a collectionné les cadavres féminins en pillant des tombes ou en assassinant des femmes, de 1945 à 1957, date à laquelle il fut arrêté. Il décorait sa ferme isolée dans le Wisconsin de restes de femmes, ou les utilisait pour confectionner des vêtements. Il a fini ses jours dans un hôpital psychiatrique en 1984.

     

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    Charles Manson fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.AP/SHUTTERSTOCK

    Charles Manson

    Un des gourous les plus notoires de l’histoire américaine, Charles Manson employait la manipulation psychopathique pour recruter de nouveaux membres dans les années 60. Il ne faisait pas que tuer, il entraînait ses plus fidèles admirateurs à commettre des actes brutaux, donnant lieu à des massacres de vedettes et de leaders dans le monde du spectacle. Notamment l’épouse du réalisateur Roman Polanski, Sharon Tate, et l’héritière de l’empire du café, Abigail Folger. Cependant, la mort de ces célébrités reste encore un mystère. Condamnés à mort, Manson et ses fidèles ont passé leur vie en prison après l’abolition de la peine capitale en Californie.

     

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    Ted Bundy fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.SF/AP/SHUTTERSTOCK

    Ted Bundy

    Le nom de Ted Bundy évoque un tueur en série et un psychopathe. On le disait rusé et attachant, ce qui lui a permis de piéger un grand nombre de ses victimes. On en compte au moins 30 à travers les États-Unis, mais son arrestation a tardé, car personne n’était convaincu qu’un jeune homme apparemment intègre puisse être l’auteur de crimes aussi odieux. Il est célèbre pour ses tendances nécrophiles et son avocat l’a même qualifié du diable en personne.

     


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    Richard Ramirez fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.AP/SHUTTERSTOCK

    Richard Ramirez, dit «le traqueur de la nuit»

    Selon thoughtcatalog.com, les victimes de Ramirez avaient de 9 à 83 ans, sans préférence pour le genre. Il a terrorisé Los Angeles dans les années 80 en y commettant des massacres brutaux et sataniques afin d’assouvir sa fascination pour la violence. Son éducation y est pour quelque chose. À 11 ans, il a vu son cousin assassiner sa femme et a été forcé de participer au nettoyage des lieux.

     

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    Jack l’Éventreur fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.FRANKIE'S/SHUTTERSTOCK

    Jack l’Éventreur

    Jack l’Éventreur, de Londres, n’a jamais été correctement identifié, en dépit de sa notoriété mondiale. Les meurtres de Jack l’Éventreur font partie de ces 14 crimes qui ne sont toujours pas élucidés.

    En plus de tuer des prostituées, à la fin des années 1800, il dépeçait leurs organes génitaux. On ne sait pas grand-chose à son sujet, mais sa profonde haine des femmes – en particulier des prostituées – a donné lieu à des hypothèses voulant que sa mère l’ait été également. Il laissait ses victimes en pleine rue pour qu’elles soient repérées par les passants et les policiers.

     

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    Albert DeSalvo fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.FRANK C CURTIN/AP/SHUTTERSTOCK

    Albert DeSalvo, dit «l’Étrangleur de Boston»

    Le tueur en série Albert DeSalvo étranglait les femmes en employant souvent des ruses très simples pour franchir le seuil de leur porte, selon le Boston Globe. Dès son jeune âge, il torturait des animaux, un signe précurseur reconnu de la psychopathie. Sa profonde misogynie s’est aggravée en vieillissant, rendant ses relations avec les femmes de son entourage très éprouvantes. Il a été poignardé à mort en prison en 1973.

     

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    Jeffrey Dahmer fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.KYPROS/SHUTTERSTOCK

    Jeffrey Dahmer

    Une des raisons pour lesquelles le cas du psychopathe et tueur en série, Jeffrey Dahmar, a captivé la planète est certainement son allure polie et réservée. Selon le New York Times, il passait sous le radar de la police parce qu’elle croyait à toutes ses histoires.

    En plus d’être célèbre comme tueur en série, Dahmer s’est démarqué par son cannibalisme. Quand les autorités ont finalement pénétré dans son domicile, ils ont découvert des têtes humaines dans le réfrigérateur. Dahmer a fini assassiné dans sa cellule en 1994.

    Le silence des agneaux avec Hannibal Lecter, ce personnage cannibale fait partie des films qui ont reçu l’un des Oscars du meilleur film.

     

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    Le tueur du Zodiaque fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.ERIC RISBERG/AP/SHUTTERSTOCK

    Le tueur du Zodiaque

    Tout comme Jack l’Éventreur, personne ne sait vraiment qui est le tueur du Zodiaque. Mais contrairement à Jack, le Zodiaque ne s’est pas isolé dans l’ombre. Une des raisons pour lesquelles ses meurtres étaient aussi sensationnels était qu’il contactait souvent les médias, en les taquinant avec des énigmes et des charades.

    Il a sévi pendant les années 60 et 70, mais n’a plus donné signe de vie après sa dernière lettre à la presse en 1974. Même sans examen psychologique, ses crimes démontrent un manque d’empathie caractéristique d’un psychopathe.

     

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    Vlad l’Empaleur fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.UNIVERSAL HISTORY ARCHIVE/SHUTTERSTOCK

    Vlad l’Empaleur

    Ce souverain de Transylvanie du 15e siècle serait à l’origine de la légende de Dracula. Il n’avait pas d’ailes de chauve-souris, mais était d’une très grande cruauté et assoiffé de sang. Comme le suggère son nom, il plaçait souvent ceux qu’il venait de faire empaler bien en vue devant son château pour que tous assistent à leur longue et atroce agonie. Il aurait empalé 20 000 personnes, et en aurait tué 80 000 en tout.

     


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    Dennis Rader fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.LARRY W. SMITH/EPA/SHUTTERSTOCK

    Dennis Rader, dit «le tueur BTK»

    Dennis Rader était reconnu pour attacher, torturer et exécuter ses victimes. Comme le tueur du Zodiaque, il badinait avec la presse. À la différence, cependant, que Dennis Rader s’est fait prendre en voulant jouer au plus malin. La police a réussi à retracer l’origine d’un CD envoyé aux médias jusqu’à son église, en 2005. Ses meurtres étaient axés sur ses fantasmes sexuels et les scénarios de sadomasochisme (bondage).

     

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    Elizabeth Báthory fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.HISTORIA/SHUTTERSTOCK

    Elizabeth Báthory

    Son nom ne suscite pas la même réaction que ceux de Bundy ou Dahmer, mais Elizabeth Báthory est la plus grande tueuse en série de l’histoire. Elle aurait éliminé pas moins de 600 jeunes filles pour leur voler leur jeunesse (une fois qu’elle les avait torturées, elle buvait leur sang et s’y baignait). Cette comtesse hongroise, dite la comtesse sanglante, n’a jamais été amenée à procès en raison de son statut social. Mais elle a été assignée à résidence jusqu’à sa mort, en 1614.

     


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    David Berkowitz fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.ANONYMOUS/AP/SHUTTERSTOCK

    David Berkowitz, dit «le Fils de Sam»

    Au milieu des années 70, le tueur en série de New York David Berkowitz a déclenché un mouvement de panique dans la ville en tirant sur les gens au hasard – et en particulier sur des jeunes femmes aux longs cheveux bruns – avec un revolver de calibre .44. Son modus operandi étant totalement irrationnel, le «Fils de Sam» terrifiait la population. Il avait d’abord été un pyromane en série avant de s’adonner à ces massacres, qui ont permis de le capturer. Berkowitz a présenté des signes de psychose plutôt que de psychopathie. Il est depuis devenu un chrétien régénéré (de nouvelle naissance) en prison agissant comme mentor auprès de ses codétenus.

     

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    Albert Fish fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.AP/SHUTTERSTOCK

    Albert Fish

    Albert Fish était un redoutable tueur en série du début des années 1900. Comme Dahmer bien des années plus tard, Fish pratiquait le cannibalisme sur ses victimes. On l’a jugé particulièrement diabolique et dépravé en raison des lettres qu’il adressait aux familles des victimes, leur faisant un compte-rendu détaillé des horreurs qu’il leur avait fait subir.

     

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    H.H. Holmes fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.ART OF LIFE/SHUTTERSTOCK

    H.H. Holmes

    C’est à la fin des années 1800 qu’un premier tueur en série apparaît officiellement aux États-Unis. Se présentant sous le nom de H.H. Holmes, il était médecin et l’architecte d’un immense hôtel à Chicago, rebaptisé le «Château du meurtre» ou le «Château de l’horreur». Il a bâti cet hôtel dans le seul but d’y assassiner et d’y cacher ses victimes, construisant des passages labyrinthiques et des trappes connues de lui seul. En plus d’être le premier aux É.-U., il se démarque aussi par sa psychopathie méthodique.

     

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    Aileen Wuornos fait partie des psychopathes les plus célèbres de l'histoire.LAFAYETTE/KOBAL/SHUTTERSTOCK

    Aileen Wuornos

    Plusieurs documentaires ont été réalisés sur Aileen Wuornos, la meurtrière la plus célèbre des É.-U. Ce qui intriguait en particulier à son sujet, c’était son excentricité et son extroversion, en plus de sa capacité à s’avouer coupable un jour et, peu de temps après, à démentir ses aveux. Elle était un instant amène, et l’autre vengeresse. Elle a été exécutée en 2002 après les meurtres d’hommes qu’elle avait racolés sur les autoroutes en faisant de la prostitution.

     

    Société - 3:  15 psychopathes les plus célèbres de l’histoire

     

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    Célébrer Noël après des changements familiaux...

     

     

    Le rituel de la fête de Noël est en pleine mutation. Décès d’un parent, séparation, chicanes forcent souvent les familles à repenser leur façon de célébrer. Pour le meilleur et pour le pire.


    de Catherine Dubé de la revue Châtelaine

     

     

    Société - 3:  Célébrer Noël après des changements familiaux...


    Photo: Stocksy/Alina Hvostikova

     


    Chaque année, aux premiers jours de décembre, Isabelle éprouve toujours une certaine appréhension. Avec qui passera-t-elle le réveillon de Noël? La Longueuilloise de 45 ans adore cette célébration, la plus familiale de toutes les fêtes du calendrier. Mais depuis plus de 25 ans, elle n’a pas le choix: elle doit la réinventer.

    Et pour cause. L’un de ses frères vit en France depuis des lustres et vient faire son tour au Québec l’été plutôt qu’à Noël. Son autre frère a coupé les ponts avec la famille depuis 13 ans. Sa mère souffre de la maladie d’Alzheimer. Et bien qu’elle rende visite à son père et à sa conjointe durant les fêtes, cela ne se passe jamais le 24 décembre. « C’est dur, parce que je suis une fille de clan », dit cette organisatrice communautaire.

    Au fil des ans, elle a varié les formules: une année, elle est partie seule dans le Sud; une autre, elle a invité cinq amies et sa mère chez elle; il y a trois ans, elle a proposé à une amie française de venir célébrer Noël avec son conjoint et sa mère. Et une année sur deux, lorsque ce dernier a la garde de sa fille, elle prend le chemin de l’Ontario avec eux pour réveillonner avec sa belle-famille.

    À travers toutes les façons de fêter qu’elle a imaginées avec les années, Isabelle s’est rendue à l’évidence: c’est lorsqu’elle est entourée de sa mère et d’amis proches que Noël a le plus de sens à ses yeux. « J’ai eu des deuils à faire pour vivre cette période avec sérénité », confie-t-elle en me montrant ses photos de convives souriants, réunis autour d’une bonne table.


    Passage obligé

    Séparation, conflit, décès, déménagement à l’étranger, toutes les familles sont frappées un jour ou l’autre par un bouleversement qui les force à transformer cette célébration. Parfois momentanément, parfois pour toujours.

    Comment réinventer un rituel aussi ancré dans les traditions et aussi indissociable de la notion de famille? Et pourquoi est-ce tellement difficile d’accepter qu’il soit parfois nécessaire de le renouveler? « Noël, c’est suspendre sa vie d’adulte et retourner dans des émotions anciennes, celles de sa propre enfance », dit le philosophe français Stéphane Floccari, auteur de Survivre à Noël (éditions Les Belles Lettres), paru l’an dernier. Cette fête, on l’idéalise depuis qu’on est petit. Une fois adulte, on finit par comprendre qu’on la redoute en raison des inévitables tensions familiales et qu’on en souffre parfois autant qu’on la désire.

    Si on en a la chance, on tente malgré tout de recréer chaque année avec ses proches la magie de ce Noël fantasmé: au Canada, près de 9 personnes sur 10 célèbrent Noël, et parmi elles, 89 % le font en famille, révèle un sondage Léger mené l’an dernier auprès de 1 530 Canadiens. C’est encore plus vrai au Québec, où 94 % des gens qui fêtent le font en famille. Mais ce n’est pastoujours dans l’allégresse: 1 personne sur 4 dit s’y soumettre par obligation.


    Racines profondes

    Cela fait près de deux siècles que Noël est la fête familiale par excellence. Pas étonnant qu’on ait du mal à la concevoir autrement qu’au milieu des siens!

    Vers 1840, alors que l’Angleterre vit une révolution industrielle qui bouleverse la société occidentale, Noël se révèle un terreau fertile pour incarner les valeurs de l’époque, explique l’historienne de l’art Sylvie Blais, coautrice du livre La fête de Noël au Québec (Les Éditions de l’Homme, 2007). « Il y a de la pauvreté, des famines, et pour la bourgeoisie britannique, le foyer et la famille offrent un refuge contre le monde extérieur », raconte-t-elle. Ce qui avait été jusque-là une célébration religieuse encore plus sobre que Pâques devient l’occasion de rendre hommage aux liens familiaux et de faire preuve de charité.

    Une illustration célèbre de la reine Victoria, publiée jusque dans les journaux d’ici au milieu du 19e siècle, renforcera aussi cette symbolique familiale. La reine y apparaît entourée du prince Albert, de cinq de leurs enfants et d’une aïeule devant un sapin richement décoré.

    Dans le Canada catholique français, l’esprit de la fête existe déjà à l’époque – peut-être plus encore que dans l’Angleterre puritaine –, puisqu’on partage une collation et des boissons chaudes au retour de la messe de minuit, même s’il n’y a pas de décorations ou de réveillon. Peu à peu, Noël devient la fête que l’on connaît, jusqu’à son apogée, dans les années 1950 et 1960, période prospère où les familles sont encore nombreuses et unies (en apparence, du moins!). C’est alors impensable d’être seul à Noël, estime Sylvie Blais. « C’est une fête d’abondance et de générosité, dit-elle. On y invite les personnes esseulées, les vieux garçons, les vieilles filles… »

    Puis le vernis craque. La psycho-thérapeute montréalaise Françoise Cholette-Pérusse saisit l’air du temps dans les pages de Châtelaine, en 1969: « Le temps des fêtes revient chaque année, accompagné des mêmes espoirs chimériques, promettant l’absolution des fautes, la rémission des peines, la souveraine primauté de l’amour, la réconciliation avec soi-même et avec le monde entier. Chaque fois, l’on retombe dans le piège. […] Hélas, le miracle si ardemment espéré ne s’accomplit pas. »

    Dans la bouillonnante société des années 1970, la remise en cause de la fête ne fera que s’amplifier. Cette journée bien particulière « pose la question de savoir qui on est pour les siens et qui ils sont pour nous », dit le philosophe Stéphane Floccari. Une sorte de mise à l’épreuve de l’individu dans ses multiples rôles, puisqu’on peut à la fois être fille, mère, sœur, belle-sœur, etc. La question « qui suis-je? » prend alors un tour bien singulier, souligne-t-il. « Ce n’est pas la même interrogation que l’été, en maillot de bain, quand je me questionne sur mon corps, mon âge, mon sex-appeal. La question, c’est plutôt: d’où je viens? À qui suis-je rattaché? Que me reste-t-il de ces liens? Sont-ils nourrissants, toxiques? »

     

    Société - 3:  Célébrer Noël après des changements familiaux...

     

    Photo: Stocksy/Mosuno


    Sous le masque, la vérité

    Malgré les rigolades, les cadeaux et les généreuses portions de dinde et de pâté à la viande, on n’a qu’à gratter un peu la surface pour constater que chacun arrive avec ses rancunes et ses nœuds d’émotions plus ou moins résolus. Cette fête, qu’on le veuille ou non, vient donc mettre à l’épreuve la famille même, la solidité de ses liens et ses limites, soutient le philosophe.

    Cette année, Marie-Josée vivra pour la première fois Noël à l’écart du clan familial. Un conflit couvait depuis longtemps entre cette entrepreneure prospère de 46 ans de la Montérégie (qui préfère témoigner sous un nom d’emprunt) et ses parents, avec qui elle entretenait des relations cordiales en évitant les sujets tabous. Au printemps dernier, le conflit a éclaté. Depuis, ses parents, son frère et sa sœur refusent de lui parler. Enfant, Marie-Josée a été agressée sexuellement par un oncle. Quand ils l’ont su, ses parents ont préféré régler cela en catimini plutôt que de dénoncer l’agresseur à la police. Et ce dernier a fait d’autres victimes. Elle reproche à ses parents d’avoir préservé l’image de la famille sans protéger les enfants.

    « Ce qui va me manquer le plus, c’est Noël », dit-elle pensivement, le regard voilé de tristesse. Chaque année, la famille élargie se réunit dans un chalet, et Marie-Josée prend un immense plaisir à rigoler avec ses cousines et à cuisiner un ragoût de pattes pour la tribu. Mais elle n’a aucune envie de participer à la fête cette année si ses parents sont là et qu’elle n’a pas pu leur reparler avant.

    Elle passera pour la première fois le temps des fêtes loin des siens, dans une île des Caraïbes avec ses trois enfants et son conjoint. Pourquoi n’a-t-elle pas déserté la famille plus tôt? Son besoin d’appartenance était trop fort. « Mon père et ma mère n’ont pas été de bons parents, mais ils ont été des grands-parents présents, dit-elle. Ça m’attriste de perdre ce lien, pour moi et pour mes enfants. » Elle a tenté de rétablir la communication. Sans succès. Et plus le temps passe, plus elle se demande si elle aura envie de renouer.


    Quand la trêve n’est plus possible

    Historiquement, Noël est associé à la paix, seul moment de trêve dans les conflits mondiaux, fait remarquer l’ethnologue Martine Roberge, professeure au Département des sciences historiques de l’Université Laval. « On rêve aussi de réconciliations familiales à ce moment de l’année, dit-elle. Il y a encore une pression sociale pour faire table rase de nos différends. » Mais ce n’est pas toujours possible.

    Il faut faire le deuil de l’idéal, un concept important en psychologie, estime Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. « Le tableau idyllique que l’on se fait de Noël est-il réaliste? Jadis, quand on se réunissait en famille contre vents et marées, est-ce que tout le monde était si heureux? Il y avait également des tensions, des non-dits, des jalousies, des mesquineries. C’est simplement que le choix ne se posait pas! »

    On continue aussi d’entretenir l’image idéalisée de la famille nucléaire, alors qu’un couple sur deux éclate. Médiatrice familiale à Québec, Caroline Paquet voit souvent les tensions s’exacerber entre ex-conjoints à l’approche des fêtes. Il n’est pas rare que des avocats l’appellent une semaine avant le réveillon pour qu’elle aide les ex à déterminer – avant qu’un juge le décide à leur place – si leur enfant passera la soirée avec son père ou sa mère. « Ne plus pouvoir être avec ses enfants lors de moments importants, ça fait partie des deuils les plus difficiles », dit-elle. Souvent plus difficiles que le deuil de la relation amoureuse, selon ce qu’elle observe dans sa pratique.

    C’est ce qu’a vécu Lina lorsqu’elle s’est séparée du père de sa fille, peu après sa naissance. Elle était installée à Drummondville, il est parti vivre à Rimouski. « Comme il ne voyait pas sa fille de l’année, je la lui laissais pour tout le temps des fêtes », raconte cette enseignante à la retraite de 68 ans, qui vit aujourd’hui en Estrie.

    « Ma fille a 36 ans, et je déteste Noël depuis 35 ans », lance-t-elle. Sans autre famille, ses parents étant décédés depuis longtemps, Lina fête rarement Noël. « J’ai déjà passé la soirée du 24 décembre à regarder des films de Noël. C’est tellement déprimant, ça fait juste souligner à quel point on est seule… »

    Sa fille a grandi. Mais elle n’est pas davantage auprès d’elle à Noël. Elle vit en Suisse et ne lui a pas donné de nouvelles depuis huit ans. « Elle m’a reproché d’en faire trop pour elle, puis de ne pas en faire assez, avant de finalement me dire qu’elle ne voulait plus me voir », dit-elle, amère.

    Comme le conjoint de Lina ne tient pas à fêter lui non plus, ils ne font rien de spécial. Pas même un repas qui sortirait un peu de l’ordinaire. « Je pense que c’est le soir où je me couche le plus tôt de toute l’année… » Elle passe le reste du temps des fêtes à peindre, à s’entraîner et à se relaxer dans son spa.

    De plus en plus de gens voient désormais ce moment de l’année comme des vacances dont ils ont envie de profiter sans se soumettre aux conventions, remarque la médiatrice familiale Caroline Paquet. Au fil de ses 18 ans de carrière, elle a senti un réel changement de mentalité à cet égard. « Pour beaucoup de familles, Noël est moins important qu’il l’était. » Certains ex-conjoints conviennent de prendre à tour de rôle les enfants durant tout le temps des fêtes pendant que l’autre est en voyage.

    « Les traditions évoluent sans cesse, ajoute l’ethnologue Martine Roberge. Elles sont transmises de génération en génération, mais il est rare qu’elles soient reproduites intégralement. Le rituel doit être conforme aux valeurs des individus du groupe. »


    À chacun de voir comment il a envie de vivre ce rituel. Et surtout, avec qui.


    Mode d’emploi pour renouveler Noël

    Pas envie de passer un autre réveillon avec la conjointe de notre père ou cet insupportable beau-frère ? Deux options s’offrent à nous: refuser l’invitation – bonjour la culpabilité! – ou céder à la pression familiale. Comment choisir? « On a parfois tendance à vouloir tout jeter, alors que c’est seulement un ou deux irritants qu’il faudrait enlever », dit la psychologue Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. Elle propose une prise de décision en trois étapes.


    On discerne les points de friction et les musts

    Premier élément clé: la connaissance de soi, de ses modes de fonctionnement et de ses valeurs. Savoir de quoi on a besoin à ce moment-ci de sa vie. On détermine ce qu’on veut garder de la fête et ce qui nous irrite. Est-il vraiment essentiel de fêter le 24 décembre au soir, même si on doit sacrifier du monde? Ou on tient davantage à avoir toute sa smala avec soi – enfants en garde partagée et vieux parents –, quitte à ce que ce soit le 27? A-t-on plus besoin de sentir qu’on fait partie de la tribu familiale ou si on a plutôt le goût de se reposer et de passer du temps de qualité avec trois ou quatre personnes importantes? Nos besoins changent au fil du temps.


    On se donne le temps de réfléchir

    Il faut envisager différents scénarios avant de choisir. Faire avec nos enfants la tournée des grands-parents peut s’avérer lourd si ces derniers sont tous séparés et en couples recomposés! Mais ne pas aller les voir du tout n’est pas possible, surtout si les enfants y tiennent. La solution? Écourter la durée des visites, les répartir sur une plus longue période, voire les alterner une année sur deux.


    On procède par essais et erreurs

    Si le réveillon du 24 décembre chez les beaux-parents tourne au cauchemar chaque année parce que la maison n’est pas adaptée aux enfants et qu’ils se couchent trop tard, on peut décider d’y aller en après-midi et s’éclipser tout de suite après le souper. Mieux: on reçoit chez soi et on demande à belle-maman d’apporter tourtières et bûche. On fait ensuite le bilan et on s’ajuste l’année suivante. «Même si Noël est moins réussi une année, il faut relativiser, dit Christine Grou. Notre vie ne dépend pas d’une seule soirée! Il y a 365 jours dans l’année, on peut toujours se reprendre!»

     

    Société - 3:  Célébrer Noël après des changements familiaux...

     

      

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    L’année 2019 en neuf mots réconfortants

     

    L’année 2019 s’achève, et je n’ai pas envie de la terminer sur une note aussi morose que l’actualité du moment. Place plutôt aux jolis mots.


    de Josée Boileau de la revue Châtelaine

     

    Société - 3:  L’année 2019 en neuf mots réconfortants


    Photo: Unsplash/Hannah Olinger


    Oui, le monde est «en chamaille» comme le chantait si justement Jean-Pierre Ferland dès 1968: «On gèle au sud, on sue au nord». À quoi s’ajoutent, dans nos sociétés, des sentiments comme la colère, le stress, l’essoufflement, l’impuissance, et les arguties sans fin sur les réseaux sociaux.

    Mais je n’ai pas le goût de revenir sur ce que je dénonce à l’année. J’aime mieux penser aux valeurs qui réconfortent et ce à quoi je les ai associées en cette année 2019, que voici déclinée en neuf mots.


    Alliance

    Elles s’y étaient engagées ensemble en décembre 2018, elles livrent un an plus tard. Côte à côte, la ministre caquiste Sonia Lebel et les députées Véronique Hivon, du Parti québécois, Hélène David, du Parti libéral, et Christine Labrie, de Québec solidaire, viennent d’annoncer la mise en place d’un projet pilote pour mieux appuyer les victimes de violence sexuelle et de violence conjugale. Une vraie collaboration transpartisane. Oeuvrer pour le bien commun n’est pas qu’affaire d’affrontement.


    Apaisement

    J’ai écrit un livre sur l’attentat de Polytechnique de 1989 où 14 femmes ont été tuées et autant de personnes physiquement blessées. Les blessures psychologiques, elles, n’ont pas été comptées. Trente ans plus tard, elles émergent pour de bon. Je l’ai d’abord constaté par les témoignages recueillis pour le livre puis, depuis sa sortie, par ceux qui m’ont été livrés en séance de dédicaces, ou par écrit, ou par des gens croisés au hasard. S’expriment enfin la peine, la peur, le doute, la culpabilité. Ce déblocage, visiblement, fait du bien. Il existe donc, le pouvoir réparateur du temps qui passe…


    Courage

    Mesure-t-on à quel point le Québec compte en son sein une grande héroïne : la Québécoise Johanne Liu. Cet été, elle a cédé sa place à la présidence de Médecins sans frontières, poste qu’elle occupait depuis six ans. Mais ça fait bien plus longtemps que cette femme de cœur et de rigueur se rend sur le terrain, là où sévissent guerres ou épidémies, sans se laisser arrêter par la peur. Sa capacité d’indignation, elle, reste intacte. Elle dénonce clairement, solidement, et ses mots sont un juste rappel à notre devoir d’humanité.


    Délicatesse

    Deux visages pour moi s’entremêlent en cette fin d’année, deux femmes qui ne sont plus et qui pourtant continuent d’incarner l’élégance, la finesse, la subtilité, la sensibilité… Elles ont pour nom Andrée Lachapelle, comédienne au long cours morte cet automne et qui a accompagné nos vies, et Anne Hébert, grande et énigmatique écrivaine, à qui Marie-Andrée Lamontagne vient de consacrer une impressionnante biographie. En ces temps tonitruants, il est sage de se rappeler que le talent peut aussi s’accompagner de discrétion.


    Entrain

    Que j’ai aimé l’émission 100 Génies, à la télévision de Radio-Canada! Cent jeunes ados brillants réunis dans un studio, qui doivent répondre à des questions intelligentes posées par un animateur dynamique qui ne les infantilise pas – le souriant Pierre-Yves Lord -, ça vous ravigote le moral et stimule l’intellect! Mon salon vibre encore de l’écho des réponses que j’ai lancées (euh, criées!) pour aider tout ce beau monde…, du moins quand j’en était capable!


    Espoir

    De toutes les manifestations qui ont marqué 2019, il y en a une qui ne cesse de m’émouvoir : celle des Algériennes et des Algériens. Depuis la mi-février, chaque vendredi, on les voit manifester pacifiquement pour que le régime politique se démocratise. Ce mouvement s’appelle le Hirak: il n’a pas de chef, n’a pas dérapé, n’a pas été récupéré, et garde le cap en dépit de la répression. Je répète: des foules immenses, revendicatrices, dans toute l’Algérie, depuis un an, et qui n’ont pas sombré dans la violence. On a envie d’y croire.


    Gourmandise

    À l’heure où les consommateurs laissent allègrement tomber les fabricants et marchands locaux (oui, je sais, pas vous; n’empêche que…), je n’ai qu’admiration pour les résistants, avec un gros faible pour ceux qui sont déterminés à nous nourrir de produits d’ici. Mes images du bonheur en 2019, c’est un délirant plateau de fromages servi à une émission à laquelle je participais, une boîte de chocolats brillants comme des joyaux reçue en cadeau, les étals des marchés publics de région, l’odeur de ma pâtisserie du coin, les petits fruits couverts de rosée de notre jardin cet été… Tout ce qui fait miam, et qui vient avec quelqu’un que l’on peut remercier.


    Nuance

    Avant même d’y entrer, le message était entendu: «mouroir», «j’veux jamais me ramasser là!», «lieu des vieux négligés (du personnel), abandonnés (par leur famille)». Nous étions pourtant devant ces portes de l’horreur annoncée puisque notre mère devait être «placée». Un an plus tard, ces clichés me font rugir. Dans l’établissement public où elle s’est retrouvée, notre mère a été entourée, soignée, divertie, aimée. Elle vient de décéder, et c’est bel et bien «sa» dernière maison qu’elle a quittée. Et je sais maintenant qu’il ne faut pas confondre ce qu’il y a à améliorer dans les résidences et les CHSLD et les grandes dénonciations de ceux qui craignent en fait les maux de la vieillesse.


    Tendresse

    On ne peut qualifier autrement l’hommage rendu à Renée Claude, atteinte de la maladie d’Alzheimer, à l’instigation de Nicolas Lemieux et Monique Giroux. Au printemps, les voix somptueuses d’une dizaine des plus grandes chanteuses du Québec ont transformé en cadeau Tu trouveras la paix, cette très belle chanson de Stéphane Venne dont Renée Claude avait fait un succès en 1971. Il s’en est suivi un spectacle en novembre où Isabelle Boulay, Ariane Moffat, Catherine Major, Luce Dufault, Louise Forestier et cie ont repris bien des airs de la grande Renée. J’y étais. Ce fut inoubliable de chaleur et de beauté.


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    Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoiroù elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres. En 2019, elle a publié J’ai refait le plus beau voyage(éd. Somme toute) et Ce jour-là, Parce qu’elles étaient des femmes (éd. La Presse) soulignant les 30 ans de la tuerie de Polytechnique.

    Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

     

    Société - 3:  L’année 2019 en neuf mots réconfortants

     

     

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    Pour sortir de l’humiliation

     

    Je lisais en ne cessant de m’interroger: qu’est-ce qui me fascinait tant dans ce roman cruel qu’est La mort de Roi? Qu’est-ce qui se cache sous la vengeance d’une femme?

     

    de Josée Boileau de la revue Châtelaine

     

     

    Société - 3:  Pour sortir de l’humiliation

    Photo: Unsplash/Miguel Bruna


    La mort de Roi est le premier livre de la journaliste Gabrielle Lisa Collard. Il met en scène une narratrice, Max, pas vraiment sympathique. Adolescente, elle passe des heures à observer les gens et à s’introduire en douce dans les maisons de son quartier. Et elle se tient dans une farouche solitude.

    Il faut dire que son physique même la met à l’écart: elle est grosse, ce qui dès l’enfance vient avec son lot de moqueries, qui ne cesseront pas en vieillissant. De quoi développer une colère vengeresse qui ira jusqu’aux meurtres.

    Et moi, sans sourciller, phrase après phrase, je restais aux côtés de cette jeune femme-là. Pourquoi donc?

    Je me posais la question parce que je n’aime pas la violence, encore moins crûment exposée. Vous dire le nombre de films à la mode que je ne vois pas! Dans les romans, c’est plus facile, je saute les pages. À la télé, je lève les yeux au ciel chaque fois que la violence se fait complaisante: «C’tu vraiment nécessaire?!».

    En plus, je publierai sous peu un ouvrage qui revient sur l’attentat contre les femmes à Polytechnique il y a maintenant 30 ans, et qui me fait encore frémir après toutes ces années. Non, aucune cause, aucune lubie ne peut justifier un assassinat.

    Mais cette Max tueuse du roman venait chercher quelque chose en moi. Que j’ai finalement identifié dans la dernière partie de ce court récit de 133 pages. Quelques lignes qui vont comme suit:

    «Il s’est retourné vers moi et m’a fait signe d’entrer. Son regard innocent de gars qui n’avait jamais eu à se méfier des inconnus m’a donné envie de rire. Je l’enviais. Quel luxe c’était, de ne pas être conscient qu’on peut à tout moment devenir une proie.»

    C’était ça la réponse: la grande coupure entre les hommes et les femmes nettement dessinée. Comme un concentré du Boys Club de Martine Delvaux qui vient de paraître (éd. du Remue-ménage) et qui décortique sans concession un monde dominé par les hommes.

    Plein de «mais» et de contre-exemples m’étaient pourtant venus en tête en lisant Delvaux, cherchant des brèches pour me laisser respirer face à son implacable démonstration. Tout comme, en repensant à la Max de Collard, je sais aussi qu’il y a des circonstances dans la vie où les hommes ont peur. Dans certains lieux, à certains moments, ne pas avoir la bonne couleur de peau, ne pas avoir le look baraqué, avoir l’air faible ou isolé met en danger face à d’autres hommes.

    Mais pour les femmes, se tenir sur ses gardes est une constante de leur vie et le renversement des rôles ne vient jamais. Elles ne dominent pas, ne suscitent pas la peur, même pas la méfiance.

    Enfin, un peu semble-t-il depuis le mouvement #MoiAussi: dans les milieux de travail, des gars évitent de se retrouver seuls avec elles par crainte que ce soit mal interprété. La comparaison est toutefois boiteuse: les hommes anticipent ce qui pourrait arriver… et ce sont leurs gestes à eux qui sont en cause; les femmes, elles, endurent des situations réelles qu’elles ne contrôlent pas!

    C’est le gars qui te suit dans la rue pour s’amuser à te faire peur, comme l’a dénoncé il y a quelques jours Catherine Éthier, humoriste qui ne l’a vraiment pas trouvé drôle. Ou cet imbécile, pur inconnu, qui, dans un ascenseur bondé, te fait une invitation grossière après une conférence que tu viens de donner et dont tu étais très fière, comme l’a raconté sur Facebook la spécialiste du numérique Nellie Brière.

    Même en dénonçant, ça n’efface pas l’humiliation vécue sur le coup. Et pendant ce temps le Monsieur, lui, ne doute même pas de son droit à la condescendance et à la supériorité de son sexe, qu’avalise souvent le silence de ses pairs.

    Alors Max qui se venge de ceux qui l’ont ridiculisée, tripotée et qui voit la peur qui traverse enfin leur regard, ça nous fait une belle métaphore de la colère retenue des femmes – d’autant que Gabrielle Lisa Collard nous présente ça plus finement qu’un Rambo féminin!

    Oui, il y a un malin plaisir de voir un Monsieur qui plane au-dessus de la gente féminine ramené brutalement sur terre.

    C’est bien pourquoi je garde en tête un incident bien anodin – on n’en ferait pas un roman! – auquel j’ai assisté cet automne dans le centre-ville montréalais: un piéton quinquagénaire qui lance une vulgarité à une cycliste qui passe à ses côtés. La jeune femme ne s’est pas arrêtée pour l’enguirlander, n’a pas non plus filé sans mot dire, n’a même pas répliqué en se moquant. Elle a juste fait un «Ah, ta yeule » d’un ton si las qu’il ramenait la scène à toute son insignifiance. Laissé en plan avec sa provoc’ sans prise, l’autre a paru décontenancé. J’ai largement souri.

    Ç’a ravivé en moi un souvenir d’un tout autre ordre. La fois où, dans un repas d’affaires avec un membre patenté du boys club, la condescendance à mon endroit était si forte que mon orgueil a fini par avoir le dessus: sans égard aux conséquences, je l’ai planté là, au milieu du repas. Et à son air ahuri, j’ai compris que c’était la première fois qu’il vivait un tel renversement de rôle: cet homme fort ne dominait plus la situation. Je l’avoue, ça m’a fait jubiler!

    Et je me dis que ces moments-là de fierté retrouvée, aussi courts soient-ils, sont aussi à recenser.

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    Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres. En 2019, elle a publié J’ai refait le plus beau voyage (éd. Somme toute) et sortira sous peu l’ouvrage Ce jour-là, Parce qu’elles étaient des femmes (éd. La Presse) soulignant les 30 ans de la tuerie de Polytechnique.

    Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

     

     

    Société - 3:  Pour sortir de l’humiliation

     

     

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    Suzanne Zaccour: la culture du viol,

    c'est assez!

     

    Depuis #AgressionNonDénoncée et #MoiAussi, la colère gronde. Les agressions sexuelles doivent cesser, l’impunité des agresseurs aussi. Mais comment y arriver? La juriste et militante féministe québécoise Suzanne Zaccour apporte quelques réponses dans son livre La fabrique du viol.


    Andréanne Moreau du magazine Châtelaine

     

    Société - 3:  Suzanne Zaccour: la culture du viol, c'est assez!


    Photo: Marjorie Guindon

     

    Suzanne Zaccour n’en démord pas: le système de justice ne pourra régler seul le problème des agressions sexuelles. D’après la doctorante en droit à l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni, notre société n’a pas besoin d’une réforme judiciaire, mais bien d’une introspection collective. Il est temps, selon la Montréalaise, de nous regarder dans le miroir et de déconstruire les préjugés et les stéréotypes qui déforment notre vision des relations hommes-femmes. Châtelaine l’a rencontrée lors d’un récent passage à Montréal.


    Est-ce que notre système judiciaire prend bien en charge les cas d’agression sexuelle?

    Le droit canadien est très bien écrit. Sa définition d’une agression sexuelle inclut tous les contacts sexuels non consentis. Il stipule aussi que le consentement peut être retiré à tout moment. Sur cette question, la loi est en avance sur les mentalités. C’est rare.


    Donc, tout va bien?

    Non, le problème se trouve dans la pratique. Les juges, les jurys et les avocats ne sont pas exempts de préjugés. C’est ce qui explique que certains peuvent être plus prompts à invalider les accusations d’une femme en alléguant son apparence, son habillement ou la quantité d’alcool qu’elle avait consommée au moment des faits. Par exemple, même si on ne peut pas interroger une victime au sujet de son passé sexuel, un sondage auprès des procureurs de la Couronne a révélé qu’ils ne s’opposaient pas toujours à ce type de contre-interrogatoire, souvent parce qu’ils y voient un argument valable. Les professionnels du système judiciaire font partie de la même société que nous. Eux aussi sont entourés par la culture du viol, et cela teinte leur jugement.


    Qu’entend-on par culture du viol?

    C’est tout ce qui encourage ou excuse de manière insidieuse les agressions sexuelles. Dans notre cinéma, notre musique ou notre littérature, ça se traduit entre autres par des histoires dans lesquelles des attitudes prédatrices ou des agressions sont dépeintes comme étant romantiques. Cela peut être une scène où le personnage principal plaque une femme contre un mur pour l’embrasser, sans se donner la peine de vérifier si le désir est mutuel. C’est tellement commun qu’on ne les remarque même pas. Cette culture se reflète aussi dans la vie de tous les jours, quand on refuse de qualifier d’agression un baiser volé à une journaliste en direct à la télé ou bien qu’on affirme que les hommes auraient des pulsions sexuelles incontrôlables.


    De quelle façon cela influence-t-il notre perception des agressions sexuelles?

    Principalement en entretenant des préjugés. Dans l’imaginaire collectif, on considère encore qu’un «vrai viol» est commis par un étranger, un prédateur, dans le fond d’une ruelle. Le hic, c’est qu’on voit ces agressions comme plus crédibles, alors qu’elles sont une exception à la règle. Les plus communes sont tellement banalisées par notre culture qu’on peine à croire qu’il s’agit d’un crime.

    De la même façon, on a l’impression que les agresseurs sont des monstres ou des fous, mais on a tout faux. Ce sont des hommes normaux, des pères de famille, de bons citoyens loin de l’image de déviant ou de criminel qu’on se fait d’un agresseur. D’ailleurs, selon Amnistie internationale, 90 % des violeurs ne présentent aucune pathologie mentale. Pendant des décennies, des chercheurs en sciences sociales ont tenté d’en établir un profil type. Ça s’est soldé par un échec. À part le fait qu’il s’agit presque toujours d’hommes, les agresseurs n’ont pratiquement rien en commun.


    L’image que l’on a des victimes est-elle également faussée?

    Oui. On les imagine comme de jeunes filles belles et chastes, qui se sont débattues pendant le viol et ont porté plainte immédiatement. Tout cela était auparavant enchâssé dans la loi, mais on s’est défait de ces critères qui n’avaient aucun sens. C’est un portrait extrêmement idéalisé qui ne tient pas du tout compte des différentes façons de réagir à une agression, ni du fait que n’importe qui peut être une victime. Les agresseurs n’ont pas pour prérequis de ne violer que des femmes «crédibles». Au contraire! Ils ont plutôt intérêt à cibler celles qui ont le moins de chances d’être crues. Un jury pourrait être par exemple moins enclin à croire des femmes trans ou sans-abri. Encore récemment, en 2017, une jeune fille s’est fait dire par un juge québécois qu’elle n’était pas assez attirante pour que son agresseur ait eu envie de la violer.


    Selon vous, on devrait toujours croire d’emblée les victimes. Pourquoi?

    Je suis d’avis que la personne qui rapporte une agression n’a aucune raison de mentir et que l’agresseur, lui, a toutes les raisons de le faire.


    N’est-il pas possible qu’une femme dénonce faussement une agression, pour se venger ou pour nuire à un ex-conjoint, par exemple?

    La fiction est bourrée d’histoires comme celle-là, alors on pense que c’est crédible. Mais, dans les faits, il y a aussi peu de fausses dénonciations pour agression sexuelle que pour n’importe quel autre crime. Et puis, il suffit de voir le sort réservé à celles qui osent briser le silence pour enlever l’envie de les imiter.


    Alice Paquet [qui a dénoncé l’ex-député Gerry Sklavounos] a été insultée publiquement, Christine Blasey Ford [qui a accusé le juge candidat à la Cour suprême américaine Brett Kavanaugh] a reçu des menaces. Même dans les cas moins médiatisés, les femmes risquent souvent leur emploi ou leur réputation si elles parlent. Qui serait prête à subir ça uniquement pour se venger?

    De plus, douter a priori du témoignage des victimes a des répercussions graves, et pas seulement pour elles. Cela incite les autres à se taire et crée un climat favorable aux agresseurs. En contestant systématiquement ces dénonciations sous prétexte de faire preuve de neutralité, on met toutes les femmes en danger.


    Certains craignent que le fait de croire d’emblée la victime ne porte atteinte à la présomption d’innocence, une valeur capitale du droit…

    Oui, la présomption d’innocence est très importante, mais elle a été bien mal interprétée dans le débat autour des agressions sexuelles. C’est un principe qui nous protège contre la puissance de l’État, pour qu’on ne puisse emprisonner un citoyen sans raison. Il ne s’agit absolument pas de défendre le droit à la réputation. C’est drôle, tous ceux qui crient au non-respect de la présomption d’innocence dans des affaires d’agression sexuelle n’en font pas grand cas quand il est question de corruption ou de tout autre crime. Je pense que cet argument cache autre chose, qu’il s’agit plutôt d’une façon de soutenir l’impunité des agresseurs et de faire taire les victimes.


    Délibérément?

    Probablement pas. Plusieurs le font sûrement sans penser à mal, peut-être parce que c’est très perturbant de réaliser que les agresseurs sont des hommes normaux, que ça pourrait même arriver à l’un de nos proches d’être accusé. Les hommes eux-mêmes sont nombreux à dire qu’ils pourraient être le prochain. Pourtant, ils n’affirmeraient pas ça si on parlait de meurtre. Ils savent qu’ils n’ont tué personne, mais un bon nombre d’entre eux ne sont pas absolument sûrs de n’avoir jamais agressé une femme.


    Peut-être parce qu’ils ne savent plus trop ce qu’est une agression?

    Sans doute. On entend souvent parler de zones grises, mais il n’y a pas de zone grise du consentement. Il n’y a que des hommes qui ne sont pas certains et qui procèdent quand même. Un agresseur ne devrait jamais pouvoir affirmer qu’il ne savait pas que sa victime n’était pas d’accord. S’il ne l’a pas constaté, c’est qu’il ne voulait pas le savoir.


    La notion de consentement est-elle assez bien comprise pour être respectée?

    Elle pourrait être mieux enseignée. On ne doit pas se contenter d’apprendre aux jeunes ce qu’est le consentement et qu’il est illégal de s’en passer. Il faut aussi leur montrer qu’il s’agit d’une valeur importante dans notre société. Sinon, c’est un peu comme pirater des films: on sait que c’est interdit, mais tout le monde le fait quand même.

    On doit responsabiliser les hommes et aller plus loin que les slogans comme No means No [«Non, c’est non»]. C’est à eux de confirmer le consentement, de donner l’occasion de dire non et, surtout, de s’abstenir en cas de doute.


    Les femmes n’auraient donc aucune responsabilité?

    On doit arrêter de répéter que c’est à elles de dire non plus clairement. C’est trop simpliste comme façon de voir le problème des agressions. Dire non peut être risqué. Parfois, une femme peut acquiescer à une relation sexuelle par crainte de représailles, de violences, ou seulement parce qu’elle croit n’avoir pas d’autre choix. Ce n’est pas un consentement éclairé. C’est pour cette raison qu’on parle de consentement enthousiaste. Ça doit être évident que l’autre a du plaisir. Si ça ne l’est pas, mieux vaut demander.


    Comment mettre fin à la culture du viol?

    Par l’éducation et en commençant tôt. J’entends encore des gens dire que demander son consentement à une femme est ridicule, que ça casse l’ambiance. Il faut que ça devienne normal, romantique, même. Pour le moment, des scènes comme celle du film La Reine des neiges – dans laquelle le personnage masculin demande à la princesse la permission de l’embrasser – font figure d’exceptions, dans la fiction comme dans la réalité. Pourtant, le consentement devrait être un standard minimal de respect dans les relations hommes-femmes.

    La fabrique du viol, Suzanne Zaccour, Leméac Éditeur, 168 pages, 14,95 $

     

     

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