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    IgNobel 2014 : la physique des peaux de

    bananes et les dangers des chats

     

    Le célèbre comité des IgNobel a décerné ses récompenses 2014 avec, notamment, un sujet très remarqué sur la friction apparaissant sur les deux faces d’une peau de banane entre chaussure et asphalte. Les fidèles de Futura-Sciences reconnaîtront l’étude sur l’effet du champ magnétique sur les chiens lorsqu’ils font leurs besoins.

     

     
     

    Les IgNobel 2014 ont été décernés comme chaque année par l'association de la Recherche improbable, à l'université de Harvard, pour récompenser « la science qui fait sourire puis réfléchir ». © Improbable Research

    Les IgNobel 2014 ont été décernés comme chaque année par l'association de la Recherche improbable, à l'université de Harvard, pour récompenser « la science qui fait sourire puis réfléchir ». © Improbable Research

     
     
     

    La tradition a été respectée au théâtre Sanders, sur le campus de l’université de Harvard à Cambridge, États-Unis, pour la remise des prix IgNobel (à prononcer « ignoble »), la version déjantée du Nobel. Pas moins de dix prix ont été décernés dans des disciplines à géométrie variable, contrairement à celles du comité Nobel, engoncé dans une liste fermée de domaines.

     

    Les sciences polaires sont ainsi représentées, ce qui ne doit pas déplaire à Claude Lorius, avec une étude norvégienne sur le comportement des caribous lorsqu’ils croisent un chercheur déguisé en ours blanc. Sont présentes, tout de même, pour les grands secteurs de la science, la physique et la médecine. Loin du boson de Higgs et des énigmes sur la nature de l’énergie sombre, les physiciens sont honorés par un travail japonais sur la valeur de la force de frottement sur chaque face d’une peau de banane lorsqu’un être humain chaussé lui marche dessus.

     

    Venu du Japon pour recevoir son IgNobel de physique, Kiyoshi Mabuchi en pleine démonstration (chantée et illustrée par un squelette et une banane épluchée) voit son exposé impitoyablement interrompu par Sweetie Poo, affirmant à haute et intelligible voix : « Please stop. I am bored » (« s'il vous plaît, arrêtez. Je m'ennuie »). © Improbable Research
    Venu du Japon pour recevoir son IgNobel de physique, Kiyoshi Mabuchi en pleine démonstration (chantée et illustrée par un squelette et une banane épluchée) voit son exposé impitoyablement interrompu par Sweetie Poo, affirmant à haute et intelligible voix : « Please stop. I am bored » (« s'il vous plaît, arrêtez. Je m'ennuie »). © Improbable Research

     

    Le bacon guérit les saignements de nez

     

    En médecine, le prix va aux États-Unis avec une étude surprenante sur l’utilisation de tampons faits de bacon pour arrêter des saignements de nez. On peut commencer à en rire jusqu’à découvrir que ce traitement concerne la thrombasthénie de Glanzmann, une maladie héréditaire grave. De quoi illustrer la devise de l’association de la Recherche improbable, à l’origine de ces récompenses : « la science qui fait sourire puis réfléchir ».

     

    Le comité a également décerné un prix en psychologie et un autre en neurosciences. Le premier nous intéresse tous : d’après l’étude de Peter K. Jonason, Amy Jones et Minna Lyons, il faudrait se méfier des lève-tard, plus manipulateurs et narcissiques que ceux qui se lèvent de bonne heure. Quant au domaine des neurosciences, des chercheurs chinois et canadiens se sont intéressés aux mécanismes nerveux à l’œuvre dans le cerveau de personnes découvrant le visage de Jésus sur leur tranche de pain grillée matinale avant l’enduction de beurre ou de confiture. Enfin, l’IgNobel de Santé publique nous apprend que le fait de posséder un chat induit un risque pour la santé mentale.

     

    La biologie est de la partie avec une étude qui avait déjà étonné la rédaction de Futura-Sciences sur l’influence du champ magnétique sur la position des chiens au moment où ils urinent ou défèquent. Assez subtiles, les conclusions sont plutôt déroutantes.

     

    Il n’y a pas de prix de littérature cette année, mais l’économie est là avec une récompense bien méritée au gouvernement italien et à son Institut national des statistiques qui a le mieux répondu à une proposition de l’Union européenne pour augmenter ipso facto le PIB d’un pays. Il suffit d’y intégrer le marché de la prostitution et des trafics illégaux, injustement oubliés par les statisticiens. Pour terminer, retenons cette intéressante étude sur la possibilité d’utiliser des excréments de bébés pour fabriquer des saucisses et celle — enfin ! — sur la mesure de la douleur ressentie par un individu qui découvre un tableau particulièrement laid.

     

    Les lecteurs anglophones pourront en apprendre et en voir davantage en se rendant sur le site Improbable research, celui de l’association du même nom dont les prix IgNobel ne sont que le point d’orgue, une fois l’an. La vidéo de la cérémonie, qui montre les chercheurs venus de très loin pour recevoir leur prix et se faire impitoyablement interrompre par la fillette, baptisée Sweetie Poo, lorsque leur allocution est trop longue. Un sens de l’humour et de l’autodérision bienvenu et appréciable.

     

    D'un côté, un chercheur déguisé et de l'autre, un ours polaire. Saurez-vous les reconnaître ? Pour un caribou, la réponse n'est pas si simple. © Improbable Research
    D'un côté, un chercheur déguisé et de l'autre, un ours polaire. Saurez-vous les reconnaître ? Pour un caribou, la réponse n'est pas si simple. © Improbable Research

     

    Le cru 2014 des IgNobel

     

    Pour les plus curieux, voici la liste des récompenses, avec des liens vers les articles scientifiques :

     

    • Physique : Kiyoshi Mabuchi, Kensei Tanaka, Daichi Uchijima et Rina Sakai, pour l’étude sur la friction entre une chaussure et une peau de banane, puis entre une peau de banane et le sol lorsqu’une personne marche sur une peau de banane posée sur le sol.
      Frictional Coefficient under Banana Skin, Tribology Online 7, no. 3, 2012.

    • Médecine : Ian Humphreys, Sonal Saraiya, Walter Belenky et James Dworkin, pour l’étude sur le traitement de saignements de nez incontrôlables par des tampons de bacon.
      Nasal Packing With Strips of Cured Pork as Treatment for Uncontrollable Epistaxis in a Patient with Glanzmann Thrombasthenia, Annals of Otology, Rhinology and Laryngology, vol. 120, no. 11, 2011.

    • Psychologie : Peter K. Jonason, Amy Jones et Minna Lyons, pour avoir mis en évidence que les lève-tard sont, en moyenne, plus enclins à l’autoadmiration, plus manipulateurs et plus souvent psychopathes que les lève-tôt.
      Creatures of the Night : Chronotypes and the Dark Triad Traits, Personality and Individual Differences, vol. 55, no. 5, 2013.

    • Neuroscience : Jiangang Liu, Jun Li, Lu Feng, Ling Li, Jie Tian et Kang Lee, pour avoir tenté de comprendre ce qui se passe dans le cerveau d’une personne voyant le visage de Jésus sur une tranche de pain grillée. Seeing Jesus in Toast: Neural and Behavioral Correlates of Face Pareidolia, Cortex, vol. 53, avril 2014.

    • Santé publique : Jaroslav Flegr, Jan Havlíček et Jitka Hanušova-Lindova, avec David Hanauer, Naren Ramakrishnan et Lisa Seyfried, pour l’étude sur le danger pour la santé mentale d’avoir un chat.
      Changes in personality profile of young women with latent toxoplasmosis, Folia Parasitologica, vol. 46, 1999.
      Decreased level of psychobiological factor novelty seeking and lower intelligence in men latently infected with the protozoan parasite Toxoplasma gondii Dopamine, a missing link between schizophrenia and toxoplasmosis ?, Biological Psychology, vol. 63, 2003.
      Describing the Relationship between Cat Bites and Human Depression Using Data from an Electronic Health Record, PLos One, vol. 8, no. 8, 2013.

    • Biologie : Vlastimil Hart, Petra Nováková, Erich Pascal Malkemper, Sabine Begall, Vladimír Hanzal, Miloš Ježek, Tomáš Kušta, Veronika Němcová, Jana Adámková, Kateřina Benediktová, Jaroslav Červený et Hynek Burda, pour avoir montré que les chiens s'orientent par rapport au champ magnétique terrestre lorsqu'ils urinent ou défèquent.
      Dogs are sensitive to small variations of the Earth's magnetic field, Vlastimil Hart, Petra Nováková, Erich Pascal Malkemper, Sabine Begall, Vladimír Hanzal, Miloš Ježek, Tomáš Kušta, Veronika Němcová, Jana Adámková, Kateřina Benediktová, Jaroslav Červený et Hynek Burda,Frontiers in Zoology, 10:80, 2013.

    • Art : Marina de Tommaso, Michele Sardaro et Paolo Livrea, pour avoir mesuré la souffrance endurée par une personne en train de regarder une peinture laide, comparativement au spectacle d’un beau tableau, en utilisant un puissant rayon laser.
      Aesthetic value of paintings affects pain thresholds, Consciousness and Cognition, vol. 17, no. 4, 2008.

    • Économie : l’institut national des statistiques du gouvernement italien pour « avoir fièrement pris la tête des pays ayant répondu à la demande de l’Union européenne, adressée à chaque pays, d’augmenter la taille de son économie nationale en intégrant les revenus de la prostitution, des ventes de drogues illégales, de la contrebande et d’autres transactions illégales entre participants volontaires ».
      Cambia il Sistema europeo dei conti nazionali e regionali, Sec 2010, ISTAT, 2014.
      European System of National and Regional Accounts (ESA 2010), Luxembourg, Bureau des publications de l'Union européenne, 2013.

    • Science arctique : Eigil Reimers et Sindre Eftestøl, pour l’étude de la réaction des caribous face à un homme déguisé en ours polaire.
      Response Behaviors of Svalbard Reindeer towards Humans and Humans Disguised as Polar Bears on Edgeøya, Arctic, Antarctic, and Alpine Research, vol. 44, no. 4, 2012.

    • Nutrition : Raquel Rubio, Anna Jofré, Belén Martín, Teresa Aymerich et Margarita Garriga, pour avoir étudié la possibilité d’utiliser des probiotiques issus des selles de bébés pour fabriquer des saucisses.
      Characterization of Lactic Acid Bacteria Isolated from Infant Faeces as Potential Probiotic Starter Cultures for Fermented Sausages, Food Microbiology, vol. 38, 2014.

     

     

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  • Les brevets déposés par Apple que l'on voudrait voir devenir réalité

    D'après "Dogfight", le livre de Fred Vogelstein, Steve Jobs, cofondateur d'Apple, aurait déclaré à son équipe en 2006 : "Nous ferons tout breveter." Depuis lors, c'est exactement ce en quoi consiste la politique d'Apple en matière de propriété intellectuelle : déposer des brevets pour toutes ses idées. Apple dépose donc des brevets en permanence. Mais puisque ces idéees ne voient pas toujours le jour, nous avons pensé qu'il serait amusant de j... Lire la suite   
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    Le Vélo Apple

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    Le Paris d’Anne Hidalgo

     

    On la traitait de nunuche dépourvue de charisme et de sens politique. Elle est maintenant la première femme de l’histoire élue mairesse de Paris.

     

    19 mai. 2014 Par Mylène Tremblay | Photo : AFP / Getty Images du magazine Chatelaine

     

    FRANCE-POLITICS

     

    C’était la bataille de sa vie. La dauphine désignée pour succéder au maire sortant, Bertrand Delanoë, l’a remportée haut la main au second tour, devant sa coriace et bourgeoise adversaire Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM). Une victoire incontestée le 5 avril pour la socialiste de 54 ans, alors que tout le reste de la France (ou presque) basculait à droite aux dernières élections municipales.

     

    Avec son calme imperturbable, sa détermination et sa chaleur toute maternelle, l’ex-première adjointe au maire a mené une campagne rassembleuse, sans faute ni éclat. « Une lutte au féminin entre plusieurs concurrentes, comme on l’observe à New York et à Los Angeles », s’est réjouie la féministe et mère de trois enfants sur le plateau de l’émission On n’est pas couché, sur France 2.

     

    Elle aurait pu devenir ministre – François Hollande le lui a proposé – mais a préféré la mairie de Paris, « le plus beau mandat qu’on puisse imaginer dans la République ». Elle aime Paris pour l’avoir choisi, il y a 30 ans. Il fallait la voir défendre sa ville chaque fois que sa jeune rivale NKM la comparait désavantageusement à Londres ou à Berlin. « Paris est un leader en matière de start-ups ; je veux soutenir la créativité et l’innovation », a-t-elle répété sur toutes les tribunes.

     

    Fille d’immigrés espagnols républicains, elle est née en banlieue de Cadix – seule ville d’Espagne à avoir résisté au siège de Napoléon ! – mais a grandi à Lyon, dans une cité HLM avec salle de bains sur l’étage et zéro aire de jeux. Quand elle monte dans la capitale, à 24 ans, la nouvelle inspectrice du travail se découvre des affinités avec les luttes syndicales et le Parti socialiste.

     

    Elle y fait son entrée officielle en 1997, et accède vite aux cabinets de la ministre de l’Emploi, Martine Aubry, puis de la secrétaire d’État aux Droits des femmes, Nicole Péry.

     

    En 2001, elle devient numéro deux du maire de Paris, Bertrand Delanoë. Conciliation travail-famille, égalité homme-femme, formation professionnelle, culture, urbanisme, architecture… Elle se fait la main jusqu’à ce que son mentor décide de lui passer le flambeau. C’était il y a un an et demi. Commence alors la course à la mairie pour cette « fille du peuple qui se balade en métro », comme son équipe se plaît à la présenter. Ses opposants, eux, la raillent et l’appellent « la concierge » (un clin d’œil acerbe aux immigrés ­espagnols des loges des immeubles). Qu’importe, Anne Hidalgo pose brique par-dessus brique.

     

    Son livre Mon combat pour Paris, lancé en pleine campagne, détaille son programme, frappé du slogan « Paris qui ose ». La qualité de l’air, l’avenir des jeunes, l’intégration des immigrés, la solidarité… tout cela lui tient à cœur. Mais au sommet de ses priorités : le logement social. « Plus des deux tiers des Parisiens y sont admissibles », martèle-t-elle sans relâche. Le projet qui anime particulièrement « madame la maire », c’est la création du Grand Paris en 2016, qui englobera la capitale intra-muros et les villes périphériques – fusions municipales à la parisienne. Souhaitons qu’elle ne s’y casse pas la gueule comme certaines politiciennes québécoises…

     

    Société:  Le Paris d’Anne Hidalgo

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    Bloguer le poing levé

     

    Cinq blogueuses québécoises qui n’ont pas peur des luttes à mener.

     

    15 avr. 2014 Par Véronique Grenier | Photo: Jocelyn Michel du magazine Chatelaine

     

    blogueuses-400

    Léa Clermont-Dion,  Blogue Léa et Louise – Châtelaine ;
    Catherine Voyer-Léger, Blogue Détails et dédales (cvoyerleger.com) et participation à la section Zone libre duJournal de Montréal ;
    Judith Lussier, Journal Métro ; Aurélie Lanctôt, Voir.ca et L’actualité ;
    Sarah Labarre, Urbania.

     

    Armées de leur intelligence matraque et de leur verve coup de poing, elles ont investi le Web. Et leurs mots ont du pouvoir, comme l’a constaté Léa Clermont-Dion, lors de l’épisode des mini-miss, en septembre dernier. Un concours de beauté destiné à des fillettes de 5 à 11 ans devait avoir lieu à Laval, à la fin de novembre. Inadmissible, s’est dit Léa. Avec deux complices, elle a publié un texte dénonçant la situation dans Le Journal de Montréal, puis lancé une pétition qui a récolté plus de 51 000 signatures. L’événement a été annulé. Preuve de la pertinence de la parole citoyenne.

    Les sujets ne manquent pas : la santé sexuelle des femmes, la violence conjugale, la pauvreté, les iniquités, la culture du viol, qui protège les agresseurs et rejette la responsabilité sur les victimes, les blagues douteuses de commerçants, par exemple le bar montréalais Nacho libre, dont la publicité utilisait des blagues de viol (oui, ça existe). Le sexisme, quand on s’y attarde, on s’aperçoit qu’il est un peu partout.

    Avec sa grande gueule (c’est elle qui le dit), Sarah Labarre revendique l’étiquette de « féministe enragée » et se fait un devoir d’intervenir dans les débats qui, sous le couvert de l’humour, souvent, banalisent la violence. Et chaque fois, elle s’attend à une vague d’insultes.

    Car aucune des blogueuses n’échappe aux trolls désagréables, aux réactions des masculinistes. « Frustrée, mal baisée, lesbienne, poilue, hystérique… » : la brutalité des attaques laisse un goût amer. « Les commentaires vont de la recon­naissance au paquebot de “schnoutte” », admet Marie-Christine Lemieux-Couture, qualifiée d’« intellectuelle méprisante » dans un message ironique. Cesser de bloguer ? « Jamais ! dit-elle. Si quelqu’un est agressif, s’il vous injurie pour vous museler, se taire, c’est lui donner raison. »

    Pour sa part, Judith Lussier collectionne dans un fichier informatique les captures d’écran de commentaires haineux. Qu’en fera-t-elle ? Elle ne le sait pas encore. Mais cela lui donne le sentiment de ne pas être totalement impuissante devant cette rage. Pour elle aussi, continuer d’écrire est une forme de résistance.

    Heureusement, elles ont la couenne dure et de l’audace à revendre. Et elles peuvent compter sur l’appui d’une communauté forte et solidaire. Ainsi, Catherine Voyer-Léger a pu saisir la portée de ses mots quand une lectrice lui a avoué que ses écrits l’aidaient à vivre. Elle y repense souvent.

    Certains confrères blogueurs et chroniqueurs ne les considèrent pas comme suffisamment « aimables ». Elles s’en fichent un peu. Ce qu’elles visent, ce n’est pas d’être polies et lisses, c’est de déranger le convenu, montrer que le féminisme est pluriel, multiple. Aurélie Lanctôt souhaite que ses mots permettent à d’autres jeunes femmes de s’identifier comme féministes. Elle écrit pour contribuer à amplifier la voix de celles qui portent l’étiquette avec fierté.

    Alors, on les lit parce que leurs regards nous éclairent sur ce qui nous entoure, parce qu’elles osent, parce qu’elles sont fortes et surtout parce que leurs mots doivent secouer le cocotier des mentalités.

     

     

    Société:  Bloguer le poing levé

     

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    5 crimes sexuels par jour dans l’armée canadienne

     

    Rencontre avec Noémi Mercier, co-auteure de l’enquête qui a mis au jour ce fléau.

     

    26 avr. 2014 Par Marie-Hélène Proulx du magazine Chatelaine

     

    Un reportage bouleversant publié dans L’actualité,  met au jour le drame indicible des soldats canadiens agressés sexuellement – plus de 1700 cas par année, selon les estimations. Des femmes, en grande majorité.

    Pendant un an, la co-auteure de l’enquête, Noémi Mercier, a rencontré une douzaine de victimes, en plus d’interroger des psychologues, des juristes, des responsables des Forces armées pour comprendre ce fléau. Une quête qui l’a profondément marquée, nous a-t-elle confiés.

    Par Marie-Hélène Proulx


    Châtelaine : Grâce à la Loi sur l’accès à l’information, vous avez découvert, en collaboration avec le journaliste Alec Castonguay, qu’une moyenne de 178 plaintes pour agressions sexuelles par an sont signalées à la police militaire. En tenant compte que moins d’une victime sur 10 dénonce son agresseur, ça fait un total annuel de 1780 incidents, soit cinq par jour. Court-on plus de risques de se faire harceler ou violer dans l’armée que dans la population en général ?

    Noémi Mercier : Pas selon mes calculs. C’est à peu près pareil. Par contre, c’est bien plus difficile pour un soldat d’avoir de l’aide – et d’obtenir justice – dans les Forces que dans la société civile. Au-delà des chiffres, c’est surtout ça qu’on voulait exposer.

    Châtelaine : Pourquoi est-ce plus ardu?

    N. M. : D’abord parce que la culture de la machine militaire ne favorise pas du tout la dénonciation entre frères d’armes. C’est très mal vu. La priorité, c’est de se serrer les coudes pour mener à bien la mission. Une des victimes que j’ai rencontrée, l’ex-soldate Lise Gauthier, a été violée à maintes reprises par des collègues durant ses 25 ans de service dans l’aviation. Elle a fini par dénoncer ses agresseurs à son commandant (en vain, d’ailleurs, puisque celui-ci a jugé sa plainte « invraisemblable »). Eh bien, en dépit des ravages sur sa vie, une partie d’elle a encore le sentiment d’avoir « trahi » sa gang en osant parler.

    Ensuite, les Forces armées ont du mal à admettre la réalité des crimes sexuels dans leurs rangs. En ce sens, une de nos entrevues avec deux hauts gradés de la police militaire a été fort révélatrice. Nous leur avons parlé d’un sondage récent réalisé par l’armée elle-même, où on apprend que seuls 7% des victimes de harcèlement ou d’agressions sexuels dénoncent de peur de ne pas être crues et d’avoir des problèmes au travail, entre autres. Les deux lieutenants-colonels persistaient néanmoins à nous dire qu’il n’y a pas « d’obstacles » pour les victimes souhaitant porter plainte…

    Pendant ce temps, aux États-Unis, une loi oblige le Pentagone à faire rapport chaque année des cas d’agressions sexuelles dans l’armée, et les plus hautes autorités du pays tâchent d’éradiquer ce fléau – jusqu’au président Obama!

    Châtelaine : On apprend aussi dans votre enquête qu’un soldat accusé de crimes sexuels au Canada n’est pas jugé dans le système judiciaire civil, comme tout le monde, mais dans un système de justice parallèle où les juges sont aussi des militaires. Cette manière de fonctionner, abandonnée par nombre de pays, soulève des problèmes de partialité et nuit aux victimes, soutiennent plusieurs observateurs. Dans quel sens?

    N. M. : En effet. Le chef d’état-major canadien a même le pouvoir de relever temporairement un soldat de l’obligation de s’enregistrer au Registre national des délinquants sexuels pour qu’il puisse partir en mission…

    Châtelaine : Autrement dit, ce dernier aurait tout le loisir de faire d’autres victimes pendant son déploiement?

    N. M. : Absolument. Dans les cas d’agressions sexuelles, l’ « efficacité opérationnelle » semble être plus importante que le crime contre la personne. Un procès en cour martiale [cour militaire] impliquant un caporal accusé de viol a déjà été reporté afin que celui-ci puisse partir en Afghanistan – ses talents particuliers étaient jugés essentiels à la mission. Il est même revenu avec une médaille!

    Aussi, un soldat accusé d’agression sexuelle peut s’en sortir sans casier judiciaire en plaidant coupable à un chef moins grave, par exemple « avoir troublé l’ordre et la discipline » ou « avoir eu une conduite déshonorante ». Au pire, il devra payer une amende… Selon nos données, la probabilité qu’un militaire accusé d’une infraction sexuelle soit reconnu coupable est de une sur trois, alors que dans la société civile, elle est de une sur deux.

    Mais ce système de justice parallèle nuit aux plaignants bien avant que l’affaire se rende en cour martiale. Quand un soldat en dénonce un autre, il s’adresse à la police militaire, qui avise ensuite les supérieurs des deux parties au nom du principe sacré de la « chaîne de commandement ». L’affaire fait son chemin jusqu’aux plus hauts échelons. En gros, tout le monde finit par le savoir. Le hic, c’est que c’est souvent la plaignante qui tombe dans l’opprobre.

    Quand l’ex-caporale Stéphanie Raymond a porté plainte contre un sous-officier pour agression sexuelle, en 2011, ses supérieurs l’ont convoquée une vingtaine de fois pour la dissuader de poursuivre sa démarche. « Tu vas apprendre là-dedans », « Tu te tires dans le pied », « Ça va affecter ta carrière », lui disaient-ils (on a eu accès à ces conversations, Stéphanie les ayant enregistrées en catimini). Comme elle ne cédait pas, les misères ont commencé : candidature rejetée, sanctions pour ceci ou pour cela. Elle a fini par être renvoyée. Pendant que le sous-officier, lui, poursuivait sa carrière sans être inquiété…

    Stephanie-Raymond-Noemi-Mercier

    L’ex-caporale Stéphanie Raymond et Noémi Mercier lors du tournage de l’émissionTout le monde en parle, jeudi dernier. (Photo : Karine Dufour)

    Châtelaine : En vous lisant, on sent qu’il y a encore énormément de chemin à faire pour que les femmes soient les bienvenues dans l’armée, au-delà des beaux discours pour les recruter.

    N. M. : Ça reste un environnement où les hommes sont majoritaires et puissants. Il y a un écart de pouvoir entre les deux sexes. Je ne dis pas que c’est partout pareil, mais dans certains rangs, en tout cas, il semble que des comportements inacceptables soient tolérés – faire des avances insistantes à ses consœurs, propager des rumeurs et passer des remarques à caractère sexuel… D’ailleurs – et ça m’a troublé –, j’ai souvent senti que c’est à travers mes yeux que les soldates interviewées réalisaient à quel point c’est scandaleux. Ayant joint les Forces à un très jeune âge, elles s’étaient habituées à ce climat machiste. Un climat où elles sont méprisées, traitées comme des objets sexuels. Et qui ouvre la voie à la violence sexuelle.

    Châtelaine : Vous avez rencontré une douzaine de soldates qui ont été agressées. Dans quel état étaient-elles?

    N. M. : C’est fou à quel point les conséquences sont durables, même 25 ans après les événements. Sans vouloir minimiser une seconde le traumatisme d’une agression sexuelle, il est possible de s’en sortir. Mais dans leur cas, comme elles n’avaient pas reçu d’aide, c’est comme si c’était arrivé hier. Dès qu’elles se mettaient à en parler, les larmes roulaient. Certaines montaient le ton pratiquement jusqu’aux cris, pleines de colère et de rage.

    Châtelaine : Comment expliquez-vous qu’elles soient encore si à fleur de peau?

    N. M. : La plupart ont continué de travailler comme si de rien n’était pendant longtemps, ne soufflant mot à personne de l’agression, de crainte d’anéantir leur carrière. Beaucoup adoraient la vie militaire : elles avaient la passion d’aider les autres, de dépasser leurs limites. Elles étaient fières de porter l’uniforme, d’avoir réussi à se tailler une place dans un monde d’hommes. Leurs yeux brillaient encore en en parlant! Ça faisait profondément partie de leur identité.

    Sauf qu’on ne peut pas ignorer une agression sexuelle. C’est une des blessures psychologiques les plus traumatisantes qui soient, encore plus que l’horreur des champs de bataille. Ça les minait, entraînant des problèmes de comportements, des dépendances à l’alcool et aux médicaments. Dans bien des cas, elles ont fini par tout perdre, boulot et santé, alors que leurs agresseurs n’ont pas été punis. C’est révoltant.

    Châtelaine : Même si comme journaliste, on a l’habitude d’entendre des histoires difficiles, comment avez-vous vécu cette enquête, en tant que femme?

    N. M. : Ça m’a brassée. Mon « plancher intérieur » était moins droit que d’habitude, mettons. Mais en même temps, je me sentais bien placée pour m’attaquer au sujet. D’abord parce que je n’ai aucun préjugé contre l’armée : mon père était lieutenant-colonel, j’ai grandi en partie sur la base militaire de Valcartier. C’est un monde que je respecte et que j’affectionne. J’aime son idéal de servir, j’ai le même dans mon métier.

    D’autre part, je connais la réalité des femmes ayant été agressées, car je me suis déjà impliquée auprès d’un organisme qui leur venait en aide. Ça m’a aidée à me préparer aux entrevues avec les victimes, qu’on n’aborde pas comme n’importe quel autre interviewé. On leur fait revivre des émotions très violentes. Certaines en avaient des étourdissements, elles étaient près de la crise de panique. Alors je les laissais fixer le lieu et la durée des rencontres, elles avaient mon numéro de cellulaire en cas de besoin, je m’assurais qu’elles étaient en sécurité avant de les quitter. Ces femmes ont vécu une perte de pouvoir terrible, alors je tenais à ce qu’elles aient au moins le contrôle sur le déroulement de l’entrevue, et qu’elles ne se sentent pas vampirisées.Cover-lactualite-450

    Elles l’ont fait pour la cause, et la bonne nouvelle, c’est que ça n’a peut-être pas été en vain : jeudi dernier, quelques heures après la parution de notre enquête dans le dernier numéro de L’actualitéle chef d’état-major de la Défense nationale, Tom Lawson, a dit qu’il déclencherait un rare examen spécial sur les politiques et programmes des Forces canadiennes en matière de viols, d’agressions et de harcèlement sexuels… Enfin, j’espère que ça fera bouger la machine.

     

    Voici un extrait:

    Société:  5 crimes sexuels par jour dans l’armée canadienne

     

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