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    1 Hotel Brooklyn Bridge: Brooklyn,

    sous le pont

     

    On va d'abord au 1 Hotel Brooklyn pour la... (Photo fournie par le 1 Hotel Brooklyn Bridge)

     

    On va d'abord au 1 Hotel Brooklyn pour la vue saisissante sur la ligne des gratte-ciel de Manhattan... et le pont auquel l'hôtel doit son nom.

    PHOTO FOURNIE PAR LE 1 HOTEL BROOKLYN BRIDGE

     

    SOPHIE OUIMET
    La Presse
     

    (BROOKLYN, New York) À l'ombre du pont de Brooklyn, un nouvel hôtel fait énormément parler de lui depuis son ouverture à l'hiver 2017. Bien qu'il soit situé du côté brooklynois de l'East River, la caractéristique principale du 1 Hotel Brooklyn Bridge est sa vue spectaculaire sur la rive voisine, où se dressent les gratte-ciel de Manhattan.

    Mais au-delà de son panorama, la particularité de l'hôtel réside dans son côté résolument écolo. Cette tendance verte constitue la philosophie de tous les établissements de la chaîne 1 Hotels, dont c'est le dernier bébé après les adresses de Manhattan et de South Beach.

    Ici, l'édifice érigé juste à côté du pont de Brooklyn compte 194 chambres réparties sur 10 étages. Plus de la moitié des matériaux utilisés dans sa construction sont locaux ou recyclés. On y retrouve notamment les poutres en pin de l'ancienne Domino Sugar Factory, du noyer qui provient du Jardin botanique de Brooklyn, ainsi que du plancher en bois d'une ancienne distillerie du Kentucky.

    Le bâtiment est entièrement alimenté à l'énergie éolienne, compte un mur vert de 25 pieds de haut dans le hall et possède un système de récupération des eaux de pluie pour irriguer, pendant l'été, le Brooklyn Bridge Park qui se trouve juste à côté.

     

    D'autres initiatives sont plus simples, quoique sympathiques comme tout. Par exemple, les douches sont munies de sabliers qui rappellent aux clients, après cinq minutes, de ne pas gaspiller l'eau. On dort sur des matelas de chanvre, dans des draps en coton 100 % bio. Même les clés des chambres sont en bois recyclé et, pour ne pas se faire déranger, on pose un galet devant sa porte.

     

    Voyager en Images 4:  1 Hotel Brooklyn Bridge: Brooklyn, sous le pont

    Dans chaque recoin de l'établissement, le pont de Brooklyn fait partie intégrante de l'expérience qu'on a au 1 Hotel, et c'est ce qui rend le lieu si spécial.

    PHOTO FOURNIE PAR LE 1 HOTEL BROOKLYN BRIDGE

     

    Rester dans Dumbo

    L'hôtel est situé dans le très branché DUMBO (pour Down Under Manhattan Bridge Overpass), ancienne friche industrielle en pleine revitalisation. Par exemple, on y trouve le Jane's Carousel restauré par l'architecte Jean Nouvel et, peut-être un signe incontestable d'embourgeoisement, un magasin west elm. On peut aussi y casser la croûte plus que décemment, notamment au River Café - un grand classique -, ou encore au Vinegar Hill House, un petit bijou caché au coeur d'anciennes industries.

    Si on préfère le Brooklyn plus classique, on est également tout près des charmants Cobble Hill, Carroll Gardens et Brooklyn Heights avec leurs rues pavées et leurs fameux brownstones. D'autres quartiers comme Park Slope ou encore Williamsburg se trouvent aussi à proximité.

    Manhattan est accessible facilement, soit par le ferry, soit par le métro, ou en traversant le pont à pied! On offre également un service de navettes Tesla dans un certain diamètre. Écolo, vous dites?

     

    La vue à 400 $

    De la chambre, la vue sur Manhattan à la nuit tombée est saisissante. C'était encore plus magique que prévu, au point que nous nous sommes endormis les rideaux ouverts pour pouvoir contempler les lumières des gratte-ciel tout en étant allongés à l'horizontale.

    Mais en plus de la vue sur le pont de Brooklyn, on retiendra surtout le sentiment spécial de se trouver constamment à proximité de ce mastodonte de fer. Qu'on marche entre ses immenses pattes rouillées, ou qu'on entende le son tonitruant des trains qui le traversent à longueur de journée (et de nuit), le pont de Brooklyn est omniprésent dans l'expérience qu'on a au 1 Hotel. Et c'est ce qui la rend inoubliable.


    Voyager en Images 4:  1 Hotel Brooklyn Bridge: Brooklyn, sous le pont

    Les chambres sont confortables et dotées de mille et une caractéristiques écolos. Par exemple, on dort sur des matelas de chanvre dans des draps en coton 100 % bio. On fournit même des bas que les gens peuvent rapporter à la maison.

    PHOTO FOURNIE PAR LE 1 HOTEL BROOKLYN BRIDGE

     

    Notre verdict

    Prix payé pour une nuitée 

    320 $ US, taxes non comprises. 

    On en parle parce que...

    Après le Wythe, qui a longtemps dominé la scène des hôtels cool brooklynois, c'est maintenant du 1 Hotel que tout le monde parle.

    Ce qu'on a aimé 

    Au-delà de toutes ses caractéristiques écolos, c'est un endroit calme qui dégage le bien-être. Dans le fond, c'est ce qu'on cherche ultimement quand on va à l'hôtel, et celui-ci remplit brillamment sa mission.

    Notre bémol

    Il faut essayer d'attraper un rabais pour séjourner au 1 Hotel, car le prix courant est un peu trop élevé pour la majorité des bourses. Un voyage à New York est déjà assez coûteux. On ne souhaite pas nécessairement dépenser une fortune pour se loger.

    Un endroit à recommander pour...

    Les gens qui ont envie de se payer un trip à Brooklyn, ou même à Manhattan. Attention, toutefois, on est si bien au 1 Hotel que la tentation sera forte d'y passer tout son temps!

     

    Voyager en Images 4:  1 Hotel Brooklyn Bridge: Brooklyn, sous le pont

     

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    Bons plans à Madère

     

    Le port de Camara Do Lobos... (PHOTO THINKSTOCK)

     

    Le port de Camara Do Lobos

    PHOTO THINKSTOCK

     
    RENAUD LORANGER

    Collaboration spéciale

    La Presse
     

    Comme égarée sur le 32e parallèle, au large des côtes marocaines, en plein Atlantique Nord, Madère a été découverte, puis colonisée par des explorateurs portugais dès le début du XVe siècle. L'archipel jouit d'un climat idyllique, source d'une faune et d'une flore surprenantes... dont les beautés sont néanmoins éclipsées par ses plus célèbres exportations : la canne à sucre et le vin doux, célèbre dans le monde entier, qui porte son nom.


    Voyager en Images 4:  Bons plans à Madère

    Reid's Palace

    PHOTO RENAUD LORANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

     

    Pour remonter le temps: «Afternoon Tea» au Reid's Palace

    Passer les portes du Reid's Palace, c'est comme remonter le temps. Inauguré en 1891, l'hôtel est vite devenu célèbre parmi le gratin européen de l'époque, réputation qui ne se démentit aucunement au siècle suivant. Churchill, Lloyd George, mais aussi Rainer Maria Rilke, George Bernard Shaw, Albert Schweitzer ou encore Roger Moore y ont séjourné. Quelques heures sur sa terrasse, où l'on sert le thé l'après-midi dans la plus pure tradition « british », valent assurément le détour, tant pour la nourriture que pour la vue imprenable sur la baie de Funchal. Il est essentiel de réserver.

    Estrada Monumental 139, Funchal

     

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    Distillerie de Porto da Cruz

    PHOTO RENAUD LORANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

     

    Pour déguster le meilleur rhum de l'île: distillerie de Porto da Cruz

    Autre vitrine historique sur un aspect essentiel de l'économie locale, les ateliers de la Companhia dos Engenhos do Norte (Northern Milling Company) fonctionnent à plein régime au printemps, pendant la récolte de la canne à sucre. Le reste de l'année, la distillerie se transforme en musée qui relate comment le commerce de la canne et de ses dérivés (le rhum, surtout !) a influencé le développement de l'archipel au cours du dernier siècle. À la fin de la visite, la Maison du Rhum, voisine, propose une dégustation des principales variétés.

    Caminho do Penedo 17, Madère

     


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    Randonnée le long d'une levada

    PHOTO RENAUD LORANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

     

    Pour admirer la nature sauvage: randonnée sur une levada

    Par sa géographie et son relief atypiques, Madère est soumise à un éventail de microclimats, dont les plus humides, dans le Nord-Ouest, ont permis la prolifération puis le maintien, sur une période de près de 2 millions d'années, d'une extraordinaire forêt laurifère, aujourd'hui classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. De multiples canaux d'irrigation (levadas), caractéristiques de l'île, ont été bâtis pour acheminer d'importantes quantités d'eau vers le versant sud-est, une région plus propice à l'habitat et à l'agriculture. Ce réseau d'aqueducs naturels s'étend sur environ 2150 km, et permet des randonnées à flanc de montagne dans de magnifiques paysages.

     


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    Pointe São Lourenço

    PHOTO RENAUD LORANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

     

    Pour une vue à couper le souffle: Ponta de São Lourenço

    La « pointe de Saint-Laurent » se déroule à l'extrémité est de Madère, comme en course folle vers l'abîme, à la fois offerte au ciel et coincée entre deux eaux. Le regard file vers le sud : ce sont les îles désertes qu'il rencontre, majestueuses et aussi austères qu'inhabitées. Au nord, c'est Porto Santo, derrière comme devant soi, une mince crête pierreuse, dont la seule vue aurait inspiré à Gonçalves de Zarco, l'un des premiers explorateurs de Madère, de changer de cap, aux commandes de sa caravelle (d'où le nom Saint-Laurent). La vue est spectaculaire, les chemins praticables, mais étroits et dangereusement escarpés. Coeurs sensibles, s'abstenir !


    Voyager en Images 4:  Bons plans à Madère

    VOYAGE - Bons plans à Madère.Nini Design CentrePhoto tirée du site web du Centre.

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DU CENTRE

     

    Pour marier design contemporain et gastronomie: Design Centre Nini Andrade

    Si Nini Andrade Silva compte aujourd'hui parmi les décoratrices les plus en vue de la planète, elle n'en garde pas moins de solides racines à Funchal, sa ville natale. Ouvert en 2015, le centre qui porte son nom et trône, incontournable, en pleine marina est à la fois musée, boutique, espace récréatif, et depuis peu restaurant étoilé. Nini, au dernier étage de l'édifice - jonché sur le rocher dont on raconte qu'il a jadis abrité la demeure du navigateur Gonçalves de Zarco - , propose une cuisine moderne et une carte des vins qui n'ont rien à envier à celles des bonnes adresses lisboètes.

    Estrada da Pontinha, Forte de Nossa Senhora da Conceiçao, Funchal

     

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    Porto Santo

    PHOTO RENAUD LORANGER, COLLABORATION SPÉCIALE

     

    Pour s'éloigner de Funchal: Porto Santo

    Si l'achalandage de la capitale devient trop lourd, relier Porto Santo par traversier est l'antidote idéal : compter environ deux heures de trajet (il est impératif de louer une voiture au départ) vers les paysages désertiques et la longue plage de sable dorée qui donne justement son surnom à la deuxième île habitée de l'archipel, Ilha Dourada (île dorée).

     

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    Fascinante île de Man

     

    Le village de Cregneash, conservé tel qu'il était... (PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE)

     

    Le village de Cregneash, conservé tel qu'il était au début du XXe siècle, est un musée à ciel ouvert entretenu par l'association Manx National Heritage.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

     
    CREGNEASHÎLE DE MAN
    La Presse
     

    Située dans la mer d'Irlande, au milieu des îles britanniques, toute l'île de Man est reconnue au sein de la réserve de la biosphère de l'UNESCO. Et pour cause. C'est un concentré unique d'histoire, de curiosités et de paysages naturels aussi variés qu'étonnants qui valent le détour.

     

    Belle et rebelle

    Au sommet du mont Snaefell, par beau temps, on dit qu'il est possible d'apercevoir sept royaumes: l'île de Man, l'Angleterre, l'Écosse, le pays de Galles, l'Irlande, le ciel et la mer. L'île de Man est en effet plantée en plein coeur des îles Britanniques. Jalousement indépendante, elle est aussi joyeusement accueillante.

    «On veut mettre au premier plan notre patrimoine, notre culture et notre langue ancestrale, nous confie Helen Ashcroft, qui nous a guidés à la découverte des attraits principaux du sud de l'île. C'est ce qui nous distingue de l'Angleterre. En fait, les gens s'attendent à ce que ce soit semblable, mais c'est réellement différent.»

     

    C'est en effet bien différent. D'abord parce que l'île de Man est autonome. Elle n'est pas assujettie au Parlement du Royaume-Uni, mais relève directement de la Couronne, qui lui a conféré une large autonomie politique et économique. Elle possède notamment sa propre monnaie - attention si vous pensez faire escale en Angleterre après un séjour dans l'île de Man, car les livres mannoises ne sont pas toujours acceptées dans les commerces britanniques. Elle possède aussi des politiques fiscales très avantageuses qui attirent de nombreuses entreprises étrangères. Autre caractéristique étonnante, il n'y a pas de limite de vitesse nationale dans l'île de Man - sauf contre-indication, dans les villes et villages, notamment.

    C'est dans cet esprit très libertaire que l'île de Man en est venue à accueillir plusieurs courses de motos disputées sur les routes publiques. La plus connue est l'Isle of Man Tourist Trophy (TT), qui a lieu chaque année depuis 1907 de la fin de mai au début de juin. C'est l'évènement qui attire le plus de touristes dans l'île, près de 40 000, dont bon nombre de motocyclistes. «Je crois que le TT est formidable, dit Helen Ashcroft. Accueillir autant de visiteurs apporte de l'action comme jamais, c'est un véritable festival pour l'île. Oui, il s'agit d'une course qui peut être dangereuse, mais nous avons nos propres règles. C'est certainement une manifestation de notre indépendance. Et ça nous fait connaître.»

    On essaie toutefois d'amener cette manne de visiteurs à profiter des activités de plein air et à visiter les nombreux attraits de l'île. «Depuis quatre ans, pendant le TT, on vend une épinglette qui donne accès aux différents musées et lieux de l'île. On sent de plus en plus que les amateurs de course s'engagent dans la découverte de l'île, au-delà du seul fait de rouler sur le circuit de Snaefell Mountain», soutient Mme Ashcroft, qui travaille au Manx National Heritage, organisme chargé de la protection et de la valorisation du patrimoine culturel et historique de l'île.

     

    Cregneash, berceau mannois

    C'est dans le village de Cregneash que le patrimoine culturel de l'île s'exprime probablement le mieux. Il s'agit en fait d'un musée à ciel ouvert, créé il y a 80 ans sous l'impulsion du linguiste norvégien Carl Marstrander - il s'agissait alors du premier établissement du genre dans les îles Britanniques. L'organisme Manx National Heritage a d'abord acheté la maison de Harry Kelly quelques années après sa mort, puis a fait de même avec la plupart des autres bâtiments du village. Beaucoup de meubles que l'on trouve dans les maisons ouvertes aux touristes étaient donc déjà sur place à l'époque. «Harry était un célibataire endurci qui résistait au changement, voilà pourquoi sa maison est restée inchangée si longtemps, nous explique Helen Ashcroft. On a toutefois choisi de faire quelques ajouts pour montrer comment les familles vivaient à l'époque, notamment en réaménageant la mezzanine, où tous les enfants dormaient.»

    Les remarquables toits de chaume caractérisent aussi ces maisons vieilles de plus 300 ans à l'architecture vernaculaire de l'île de Man. «Ils sont faits de tourbe et de paille, le tout retenu en place par des filets de pêche attachés à des pierres qui sortent de la structure de la maison, nous explique Mme Ashcroft, exemple à l'appui. Un toit de chaume peut durer de trois à cinq ans avant qu'on lui en superpose un nouveau. Après quelques cycles de remplacement, on recommence à neuf.» Quant au bois utilisé pour la structure à l'époque à Cregneash, il provenait bien souvent d'épaves.

    Enfin, c'est aussi grâce à Cregneash que la langue mannoise vit actuellement une renaissance dans l'île. En 2009, l'UNESCO l'avait pourtant déclarée officiellement éteinte. Aujourd'hui, l'école Bunscoill, à St. John's, offre un enseignement exclusivement en mannois à une soixantaine d'enfants, alors que les rudiments de la langue d'origine gaélique sont de plus en plus abordés dans les autres écoles insulaires. «On a conservé des enregistrements d'époque réalisés à Cregneash par le professeur Marstrander, nous apprend Mme Ashcroft. On a pu s'appuyer là-dessus pour littéralement faire renaître la langue.» Aujourd'hui, plus de 1800 personnes parlent le mannois dans l'île de Man.

     

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    Les ruines de la cathédrale de Saint-Germain, au coeur du château de Peel.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

     

    Sur les traces des Celtes et des Vikings

    Avec son emplacement stratégique au coeur de la mer d'Irlande, l'île de Man a été exposée à diverses influences au fil de son histoire. Elles puisent ses traditions tant chez les Celtes que chez les Vikings et les Britanniques, qui se sont succédé sur ce territoire de 53 km de long sur 21 km de large - pas beaucoup plus grand que l'île de Montréal. Les traces les plus marquantes sont certainement les châteaux de Peel et Rushen, aussi remarquables que différents. Visite guidée.

    Château de Peel

    «Je suis vraiment excitée de savoir que des Vikings ont vécu ici. C'est une période de l'histoire qui possède un caractère dramatique, et ici, on marche dans les traces des Norses.»

    Notre guide Suzy Walker a la chair de poule pendant que nous parcourons l'île St. Patrick, sur laquelle se trouve l'enceinte des majestueuses ruines du château de Peel. Les plus anciennes - une tour et une église - ont été construites au Xe siècle par des Celtes chrétiens qui avaient commencé à occuper l'île dès la fin du VIIe siècle. Mais c'est aux Vikings que l'on doit la partie de la ruine la plus spectaculaire, la cathédrale Saint-Germain, construite à partir du début du XIIIe siècle. À cette époque, l'île de Man était la capitale du royaume de Man et des Îles, qui englobait aussi les Hébrides, les Orcades et les Shetlands, archipels situés au nord et à l'ouest de l'Écosse.

    L'importance du château de Peel peut notamment s'observer grâce à la découverte de la tombe de la «Dame païenne», l'une des plus richement dotées hors de la Scandinavie - son collier, serti de pierres provenant d'un peu partout dans le monde viking de l'époque, est exposé au Manx Museum, à Douglas.

    La cathédrale a été renforcée par la suite alors que de vastes remparts ont été érigés tout autour de l'île, qui a été le théâtre de plusieurs affrontements, notamment en raison des rivalités entre Anglais et Écossais jusqu'au milieu du XVe siècle.

    Aujourd'hui, plus de 28 000 personnes visitent chaque année le château de Peel et des ateliers pédagogiques s'y déroulent régulièrement. On laisse délibérément les ruines se couvrir de végétaux, de façon à les préserver des intempéries. Il n'est donc pas question de restaurer la forteresse, abandonnée depuis la moitié du XVIIIe siècle. «Certains souhaitent qu'on installe des toits sur les ruines principales, nous informe Suzy Walker, qui travaille pour l'association Manx National Heritage. Des analyses ont été entreprises pour déterminer si c'était possible, mais la structure s'est révélée trop fragile.» La crypte, située sous la cathédrale, est la seule partie dont le plafond subsiste; elle a longtemps servi de prison ecclésiastique.

    Malgré son passé militaire, l'endroit inspire la paix. On pourrait y flâner pendant des heures, piqueniquer sur la pelouse verdoyante qui enveloppe les ruines sur plus de trois hectares ou faire une randonnée autour de l'enceinte. De là, on peut monter sur la colline de Peel et longer la côte pour se rendre jusqu'à la Corrin's Tower, 2 km plus loin.


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    Le château Rushen, à Castletown, est l'un des mieux préservés d'Europe.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

     

    Château Rushen

    À l'opposé de la forteresse de Peel, le château Rushen est l'un des ouvrages défensifs médiévaux les mieux préservés d'Europe. Utilisé sans interruption depuis 800 ans, il a d'abord servi à la cour des rois vikings avant de devenir le siège des comtes de Derby, dynastie très proche de la Couronne d'Angleterre qui a régné sur l'île de Man pendant près de 300 ans, jusqu'en 1738. C'est ensuite devenu une caserne militaire et plus tard une prison, avant de conserver des fonctions administratives - on y a notamment frappé la monnaie de l'île.

    Le château a toutefois pris son allure actuelle au milieu du XIVe siècle, comme en témoignent les démarcations sur les murs. C'est le siège du roi d'Écosse Robert Bruce, qui a combattu auprès du patriote William Wallace - le fameux Braveheart personnifié au cinéma par Mel Gibson - qui a motivé ces travaux. «Robert Bruce était probablement le plus habile conquérant de forteresses de son temps, nous explique Edmund Southworth, directeur du Manx National Heritage, tandis que nous traversons la cour de l'impressionnante citadelle. Le château est donc passé sous contrôle écossais jusqu'en 1333 avant de repasser sous le giron anglais. C'est alors qu'ont été entrepris l'agrandissement et le renforcement du château, de 1350 à 1390.»

    Plusieurs modifications ont par la suite été faites, mais toujours dans un souci de conservation. D'importants travaux de restauration ont été réalisés de 1907 à 1910. On en a alors profité pour faire des travaux d'excavation qui ont permis de réhabiliter les douves. Lors de notre passage, on achevait une nouvelle série de travaux qui ont notamment permis d'améliorer les installations d'accueil - «il ne faut pas oublier que ce genre d'endroit était conçu pour garder les gens à l'extérieur!», nous fait remarquer M. Southworth en riant. Ainsi, la boutique d'accueil dispose maintenant de portes automatiques installées là où se trouvait la première herse, alors qu'une passerelle neuve a été aménagée là où s'abaissait à l'origine le pont-levis. Tous ces équipements ont été conçus avec des matériaux destinés à se marier à l'environnement historique.

    En tout, le château comprend 40 pièces, la plupart décorées avec du mobilier rappelant l'époque. Toutefois, l'utilisation de personnages de plâtre aurait avantage à être revisitée. Il est néanmoins intéressant de voir de quelle façon la disposition des pièces était conçue pour désorienter les gens - la salle du trésor étant naturellement la plus difficile d'accès, passé les quartiers du roi. Inutile de dire qu'il a fallu suivre notre guide pas à pas pour sortir de là!

     

    Voyager en Images 4:  Fascinante île de Man

    La Loch Promenade, dans la capitale Douglas, est bordée de chics maisons victoriennes.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

     

    Concentré de plaisirs

    Au-delà de la richesse de son histoire et de son patrimoine, l'île de Man offre une impressionnante variété d'activités et de découvertes à moins d'une heure de route l'une de l'autre. Sélection.

    Douglas

    La capitale Douglas assume pleinement son passé victorien et ça lui va très bien. D'un côté, la Loch Promenade s'ouvre sur la mer d'Irlande alors que de l'autre, on trouve une enfilade de chics maisons construites à la fin du XIXe siècle. «L'île était une destination très populaire pendant la période victorienne, nous a raconté la guide Helen Ashcroft. Ça s'est généralement maintenu au cours du XXe siècle, mais l'avènement des vols au rabais a tourné l'attention des touristes britanniques vers d'autres destinations européennes, notamment l'Espagne et l'Italie.» La tendance s'est toutefois renversée au cours des dernières années et Douglas se fait accueillant avec sa marina, ses bars et des restaurants de fort belle tenue.

    Laxey Wheel

    Avec ses 22 m de diamètre, c'est la plus grande roue hydraulique encore en fonction au monde. Mais, non content d'avoir réalisé une roue si grande, l'ingénieur mannois Robert Casement caressait l'idée d'en faire un véritable monument. La roue, d'un rouge écarlate, est inaugurée en septembre 1854. On lui donne le nom de Lady Isabella en l'honneur de la femme du lieutenant-gouverneur Charles Hope. Propulsée grâce à l'eau canalisée des collines avoisinantes, elle sert à pomper l'eau à l'extérieur de la mine de plomb et de nickel, en activité depuis 1790. La mine a été fermée en 1930, mais on a sauvé Lady Isabella. Lubrifiée tous les vendredis, elle tourne toujours, un bel exemple du génie de l'époque victorienne.

    Calf of Man

    À l'extrémité sud de l'île de Man se trouve la réserve naturelle de Calf of Man, îlot rocheux fréquenté par les oiseaux et par un grand troupeau de moutons Loaghtan - le seul non exploité commercialement. On peut y loger, mais les rares chambres sont réservées plusieurs mois d'avance. Même si on ne peut pas traverser le périlleux bras de mer qui sépare Calf of Man de l'île principale, un arrêt d'impose à The Sound, joli restaurant circulaire qui offre une vue imprenable sur l'îlot. On peut aussi s'y rendre en kayak à partir de Port Saint Mary, mais il faut le faire par beau temps et à marée basse: la vitesse de la marée montante peut atteindre 9 noeuds.

    Randonnées

    Les possibilités de randonnée sont innombrables à l'île de Man. Le sentier le plus connu est sans doute «La voie du goéland», «Raad Ny Foillan» en mannois; il suit la côte sur près de 160 km pour faire le tour complet de l'île en 12 sections. En tout, il y a plus de 40 sentiers différents qui traversent l'île de part en part. Aussi, l'étonnant réseau de transports en commun permet une grande flexibilité dans le choix d'itinéraires; avec notre guide Chris Callow, d'Island Heritage Tours, nous avons monté en tramway au sommet du mont Snaefell pour ensuite redescendre vers Laxey, une randonnée dépaysante de près de 7 km.

    Trains pour tous

    L'île de Man attire aussi son lot de touristes charmés par l'étonnant cocktail de moyens de transport toujours en service. Le tramway électrique, qui fête ses 125 ans, relie la capitale Douglas à la ville de Ramsey, dans le nord-est de l'île, en offrant de saisissants panoramas. Une correspondance à Laxey permet par ailleurs de monter au sommet du mont Snaefell. Vers le sud, c'est le plus vieux train à vapeur à voie étroite des îles britanniques qui relie la capitale à Port Erin. On trouve aussi à Douglas un tram tiré par des chevaux qui fait le lien entre le terminal maritime et la gare du tramway électrique. Sans compter les trains miniatures de Great Laxey Mine et Groudle Glen.

    House of Manannan

    «En 1997, Peel vivait des heures sombres, le secteur de la pêche était au ralenti, nous a expliqué la guide Suzy Walker. On estime que le musée House of Manannan, construit autour de l'ancienne gare, a contribué à la relance de la ville.» L'établissement est nommé en l'honneur du Dieu celte protecteur de l'île de Man grâce à sa cape de brouillard. L'histoire de l'île y est habilement reconstituée avec des décors grandeur nature évoquant notamment une maison ronde celtique, une maison longue viking, un drakkar ainsi qu'une rue du port de Peel à l'apogée du commerce de la pêche, au début du XXe siècle.

     

    Voyager en Images 4:  Fascinante île de Man

    Douze phares sont construits tout autour de l'île de Man, dont celui de Maughold Head, érigé en 1914 à l'extrémité est de l'île.

    PHOTO PIERRE-MARC DURIVAGE, LA PRESSE

     

    Carnet de notes

    Comment s'y rendre

    Près de 90 % des touristes qui visitent l'île de Man arrivent de Grande-Bretagne. L'accès se fait donc essentiellement à partir des îles Britanniques, par traversier ou par avion. Du Québec, le trajet implique généralement deux escales - l'exception étant Air Transat, qui offre l'été trois vols par semaine vers l'aéroport de Londres-Gatwick, d'où il est possible de voler vers l'île de Man avec easyJet. Sinon, il faut d'abord voler vers Liverpool, Manchester ou Dublin, par exemple. Dans tous les cas, il faut acheter son billet vers l'île de Man séparément auprès des transporteurs locaux qui la desservent - Flybe offre le plus de liaisons. Il faut par ailleurs noter qu'il n'y a pas de vol entre l'aéroport du Ronaldsway et Londres-Heathrow.

    Hébergement

    L'île de Man ne manque pas d'hôtels et compte même un bon nombre de gîtes et d'auberges. En revanche, pendant les deux semaines de la course de motos Isle of Man Tourist Trophy, de la fin de mai au début de juin, il faut s'y prendre d'avance pour réserver sa chambre. Bon à savoir: l'organisation de la course s'est entendue avec des résidants qui proposent des chambres dans le cadre du programme Homestay TT. L'affluence est aussi plus importante en août lors du Manx Grand Prix, mais on reste loin de la cohue suscitée par la venue de près de 40 000 visiteurs dans une île qui compte à peine 85 000 habitants.

    Produits locaux

    Depuis l'an dernier, le programme «Product of Isle of Man» est mis en valeur pour le bonheur des gourmands. Savoureuse crème glacée, beignets maison, agneau et boeuf élevés en pâturage libre, fruits de mer frais, on mange bien à l'île de Man. Il faut d'ailleurs goûter les «queenies», petits pétoncles qui font la fierté des Mannois. Mais il ne faudrait pas passer sous silence un autre plat typique de l'île, le «chips, cheese and gravy». Vous aviez bien lu, il s'agit bel et bien d'une poutine, faite avec du fromage râpé. Pas mal, mais pas bonne comme la nôtre, l'originale!

    Transport

    L'île est très bien desservie par les transports en commun - autobus, trains et tramway - , qui offrent une belle fréquence de service. Il est toutefois plus facile de découvrir les secrets de l'île en voiture. Des entreprises de location sont présentes à l'aéroport, mais on suggère de faire affaire avec les entreprises locales, beaucoup plus abordables.

     

    Infos utiles

    > Langue parlée: anglais

    > Monnaie: livre mannoise (au pair avec la livre sterling, qui est aussi acceptée partout)

    > Décalage avec le Québec: 5 heures

     

    Voyager en Images 4:  Fascinante île de Man

     

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    Découvrez la Bretagne version

    britannique

     

    Par Philippe Bourget
     
     
     

    À l'extrême sud-ouest de la Grande-Bretagne, règnent les paysages de bocage aux prairies vert gazon, aux haies immenses et les ports blottis le long d'estuaires cachés. Bienvenue en Cornouailles, illustrés par la beauté du cap Lizard, de St. Michael's Mount et de havres minuscules, sans oublier, tradition anglaise oblige, un détour par d’incroyables jardins.

     
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    Proche des falaises du cap Lizard, la plage de Kinance Cove. On y accède par le South West Coast Path, sentier de randonnée qui longe le littoral des Cornouailles

     

    Polperro, un port joliment encaissé au fond d’un vallon maritime sur la côte sud des Cornouailles. Des maisons pieds dans l’eau ; une minuscule criée, à l’image de ce village de poupée ; un ruisseau discret glissant à l’arrière des cottages ; des mouettes criardes et voraces... Coup de cœur pour ce port intime, incarnation du rivage de cette région anglaise où se succèdent, invisibles depuis les terres, des escales côtières entretenues comme des reliques patrimoniales. Il faut compter au moins trois jours pour profiter du territoire. Le granit de la pointe sud-ouest du Royaume-Uni est découpé en tellement de baies, anses et estuaires que suivre le trait de côte prend un peu de temps... D’autant que les routes sont à l’unisson. Ah ! les routes. Il n’y a que les Britanniques qui savent fondre ainsi les signes du progrès dans des paysages ancestraux. Imaginez. Un carroyage de prairies ondulantes couturées de haies, un damier jaune-vert-brun glissant jusqu’au bord des falaises. Là, enfouies entre les talus de séparation, des routes étroites et invisibles. Le dépassement y est impossible, le croisement délicat mais toujours courtois, civilité british oblige. La végétation est parfois si dense que la route glisse dans un tunnel boisé. Autant dire que la vitesse est proscrite. D’autant que le parcours est parfois stoppé net au bord d’un estuaire. Il faut alors embarquer sur un bac, comme à Polruan ou à St. Mawes, l’occasion d’observer un voilier filant tranquillement vers une marina – la plaisance chic est ici dans son royaume.

     

    Un essaim de villages côtiers

    Impossible de raconter tous les villages. Sur l’itinéraire de Looe à Boscastle, qui englobe toute la pointe des Cornouailles, les bonnes surprises sont trop nombreuses. Résumons. Looe se love sur les versants de la rivière éponyme. Ce port de pêche actif, aux ruelles bordées de vieilles maisons chaulées, est très touristique. Les deux rives sont reliées par un esthétique pont de pierre à sept arches. The Old Lifeboat Station (1866-1930) trône au bout du quai. Fowey, lui, fait face à Polruan, posé autour de l’église anglicane St. Fimbarrus et de sa tour-clocher à pinacles. À la sortie de la messe, on y croise des old ladies en jupes longues et cheveux blancs permanentés. Le port, tout en longueur, est fort animé, bercé notamment par le souvenir de la romancière Daphné du Maurier, qui vécut au bord de l’estuaire. Mevagissey entre dans notre « top 3 ». Nous sommes tombés sous le charme de ce bassin « double » quasi fortifié, l’avant et l’arrière-port, seulement séparés par une jetée juste assez large pour accueillir la criée. À marée basse, les petits chalutiers et les barques de pêche reposent sur la vase verte, au-dessous de quelques maisons peintes de couleurs vives. Une carte postale. Quant à St. Ives, c’est un peu le Deauville des Cornouailles. Où plutôt son Pont-Aven. La ville (11 000 habitants) est devenue célèbre grâce aux peintres, séduits par la beauté des plages, la lumière atlantique et les ruelles bordées de maisons à pans d’ardoises et bow-windows. La foule, dense sur les quais aux beaux jours, s’y délecte de hamburgers, d’ice-creams et de sundaes. Des familles pique-niquent sur la plage principale, entre ondées et rais de lumière, protégées des bourrasques par des pare-vents piqués dans le sable. Symboles de la fibre artistique de St. Ives, maintes galeries ainsi qu’un Tate Museum, bâtiment en béton dressé face à la plage de Porthmeor, se sont installés.

     

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    À une heure de voiture à peine de Plymouth, le port de Looe, toujours très actif, est la
    première étape de cette escapade en Cornouailles
     

    Boscastle et Port Isaac, les ports du bout du monde

    Sur la côte nord, deux « villages miniatures » méritent aussi la visite : Boscastle et Port Isaac. Le premier apparaît après une longue route tortueuse dans un vallon forestier. L’expression « bout du monde » lui va bien. L’unique rue, en pente, encadrée de maisons de granit, est prolongée par une rivière et un bras d’estuaire serpentin, au point que l’océan reste caché à la vue du village. Une pépite ! Le second village résume à lui seul l’architecture littorale des Cornouailles : un port de poche, des maisons du XVIe siècle à touche-touche, une petite plage et un hangar curieusement fortifié, occupé par des mareyeurs qui trient des soles et cassent des pinces de crabes au marteau. Le tout fréquenté par la marée des touristes et dominé par un joli manoir-hôtel.

     

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    Sur la côte nord des Cornouailles, Boscastle se love au fond d'un vallon si profond qu'on ne voit pas la mer depuis le village. Un long chemin mène au port. À visiter, un étonnant musée de la Sorcellerie

    Passages vertigineux de la côte nord

    Cette enfilade de ports-abris pourrait laisser croire que la côte est monotone. Erreur ! Les paysages sont changeants. La partie sud, dentelée et dense, fait place au nord à de vastes espaces de champs et de landes. Land’s End en est l’exemple parfait, plateau désolé fréquemment noyé dans la brume. On y croise de rares fermes grises, des pubs dans des hameaux et quelques gentlemen farmers bottés, casquettes anglaises sur la tête. Le St. Agnes Beacon, 192 mètres au dessus de l’océan, livre aussi, entre St. Ives et Newquay, son large mamelon, juste recouvert d’un tapis de bruyère violet ouvert à tous les vents. Les randonneurs sont aux anges. Une portion du Cornwall Coast Path suit la ligne de côte de Plymouth à Bude, avec des passages ici spectaculaires (460 kilomètres). « Nous surveillons les marcheurs et les vététistes mais aussi les parapentistes et les pêcheurs », sourit Anthea Philips, jumelles pendues sur sa chemisette blanche à épaulettes, installée dans sa cabane-radio tapissée d’une grande carte marine et surmontée de l’Union Jack. Volontaire au sein de la National Coastwatch Institution, elle assure des vacations pour surveiller les activités humaines. Car cette côte présente parfois des aspects vertigineux.

     

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    Port Isaac avec ses maisons de poupée du XVIIIe siècle, est un village de pêcheurs où se croisent vacanciers et mareyeurs

    Tintagel ou la légende du roi Arthur

    À St. Agnes, par exemple, petite anse pour surfeurs de la côte nord, les falaises blanches plongent dans l’océan. Le port a été reconstruit six fois, laminé par les tempêtes et les éboulements rocheux. À Tintagel, village fameux associé au roi Arthur – la légende dit qu’il serait né ici –, on imagine aisément que son prétendu château, ruine au-dessus de falaises cisaillées, a pu subir sans répit les assauts de la houle et du vent. Le cap Lizard symbolise cette confrontation violente entre terre et océan. Pointe la plus au sud du Royaume-Uni, célèbre ligne d’arrivée de courses transatlantiques, il offre ses murailles noires et grises aux vagues bruyantes de l’English Channel. Miracle de la nature, ce cap en dents de scie, prisé par les touristes britanniques, cache aussi l’une des plus belles et secrètes plages du Royaume-Uni : Kynance Cove, sidérante de sable blanc à marée basse.

     

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    À Tintagel, haut lieu des légendes arthuriennes, le chemin qui descend vers les ruines du château du XIIIe siècle offre des vues vertigineuses sur les falaises plongeant dans la mer Celtique

    St. Michael's Mount, une autre "Merveille"

    Reste à parler de St. Michael’s Mount. Sa ressemblance avec la Merveille ne tient pas seulement à l’homonymie. Normal, cet îlot rocheux de la pointe des Cornouailles a été doté au XIIIe siècle d’un monastère et d’une église... par les moines bénédictins venus de « notre » Mont-Saint-Michel ! L’allure est plus modeste et le monastère, démantelé au XVIIe siècle, est devenu château, propriété de lord St Aubyn. Pas de digue comme en Normandie : on s’y rend à pied à marée basse, par une chaussée (causeway) submersible ; et en canot à marée haute. Trente personnes vivent à l'année au bas de ce caillou seigneurial, dans de petites maisons accolées à cours fermées. Elles sont employées à l'intendance du château, qui se visite. Lors de notre passage, une maman et son jeune fils, cravate et pull en V aux armes de son école, embarquaient sur une navette chargés de sacs, apparemment habitués à cette logistique quotidienne. Nous avons même aperçu l'épouse du lord refermant la porte du jardin du château, une fois le dernier visiteur parti. L'ultime image d'une Angleterre singulière, prompte à préserver ses traditions et à garder intacts ses trésors de nature.

     

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    Entre le Cap Lizard et Land's End, une curiosité : St. Michael's Mount, un Mont-Saint-Michel en réduction. Le causeway (chaussée submersible) permet d'accéder à marée basse à cet îlot escarpé où des moines bénédictins s'installèrent au XIIIe siècle
     

    Dans les Cornouailles, deux étonnants jardins

    Sous le ciel gris, les dômes blancs en nid d’abeille où sont abritées les plantes exotiques ont un air irréel. Le sentiment est renforcé par la tyrolienne géante qui survole le site et sur laquelle glissent des météores humains. Eden Project est le résultat d’une idée folle : protéger la biodiversité du monde en conservant sous cloche des milliers d’espèces. Résultat ? « 90 000 visiteurs par jour en période de pointe », nous confirme une responsable à l’accueil. Il n’est qu’à voir la taille des parkings pour comprendre le succès du lieu...

     

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    Installé sur le site d'une ancienne carrière, le parc Eden Project est né de la volonté de son concepteur, Tim Smit, de démontrer la capacité de la nature à régénérer un site détérioré par l'activité humaine

    Eden Project, un laboratoire de la biodiversité

    Eden Project est à la hauteur du défi, lancé il y a une quinzaine d’années par Sir Tim Smit, né au Pays-Bas, ancien compositeur et producteur de musique de rock et d’opéra. Aménagés dans une carrière de kaolin désaffectée près de St. Austell, les dômes jumelés géants (jusqu’à 45 mètres de hauteur) accueillent des plantes tropicales d'un côté, des essences méditerranéennes de l'autre. Côté "pays chauds", le bluff est complet : reproduction de forêts humides d'Amérique de Sud, Asie du Sud-Est, d'Afrique de l'ouest et des îles tropicales. Cascades, huttes de bambous, maison de paysans malaisiens, arbres fruitiers tropicaux (manguiers, bananiers...) s'observent à partir de passerelles aériennes sur la canopée... Il fait plus de 31 °C sur la plateforme sommitale aménagée 30 mètres au-dessus du sol (un peu mouvante, sensibles au vertige s’abstenir !), d’où l’on domine l’ensemble de l’écosystème. Il ne manque que la faune pour se croire téléporté à Bornéo ou à Manaus... Le dôme méditerranéen, avec son verger d’agrumes et son oliveraie, en revanche, est nettement moins réussi, un peu artificiel, trop académique.

     

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    Conçues par L'architecte Nicholas Grimshaw avec les matériaux les plus innovants, les serres d'Eden Project se visitent à 30 mètres de hauteur, en cheminant sur le Canopy Walkway (passerelle de la canopée). Ces biomes - écosystèmes caractéristiques d'une aire géographique - abritent des environnements contrôlés : climat chaud tempéré du bassin méditerranéen, et forêt humide tropicale

    Les étranges créatures végétales des jardins perdus de Heligan

    Nous sommes arrivés aux jardins perdus de Heligan, près de Mevagissey, assez tard en fin d’après-midi, au moment où les visiteurs commençaient à regagner la sortie. Résultat : le bonheur rare d’arpenter un domaine végétal en touristes VIP, seuls ou presque dans cet immense maelström de verdure. The Lost Gardens of Heligan ont été aménagés aux XVIIIe et XIXe siècles par la famille Tremayne et relancés par leurs héritiers au tournant des années 1990, après une longue période d’abandon. Imaginez : un domaine courant presque jusqu’à la mer, une jungle valley perdue au fond d’un vallon, avec pont de singe, étangs et plantes tropicales géantes, des prairies à moutons, vaches et émeus, des palmiers et des fougères géantes, des chênes et des cèdres antédiluviens sur les branches desquelles courent des écureuils, un potager clos, des jardins d’agrément, une maison de maître aux grounds (pelouses) taillées au ciseau, une ferme..., le tout dans un silence de cathédrale. En prime, la surprise de découvrir des sculptures arbustives : une femme couchée au sol, épaules et hanches couvertes de lierre, un gnome aux yeux bleus à tête végétale... Un vrai bonheur.

     

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    Le domaine de Heligan, qui appartient à la famille Tremayne depuis le XVIe siècle, a été laissé à l'abandon après la Première Guerre mondiale. Reconstitué d'après les plans d'origine, il renaît en 1990.

     

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    Californie: Napa et Sonoma

    après les incendies

     

    Rene Byck se tient sur les ruines des... (Photo Karyne Duplessis Piché, La Presse)

     

    Rene Byck se tient sur les ruines des bâtiments de son domaine, Paradise Ridge. Tous les bâtiments ont flambé, mais la vigne a résisté.

    PHOTO KARYNE DUPLESSIS PICHÉ, LA PRESSE

     
    KARYNE DUPLESSIS PICHÉ

    Collaboration spéciale

    La Presse
     

    (SANTA ROSA, Californie) Les images de la Californie ravagée par les flammes l'automne dernier ont fait le tour du monde. Les incendies d'une ampleur historique ont anéanti des milliers d'hectares de forêt, tué plusieurs personnes, détruit des centaines de maisons et menacé les vignobles de Napa et de Sonoma. Six mois plus tard, la vie a repris son cours, mais la région porte encore les cicatrices des incendies, a constaté La Presse sur place.


    Voyager en Images 4:  Californie: Napa et Sonoma après les incendies

    Paradise Ridge Winery est l'un des rares domaines viticoles de la région de Sonoma à avoir brûlé l'automne dernier. Les flammes n'ont épargné aucune installation...

    PHOTO KARYNE DUPLESSIS PICHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

     

    Voyager en Images 4:  Californie: Napa et Sonoma après les incendies

    Photo aérienne des dégâts causés par le feu au domaine Signorello

    PHOTO FOURNIE PAR DOMAINE SIGNORELLO

     

    Rene Byck a le coeur gros. Son vignoble Paradise Ridge Winery, en banlieue de Santa Rosa, est habituellement très achalandé au début du mois de mai. Mais pas cette année. Le producteur a perdu la majorité de ses installations et de sa production de vin le 9 octobre dernier.

    Les collines verdoyantes qui entourent le vignoble ont gardé peu de traces des feux. Quelques arbres calcinés témoignent timidement des immenses incendies de l'automne. Les dommages sont pourtant bien réels.

    Au milieu des quelques vestiges des bâtiments calcinés, Rene Byck raconte avec émotion la nuit où son entreprise, construite avec son père il y a 25 ans, est partie en fumée. « J'habite tout près, dit le propriétaire. Je voyais le feu au vignoble, mais j'étais davantage préoccupé pour la sécurité de mes enfants et de ma famille. Je n'étais pas émotif à l'époque. Maintenant, oui. »

     

    QU'EN EST-IL DE LA VIGNE ?

    Paradise Ridge Winery est l'un des rares domaines viticoles de la région de Sonoma à avoir brûlé l'automne dernier. Les flammes n'ont épargné aucune installation. Heureusement, elles ont laissé les vignes intactes.

    « On dit que les vignes bloquent le feu, ajoute Rene Byck. Comme les branches sont jeunes et vertes, elles sont souvent épargnées. »

     

    Son voisin Ken Moholt-Siebert n'a pas eu cette chance. Les vignes de son vignoble, Ancient Oak Cellar, font partie des rares qui ont été touchées. Dans le champ, les piquets de métal placés dans les rangées ont tordu sous la chaleur des flammes et donnent un aspect fantomatique à l'endroit. Depuis le drame de l'automne, la nature a repris ses droits. L'herbe est haute et, étonnamment, quelques feuilles vertes ont poussé au bout des tiges noircies.

    « Il y a encore un peu de vie, mais ce n'est pas viable. Il faut tout arracher et recommencer », décrit-il.

    Selon les chiffres déclarés au Commissaire à l'agriculture, 50 hectares de vignes ont brûlé à Napa et 37 à Sonoma, soit moins de 1 % de la superficie totale des vignobles de chacune des deux régions.

     

    LE VIN ET LE FEU

    La route Petrified Forest Road zigzague à travers la forêt des monts Mayacamas reliant les villes de Santa Rosa et Calistoga, dans la vallée de Napa. Le décor donne froid dans le dos. Sur le bord du chemin, des séquoias, des chênes et des pins, noircis par le feu, ont été coupés et attendent d'être ramassés.

    Le chemin se rend jusqu'au mythique Château Montelena. Dans le panorama verdi par le printemps, on décèle tout près des taches noires et brunes, signe de la végétation brûlée.

    Le domaine n'a pas perdu de vignes, mais il a perdu des raisins.

    « La fumée était si intense, explique l'oenologue Ken Moholt-Siebert, on savait que ça ne donnerait pas un bon résultat. On n'a pas récolté la parcelle. On ne voulait pas vendre quelque chose de mauvais à nos clients. »

     

    FAIRE DU VIN AVEC SON TÉLÉPHONE

    Comme de nombreux autres vignobles, le Château Montelena a été évacué pendant les incendies en plein milieu des fermentations, un moment crucial pour la production de vin. Afin de sauver la récolte et d'éviter tout contact avec la fumée, l'édifice a été scellé et le système de climatisation arrêté. Le domaine possède une génératrice et des installations de vinification très modernes. L'oenologue a donc pu contrôler les fermentations avec son téléphone, chez lui, à Napa.

    Sur la Silverado Trail, le scénario a été bien différent pour Pierre Birebent. OEnologue au domaine Signorello, il a combattu les flammes toute la nuit. En vain. Le bâtiment qui servait d'accueil aux visiteurs a brûlé.

     

    QUAND LE VIN SE FAIT TOUT SEUL

    Avant de quitter les lieux, M. Birebent a arrosé une dernière fois les cuves d'acier inoxydable situées à quelques mètres de l'édifice dans l'espoir de repousser les flammes. Par miracle, elles n'ont pas été touchées et le jus a fermenté.

    « Le vin s'est fait sans moi », raconte-t-il, souriant.

    Selon l'oenologue d'origine française, installé dans la vallée de Napa depuis 33 ans, le millésime 2017 est l'un des meilleurs des cinq dernières années. M. Birebent appréhende cependant que les consommateurs ne soient pas au rendez-vous, s'ils craignent que les vins « goûtent la fumée ».

     

    VISITEURS SOLIDAIRES

    Alors que le soleil de mai brille sur Napa, l'autoroute 29 qui traverse la vallée est très achalandée, comme d'habitude. Mais la situation était différente après les incendies.

    Inger Shiffler accueille les visiteurs depuis 20 ans au domaine Robert Mondavi. Alors que le mois d'octobre est normalement très occupé, elle a vu les réservations s'annuler les unes après les autres.

    « Les mois de novembre et de décembre ont été très tranquilles, mais ça reprend doucement. Les gens qui avaient annulé nous rappellent et reviennent. »

    Non loin, sur la terrasse du domaine Signorello, deux chaises, une table et un parasol semblent attendre le retour des touristes. Ils devront être patients. La reconstruction est prévue pour 2020.

    Les frais de transport ont été payés par le domaine Robert Mondavi - où la journaliste se rendait pour une formation -, organisation qui n'a exercé aucun droit de regard sur le contenu du reportage.

     

    Visiter ou pas?

    Est-ce que les touristes peuvent visiter les vignobles de Napa et Sonoma malgré les incendies de l'automne ?

    Oui. La majorité des domaines des deux régions viticoles sont ouverts au public comme à l'habitude. Selon l'Association des vignerons de la vallée de Napa, 90 % des vignerons n'ont pas été touchés par les incendies. La situation est similaire à Sonoma.

    Les routes les plus fréquentées par les touristes, l'autoroute 29, la Silverado Trail à Napa et l'autoroute 12 à Sonoma, sont ouvertes. La végétation brûlée passe d'ailleurs souvent inaperçue dans les collines qui bordent la voie.

     

    Quelle est la zone la plus touchée ?

    La ville de Santa Rosa, dans la région de Sonoma, se remet tranquillement des incendies de l'automne. Les flammes ont rasé des quartiers entiers, dont plus de 1000 maisons dans celui de Coffey Park ainsi que plusieurs hôtels. Les principaux lieux sont désormais accessibles. Les débris ont été enlevés. Les voitures calcinées aussi.

    « Les gens avaient jusqu'au début avril pour tout nettoyer », explique le vigneron Darek Trowbridge, dont le domaine Old World Winery se situe à deux rues de Coffey Park.

    Toujours à Santa Rosa, les dommages sont encore évidents dans le quartier Fountainegrove. Cela n'empêche pas les golfeurs de s'élancer sur le terrain situé dans le quartier huppé.

    Le nettoyage est fait, mais la reconstruction reprend lentement. Selon Darek Trowbridge, plusieurs résidants n'avaient pas ou peu d'assurance.

     

    Peut-on goûter les vins de la vendange 2017 ?

    Oui. Plusieurs vignobles servent déjà des blancs et des rosés produits avec les raisins de la vendange 2017. C'est le cas du domaine Honig à Rutherford où le plus récent sauvignon blanc est servi aux visiteurs.

    Quant aux vins rouges, il faudra attendre au minimum une ou deux années avant qu'ils terminent leur élevage en barrique et qu'ils soient mis en vente.

     

    Est-ce que les vins de la Californie goûteront la fumée ?

    C'est peu probable. La vendange de l'automne dernier a été précoce, soit une dizaine de jours plus tôt qu'en 2016. L'Association des vignerons de la vallée de Napa estime que 90 % des raisins étaient récoltés lorsque les incendies ont commencé.

    Tous les vignerons rencontrés ont affirmé avoir une ou deux parcelles, en majorité du cabernet sauvignon, qui n'étaient pas encore rentrées au moment des incendies La plupart ont récolté les raisins malgré la fumée et les ont vinifiés séparément.

    OEnologue vedette chez Alpha Omega, Jean Hoefliger raconte avoir vendu à une distillerie des raisins de malbec « couverts de cendre » après les feux. Les fruits seront sans doute utilisés pour produire de l'alcool. Plusieurs autres vignerons ont fait de même avec leur vin présentant un goût de fumée.

    Les cuvées 2017 ont été dégustées aux vignobles Inglenook et Robert Mondavi. Dans les deux cas, les vins ne présentaient pas de trace de fumée. Les rouges étaient denses et très fruités.

     

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