• Environnement....La 6e extinction massive du vivant a déjà bien commencé


     

    La 6e extinction massive du vivant a déjà bien commencé

     

    tortue-marine-morteTortue marine morte
    Crédit : Lucky 2013 / Pixabay - Licence : CC0

    Cela ne fait maintenant plus aucun doute : nos sociétés détruisent littéralement notre support de vie au point que nous sommes la cause de la 6e exictinction massive qu'ait connu la Terre. Selon les dernières estimations d'une équipe pluridisciplinaire de chercheurs français, ce ne serait pas 1,3 % mais 7 % de la biodiversité terrestre qui aurait disparu, soit environ 130 000 des espèces déjà connues. Une tendance inquiétante qui devrait s'aggraver.

    Actuellement, la perte de biodiversité et les changements dans l'environnement qui y sont liés sont plus rapides qu'à aucune période de l'histoire de l'humanité. De nombreuses populations animales et végétales sont en déclin, que ce soit en termes de nombre d'individus, d'étendue géographique, ou les deux. Si la disparition d'espèces fait partie du cours naturel de l'histoire de la Terre, l'activité humaine en a accéléré le rythme d'extinction : il est actuellement au moins 100 à 200 fois supérieur au rythme naturel d'extinction.

    Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs français, notamment de l'Institut de Systématique, Évolution et Biodiversité (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS/UPMC/EPHE), du Centre des sciences de la conservation (Muséum national d'Histoire naturelle/CNRS/UPMC) et de l'université d'Hawaï, ont procédé à une nouvelle évaluation de la perte de biodiversité.

    En utilisant deux approches, l'une fondée sur les avis d'experts naturalistes et l'autre issue des mathématiques probabilistes, ces chercheurs ont travaillé sur un échantillon d'espèces d'invertébrés et ont extrapolé leurs résultats à l'ensemble de la biodiversité terrestre. Leur étude offre un nouveau regard sur la mesure de la crise de la biodiversité, jusqu'ici focalisée sur les vertébrés, et en particulier les mammifères et les oiseaux.

    Comment estimer l'ampleur de la 6e extinction de masse ?

    La célèbre Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dresse chaque année la liste "officielle" des espèces éteintes ou en danger d'extinction. Elle recense environ 1 000 espèces de plantes et d'animaux, éteintes au cours des quatre derniers siècles alors que dans le même temps les biologistes découvrent et décrivent en moyenne 18 000 nouvelles espèces par an, qui s'ajoutent aux 8,7 millions déjà connues. Ce décalage entre les 1 000 espèces recensées par l'UICN et les millions d'espèces existantes s'explique aisément. La mesure de la crise se base essentiellement sur les vertébrés supérieurs (oiseaux, mammifères), pour lesquels les biologistes disposent de données robustes mais qui concentrent aussi l'essentiel des efforts de conservation.

    Si la Liste rouge recense "seulement" 1,3% d'extinctions chez les mammifères et les oiseaux, cela s'explique aussi grâce au succès des actions de conservation : créations de réserves et aires protégées, plans de reproduction en captivité dont bénéficient la plupart des oiseaux et bon nombre de mammifères. Au contraire, les invertébrés, qui constituent le plus gros bataillon de la biodiversité (70% des espèces connues, la plupart petites et rares, difficiles à échantillonner et à identifier), souffrent à la fois d'un déficit de connaissances et d'un déficit d'attention en termes de stratégies de conservation.

    Face à ce constat, une équipe de recherche pluridisciplinaire (systématique, biologie de la conservation, mathématique et bio-informatique) a remis en question les données sur lesquelles s'appuie la mesure de la Sixième Extinction massive de la biodiversité en s'intéressant spécifiquement aux invertébrés. Ces chercheurs ont choisi comme modèle un groupe d'invertébrés pouvant paraître peu charismatiques : les mollusques terrestres (escargots et limaces). Sur 200 espèces tirées au sort et réparties dans le monde entier, les chercheurs ont demandé à 35 experts du monde entier d'évaluer si elles étaient éteintes, encore vivantes ou s'ils ne pouvaient pas se prononcer.

    En parallèle, toutes les informations existantes depuis deux siècles sur ces 200 espèces ont été rassemblées : données bibliographiques, mais aussi données issues de collections de plusieurs Muséums d'histoire naturelle, données d'amateurs et de collectionneurs, habituellement non utilisées pour construire ce genre de scénarii. Ces données ont alimenté un modèle de mathématique probabiliste pour mesurer les risques d'extinction de chacune des espèces.

    Les résultats des deux approches, avis d'expert et modèle mathématique, totalement indépendants, sont remarquablement concordants. Extrapolés aux autres compartiments de la biodiversité, ces résultats permettent donc d'estimer que nous aurions déjà perdu, non pas 1,3 mais 7% de la biodiversité terrestre de la planète.

    En 2050, 25 à 50 % des espèces auront disparu

    L'extinction actuelle, provoquée par l'impact des activités humaines sur les milieux, est comparable à une crise biologique majeure puisque d'ici à 2050, on considère que 25 à 50 % des espèces auront disparu. Malheureusement, ces dommages graves sur la biodiversité seront irréversibles à notre échelle. En effet, plusieurs millions d'années sont nécessaires pour recouvrir une diversité biologique suite à une extinction massive.

    Les conséquences seront graves pour l'équilibre des écosystèmes et pour les ressources dont nous avons et aurons besoin pour survivre. Un exemple, parmi d'autres, des services rendus par la biodiversité est celui d'une pandémie émergente que nous ne pourrions endiguer tout simplement parce que nous aurions détruit, sans le savoir, une espèce capable d'en synthétiser l'antidote.

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