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    14 novembre 1888

     

    Inauguration de l'Institut Pasteur

     

     

    L'Institut Pasteur est inauguré à Paris, le 14 novembre 1888, par le président de la République Sadi Carnot. C'est le premier institut de recherche jamais créé au monde. Il se donne pour objectif l'identification des virus.

    Financé par une souscription internationale à hauteur de deux millions de francs, il comble les voeux du plus populaire savant qu'ait connu l'humanité et dont il porte le nom.

     

     

     

    La rage de comprendre

    Louis Pasteur est né dans la petite ville de Dôle, dans le Jura, le 27 décembre 1822, dans le ménage d'un riche négociant en tannerie. Élève doué, sans plus, il manifeste d'excellentes dispositions pour la peinture mais y renonce à 19 ans pour se consacrer tout entier à la science, contre l'avis de son père qui préfèrerait le voir reprendre les affaires familiales.

    En 1842, il est classé 16e au concours d'entrée à la prestigieuse École Normale Supérieure de la rue d'Ulm (Paris). Jugeant son rang insuffisant, il dédaigne d'entrer à l'École et repasse le concours l'année suivante. Il est cette fois classé 5e. Cela le satisfait. Il entre à l'École dans la section physique et chimie.

    Le jeune chercheur se lance dans la cristallographie. Avec des moyens de fortune, il met en oeuvre la méthode expérimentale qui fera son originalité et sa gloire. Il découvre ainsi l'existence de dissymétries dans la manière dont des molécules de même nature polarisent la lumière. C'est un premier succès qui lui vaut la reconnaissance de ses pairs et un poste de professeur à l'Université de Strasbourg puis de Doyen de l'Université de Lille.

    Dans cette ville, il est sollicité par un industriel pour élucider un dysfonctionnement de la fermentation de la bière. Louis Pasteur, à peine âgé de 30 ans, se soucie dès lors de mettre en application ses recherches scientifiques (« Il n'y a pas de sciences pures et de sciences appliquées, il y a la science et les applications de la science », écrit-il).

    Il découvre dans les jus de fermentation alcoolique et lactique des substances dont il soupçonne qu'elles ont été créées par des microorganismes vivants. De fil en aiguille, ces premiers résultats vont le conduire de la chimie à la biologie puis à la médecine.

    Nommé directeur des études à l'École Normale Supérieure, à Paris, il poursuit ses travaux sur la fermentation dans un laboratoire de fortune aménagé dans les combles. Il publie ses premiers résultats dans un Mémoire sur la fermentation dite lactique (1857).

    On peut dater de cette année-là le début de la « révolution pastorienne ». La même année, la France entre de plain-pied dans l'ère industrielle sous l'égide de Napoléon III et en Grande-Bretagne, un savant, Charles Darwin, jette les bases de la théorie de l'évolution dans une lettre mémorable. Aux Indes, une révolte amène les Britanniques à consolider leur domination...

     

    Un entêtement à toute épreuve

    Le succès de Pasteur n'est pas immédiat, loin s'en faut ! Dans les milieux scientifiques, les partisans de la « génération spontanée » dénigrent tant et plus ses assertions. Parmi eux figurent d'illustres savants comme Marcelin Berthelot, Justus von Liebig et Friedrich Wöhler (auquel on doit la synthèse de l'urée). Pour eux, la fermentation se ramène à une réaction chimique en présence d'un catalyseur. Faisant front avec un entêtement exceptionnel, Louis Pasteur va mettre plusieurs années à les convaincre de leur erreur.

    Il démontre que les microorganismes responsables de la fermentation, c'est-à-dire de la transformation du sucre en alcool, viennent de l'environnement et ne sont pas créés ex nihilo. Il démontre aussi que ces microorganismes - des levures (microchampignons) - utilisent la fermentation pour fabriquer l'énergie indispensable à leur survie en l'absence d'oxygène.

    Ces démonstrations passent par d'innombrables expérimentations et la mise au point de procédés innovants et astucieux pour isoler les substances fermentescibles (Pasteur fait par exemple mûrir des raisins en serre, dans sa maison du Jura, à l'abri de l'air ambiant).

    Fort de ce savoir-faire expérimental, le savant met au point une technique de chauffage destinée à protéger les liquides tels que la bière ou le lait contre les ferments. C'est la « pasteurisation ».

    Elle permet aux industriels d'améliorer les procédés empiriques de fermentation utilisés depuis des millénaires pour la fabrication du vin, de la bière ou du fromage ainsi que les procédés de conservation des aliments.

    Ce succès vaut au savant d'être reçu par le couple impérial à Compiègne. La même année, en 1865, il est sollicité par un ancien professeur pour étudier une mystérieuse maladie qui affecte les vers à soie, dans la vallée du Rhône, et ruine la sériciculture ardéchoise.

    Le savant met en évidence l'existence d'un « microbe » responsable de la maladie au prix d'un labeur acharné, doublé de terribles épreuves personnelles : la perte de trois filles sur cinq enfants et une hémorragie cérébrale qui le laisse partiellement paralysé d'un bras et d'une jambe (sans compter sa démission de l'École Normale Supérieure, où on le juge trop autoritaire).

     

    Le physicien face à l'Académie de médecine

    Ses recherches conduisent Pasteur à se rapprocher pas à pas du domaine thérapeutique. Il lui vaudra ses plus grands titres de gloire mais aussi la haine des sommités médicales, jalouses de l'incursion de ce physicien dans leur domaine de compétence.

    Le public découvre qu'il est possible, grâce à l'hygiène, de se protéger contre les maladies transmises par les microbes. Dès 1875, un prestigieux chirurgien écossais du nom de Joseph Lister met en pratique à Edimbourg des procédures antiseptiques d'avant-garde suite à la lecture du mémoire de Pasteur sur la fermentation lactique. Il ne manque pas une occasion de rappeler sa dette à l'égard du savant français.

    Celui-ci, orateur de talent, se fait auprès des chirurgiens le chantre de l'asepsie. Il leur prescrit de se nettoyer soigneusement les mains avant d'entrer en contact avec un patient, geste qui nous paraît aujourd'hui relever de l'évidence... Il s'ensuit une amélioration notable de l'espérance de vie partout dans le monde.

    En 1877, Pasteur est conduit à travailler sur le « charbon », une maladie qui ravage les élevages, en parallèle avec un jeune médecin allemand, Robert Koch. Leurs travaux conjoints démontrent la nature bactérienne de cette maladie.

    Dans la foulée, Louis Pasteur étudie le choléra des poules, autre maladie infectieuse, et fait à cette occasion une découverte d'une grande portée : cette maladie, comme vraisemblablement bien d'autres maladies infectieuses de l'animal et de l'homme, peut être prévenue par la vaccination, autrement dit par le procédé mis au point de façon empirique par le docteur Jenner, 80 ans plus tôt, pour immuniser les sujets contre la variole.

    En étudiant également la rage, maladie qui affecte les chiens et les renards, et peut se transmettre aux humains, Louis Pasteur confirme l'existence de virus porteurs de la maladie. Beaucoup plus petits que les bactéries, les virus (ainsi baptisés par Jenner d'après un mot latin qui signifie poison) sont invisibles au microscope et, heureusement, ne se multiplient pas d'eux-mêmes dans un milieu de culture.

    Fort de ses résultats, le savant développe avec le jeune médecin Émile Roux une méthode en vue d'inventer et de produire des vaccins adaptés à chaque maladie infectieuse, pas seulement la variole.

     

    Le tournant de la rage

    Ses succès en cascade valent la gloire à Pasteur (y compris une élection à l'Académie française le 8 décembre 1881 au fauteuil d'Émile Littré). Mais la fortune n'est pas au rendez-vous. Le savant, en effet, a déposé des brevets sur ses inventions mais en a cédé les droits à l'État afin de leur assurer la plus grande diffusion possible (c'est ainsi par exemple que la « pasteurisation » est très vite mise en oeuvre jusqu'en Californie).

     

    Le meilleur reste à venir. Le 6 juillet 1885, tandis que la France de la IIIe République est à son zénith, Louis Pasteur reçoit dans son cabinet de l'École Normale Supérieure un petit berger alsacien, Joseph Meister (9 ans).

    Celui-ci a été mordu par un chien peut-être enragé. Contre l'avis des médecins qui voulaient le garder à l'hôpital, sa mère a obtenu de le conduire auprès du célèbre savant. Elle supplie celui-ci de le vacciner, quels qu'en soient les risques.

    Louis Pasteur obtient l'assentiment de deux médecins, le pédiatre Grancher et le docteur Vulpian, spécialiste de la rage. Indifférent à notre « principe de précaution », il inocule alors à l'enfant un nouveau vaccin mis au point dans son laboratoire par le docteur Émile Roux.

    Ce dernier a toutefois refusé de s'associer à l'expérience. Il est vrai que, quelques jours plus tôt, le 22 juin 1885, un premier essai sur une fillette de onze ans, Julie-Antoinette Poughon, n'a pas permis de la sauver.

    Après une série de treize longues et douloureuses injections, le petit Joseph sort guéri de l'épreuve au grand soulagement de Pasteur...

     

    Fidèle à en mourir

    Joseph Meister deviendra plus tard le dévoué gardien de l'Institut Pasteur et lorsque, le 16 juin 1940, des officiers allemands demanderont à se recueillir devant la tombe du grand homme, il choisira de se suicider plutôt que de les laisser entrer.

    Louis Pasteur connaît un deuxième succès avec la vaccination d'un berger de 14 ans, Jean-Baptiste Jupille, qui s'est interposé au péril de sa vie entre un chien sauvage et un groupe d'enfants.

    Avec un art consommé des relations publiques, le savant magnifie sa double victoire sur la rage (victoire toute relative sur une maladie marginale, car des chercheurs doutent aujourd'hui que ses jeunes patients aient été mordus par des chiens vraiment enragés et l'équipe pastorienne connaît par la suite plusieurs échecs à l'origine de vives critiques).

     

    Une réputation planétaire

    Au comble de la gloire, Louis Pasteur satisfait son goût pour les honneurs et les décorations. Mais surtout, il arrive à capter une partie de la générosité populaire au profit de la recherche médicale. C'est ainsi qu'il lance une souscription en vue de fonder l'Institut qui portera son nom. « Il n'est pas une pierre qui ne soit le signe d'une généreuse pensée », dit-il de l'édifice élevé au sud de Paris, dans le quartier de Vaugirard. Il le dirigera jusqu'à sa mort, le 28 septembre 1895.

    La France organise des obsèques nationales pour celui que certains désignent avec quelque exagération comme « le plus grand bienfaiteur de l'humanité ». Inhumé dans son Institut, le savant continue d'inspirer ses chercheurs...

    Depuis plus d'un siècle en effet, les « Pastoriens » multiplient les découvertes que sont venus couronner huit prix Nobel, dont les professeurs Jacob, Monod et Lwoff en 1965. En 1891, Émile Roux met au point le sérum antidiphtérique. En 1894, Alexandre Yersin isole à Hong-Kong le bacille de la peste. En 1921, Albert Calmette et Camille Guérin mettent au point le vaccin BCG contre la tuberculose. En 1983, le professeur Luc Montagnier et Françoise Barré-Senoussi découvrent le virus du sida...

     

    Bibliographie

    Je recommande la lecture d'un passionnant livre du savant René Dubos (1901-1982) : La leçon de Pasteur (206 pages, Albin Michel, 1987). Limpide, vivant et chaleureux, il aborde à la fois les aspects humains et professionnels de la vie de Pasteur. Un livre propre à transmettre la passion de la science.

    Joseph Savès
     

    Éphéméride du Jour 4:  Inauguration de l'Institut Pasteur - 14 novembre 1888

     

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    Leibniz (1646 - 1716)

     

    Du calcul infinitésimal à l'existence de Dieu

     

     

    Gottfried Wilhelm Leibniz (Leipzig 1646 - Hanovre 1716)

     

    Contemporain d'Isaac Newton, Gottfried Wilhelm von Leibniz a, comme lui, laissé une oeuvre immense dans tous les domaines de l'activité humaine, de la théologie aux mathématiques, en passant par l'histoire, les techniques, la chimie...

    Né à Leipzig, dans une Allemagne encore meurtrie par la guerre de Trente Ans, il s'instruit avec avidité et obtient à vingt ans le titre de docteur de l'Université d'Altdorf.

    Il entre au service du baron von Boyneburg, à Francfort, ce qui lui donne l'opportunité d'accomplir une mission diplomatique à Versailles, auprès de Louis XIV, et de renconter ainsi les plus grands esprits de l'époque, en particulier Huyghens.

    À Paris, il découvre le calcul différentiel et intégral. Mais comme son aîné Pascal, il va être très vite conduit des mathématiques à la philosophie et la métaphysique. 

    En 1676, suite à la mort de son protecteur, Leibniz rentre en Allemagne et s'établit pour le restant de sa vie à Hanovre, en qualité de bibliothécaire du duc de Brunswick-Lünebourg.

    C'est là qu'il va développer le concept philosophique de « monade », un constituant élémentaire et indivisible de l'univers, qui en serait aussi le reflet.

    Leibniz a posé la question-clé de la métaphysique, à la source de la religion et de la philosophie : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ».

    Un penseur qui donne à réfléchir

    Auteur prolifique (200 000 pages manuscrites) et fondateur en 1700 de la Société des Sciences de Brandenburg, qui deviendra l'Académie de Berlin, Leibniz fut, au XVIIIe siècle, au centre de tous les débats intellectuels.

    Il s'éteint dans l'indifférence générale à Hanovre après d'ultimes escarmouches avec Newton sur des questions de préséance dans la découverte du calcul infinitésimal.

    En France, Émilie du Châtelet s'illustre en faisant la démonstration expérimentale dans son château de Cirey de son hypothèse sur l'existence, dans tout objet en mouvement, d'une « énergie cinétique » proportionnelle à sa masse... et au carré de sa vitesse.

    Après la mort de cette femme exceptionnelle, son amant Voltaire se montre moins amène à l'égard du savant allemand. Il s'applique à ridiculiser son optimisme philosophique dans le conte Candide, inspiré par le tragique séisme de Lisbonne.

    Aujourd'hui, le nom de Leibniz n'est plus attaché qu'à l'invention du calcul infinitésimal.

     

    Éphéméride du Jour 4:  Du calcul infinitésimal à l'existence de Dieu - Leibniz (1646 - 1716)

     

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    8 novembre 1942

     

    Débarquement en Afrique du Nord

     

     

    Le 8 novembre 1942, les troupes anglaises et américaines débarquent en Afrique du Nord sous le commandement du général américain Dwight Eisenhower. C'est l'opération « Torch ».

     

    Débarquement américain sur la plage près d'Oran (opération Torch, 8 novembre 1942)
     
    Résistance insensée

    Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, l'Afrique du Nord française (départements d'Algérie, protectorats du Maroc et de la Tunisie) s'était placée sous l'autorité du gouvernement de Vichy, lui-même inféodé à l'occupant allemand.

    L'idée d'un débarquement en Afrique du Nord revient à Winston Churchill. Dans la guerre contre l'Allemagne, le premier ministre britannique a toujours manifesté une prédilection pour les attaques périphériques, à l'opposé de ses alliés américains qui auraient préféré une attaque frontale avec, dès 1942, un débarquement sur les côtes françaises.

    Pour Churchill, l'opération « Torch » présente le double avantage de soutenir l'armée britannique qui, sur le front égypto-libyen, résiste à l'Afrika Korps de Rommel, et d'offrir une base commode pour un futur débarquement sur les côtes européennes.

    Un total d'environ 100.000 hommes est mobilisé en grand secret pour débarquer à Casablanca, Oran et Alger. Il s'agit de soldats américains à l'exception de 20.000 Britanniques qui débarquent à Alger.

    Au dernier moment, tandis que les flottes d'invasion sont déjà en vue des côtes, le général Juin, commandant en chef des troupes françaises d'Afrique du Nord, est sollicité par le consul américain Murphy de bien vouloir s'abstenir de leur résister. Le général renvoie le consul vers son supérieur, l'amiral François Darlan, dauphin du maréchal Pétain, qui se trouve par hasard à Alger où il est venu rendre visite à son fils malade.

    Darlan ressent comme un camouflet l'initiative anglo-saxonne. Il donne à ses troupes l'ordre de résister à l'invasion avec le risque que cela ne permette aux Allemands, présents en Tunisie, de se ressaisir et de renvoyer les Anglo-Saxons à la mer. Mais il finit par signer la reddition d'Alger après un baroud d'honneur. Même chose à Oran, où le général Eisenhower débarque à la nage, sa jeep ayant chaviré.

    À Casablanca, il en va bien autrement. La flotte d'invasion bombarde la ville et frappe également deux navires remplis de réfugiés civils en provenance de Conakry et de Dakar, qui entraient malencontreusement au même moment dans le port.

    Après trois jours de combats, on comptera au total environ 1400 morts du côté français, essentiellement à Casablanca, et 400 morts du côté allié. L'Afrique du Nord passe alors sous le contrôle anglo-américain... tout en conservant l'administration et les lois de Vichy.

    Le choix de Darlan

    Nonobstant ses graves compromissions avec les Allemands, l'amiral Darlan reçoit le titre de « haut-commissaire pour l'Afrique du Nord » à l'initiative du président américain Franklin Roosevelt. Il est vrai que ce dernier s'est laissé convaincre que le régime de Vichy était prêt à basculer du côté allié par l'ambassadeur de Vichy à Washington, Alexis Léger, plus connu en littérature sous le nom de Saint John Perse.

    Cette décision suscite beaucoup de remous dans les cercles gaullistes, en Angleterre, ainsi que dans les maquis de France. Darlan sera assassiné à Alger le 24 décembre 1942 par un jeune fanatique royaliste et la fonction de haut-commissaire sera reprise par l'intègre et naïf général Henri Giraud, rival du général de Gaulle, en lequel le président américain persiste à ne voir qu'un intrigant.

     

    Le reflux de l'Axe

    Hitler réagit à l'invasion de l'Afrique du Nord par l'occupation de la « zone libre », en France, en violation des accords d'armistice du 22 juin 1940 avec le maréchal Pétain. C'est l'opération « Attila »... La flotte française en rade à Toulon se saborde le 27 novembre sur ordre de l'amiral Jean de Laborde, pour échapper aux Allemands sans avoir à se livrer aux ennemis traditionnels de la marine française, les Anglais !

    Les Allemands et leurs alliés italiens occupent d'autre part la Tunisie, protectorat français que revendique l'Italie. C'est ainsi que les 70.000 juifs tunisiens vont devoir se soumettre au port de l'étoile jaune, cas unique hors du continent européen...

    Cependant, dans le désert libyen, à El-Alamein, le général Montgomery repousse l'Afrika Korps de Rommel. Pris en tenaille, les Allemands et les Italiens n'ont pas d'autre issue que de se retrancher sur Bizerte, en Tunisie, d'où ils regagneront l'Europe en mai 1943. C'est la première reculade des nazis depuis le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

    En janvier 1943, Roosevelt et Churchill se retrouvent à Casablanca pour une conférence où ils préparent la libération complète de l'Afrique du Nord et l'invasion de la Sicile.

     

    Éphéméride du Jour 4:  Débarquement en Afrique du Nord - 8 novembre 1942

     

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    7 novembre 1659

     

    La paix des Pyrénées

     

     

    Le 7 novembre 1659, un traité inespéré met fin à l'interminable guerre qui oppose depuis 1635 la France aux Habsbourg d'Espagne. Il consacre la prééminence de la France en Europe et se solde par le mariage du roi Louis XIV avec sa cousine l'infante Marie-Thérèse.

    Alban Dignat
     

    La rencontre de Louis XIV et Philippe IV sur l'île des Faisans

    Le legs de Mazarin

    Le traité des Pyrénées est l'oeuvre du cardinal Jules Mazarin, Premier ministre du jeune Louis XIV (21 ans). Il réconcilie les deux principales puissances d'Europe, entrées en guerre l'une contre l'autre un quart de siècle plus tôt !

    Les négociations de paix commencent en juillet 1656 à Madrid à l'initiative de Hugues de Lionne et don Luis de Haro. Mais elles butent longtemps sur la mauvaise volonté du roi d'Espagne, Philippe IV, qui ne souhaite pas inclure dans le traité le mariage de sa fille, l'infante Marie-Thérèse d'Autriche, avec son cousin, le roi de France, tous deux âgés de 21 ans.

    Pour lever les réticences de Philippe IV au mariage de sa fille, l'habile Mazarin fait croire à son intention de marier Louis XIV à sa cousine Marguerite de Savoie. Il se rend même à Lyon pour la présentation de la fiancée.

    Dans le même temps, il poursuit en secret les négociations en vue de marier le roi de France à la fille de Philippe IV. Ce dernier, apprenant le projet de mariage savoyard, se serait exclamé : «Esto no puede ser y no sera !» (Cela ne peut être et ne sera pas !). Il dépêche aussitôt à Lyon son secrétaire d'État aux affaires étrangères, Antonio Pimentel.

    Le messager traverse le territoire ennemi incognito et brave le danger pour apporter enfin à Mazarin l'accord du roi d'Espagne. Le ministre annule sans plus de façons le mariage savoyard.

    Le traité avec l'Espagne est enfin signé sur l'île des Faisans, au milieu de la rivière Bidassoa qui sépare les deux pays.

    Le condominium de l'île des Faisans

    L'île des Faisans et l'île voisine de la Conférence ont une superficie d'environ 3000 m2. Les communautés de pêcheurs locales avaient coutume de s'y retrouver pour conclure des accords de «faceries» (d'où le mot faisans) sur la pêche au saumon dans la Bidassoa.

    Aujourd'hui encore, ces îles sont un condominium de droit international sur lequel les autorités françaises et espagnoles exercent le droit de police à tour de rôle tous les six mois.

    Un mariage lourd de conséquences

    D'après le traité, l'Espagne apporte à la France le Roussillon, la Cerdagne, l'Artois et plusieurs places fortes en Flandre et en Lorraine : Gravelines, Thionville, Montmédy, Mariembourg et Philippeville. Le duché de Lorraine, amputé, est occupé par des garnisons françaises.

    À noter que Philippe IV a fait inclure dans le traité la restitution au Grand Condé de ses titres et de ses biens. C'est pour le prince, coupable d'avoir combattu Louis XIV au cours de la Fronde, le début d'un retour en grâce.

     

    L'année suivante, comme prévu, les futurs époux se rencontrent à Saint-Jean-de-Luz. Leur mariage est célébré le 9 juin 1660 par l'évêque de Bayonne dans une atmosphère de liesse. Il se soldera par six naissances... et d'innombrables infidélités du Roi-Soleil.

    Selon les termes du traité, Marie-Thérèse renonce pour elle et ses descendants à ses droits sur la couronne d'Espagne «moyennant» le paiement d'une dot confortable de 500.000 écus. Or, l'habile Mazarin sait que l'Espagne n'aura jamais les moyens de payer cette dot.

    Quelques années plus tard, le roi Louis XIV prendra prétexte de cet impayé pour revendiquer ses droits sur la succession espagnole. Ce sera la guerre de «Dévolution», ainsi nommée d'après un terme de droit privé d'une vieille coutume du Brabant qui stipulait que les filles d'un premier mariage recueillaient l'héritage foncier avant les enfants d'un second mariage du défunt.

    Louis XIV aura le front d'utiliser cet argument dans son «Traité des droits de la reine très-chrétienne sur divers États de la monarchie espagnole», pour revendiquer des régions au nord et à l'est de son royaume... alors même que sa propre légitimité remontait à une prétendue loi salique qui donnait la primauté aux héritiers mâles !

    Le mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse, par Laumosnier

    La France au pinacle

    Le traité des Pyrénées est suivi par la paix dite «du Nord», signée le 3 mai 1660 à Oliva. Celle-ci met fin à l'attaque lancée par le roi de Suède Charles X Gustave contre le roi de Pologne Jean II Casimir, qui contestait son accession au trône de Suède après l'abdication de la reine Christine.

    Après un brillant succès devant Varsovie, le roi de Suède avait dû faire face à une coalition rassemblant l'empereur, le tsar, le roi du Danemark et quelques autres princes. Il ne s'en était tiré que grâce à l'intervention de Mazarin. Le Premier ministre français, ne voulant pas que soient bouleversés les traités de Westphalie qui, dix ans plus tôt, ont émietté l'Allemagne, avait convaincu les belligérants de s'asseoir à la table des négociations.

    La paix des Pyrénées et la paix du Nord, ainsi que les traités de Westphalie conclus onze ans plus tôt, dessinent le nouveau visage de l'Europe pour 150 ans.

    Les Habsbourg de Vienne sortent affaiblis de la guerre de Trente Ans. Évincés d'Allemagne par les traités de Westphalie, ils ne conservent que le titre symbolique d'empereur du Saint Empire romain germanique (ou empereur d'Allemagne). Ils vont désormais consacrer leur énergie à leurs domaines héréditaires d'Autriche, de Bohème et du bassin du Danube et à la lutte contre les Turcs encore présents en Hongrie et dans les Balkans.

    La Suède émerge comme puissance prépondérante de la Baltique, cependant que les Provinces-Unies consolident leur indépendance et s'affirment comme une grande puissance maritime, financière et coloniale. Elles entrent en concurrence avec l'Angleterre, qui se refait une santé après la dictature républicaine de Cromwell et la guerre civile.

    L'Espagne, épuisée, entame un irrésistible déclin, victime de l'absolutisme royal, de l'Inquisition et de la richesse trop facile que lui ont amenée les galions d'Amérique, une richesse qui l'a dissuadée de mettre en valeur son territoire.

    Le grand vainqueur de ce grand chambardement est la France du jeune Louis XIV. Elle s'affirme comme la première puissance européenne, par ses armées, son territoire, sa richesse, sa population et plus que tout le rayonnement de sa culture. -

    L'Europe après les traités de Westphalie (1648)

    Éphéméride du Jour 4:  La paix des Pyrénées - 7 novembre 1659


    Cette carte montre les divisions politiques de l'Europe en 1648, à l'issue des traités de Westphalie qui ont mis fin à la guerre de Trente Ans. On peut observer la division de l'Allemagne et de l'Italie en de nombreuses principautés et la survie, à l'est du continent, d'États vastes mais fragiles.

     

     

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    6 novembre 1956

     

    L'expédition de Suez tourne au fiasco

     

    Le 6 novembre 1956, à minuit, prend fin l'expédition de Suez. Les parachutistes français et britanniques doivent cesser le feu quelques heures à peine après avoir sauté sur le canal et défait les troupes égyptiennes.

    Imposé par les Soviétiques et les Américains, ce cessez-le-feu sonne pour la France et la Grande-Bretagne la fin de l'ère coloniale et la fin de leur influence au Moyen-Orient. Il annonce aussi l'émergence du tiers monde et des pays arabes ainsi que l'intervention des États-Unis dans la politique moyen-orientale.

    André Larané
     
     
    Maladresses américaines

    Gamal Abd el-Nasser (38 ans), arrivé à la tête de l'Égypte quatre ans plus tôt, rêve de moderniser son pays. Il veut commencer par construire un barrage à Assouan, en amont du Nil, pour régulariser le débit du fleuve, doubler ou tripler les surfaces irriguées du pays et fournir de l'énergie hydroélectrique.

    La société allemande Hochtief a établi le devis de ce projet pharaonique dont on parle depuis déjà deux siècles : 1,2 milliard de dollars. Le « raïs » égyptien (chef) demande aux Américains de l'aider à le financer.

    Washington, qui tient à conserver de bonnes relations avec l'Égypte, signe un accord de principe en février 1956.

    Mais voilà que Nasser, qui affiche un anticommunisme farouche et se veut neutre dans la guerre froide qui oppose l'URSS aux États-Unis, formule quelques critiques contre les alliances tissées par les Américains au Moyen-Orient (le pacte de Bagdad). Qui plus est, dans son souci de préparer une revanche contre Israël, il reçoit des armes du bloc soviétique, notamment de Tchécoslovaquie.

    Il n'en faut pas plus pour inquiéter le Sénat américain et, le 19 juillet 1956, le secrétaire d'État John Foster Dulles retire l'offre de prêt américain à l'Égypte et invite la Banque mondiale à en faire autant ! Le 22 juillet, les Soviétiques eux-mêmes précisent qu'ils ne veulent pas financer le barrage.

    C'est une humiliation amère pour les Égyptiens et leur jeune président de la République. De dépit (peut-être sur une suggestion des Américains eux-mêmes !), Nasser décide de se procurer l'argent en nationalisant le canal de Suez. Il prévoit d'indemniser les actionnaires de la Compagnie, essentiellement français et Britanniques.

    Il annonce sa décision à la radio... en l'accompagnant d'un mémorable éclat de rire.

    Venant peu après la nationalisation des pétroles iraniens par le Premier ministre Mossadegh, la nationalisation du canal de Suez soulève l'enthousiasme des foules arabes, y compris en Algérie, alors sous occupation française.

    Maladresses européennes

    Pris de court, les Français et les Britanniques, qui perçoivent les droits de péage sur le canal, protestent mais hésitent sur la conduite à tenir.

    Là-dessus se greffent des facteurs extérieurs : le socialiste Guy Mollet, chef du gouvernement français, reçoit le 4 août un télégramme de Robert Lacoste, un militant qu'il a nommé quelques mois plus tôt ministre résident en Algérie. Lacoste lui demande de punir Nasser, coupable d'héberger au Caire les chefs de la rébellion algérienne et dont la radio La voix des Arabes diffuse des messages séditieux.

    Guy Mollet se rallie à l'idée d'une guerre préventive contre l'avis de Pierre Mendès France et du président de la République René Coty. Il est soutenu par le ministre de la Défense Maurice Bourgès-Maunoury mais aussi le ministre de la Justice, un certain François Mitterrand, qui plaide pour la « défense de la civilisation » contre un émule de Hitler !

    De son côté, le jeune État d'Israël, fidèle allié de la France, manifeste le souhait d'une guerre préventive contre l'Égypte, soupçonnée de vouloir laver l'affront subi par les Arabes en 1948.

    Une conférence internationale s'ouvre à Londres le 16 août en vue de trouver un compromis. Les Américains suggèrent un contrôle international du canal mais Nasser le refuse.

    Préparatifs de guerre

    Pendant ce temps, dans la discrétion, les militaires français et britanniques acheminent des troupes vers Chypre en toute hâte. A Paris, le président du Conseil Guy Mollet obtient un large accord du Parlement à une intervention militaire. À Londres, le Premier ministre conservateur Anthony Eden a plus de difficulté à rallier sa majorité à la perspective d'une guerre.

    Nasser, qui a vent de la menace, réunit le 23 septembre à Ryad, en Arabie séoudite, une conférence arabe en vue de nouer des alliances. Il réussit à constituer une alliance sous commandement égyptien avec la Syrie et la Jordanie.

    Les Israéliens ne restent pas inactifs et intensifient leurs achats d'armes. Ils reçoivent en urgence 24 chasseurs Mystère IV commandés trois ans plus tôt en France. Ils reçoivent également des chars français AMX.

    Le 16 octobre, Anthony Eden et Guy Mollet se rencontrent à Paris. Ils se mettent d'accord sur le principe d'une intervention militaire mais les Britanniques, craignant de se fâcher avec les Arabes, ne veulent pas se compromettre publiquement dans une action commune avec Israël...

    Manigances anglo-franco-israéliennes

    Qu'à cela ne tienne. Le 22 octobre, le Premier ministre israélien David Ben Gourion (70 ans) se rend discrètement en France avec son chef d'état-major Moshe Dayan et Shimon Pérés. La délégation rencontre à Sèvres, près de Paris, Guy Mollet ainsi qu'un représentant britannique.

    Il est convenu deux jours plus tard que les Israéliens, décidés à « rompre l'encerclement », attaqueront les Égyptiens et qu'ensuite, Français et Britanniques adresseront un ultimatum aux adversaires et occuperont la zone du canal sous prétexte de les séparer !

    Le 29 octobre, les troupes du général Moshe Dayan se lancent dans le Sinaï. Elles mettent en déroute l'armée égyptienne. Elles sont appuyées en secret par quelques avions de l'armée française préalablement débarrassés des insignes tricolores !

    Comme prévu, le 30 octobre, Londres et Paris envoient un ultimatum conjoint au Caire et à Tel Aviv, enjoignant aux combattants de cesser le feu et de se retirer à 10 miles du canal. A défaut d'une réponse dans les douze heures, les forces franco-britanniques interviendront d'autorité.

    Israël s'incline mais l'Égypte, comme on peut s'y attendre, rejette l'ultimatum.

    Le lendemain 31 octobre, Français et Anglais détruisent au sol les avions égyptiens. Et, les 5 et 6 novembre, les parachutistes sautent sur Port-Saïd, à l'endroit où le canal débouche sur la mer Méditerranée. Personne ne se soucie d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée trois jours plus tôt, le 1er novembre...

    Pendant que l'attention du monde se porte sur le canal de Suez, les chars soviétiques entrent à Budapest et répriment le soulèvement des Hongrois contre leur régime communiste.

    Menaces soviétiques

    À peine les paras français et britanniques touchent-ils terre dans la zone du canal que le maréchal Nicolas Boulganine, chef de l'État soviétique, menace d'intervenir avec des fusées intercontinentales à tête nucléaire si l'attaque n'est pas stoppée !

    Les États-Unis, hostiles à Israël, sont également très remontés contre l'État hébreu, la France et plus encore la Grande-Bretagne, leur traditionnelle alliée, qui a agi sans les avertir. Le président Dwight Eisenhower (qui vient d'être réélu le 6 novembre avec un pourcentage record de 57% des électeurs) joint sa voix aux Soviétiques pour exiger un cessez-le-feu.

    À la Chambre des Communes, à Londres, la majorité conservatrice se fissure. Le Premier ministre, malade et découragé, jette l'éponge. Il annonce sa décision à Guy Mollet et celui-ci ne peut rien faire d'autre que l'imiter.

    L'intervention franco-britannique aura duré en tout et pour tout 40 heures et se sera soldée par quelques centaines de morts dont douze Français et dix-neuf Britanniques.

    Anglais, Français et Israéliens retirent leurs troupes le 22 décembre. Une force internationale est installée sur la ligne d'armistice.

    Le triomphe personnel de Nasser

    L'expédition ratée de Suez a des conséquences très graves pour Londres et Paris, outre qu'elle amène la démission du gouvernement d'Anthony Eden et affaiblit celui de Guy Mollet.

    Les deux puissances européennes essuient une grave perte de prestige, en particulier face aux pays émergents du tiers monde. Il apparaît évident que la « diplomatie de la canonnière » telle qu'elle était pratiquée à l'époque coloniale, ne paie plus. L'heure de la décolonisation approche en Algérie et en Afrique noire.

    L'URSS et surtout les États-Unis prennent la place des Européens au Moyen-Orient et leur rivalité va rythmer la diplomatie mondiale pendant près de quatre décennies.

    Pour Nasser, la défaite militaire prend l'allure d'un triomphe diplomatique.

    Son prestige ne va dès lors cesser de croître tant dans son peuple que parmi les déshérités du tiers monde, malgré (ou à cause) de ses échecs : faillite de l'union politique avec la Syrie, construction aventureuse du barrage d'Assouan, deuxième défaite face à Israël dans la guerre des Six jours...

    Il gouvernera le pays jusqu'à sa mort, le 28 septembre 1970, à 52 ans.

     

    Éphéméride du Jour 4:  L'expédition de Suez tourne au fiasco - 6 novembre 1956

     

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