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Partir à l'aventure - 2: Sur la Côte d'Albâtre, un GR à grand spectacle
Sur la Côte d'Albâtre, un GR à grand
spectacle
Sur tout le littoral de la Seine-Maritime, du Havre jusqu’au Tréport, se dresse une muraille infranchissable. C’est l’éclatante Côte d’Albâtre. Heureusement, par endroits, les valleuses ouvrent des brèches dans le rempart où se nichent villages isolés et plages secrètes. Le GR21 suit cette ligne de crête sur 190 kilomètres, façon montagnes russes.
Sur le papier, avec à peine 130 mètres d’altitude maximale, le GR21 n’a pas de quoi effrayer un randonneur chevronné. Mais sur les 190 kilomètres qui s’étirent du Havre au Tréport, le dénivelé cumulé dépasse les 3 000 mètres ! Pour venir à bout du GR, il faut huit à neuf jours de marche qu’il est possible de fractionner. Dans ce cas, nous vous suggérons un périple de deux jours débutant à Saint-Pierre-en-Port et se terminant en apothéose à Étretat.
À SAVOIR :
Si la route empruntée, élue GR préféré des Français en 2020, flirte souvent avec les falaises, ce n’est plus un sentier littoral au sens premier. Sur la Côte d’Albâtre, le recul des falaises est un phénomène constant et les effondrements sont spectaculaires. À Étretat, où la craie est dite « dolomitique », la falaise ne perd qu’un centimètre par an. Mais plus à l’est, vers le cap d’Ailly, le recul peut atteindre 70 centimètres ! La mer n’est pas seule responsable. Ce sont surtout les infiltrations d’eaux pluviales qui sont à blâmer. Des dizaines d’herbages, de villas, et même des blockhaus, ont déjà fait le grand saut. Par conséquent, prudence. De nombreuses portions du sentier qui coiffait les falaises ne sont plus praticables. Le balisage contourne désormais de grandes parcelles de cultures. Vous emprunterez donc des chemins agricoles au beau milieu des champs ou des petites routes communales, à très faible trafic.
1er jour : de Saint-Pierre-en-Port à Fécamp
Saint-Pierre-en-Port marque le début de l’itinéraire. Route champêtre délicatement fleurie, le premier tronçon de notre itinéraire s’avère riche en décors aussi variés que splendides. Puis il faut quitter à regret cette belle valleuse accessible en voiture. La plage de galets est encadrée par deux pans de falaises encore coiffés de bois qui se maintiennent en équilibre au-dessus de la mer. Les premiers kilomètres donnent le ton. Le sentier en sous-bois se dresse brutalement et ne retrouve la pleine lumière qu’au sommet du plateau, où une longue portion s’engage à travers les champs de lin. La Seine-Maritime cultive le plus gros des 95 000 tonnes de lin cultivées en France, premier pays producteur !
Au terme de ce grand bout droit, la valleuse d’Életot se profile. Une échancrure s’ouvre dans la falaise mais il s’agit d’une valleuse perchée. L’accès à la mer est devenu très périlleux car l’escalier de béton est aujourd’hui fragilisé. Frustration ? Non, car la valleuse boisée est classée Espace naturel sensible. C’est un excellent belvédère pour observer la faune et, surtout, le ballet aérien des goélands, fulmars et faucons pèlerins. Pour sortir de la valleuse, il suffirait de gravir le flanc opposé. Mais le balisage file à gauche pour suivre une route champêtre qui remonte en pente douce. Passé Senneville-sur-Fécamp, la route se poursuit le long de la D79. Les éoliennes du cap Fagnet nous guident alors vers le sémaphore. Du haut de ses 105 mètres, point culminant de la Côte d’Albâtre, le panorama s’ouvre à perte de vue sur l’enfilade des falaises blanches.
En bas, la ville de Fécamp prend ses aises dans une large cuvette. La première étape se termine en dévalant la sente aux Matelots qui débouche directement sur le quai Maupassant. Une formalité qui laisse tout loisir pour flâner dans la ville ou visiter le musée des Pêcheries. Ouvert en 2017, cette ancienne sécherie de morue, surmontée d’une vigie panoramique contemporaine, regroupe les collections des anciens musées municipaux. C’est la meilleure introduction qui soit pour découvrir l’identité et l’histoire maritime de Fécamp.
2e jour : de Fécamp à Étretat
Deuxième jour de marche après une nuit à Fécamp. Rien ne pousse à précipiter le départ si ce n’est la promesse des 17 kilomètres à venir qui s’annoncent spectaculaires. Dernier coup d’œil sur les jetées et le quai Bérigny. On avance vers l’ouest par le boulevard Albert-Ier sur le front de mer. Le balisage reprend tout au bout, en passant dans le camping, où l’on salue les vacanciers à l’heure du café-croissant pour remonter le chemin de la Corniche. À nouveau, l’horizon marin s’éloigne. Le sentier pénètre dans les cultures, puis frôle Criquebeuf-en-Caux. Enfin, le tracé réduit l’écart pour revenir au plus près du littoral à Yport. Belle plage animée avec ses buvettes et ses caïques remontés sur les galets. Vaucottes est la prochaine valleuse à découvrir. À Vattetot-sur-Mer, la valleuse d’Étigues creuse une brèche étroite dans le vallon pour déboucher sur la plage. De là, on ne quittera plus le haut de la falaise. L’aiguille de Belval annonce le spectacle à venir. Isolée en mer, cette lame de calcaire de plus de 30 mètres de haut est le vestige d’une ancienne arche effondrée, comme celles d’Étretat.
Il est enfin là, devant nous, ce paysage iconique. Au-dessus de la porte d’Amont, on embrasse du regard la merveille des merveilles. Une cathédrale géologique ! Le paysage que nous observons, avec ses falaises au-dessus de la mer, s’est stabilisé pendant la dernière glaciation. La Manche était alors une vaste steppe peuplée d’herbivores sauvages, de mammouths, tarpans, rhinocéros laineux, bisons... On pouvait rejoindre l’Angleterre à pied. Le réchauffement climatique qui s’est enclenché il y a 12 000 ans a conduit à une élévation des océans de plusieurs dizaines de mètres. Et le résultat est sous nos yeux ! Le long de la plage, le Perrey se prolonge jusqu’au flanc opposé.
Malgré la fatigue, la dernière montée est avalée au pas de course, poussé par l’adrénaline. Les voilà : le trou à l’Homme, la chambre des Demoiselles, la porte d’Aval et, bien sûr, ce cône de 70 mètres qui inspira à Maurice Leblanc son roman L’Aiguille creuse (aventure d’Arsène Lupin publiée en 1909). Puis, en longeant le golfe, la Manneporte et la pointe de la Courtine, terme de l’itinéraire. Étourdis par l’effort ou la puissance titanesque du panorama, nos souvenirs se mêlent dans un tourbillon d’évocations. Étretat, c’est d’abord le génie de la nature, mais aussi celui des impressionnistes, d’Alphonse Karr, de Flaubert, de Maupassant... Et, depuis peu, celui de Netflix, avec Omar Sy, nouvel avatar lupinien !
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