• Glouton (légende micmac)

    Glouton (légende micmac)

     

    Glouton (légende micmac)

     

    Le glouton et les deux vieilles femmes

    Légende micmac d'après Rand

     

    II est un animal de nos forêts que les Blancs appellent glouton. Les Blancs ne savent rien. Kek-oua-gou n'est pas plus glouton que le pécan ou le loup. Il n'aime pas tant manger que jouer de vilains tours. Il vole le gibier des chasseurs, démolit leurs loges d'écorce et se rend odieux de multiples manières. C'est un oué-soume, un mauvais génie, et les autres animaux évitent sa compagnie. Quand ils l'attrapent, les Micmacs le tuent, mais ils ne s'excusent pas auprès de lui ainsi qu'ils le font avec l'ours. Ils ne fument pas le calumet de la paix comme ils le fument avec l'ours. Mais ils ne peuvent pas toujours se venger de lui aussi efficacement que le firent les deux vieilles femmes qui ramassaient des cônes de pin.

     

    Elles avaient construit leur loge dans une clairière et comme on était dans le mois des feuilles qui tombent, elles y entretenaient un bon feu. Quand Kek-oua-gou vint à passer par là, elles dormaient, chacune le dos au feu. Elles avaient gardé leurs mocassins afin d'avoir plus chaud et Kek-oua-gou se mit à rire en dedans en les voyant. Avec la branche de frêne dont on se sert pour attiser la braise, il poussa un tison contre le mocassin de l'une des vieilles, puis se cacha pour voir ce qui allait se passer.

     

    La brûlure réveilla la dormeuse qui courut plonger son pied dans la marmite qu'on garde toujours pleine d'eau. Puis elle poussa sa compagne:

     

    - Regarde ce que tu as fait, lui dit-elle. Tu as failli nous faire périr toutes les deux. Tu devrais te cacher la tête. A ton âge, ne pas savoir dormir!

     

    L'autre se défendit à la grande joie de Kek-oua-gou qui était caché derrière le coffre à vêtements. Elle assura n'avoir pas bougé, mais sa compagne continua de la gronder. Elles se disputèrent ainsi longtemps, puis, fatiguées, elles se couchèrent et se rendormirent.

     

    Kek-oua-gou n'attendait que ce moment pour pousser un tison près du pied de l'autre vieille qui dut aller, à son tour, plonger son pied dans la marmite. Elle ne manqua pas de réveiller sa compagne et lui montrant son mocassin brûlé:

     

    - Regarde ce que tu as fait! Tu as failli nous faire périr toutes les deux. Tu peux parler de celles qui ne savent pas dormir. À ton âge tu ne devrais pas frétiller comme une truite.

     

    - Elle m'appelle une truite, moi qui suis du totem du castor! Tiens attrape! Et elle la frappa avec son mocassin brûlé.

     

    L'autre riposta avec le sien.

     

    Kek-oua-gou, dans son coin, était gonflé de rire. Quand les deux femmes commencèrent à se tirer les cheveux, il rit si fort qu'il se fendit la peau tout le long des côtes.

     

    Son cri de douleur attira l'attention des deux vieilles qui comprirent, en l'apercevant, qu'elles avaient été ses victimes. Ensemble, elles se précipitèrent sur lui. L'une le saisit par la queue et l'autre lui asséna un coup de tisonnier sur la tête. Il tomba comme mort.

     

    La lutte avait mis les deux vieilles en appétit. Elles décidèrent de manger Kek-oua-gou sur le champ. En quatre coups de couteau, il fut écorché et sa carcasse mise dans la marmite au-dessus du feu.

     

    - Que ferons-nous de la peau ? demanda l'une des vieilles.

     

    - Nous en ferons la porte de la loge. Elle nous rappellera qu'il ne faut accuser personne sans preuve.

     

    Après avoir suspendu la peau de leur ennemi au-dessus de la porte, les deux vieilles sortirent pour aller chercher du bois. En leur absence, l'eau se mit à bouillir dans la marmite et la chaleur ranima Kek-oua-gou. Quand il vit où il se trouvait et que sa chair avait déjà la couleur foncé qu'elle a conservée depuis, vite, il sauta hors de la marmite et prit sa course. En passant, il décrocha sa peau, mais il ne s'arrêta pour la remettre que beaucoup plus loin. Il aperçu alors que son corps avait rétréci dans la marmite et que sa peau était devenue un peu trop grande. Elle l'est encore.

     

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