• L'Univers: La matière noire brille peut-être au centre de la Voie lactée

     

    La matière noire brille peut-être au centre de la Voie lactée

     

     

    La théorie de l'inflation prédit généralement que l'univers doit contenir autre chose que des particules de matière normale. Les observations de Bicep2 viennent de conforter cette théorie, rendant encore plus probable l'existence de particules de matière noire. Elles sont peut-être en train de pointer le bout de leur nez au centre de la Voie lactée. Le satellite Fermi y détecte des émissions de rayons gamma inexpliquées avec des sources classiques.

     

    Vue en fausses couleurs de l'ensemble du ciel gamma obtenue avec les instruments de Fermi. Le disque de la Voie lactée est particulièrement brillant, des émissions les plus faibles (en bleu) au plus fortes (en rouge). De multiples sources expliquent le fond gamma de la Voie lactée, comme le choc des rayons cosmiques sur la matière interstellaire, les restes de supernovae et l'annihilation des électrons et des positrons produits par des naines blanches, des trous noirs ou des pulsars accrétant de la matière. Un zoom sur le centre de la Galaxie révèle, une fois soustrait des observations le bruit de fond gamma, des émissions qui pourraient provenir de l'annihilation de certaines formes hypothétiques de particules de matière noire. © Nasa, DoE, Fermi LAT Collaboration, Tim Linden, université de Chicago

    Vue en fausses couleurs de l'ensemble du ciel gamma obtenue avec les instruments de Fermi. Le disque de la Voie lactée est particulièrement brillant, des émissions les plus faibles (en bleu) au plus fortes (en rouge). De multiples sources expliquent le fond gamma de la Voie lactée, comme le choc des rayons cosmiques sur la matière interstellaire, les restes de supernovae et l'annihilation des électrons et des positrons produits par des naines blanches, des trous noirs ou des pulsars accrétant de la matière. Un zoom sur le centre de la Galaxie révèle, une fois soustrait des observations le bruit de fond gamma, des émissions qui pourraient provenir de l'annihilation de certaines formes hypothétiques de particules de matière noire. © Nasa, DoE, Fermi LAT Collaboration, Tim Linden, université de Chicago

     
     

    Depuis presque une quinzaine d’années, les observations et les contraintes expérimentales se sont accumulées en faveur du modèle cosmologique standard basé sur l’existence de la matière noire froide et de l’énergie noire. Beaucoup de cosmologistes allaient d’ailleurs plus loin en considérant que la théorie de l’inflation, en raison de ses nombreuses prédictions couronnées de succès, faisait déjà partie du modèle cosmologique standard. Pourtant, d’autres restaient sceptiques, faisant valoir l’absence de détection directe des particules de matière noire et des difficultés au niveau du comportement des galaxies naines autour d’Andromède et de la Voie lactée. L’énergie noire pouvait être un artefact d’une description trop simplifiée de la géométrie de l’espace-temps de l’univers observable, sous-estimant son inhomogénéité. Enfin, tout le monde savait bien que la véritable preuve de l’existence d’une phase d’inflation au tout début de l’évolution du cosmos ne pouvait venir que d’une découverte solide de l’existence d’une polarisation particulière du rayonnement fossile, les modes B.

    Cette vidéo commence par une plongée en direction du centre de la Voie lactée avec des images prises dans le visible. Elle se termine par une superposition de ces images avec celles prises dans le domaine des rayons gamma avec les instruments de Fermi. Elles montrent une région large de 5.000 années-lumière environ qui est particulièrement brillante en fausses couleurs. Le rouge désigne le maximum de la luminosité. © Nasa, YouTube

    Depuis deux ans, on peut se demander si l’histoire qu’a connue le modèle standard en physique des particules n’est pas sur le point de se répéter en cosmologie. La fin des années 1960 et les années 1970 ont en effet vu la montée en puissance du modèle électrofaible et de la chromodynamique quantique, culminant en 1983 avec la découverte des bosons W et Z. Or, les résultats des observations de Planck en 2013 ont fortement consolidé le modèle de la matière noire froide complété par la théorie de l’inflation. La même année, la confirmation de la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs a donné plus de poids à cette théorie en montrant qu’un champ scalaire associé à une brisure de symétrie, l’un des ingrédients possibles de l’inflation, existait bien. Mais surtout, c’est la probable découverte des modes B par Bicep2 qui laisse aujourd’hui espérer une confirmation imminente de la théorie de l’inflation.

     

    De la matière noire qui se concentre dans le bulbe galactique

    Voilà que ce sont maintenant les observations de Fermi qui entrent dans la danse, en suggérant cette fois-ci qu’une preuve de l’existence de la matière noire est à portée de main. Des astrophysiciens membres du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (CfA), du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’université de Chicago viennent en effet de publier sur arxiv un article faisant état d’une émission anormale de rayons gamma dans la région centrale de la Voie lactée.

    Le modèle de la matière noire froide prédit en effet que les particules de matière noire formant un halo autour d’une galaxie ont tendance à se rassembler en son centre. Certains modèles de matière froide prévoient aussi que ces particules peuvent s’annihiler en entrant en collision. Parmi les produits finaux de la collision, on peut trouver des photons gamma. Il en résulte que les cœurs des galaxies, plus riches en matière, devaient être particulièrement brillants en rayons gamma. Les collisions entre particules de matière noire doivent y être plus fréquentes et plus nombreuses, puisque la densité de matière noire y est plus élevée.

     

    À gauche, une carte des émissions de rayons gamma, avec des énergies comprises entre 1 et 3,16 GeV, détectées dans le centre galactique par Fermi (la couleur rouge indique les émissions les plus intenses). Les principaux pulsars sont indiqués. Si l'on supprime les sources d'émissions gamma connues, il reste des émissions que l'on voit sur l'image de droite. On peut rendre compte de ces émissions par l'annihilation de particules de matière noire.

    À gauche, une carte des émissions de rayons gamma, avec des énergies comprises entre 1 et 3,16 GeV, détectées dans le centre galactique par Fermi (la couleur rouge indique les émissions les plus intenses). Les principaux pulsars sont indiqués. Si l'on supprime les sources d'émissions gamma connues, il reste des émissions que l'on voit sur l'image de droite. On peut rendre compte de ces émissions par l'annihilation de particules de matière noire. © Tim Linden, université de Chicago

    Il existe aussi des processus beaucoup moins exotiques susceptibles de produire des rayons gamma, à savoir des explosions de supernovae ou l’annihilation des positrons et des électrons produit par l’accrétion de matière sur des astres compacts, en particulier des pulsars, faisant partie de systèmes binaires. Mais selon les chercheurs, même en tenant compte de ces sources classiques de rayons gamma, il existerait bel et bien une région d’environ 5.000 années-lumière de rayon au centre de la Voie lactée dont la luminosité ne peut-être expliquée autrement qu’en postulant l’existence de particules de matière noire dont les masses sont comprises entre 31 et 40GeV. Si tel est bien le cas, ces particules devraient finir par révéler leur présence dans les détecteurs du LHC quand il redémarrera en 2015. Elles auraient échappé jusqu’à présent à toute détection à cause de leur très faible probabilité d’interaction avec les particules de matière normale.

     

    Signature gamma évasive dans les galaxies naines

    Avant cette possible découverte directe des particules de matière noire avec le LHC, Fermi pourrait nous apporter une preuve de leur existence très convaincante, bien qu’indirecte. En effet, selon le modèle de la matière noire froide, les galaxies naines devraient être bien plus riches en matière noire que des galaxies comme la Voie lactée. En outre, le bruit de fond en rayons gamma produit par des sources classiques devrait aussi y être moins important. Les membres de la collaboration Fermi ont déjà observé 25 galaxies naines sur quatre ans sans vraiment y découvrir des émissions anormales en rayons gamma. Toutefois, il faut garder à l’esprit que ces galaxies naines contiennent chacune moins de matière noire que la région centrale de notre Galaxie, et qu’elles sont plus éloignées du Soleil. Elles sont donc de toute façon moins brillantes en gamma que le centre de la Voie lactée. Pour prendre une comparaison avec la photographie, l’étude des galaxies naines exige avec Fermi un temps de pose plus long pour espérer y découvrir des traces de l’annihilation des particules de matière noire.

    Nous sommes peut-être réellement au seuil d’une révolution majeure en cosmologie. Mais il semble sage d’attendre encore des vérifications indépendantes par plusieurs expériences en cours ou à venir avant de s’en convaincre. La situation pourrait encore se retourner.

     

     

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