• L'Univers: Les trous de ver, de nouveau un espoir pour des voyages interstellaires ?

     

     

    Les trous de ver, de nouveau un espoir pour des voyages interstellaires ?

     

    Selon le physicien Luke Butcher de l'université de Cambridge (Royaume-Uni), si l'on parvenait à créer un trou de ver macroscopique, il générerait de lui-même un effet Casimir capable de le maintenir ouvert pendant une longue période avant de se refermer. Ce n'est probablement pas le dernier rebondissement d'un débat qui dure depuis la fin des années 1980 sur la possibilité du voyage interstellaire à l'aide d'un trou de ver.

     

     
     

    Une représentation d'un trou de ver qui serait traversable contrairement à un pont d'Einstein-Rosen. Une telle déformation de l'espace-temps connectant deux régions permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia, CC by 3.0

    Une représentation d'un trou de ver qui serait traversable contrairement à un pont d'Einstein-Rosen. Une telle déformation de l'espace-temps connectant deux régions permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia, CC by 3.0

     
     
     

    La théorie des trous de ver, sortes de ponts entre deux régions différentes de l’espace-temps au sein d'un même univers ou entre deux univers, a focalisé l’attention de nombreux physiciens de premier plan à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Stephen Hawking et ses collègues avaient alors obtenu des résultats remarquables sur la physique quantique des trous noirs en développant la gravitation quantique euclidienne. Il s’agissait d’une tentative pour combiner les lois de la relativité générale avec celles de la théorie quantique, un travail fortement inspiré et motivé par les succès remportés par la théorie quantique des champs de Yang-Mills, l’épine dorsale du modèle standard en physique des particules.

     

    En 1987, fort de ces résultats et inspiré par la possibilité de résoudre avec la théorie de trou de ver de John Wheeler le paradoxe de l’information qu’il avait découvert avec les trous noirs, Stephen Hawking s’est mis à étudier l’impact de ces trous de ver en régime quantique sur le reste de la physique. Il en déduisit que le boson de Higgs devait soit être inobservable soit composite.

     


    Interstellar est un film de science-fiction écrit, produit et réalisé par Christopher Nolan, dont la sortie est prévue fin 2014. Le grand spécialiste de l'astrophysique relativiste, Kip Thorne, s'est impliqué dans ce film qui devrait donc être particulièrement réaliste. © Warner Bros. France

    Trou ver et énergie du vide quantique

    Sydney Colman et Leonard Susskind lui ont emboîté le pas en étudiant avec les trous de ver le problème de la valeur de l’énergie du vide quantique, c'est-à-dire celui de la valeur de la constante cosmologique. Il s’agissait toujours de comprendre pourquoi les calculs issus de la théorie quantique des champs étaient si fantastiquement en désaccord avec la valeur observée que l’on considérait comme probablement nulle à l’époque. Nous savons aujourd’hui qu’elle ne l’est pas, grâce à la découverte de l’énergie noire, mais le problème subsiste presque en l’état.

     

    L'événement qui a le plus contribué à placer sur le devant de la scène la théorie des trous de ver est la publication d'un article par Kip Thorne et ses collègues en 1988. Les chercheurs y montraient que les équations de la théorie de la relativité générale contenait une solution décrivant un trou de ver macroscopique traversable maintenu ouvert par la présence d’un état du vide quantique analogue à celui que l’on peut induire par l’effet Casimir. Les solutions que l’on connaissaient auparavant, comme le trou de ver d’Einstein-Rosen, une sorte de goulot connectant deux feuillets d’espace-temps, contenaient en leur centre une singularité détruisant les voyageurs qui auraient eu l’imprudence d'y pénétrer. En clair, les lois de la physique semblaient autoriser les voyages dans le temps et dans l’espace de la science-fiction, comme dans 2001, l’Odyssée de l’espace d’Arthur Clarke ouContact de Carl Sagan.

     

    Les champs scalaires, l'effet Casimir et les trous de ver

    Depuis lors, l’effervescence autour des trous de ver a largement cessé et les articles se répondent d’année en année pour expliquer pourquoi les trous de ver censément traversables ne le sont pas vraiment... avant que cette conclusion ne soit à nouveau contredite par une nouvelle contribution d’un physicien. À cet égard, l’article récemment mis en ligne sur arxiv par Luke Butcher en poste à l’université de Cambridge, là ou Michael Green a succédé à Stephen Hawking, ne fait pas exception. Mais comme le dit l’un des spécialistes les plus réputés de la théorie des trous de ver, Matt Visser, ce travail pourrait redonner un second souffle à cette théorie fascinante.

     

    Butcher est parti de l’existence dans l’univers d’un champ scalaire macroscopique. On sait qu’il en existe au moins un, celui du boson de Brout-Englert-Higgs. Mais il pourrait en exister bien d’autres comme celui de l’inflaton si les résultats de Bicep2 devaient être confirmés par Planck ou une autre expérience. On peut aussi penser à celui des particules caméléons et plus généralement à tous les champs scalaires postulés pour rendre compte de l’énergie noire ou de l’unification des forces.

     

    Selon les calculs du chercheurs, si la taille de l’ouverture d’un trou de ver est plus petite que sa longueur, point ne serait besoin de l’alimenter en énergie exotique négative pour le maintenir ouvert. Des problèmes graves surgissent en effet avec la théorie des trous de ver traversables. Il faudrait tout d'abord disposer des quantités d’énergie exotique faramineuses pour les ouvrir et les empêcher de se refermer. Enfin, ils sont probablement tellement instables qu’ils s'évanouiraient avant même que l’on puisse les traverser. Mais selon Butcher, si on arrivait à ouvrir un trou de ver, un champ scalaire le rendrait automatiquement suffisamment stable en générant un effet Casimir au moins pendant le temps nécessaire pour pouvoir envoyer à travers lui une impulsion lumineuse passant par le centre de son ouverture.

     

    Des trous de ver fossiles ?

    Le physicien incite tout de même à la prudence. Il ne sait pas encore vraiment si des objets plus gros qu’un simple paquet de photons pourraient voyager sans risque à travers le trou de ver. En tout état de cause, la possibilité de pouvoir, peut-être, envoyer des informations dans le passé avec des ondes lumineuses ne peut manquer de poser les problèmes de causalité bien connus, symbolisés par le paradoxe du grand-père.

     

    Toutefois, sans parler de voyage dans le temps, les lois de la physique autorisent peut-être de simples voyages dans l’espace et on peut imaginer qu’il existe dans l’univers des trous de ver fossiles créés pendant les phases très primordiales de l’histoire du cosmos. Certains pensent qu’il pourrait s’agir de certains quasars et on se prépare à vérifier ces hypothèses avec RadioAstron. En tout état de cause, on ne sait toujours pas comment ouvrir un trou de ver. Le voyage interstellaire par ce moyen reste encore hors de portée.

     

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