• Les premiers tétrapodes

       

    Les premiers tétrapodes

    Transition de la vie dans l'eau à la terre ferme

    Les vertébrés ne sont sortis de l’eau qu’une seule fois au cours de l’évolution. Une étape décisive puisque certains poissons sont partis à la conquête des continents, voici 375 à 360 millions d’années.
    La découverte de Tiktaalik roseae, un nouveau spécimen fossile mi-tétrapode mi-poisson, permet de mieux comprendre comment s’est effectuée la transition entre l’eau et la terre ferme.

    Tout récemment, un nouveau fossile de Ventastega (Ventastega curonica), vieux de 365 millions d'années, permet aux paléontologues d'avancer dans leurs recherches concernant le passage des premiers tétrapodes de la vie aquatique à la vie terrestre.

     

    Passage de la vie aquatique à la terre ferme

    Une des aventures les plus fascinantes de l’évolution est la sortie des eaux des vertébrés. Comment et pourquoi certains poissons ont-ils quitté le milieu aquatique ?
    Quelles sont les transformations qui ont accompagné ce passage vers le continent ?

    Cette série d’évènements constitue une véritable saga qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Cependant, les découvertes récentes de Tiktaalik roseae et de Ventastega curonica sont de première importance. En effet, jusqu’à présent, les chercheurs disposaient de fossiles très fragmentaires.

    Empreinte fossile d'un amphibien

    Empreinte fossile d'un amphibien du Dévonien analogue au Seymouria du Permien. © dinosoria

    L’un des premiers amphibiens, voire peut-être le premier, qui a foulé la terre, il y a environ 375 millions d’années, n’a laissé que l’empreinte de ses doigts.
    Les plus anciens restes osseux ont presque 370 millions d’années, mais ils sont trop incomplets.

    Ce sont les fossiles, âgés de 360 millions d’années, qui nous ont livré des squelettes presque complets.

    Tiktaalik roseae

    Tiktaalik roseae a la tête aplatie d’un crocodile et les dents tranchantes d’un prédateur. Sa morphologie est similaire à celle des poissons mais l’articulation de ses nageoires pectorales suggère que Tiktaalik pouvait supporter le poids de son corps. L’épaule et le coude sont flexibles, contrairement aux poissons.

    Tiktaalik roseae

    Tiktaalik roseae. Academy of Natural Sciences. By Colin Purrington

    Ce fossile a été découvert en Arctique, dans l’île canadienne d’Ellesmere, par l’équipe de Ted Daeschler, de l’Académie des sciences naturelles de Philadelphie, et Neil Shubin, de l’université de Chicago. Plusieurs spécimen, mesurant de 1,2 à 2,7 mètres, ont permis de reconstituer cet animal.

    C'est le Conseil des sages de Nunavut, l'Etat arctique canadien, qui a choisi ce nom. Mot à mot, Tiktaalik signifie «grand poisson de basses eaux». Ce serait, à en croire ses découvreurs, le chaînon manquant du passage de la vie entre l'océan et la terre ferme.

    Les fossiles sont datés de 375 à 380 millions d’années ce qui place Tiktaalik entre les poissons à poumons comme Panderichtys et les premiers tétrapodes comme Acanthostega, vieux d’environ 365 millions.

    Tiktaalik possède des écailles et des nageoires. Mais ces dernières sont rigidifiées par un squelette osseux. Ce n’est plus vraiment un poisson et presque un vertébré terrestre.

    Tiktaalik roseae

    Tiktaalik roseae. Academy of Natural Sciences. By Brian Smith

    Tiktaalik vivait dans des lagunes peu profondes. Ses yeux sont placés sur le même plan que le dos, son cou est mobile, ses côtes sont solidaires de l'axe du squelette et il est doté d'une ceinture scapulaire (liaison osseuse avec le sternum) ainsi que de nageoires antérieures capables d'accomplir des mouvements complexes tout en soutenant le corps.

    La découverte de Tiktaalik vient donc étayer l'hypothèse selon laquelle c'est "l'habitat en eaux peu profondes dans les plaines inondables du continent euraméricain pendant le Dévonien supérieur qui a abrité la transition entre les poissons et les tétrapodes", soulignent les chercheurs.

    Source pour la découverte de Tiktaalik : Communiqué de l'université Harvard

    Ventastega

    Ventastega curonica est l’un des tout premiers tétrapodes connus. Comme d’autres tétrapodes du Dévonien supérieur, il possédait des branchies et une nageoire caudale.
    Il possédait également quatre membres épais et des doigts dont le nombre est inconnu.

    On sait que certains tétrapodes primitifs comme Ichthyostega ou Acanthostega possédaient plus de 5 doigts aux membres antérieurs et postérieurs.

    Ventastega

    Fossile de Ventastega, un tétrapode primitif (reconstitution effectuée à partir de fossiles fragmentaires). © G.Pinna

    Ventastega est connu des paléontologues depuis déjà plusieurs années grâce à des fossiles très incomplets découverts en Ecosse.
    Cependant, la dernière découverte effectuée dans des sédiments d'eau douce en Lettonie permet d’en savoir un peu plus sur ce tétrapode primitif.
    Les fossiles sont un peu moins fragmentaires : un crâne et une partie du bassin notamment.

    La taille de Ventastega est estimée à environ 1 m de long.

    A ce jour, les plus anciens tétrapodes ont été découverts dans des roches du Dévonien. Parmi eux figurent Metaxygnathus découvert également en Ecosse.

    Sources: Encyclopedia of Dinosaurs and Prehistoric Life 2001. Article sur la découverte de Ventastega sur Nature

    Les tétrapodes

    Les tétrapodes « quatre pieds » se développèrent au Dévonien à partir de poissons à nageoires charnues.

    Les tétrapodes regroupent tous les vertébrés possédant ou ayant possédé des membres : les amphibiens, les reptiles, les mammifères et les oiseaux.

    Le terme tétrapode n’est pas synonyme de quadrupède. Qu’ils se soient transformés en ailes ou en nageoires, les membres des tétrapodes sont les témoins de leur origine commune. Cela signifie qu’il existe des traits communs entre une baleine, une grenouille et un marabout.

    Fossile grenouille

    Rana pueyoi, du Miocène (Espagne). © G.Pinna

    Si l’on observe leurs squelettes, on constate que tous ces animaux, pourtant très différents, possèdent des vertèbres et des membres, plus ou moins développés, adaptés à leur milieu de vie.

    La grenouille a quatre membres, les pattes de la baleine ont disparu et ses membres antérieurs se sont modifiés en palettes natatoires ; quant au marabout, ses membres antérieurs se sont adaptés au vol.

    L’une des caractéristiques communes aux tétrapodes est de posséder des membres et des doigts bien formés. Les premiers tétrapodes possédaient de nombreux doigts (plus de cinq). Les tétrapodes plus évolués conservèrent cinq doigts.

    Les membres des tétrapodes ont dû apparaître au moyen d'une évolution des nageoires chez des poissons précurseurs comme Eusthenopteron.

    Illustration evolution membres des tetrapodes

    Evolution des membres des tétrapodes. © Transactions of the Royal Society of Edinburgh . Zoom schéma

    Enfin, les tétrapodes les mieux adaptés à la vie sur la terre ferme, les amniotes et les diadectomorphes, acquirent une articulation renforcée entre bassin et vertèbres : les zygapophyses vertébrales. Ces dernières permirent aux tétrapodes de soutenir leur corps au-dessus du sol.

    L’hypothèse la plus simple sur ce passage de l’eau à la terre est que les poissons à nageoires charnues sont passés sur la terre ferme afin de tirer parti de nouvelles ressources.

    Source: The Book of Life. Stephen Jay Gould 1993

    Acanthostega

    Il est considéré comme le précurseur de tous les tétrapodes. Ses membres en forme de rame, ses avant-bras particuliers, sa longue queue à rayon (comme chez les poissons), sa tête volumineuse et plate, ses branchies fonctionnelles, sont autant d’indices d’une vie plutôt aquatique.

    Les membres antérieurs d’Acanthostega avaient huit doigts probablement palmés pour former une palette natatoire. On pense aujourd’hui que l’évolution des membres et des doigts se produisit d’abord dans l’eau et non sur la terre ferme.

    Acanthostega

    Illustration Acanthostega. © Christian Jégou

    Des travaux de biomécanique indiquent que ce premier tétrapode était en fait incapable de se mouvoir sur le sol et de supporter son propre poids.

    Il a été découvert en 1987, au Groenland, par des chercheurs Britanniques et Danois. Il vivait au Dévonien supérieur et mesurait environ 1 m de long.

    Source: The Book of Life. Stephen Jay Gould 1993

    Ichthyostega

    Ichthyostega a été pendant longtemps considéré comme le plus ancien tétrapode connu, avant que la découverte d’Acanthostega, remette en cause son statut de doyen.

    Ichthyostega

    Illustration Ichthyostega. © dinosoria

    Il a été mis au jour en 1929 lors d’une expédition danoise au Groenland. Evoquant à la fois une salamandre et un crocodile, ce carnivore de 1 m de long n'était pas capable de marcher sur la terre ferme.

    Ichthyostega

    Ichthyostega groenlandica, Vertébrés, Sarcoptérygiens, Tétrapodes.
    Paléozoïque, Dévonien sup., -350 MA
    Origine : Groënland.
    Moulage du crâne (longueur 12 cm)

    © Laboratoire de paléontologie – Muséum national d’histoire naturelle – Paris sur le site du CNRS

    Ce tétrapode possédait sept doigts aux membres postérieurs.
    Les membres restent mal adaptés à la marche car soudés. Comme Acanthostega, Ichthyostega vivait au Dévonien supérieur.

    Source: Atlas des fossiles. 1999

    Amphibiens: une famille d’opportunistes

    Après avoir été assez nombreux au dévonien supérieur, les premiers tétrapodes se raréfient. Mais, à la fin du Carbonifère (-300 millions d’années), le nombre d’amphibiens explose.

    La formation des Grands Lacs au pied des montagnes et d’immenses marécages est peut-être à l’origine de cette multiplication.
    Ils restent encore liés au milieu aquatique pour leur reproduction et leur développement.

    Buettneria

    Buettneria était un Temnospondyle du Trias supérieur. Ses membres suggèrent qu'il ne marchait pas beaucoup sur la terre ferme. By Midnightglory (American Museum of Natural History)

    Le changement de climat, plus contrasté et plus chaud, et la réunion des continents en une seule masse, la Pangée, facilitent leur installation à travers le monde.

    Retour à l’eau

    Même si de nombreux groupes terrestres se multiplient, d’autres, en revanche, partent à la reconquête du milieu aquatique.
    La compétition qui les opposait à leurs cousins prédateurs était peut-être trop lourde à supporter.

    Des amphibiens s’aventurent dans les lacs, d’autres retournent explorer les mers chaudes.

    Et, encore une fois, le corps s’adapte. Certains perdent leurs membres et prennent une forme de serpent, comme Ophiderpeton.
    D’autres adoptent une morphologie très proche de celle des crocodiles ou des gavials actuels : le museau s’allonge, les pattes diminuent, la queue devient plus longue et le corps mieux profilé.

    Seymouria

    Seymouria baylorensis, du Permien était un tétrapode qui mêle des caractéristiques d'amphibien et de reptile. By Ryan Somma

    En fait, pratiquement chaque famille apporte des innovations, toutes plus originales les unes que les autres.

    Cependant, après une hégémonie de plusieurs millions d’années, les amphibiens vont pratiquement tous disparaître.
    Ont-ils été victimes de la concurrence des reptiles, mieux adaptés au milieu terrestre, ou du changement global de climat, de la raréfaction des milieux lacustres et marécageux ?

    Une chose est sûre : avant de disparaître, certains donneront naissance aux amniotes, dont nous sommes issus, et d’autres aux grenouilles et aux salamandres.

    V.Battaglia (15.04.2006) . M.à.J 06.2008


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :