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    Découvrir Pau et son influence

    anglo-saxonne

     

    Par Philippe Bourget
     

    La ville de Pau a vécu sous influence anglo-saxonne du début du XIXe siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale. Attirés par les vertus du climat béarnais hivernal, de riches Britanniques puis Américains y séjournent ou s'y installent et importent leur style de vie. Partout, les signes de cette présence sont visibles. Une piste originale pour re-découvrir cette ville.

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    De la gare SNCF à la ville haute : 30 m à gravir en toute beauté - et gratuitement - à travers une palmeraie grâce au funiculaire. En haut, à flanc de coteau, le pavillon des arts : sa terrasse, extrémité de la place Royale, est un belvédère sur la ville basse

    Au début du XIXe siècle, si la ville avait l’habitude de recevoir Espagnols, Prussiens et Russes, elle n’était pas totalement inconnue outre-Manche. On raconte qu’après la bataille d’Orthez, en 1814, alors que les soldats du duc de Wellington pourchassant ceux de Napoléon étaient basés à Pau, deux officiers écossais en kilt s’amusèrent à frapper des balles de golf devant les habitants médusés. Mais la parution en 1842 d’un traité médical va amener de nombreux Britanniques à mettre le cap sur Pau. On the curative influence of the climate of Pau, du docteur écossais Alexander Taylor, vante les bienfaits d’une cure hivernale en Béarn sur les affections nerveuses et pulmonaires. Ce flux de touristes ne se tarira qu’après la Première Guerre mondiale. Dans l’intervalle, la ville se sera anglicisée, au point que son patrimoine en porte encore les traces.

     

    Les codes de l'aristocratie londonienne à Pau

    C’est au cimetière que la touche anglo-saxonne se révèle le mieux. Les croix celtes sur les tombes d’Écossais, Irlandais et Anglais rappellent que Pau
 a été le dernier refuge de nombreux Britanniques. Alexander Taylor lui-même y repose. Mais avant d’entamer leur dernier voyage, les membres de cette petite communauté se réunissent et se divertissent. D’autant plus que quelques-uns s’installent en ville et font construire de somptueuses maisons. Les codes de l’aristocratie londonienne sont rapidement reproduits. En 1826, cette élite fonde le Cercle anglais, association de notables qui s’échangent les derniers potins de la ville et devisent golf et équitation tout en buvant du whisky. Fait unique, ce Cercle existe toujours ! Les Anglais créent en 1840 le Pau Hunt Drag. Dans le sillage de Lord Oxenden, ces cavaliers pratiquent la chasse à courre au renard dans la campagne béarnaise accompagnés de chiens. 175 ans après, l’équipage conduit par un master et un huntsman, le meneur qui dirige les chiens de race foxhound, existe encore ! Et puisque les courses de chevaux font partie de l’ADN anglais, pourquoi ne pas construire un hippodrome ? C’est chose faite en 1839, avec la création de la Société d’encouragement pour l’élevage du cheval. La ville de Pau concède des terrains situés à Pont-Long, au nord de la ville, et les premières courses se disputent en 1842.

     

    pau-ancien-hotel-gassion.jpgL'ancien hôtel Gassion ou les fastes de la station touristique de Pau au XIXe siècle. Il a été bâti par un riche Béarnais pour accueillir la clientèle venue d'outre-Manche

     

    Haras de Pau-Gelos, repaire d'experts

    Aux portes de Pau, ce haras national occupe un site rare. Créé sur décision de Napoléon Ier en 1808, il occupe 13 hectares arborés autour du château Duplaà, belle et grande demeure bourgeoise du XVIIIe siècle. À la différence d’autres haras, il se visite. L’occasion de découvrir les métiers équestres : débourrage, équitation, attelage, maréchalerie... ainsi qu’une intéressante collection de voitures hippomobiles. Le haras héberge une quarantaine d’étalons issus de races différentes mais aussi un atelier de sellerie remarquable. Depuis vingt-sept ans, Patrick Martin y officie au milieu des vieux outils et des odeurs de cuir, couteau demi-lune, griffe, emporte-pièces... Il est l’un des neuf selliers nationaux et fabrique harnais, sangles, licols, sellettes, colliers..., exposés dans la splendide sellerie d’honneur voisine. « Mon grand-père et mon père étaient selliers. Ici, nous n’achetons que du cuir français. Nous travaillons pour les boutiques
 des haras nationaux et de prestigieuses écoles, comme celle du Cadre Noir de Saumur. »

     

    Après l'équitation, le golf

    L’hippodrome est le second en France pour les courses d’obstacles. Le meeting de Pau, organisé chaque hiver de décembre à février, draine des écuries et des parieurs d’outre-Manche. La palette des loisirs anglais serait incomplète sans le golf. Les Britanniques ont inventé ce sport qui se joue sur du gazon. Par chance, il pleut aussi souvent à Pau qu’à Londres, un climat idéal pour garder une herbe bien verte. En 1856 naît ainsi le Pau Golf Club. Pour le créer, le colonel Hutchinson, le major Pontifex et l’archidiacre Sapte se sont inspirés du Royal and Ancient Golf Club of Saint-Andrews, en Écosse, excusez du peu. Le parcours est dessiné par l’architecte écossais Willie Dunn et devient un 18 trous en 1860. Des compétitions sont créées, comme la Hamilton Gold Medal ou la Kilmaine Cup. Le club house et ses tableaux de la Belle Époque ont conservé leur patine British et rappellent cette aventure.

     

    maison_colombages_pau.jpgMaisons à colombages dans la quartier du château de Pau

    Pour voir et être vu : une vie mondaine anglaise de plus en plus présente

    La vie mondaine anglaise se déploie aussi en ville. Pour voir et être vu, il faut des lieux à la hauteur. Ce sera d’abord la promenade des Anglais (aujourd’hui, boulevard des Pyrénées), vaste déambulatoire en balcon de 850 mètres de long tracé entre 1883 et 1899, plein sud face aux montagnes. Quand les flâneurs en ont assez d’admirer les pics pyrénéens et les toilettes des belles ladies, ils s’installent à la terrasse du Café Champagne (aujourd’hui, la brasserie Royale) ou s’invitent au palais Gassion (1872), noble bâtisse de l’homme d’affaires Lafourcade-Caramau, que fréquentait le général anglais Cunningham. En 1908, alors que le chemin de fer est arrivé à Pau depuis presque un demi-siècle, un funiculaire (toujours en service) permet à ces dandys de gravir sans peine le talus séparant la gare de la Promenade. L’autre lieu phare est évidemment le palais Beaumont. Le parc à l’anglaise existe depuis un an déjà lorsque ce vaste bâtiment, nommé alors palais d’Hiver, est inauguré pour accueillir la riche clientèle. Il abrite toujours le casino et maintenant, le palais des Congrès.

     

    boulevard-pyrenees-pau.jpgLe Pic du midi d'Ossau vu du boulevard des Pyrénées

     

    Le cercle anglais

    Cette institution née en 1826 était un club de lecture pour Britanniques en villégiature. Le jeudi, soir de réunion, on y dîne à 20 heures, puis on joue au bridge en buvant de l'armagnac. Depuis bientôt deux siècles, après avoir longtemps accueilli l'élite d'outre-Manche, elle rassemble tout ou partie de ce que Pau compte de notables, notaires, professions libérales, médecins, avocats... "Nous sommes l'émanation d'un cercle anglais créé pour des Anglais et transformé en club français", nous explique doctement le baron Erik de Salettes, président du Cercle, gentleman farmer. Installé villa Lawrance, construite en 1855 par la famille Schlumberger, le Cercle anglais est un lieu de réunions et d'échanges, organisés autour de dîners, conférences et parties de scrabble. François Bayrou en a été membre en 1983 - il est aujourd'hui membre d'honneur en tant que maire de Pau, comme le consul de Grande-Bretagne à Bordeaux. "Mais nous ne parlons ni politique ni religion et avons même refusé autrefois de recevoir un évêque", se défend Erik de Salettes. Aujourd'hui, seuls deux Britanniques et un Américain, résidents palois, sont membres d'un club... anglais où personne ne manie plus la langue de Shakespeare.

     

    De fastueuses villas au quatier Trespoey

    Près de ce palais va pousser le quartier Trespoey. Les plus belles villas de la ville y sont rassemblées. On en dénombre une centaine, les plus célèbres émanant de riches Américains, contemporains des Anglais dans leur attirance pour Pau. La villa Ridgway d'un banquier de Philadelphie, la villa Sainte-Hélène de la famille Prince, le palais Sorrento du banquier Mérillon et de son épouse new-yorkaise, les villas Nitot, Beit Rahat, Saint Basil's, Navarre (devenue hôtel de luxe)... rappellent le faste de la période. Ce cycle culmine en 1908, quand les frères Wright, pionniers américains de l'aviation, lancent à Pau la première école de pilotage, imité quelques mois plus tard par Louis Blériot, tous séduits par les conditions météo hivernales. En mars 1909, Édouard VII d'Angleterre viendra même assister au vol d'un des frères Wright.

     

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    En 1878, le palais d'hiver était construit dans le parc Beaumont. Il arborait alors une superbe coupole de verre et de métal au-dessus d'un palmarium. Très abîmés, le palmarium et sa coupole sont détruits en 1928, remplacés par un casino municipal. Il y a quinze ans, le palais Beaumont a été totalement réhabilité pour accueillir le palais des Congrès.

     

    La présence du passé encore aujourd'hui

    Par-delà ces souvenirs, que reste-t-il d'anglais à Pau ? Il y avait un magasin de vêtements made in England, il a fermé. Du salon de thé so British, il reste seulement ses rayonnages déco. Mais une International School of Béarn a été créée en 2002 à Morlaàs et dispense un enseignement en anglais aux élèves de maternelle et de primaire. Et l'église anglicane Saint-Andrews, de 1887, est toujours là. Passerelle entre les siècles, une scène y représente un panorama de Pau avec le château d'Henri IV.

     

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    Face aux Pyrénées et au coeur de la ville, le château de Pau : ici naquit le futur Henri IV, un 13 décembre 1553. L'édifice, qui abrite le musée historique du Sud-Ouest, est un superbe assemblage architectural. Le donjon de briques est un souvenir de Gaston Fébus (XIVsiècle), la terrasse et le décor Renaissance datent d'Henri d'Albret (grand-père d'Henri IV), l'aile et la tour Napoléon III et le triple portique sont des apports du XIXe siècle

     

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