•  

    Pin It

  •    

    Le Héron

    Le Héron - illustration 1
    Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où,
    Le Héron au long bec emmanché d'un long cou.
    Il côtoyait une rivière.
    L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours ;
    Ma commère la carpe y faisait mille tours
    Avec le brochet son compère.
    Le Héron en eût fait aisément son profit :
    Tous approchaient du bord, l'oiseau n'avait qu'à prendre ;
    Mais il crut mieux faire d'attendre
    Qu'il eût un peu plus d'appétit.
    Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
    Après quelques moments l'appétit vint : l'oiseau
    S'approchant du bord vit sur l'eau
    Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
    Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieux
    Et montrait un goût dédaigneux
    Comme le rat du bon Horace.
    Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse
    Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?
    La Tanche rebutée il trouva du goujon.
    Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un Héron !
    J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !
    Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
    Qu'il ne vit plus aucun poisson.
    La faim le prit, il fut tout heureux et tout aise
    De rencontrer un limaçon.
    Ne soyons pas si difficiles :
    Les plus accommodants ce sont les plus habiles :
    On hasarde de perdre en voulant trop gagner,
    Gardez-vous de rien dédaigner ;
    Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
    Bien des gens y sont pris ; ce n'est pas aux Hérons
    Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ;
    Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.
    Pin It

  • Le soleil du matin doucement chauffe et dore

      

    Le soleil du matin doucement chauffe et dore
    Les seigles et les blés tout humides encore,
    Et l'azur a gardé sa fraîcheur de la nuit.
    L'on sort sans autre but que de sortir ; on suit,
    Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
    Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes.
    L'air est vif. Par moment un oiseau vole avec
    Quelque fruit de la haie ou quelque paille au bec,
    Et son reflet dans l'eau survit à son passage.
    C'est tout.

    Mais le songeur aime ce paysage
    Dont la claire douceur a soudain caressé
    Son rêve de bonheur adorable, et bercé
    Le souvenir charmant de cette jeune fille,
    Blanche apparition qui chante et qui scintille,

    Dont rêve le poète et que l'homme chérit,
    Evoquant en ses voeux dont peut-être on sourit
    La Compagne qu'enfin il a trouvée, et l'âme
    Que son âme depuis toujours pleure et réclame.

      

    Paul VERLAINE  

    (1844-1896)

    Pin It

  •   

    Tournez, tournez, bons chevaux de bois

     

    Photo © Dulce

     


     


     

    Tournez, tournez, bons chevaux de bois,
    Tournez cent tours, tournez mille tours,
    Tournez souvent et tournez toujours,

    Tournez, tournez au son des hautbois.


    L'enfant tout rouge et la mère blanche,
    Le gars en noir et la fille en rose,
    L'une à la chose et l'autre à la pose,
    Chacun se paie un sou de dimanche.

    Tournez, tournez, chevaux de leur coeur,
    Tandis qu'autour de tous vos tournois
    Clignote l'oeil du filou sournois,
    Tournez au son du piston vainqueur !

    C'est étonnant comme ça vous soûle
    D'aller ainsi dans ce cirque bête :
    Bien dans le ventre et mal dans la tête,
    Du mal en masse et du bien en foule.

    Tournez au son de l'accordéon,
    Du violon, du trombone fous,
    Chevaux plus doux que des moutons, doux
    Comme un peuple en révolution.

    Le vent, fouettant la tente, les verres,
    Les zincs et le drapeau tricolore,
    Et les jupons, et que sais-je encore ?
    Fait un fracas de cinq cents tonnerres.

    Tournez, dadas, sans qu'il soit besoin
    D'user jamais de nuls éperons
    Pour commander à vos galops ronds :
    Tournez, tournez, sans espoir de foin.

    Et dépêchez, chevaux de leur âme :
    Déjà voici que sonne à la soupe
    La nuit qui tombe et chasse la troupe
    De gais buveurs que leur soif affame.

    Tournez, tournez ! Le ciel en velours
    D'astres en or se vêt lentement.
    L'église tinte un glas tristement.
    Tournez au son joyeux des tambours !

    Paul Verlaine
    Pin It

  •    

    Aimer

     



    Aimer :
    c'est un bouton de rose
    Fragile et parfumé,
    Que de toucher on n'ose,
    De peur de l'abîmer.

    Une chevelure d'ange
    Dans une robe de velours
    Fragile et sans défense
    Qui a grandi un jour

     

    Aimer :
    c'est un parfum de femme,
    Une créature de rêve ,
    Un regard qui enflamme,
    Une voix qui vous pénètre !

    Un besoin de caresses,
    Un monde de douceur,
    Une soif de tendresse
    Que partage l'âme soeur,

    Avant que la vieillesse
    Ne soit au rendez-vous
    Montrez votre tendresse
    A chaque instant du jour

     

    Aimer :
    c'est chanter et danser
    Respirer et sentir,
    Enlacer et bercer
    Oublier de maudire

    Voir un coucher de soleil
    Entendre le bruit des flots
    Voir planer dans le ciel
    Les oiseaux tout là-haut

    Grimper sur la montagne
    Et se rouler dans l'herbe
    Sentir dans nos campagnes
    L'odeur fraîche de la terre

     

    Aimer :
    C'est protéger la vie
    Vivre l'un pour l'autre
    Partager : joies, soucis
    Se battre côte à côte

     

    Jean-Claude Brinette

    Pin It




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique