• Sciences: La force de la gravité varie-t-elle dans le temps ?

     

    La force de la gravité varie-t-elle dans le temps ?

     

    En 1937, le grand physicien Paul Dirac avait émis l'hypothèse que la constante de gravitation G de Newton puisse changer dans le temps. Des idées de ce genre ont fleuri ensuite dans le cadre de théories de la gravitation prolongeant celle d'Einstein. Ces théories peuvent être testées, notamment avec des phénomènes astrophysiques. La dernière méthode utilisée repose sur l'étude des supernovae SN Ia. Résultat : le changement ne peut être que très faible.

     

     
     

    La supernova sur cette image se nomme SN 1994D. Elle a été observée avec le télescope Hubble dans la galaxie NGC 4526. De telles supernovae peuvent servir à étudier des variations dans le temps de l'énergie noire, mais aussi de la constante de la gravitation de Newton. © Nasa, Esa, Hubble Key Project Team, High-Z Supernova Search Team

    La supernova sur cette image se nomme SN 1994D. Elle a été observée avec le télescope Hubble dans la galaxie NGC 4526. De telles supernovae peuvent servir à étudier des variations dans le temps de l'énergie noire, mais aussi de la constante de la gravitation de Newton. © Nasa, Esa, Hubble Key Project TeamHigh-Z Supernova Search Team

     

    La variation dans le temps et dans l'espace des constantes fondamentales de la nature est envisagée depuis au moins la première moitié du XXe siècle. C’est généralement à Paul Dirac que l’on fait remonter l’hypothèse d’une décroissance au cours du temps de la constante de la gravitation de Newton. Il était parvenu à cette hypothèse en 1937 en réfléchissant à de mystérieuses coïncidences, déjà signalées par des chercheurs du calibre d’Hermann Weyl et Arthur Eddington, que l’on pouvait faire émerger en jouant avec des nombres caractéristiques de phénomènes cosmologiques et microphysiques importants. En l’occurrence, comme Dirac l’explique dans une interview enregistrée, le rapport des forces électrostatiques et gravitationnelles entre un électron et un proton est du même ordre de grandeur que le nombre de fois qu’un électron a bouclé une orbite autour d’un proton pendant toute l’histoire de l’univers.

    Ce nombre étant très grand, la coïncidence semble peu crédible, et elle pourrait à priori avoir une signification physique cachée mais très profonde. Einstein a par exemple a été conduit à la découverte de la théorie de la relativité générale en se basant sur un fait curieux : l’égalité entre la masse pesante et la masse inerte d’un corps. Dans le cas présent, comme le rapport formé par Dirac dépend de l’âge de l’univers, Dirac en avait déduit que la constante de la gravitation pouvait changer au cours du temps. De façon similaire, il arrivait à la conclusion que le nombre de nucléons dans l’univers observable augmentait peut-être avec le temps. On donne à ces deux hypothèses le nom d’hypothèse des grands nombres de Dirac (LNH oularge numbers hypothesis en anglais).

    Paul Dirac (1902-1984) a été un des pères fondateurs de la théorie quantique. On lui doit la découverte théorique de l'antimatière. Certaines de ses théories attendent encore une vérification, comme sa prédiction de l'existence des monopôles magnétiques.
    Paul Dirac (1902-1984) a été un des pères fondateurs de la théorie quantique. On lui doit la découverte théorique de l'antimatière. Certaines de ses théories attendent encore une vérification, comme sa prédiction de l'existence des monopôles magnétiques. © Nobel Foundation, Wikipédia, DP

     

    L'hypothèse des grands nombres de Dirac

    Après la seconde guerre mondiale, les idées de Dirac furent reprises dans un cadre théorique plus abouti. La constante de la gravitation de Newton était alors considérée comme un champ scalaire, en interaction avec le champ de gravitation décrit par les équations d’Einstein, dont la valeur peut varier aussi bien dans le temps que dans l’espace. La nouvelle théorie de la gravitation, dite théorie tenseur-scalaire dans le langage moderne, avait notamment été proposée par Carl Brans et Robert Dicke, et c’est pourquoi elle est appelée théorie de Brans-Dicke (elle peut aussi émerger des théories de Kaluza-Klein, comme l’a montré Pascual Jordan).

    Les hypothèses de Dirac et la théorie de Brans-Dicke peuvent être soumises à plusieurs tests. Comme Edward Teller, le père de la bombe H américaine, l’avait fait remarquer, si la constante de gravitation de Newton varie trop vite dans le temps, la luminosité du Soleil dans le passé devait être si forte que la vie sur Terre n’aurait pas pu se développer. La mécanique céleste fournit d’autres tests, par exemple en mesurant la distance entre la Terre et la Lune à l’aide de faisceaux laser réfléchis via des dispositifs apportés par les missions Apollo.

    Deux chercheurs de la Swinburne University of Technology (Melbourne, Australie) viennent de publier un article sur arxiv portant sur une autre façon de tester l’hypothèse d’une modification de la constante de la gravitation de Newton avec le temps. Ils expliquent qu’elle repose sur l’observation d’un grand nombre de supernovae SN Ia.

     

    Constante de la gravitation et masse de Chandrasekhar

    Il existe de bonnes raisons de penser que ces supernovae sont le produit d’explosion de naines blanches, soit parce qu’elles sont entrées en collision, soit parce qu’elles ont accrété trop de masse dans un système binaire en atteignant la fameuse limite de Chandrasekhar. La luminosité intrinsèque d’une SN Ia ne doit donc pas beaucoup varier, et cela permet d’ailleurs de les utiliser pour mettre en évidence l’expansion accélérée de l’univers observable et tenter de comprendre la nature de l’énergie noire.

    Or, selon les deux chercheurs australiens, si la constante de la gravitation de Newton varie au cours de l’histoire de l’univers, cela a un impact direct sur la valeur de la masse de Chandrasekhar, et donc sur la luminosité intrinsèque des SN Ia. Il est possible, sous certaines hypothèses, de tester l’influence d’un changement de luminosité des SN Ia qui refléterait un changement de la valeur de G au cours du temps.

    En utilisant les données concernant environ 580 supernovae SN Ia dans l’univers proche et lointain, les deux astrophysiciens sont parvenus à la conclusion que G n’avait pas changé d’une part sur dix milliards par an pendant les neufs derniers milliards d’années.

     

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