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Un rat géant découvert aux îles Salomon
par Xavier Demeersman de Futura Planète
Depuis longtemps, dans les îles Salomon, des habitants parlent de l'existence de vika, un rat géant vivant dans les arbres. Intrigué, un spécialiste des mammifères a finalement pu en débusquer un. Voici à quoi il ressemble et comment il a été découvert.
CE QU'IL FAUT RETENIR
L’espèce est menacée d’extinction.Le rat géant nommé vika par les habitants de l’île de Vangunu n’est pas une légende. Un chercheur a enfin pu l’identifier.C’est le premier spécimen découvert aux îles Salomon depuis quatre-vingts ans.L’espèce est menacée d’extinction.Le rat géant nommé vika par les habitants de l’île de Vangunu n’est pas une légende. Un chercheur a enfin pu l’identifier.
Cela faisait des années que Tyrone Lavery, spécialiste des mammifères, le recherchait. Sa persévérance a fini par payer. La nouvelle espèce, qu'il décrit dans la revue Journal of Mammalogy, s'appelle Uromys vika, en référence à vika, nom donné à cet animal par la population de l'île de Vangunu, dans l'archipel des Salomon.
Tout commence en 2010, lors du premier séjour du mammalogiste dans ces îles. Alors postdoc au Field Museum de Chicago, celui-ci entendit parler de l'existence de rats géants vivant dans les arbres et qui seraient capables d'ouvrir les noix de coco avec leurs dents. Piqué par la curiosité, il se mit immédiatement en quête de cet animal chanté dans les cultures locales. En outre, pour lui et ses collègues, il s'agissait de faire vite car la déforestation réduit un peu plus d'année en année les chances de rencontrer la créature et, avec elle, d'autres nouvelles espèces insulaires.
Individu trouvé après la chute d’un arbre abattu. Blessé, il n’a pas survécu. La déforestation met en danger d’extinction cette espèce unique au monde. © Tyrone Lavery, The Field Museum
Une espèce de rats qu'on ne trouve nulle part ailleursLe chercheur n'était pas le premier à s'être mis sur les traces de ce rat géant mais, au fil des décennies, beaucoup de ses collègues, revenus bredouilles, ont renoncé. Lui-même n'était pas loin de le faire aussi d'ailleurs : « J'ai commencé à me demander s'il s'agissait vraiment d'une espèce distincte ou si les gens appelaient simplement vika les rats noirs [Rattus rattus s'est répandu dans les îles avec les colons, NDLR] ».
Puis, un premier rat fut aperçu fin 2015, alors qu'il sortait, blessé, d'un arbre abattu. « Dès que j'ai examiné le spécimen [l'animal est mort de ses blessures, NDLR], je savais que c'était quelque chose de différent, raconte-t-il. Il n'y a que huit espèces connues de rats indigènes aux îles Salomon et en regardant les traits de son crâne, je pouvais en exclure plusieurs ». Plus tard, la comparaison de son ADN avec ceux d'autres rats a confirmé qu'il s'agissait bien d'une nouvelle espèce. C'est le premier spécimen découvert sur les îles Salomon en quatre-vingts ans.
Uromys vika peut mesurer jusqu'à 50 cm de long et peser un kilogramme. C'est surtout dans la canopée qu'il évolue — ce qui le rendait difficile à débusquer. Comme beaucoup d'autres animaux vivant dans ces îles (plus de la moitié, en fait), ce rat, à la belle fourrure fauve, est unique au monde. Ses ancêtres ont probablement dérivé jusqu'à cette île ; il s'est ensuite distingué des autres rats restés sur les continents.
Des sabots ? Non, des noix de coco percées par le rat vika avec ses dents. Le rongeur en est très friand. © Tyrone Lavery, The Field Museum
Vika est en danger critique d'extinctionÀ peine identifié, vika est déjà classé parmi les espèces en danger critique d’extinction en raison de la destruction (rapide) de son habitat, la forêt. Avec cette recherche, Tyrone Lavery espère trouver de nouveaux soutiens pour développer l'aire de conservation de Zaira et préserver ce rat. « Trouver un nouveau mammifère est vraiment rare. Il n'y en a probablement que quelques dizaines de découverts chaque année », commente le mammalogiste, très fier d'en avoir documenté un.
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Marilyse Hamelin: retour vers le futur
«Un vent de conservatisme social souffle sur notre belle province, et c’est une bien mauvaise nouvelle pour les femmes.» La première chronique de notre blogueuse invitée, Marilyse Hamelin.
Marilyse Hamelin du magazine Châtelaine
Photo: Marilyse Hamelin. Crédit: Philippe Boisvert
«Avancez en arrière!» Avez-vous déjà entendu un chauffeur d’autobus intimer cette paradoxale directive à ses usagers? Ça m’a toujours fait rigoler.
Ces jours-ci, je vous avoue que je ris un peu moins. C’est qu’au bout du compte, la formule décrit peut-être trop bien le Québec de 2017. Je trouve qu’un vent de conservatisme social souffle sur notre belle province, et c’est une bien mauvaise nouvelle pour les femmes.
Il y a un moment déjà que j’observe cette tendance inquiétante. À ceux qui croient que le progrès social, à l’image d’une fusée, est une affaire d’ascension ininterrompue, je rappelle que l’histoire de l’humanité est tout sauf linéaire et que, parfois, pour un pas en avant, on en fait trois vers l’arrière.
Moi qui ai grandi dans les années 1980, je me souviens bien, par exemple, que nos mères avaient une vie sociale, qu’elles allaient souper chez des amis tandis que nous nous endormions sur place en pyjama et qu’on nous ramenait ensuite, ronflants, dans la voiture.
Aujourd’hui, je vois beaucoup de jeunes femmes se priver de sorties parce qu’elles doivent mettre leur enfant au lit de bonne heure. On dirait bien que la pression sociale exercée sur les mères a augmenté.
Bienvenue en 1950!Quand une humoriste d’ici, qui remplit des dizaines de salles dans le temps de le dire, déclare sur les ondes de la radio publique que «les gars ne sont pas vraiment intéressés à assister à une soirée où l’on parle d’enfants», que ce sont les mères qui choisissent de s’auto-infliger la charge mentale, que c’est son travail de mère de s’occuper des enfants et celui de son mari de ramener de l’argent au foyer;
Quand un parti politique potentiellement aux portes du pouvoir remet sur la table la poussiéreuse idée d’une aide financière à la femme au foyer;
Quand la nouvelle présidente du Conseil du statut de la femme déclare à une journaliste que l’égalité est «presque acquise», alors que tout concourt à nous démontrer le contraire (iniquité salariale, violences conjugale et sexuelle, faible représentation politique…), je ne peux tout de même pas me fermer les yeux et dire que tout va bien.
Comme je l’ai déjà écrit, il en va chez l’humain de chaque époque de se croire parfaitement moderne et de s’autocongratuler d’avoir atteint le fin du fin en matière de progrès. Il en allait ainsi en Europe occidentale au 19e siècle comme chez les Grecs anciens.
C’est ce même réflexe qui fait dire aujourd’hui à beaucoup d’hommes – et même de femmes – que l’égalité entre les sexes est atteinte et que le féminisme est un reliquat du passé.
Or, tant que la parentalité sera considérée comme une responsabilité principalement féminine par défaut, il n’en sera rien.
Faire fausse routeLes mères ont statistiquement moins de temps libres qu’il y a 30 ans, car elles sont plus nombreuses que jamais à travailler à l’extérieur de la maison, tandis que le partage des tâches ménagères et des responsabilités parentales n’est toujours pas égalitaire.
Pire, le retour au traditionalisme ambiant doublé de la pression populaire à la maternité parfaite (merci aux réseaux sociaux qui contribuent au phénomène) m’apparaissent comme autant de reculs inquiétants.
Comprenez-moi bien: être parent à la maison à temps plein est un choix parfaitement valable, tout comme le fait d’opter pour un boulot à temps partiel pour mieux articuler vie professionnelle et vie familiale. Néanmoins, permettez-moi de demander pourquoi, étrangement, ce sont – dans la très vaste majorité des cas – des femmes qui font ces «choix»?
Se pourrait-il qu’il reste pas mal plus de vieux relents traditionalistes dans notre inconscient collectif que nous sommes prêts à nous l’avouer?
Se pourrait-il que la croyance ancestrale que la mère posséderait naturellement la science infuse, elle qui serait apparemment née avec un mode d’emploi intégré, continue de teinter nos décisions, parfois bien inconsciemment?
Se pourrait-il que la tentation de se réfugier dans les valeurs traditionalistes, associées à une époque où tout paraissait plus simple, se fasse sentir?
Avancer, tout courtLe statu quo en matière de charge mentale est résolument inacceptable pour les femmes, parce qu’il est inéquitable. Cela dit, jamais on ne me fera avaler l’idée que la solution aux difficultés qu’elles éprouvent à tout concilier réside dans le fait de se retirer du marché du travail pour rentrer à la maison.
Je crois qu’il faut plutôt œuvrer à déconstruire les stéréotypes de genre en vue d’assurer une meilleure coparentalité. Par exemple, un père prenant soin de son enfant, qui s’absente du travail à cet effet ou qui reste carrément à la maison pour une longue période, n’est pas un «homme rose», pas plus que les femmes ayant envie de se réaliser professionnellement sont «d’indignes carriéristes».
Mieux articuler travail et vie familiale doit être une préoccupation également partagée au sein du couple, mieux comprise sur le marché du travail et dans l’ensemble de la société. Le temps est venu pour un rééquilibrage des rôles parentaux. Ça, ce serait un véritable bond en avant. Parce qu’à trop regarder dans le rétroviseur, on oublie d’avancer.Journaliste indépendante, conférencière et auteure, Marilyse Hamelin dirige le blogue féministe La semaine rose. Son premier essai, Maternité – La face cachée du sexisme, vient tout juste de sortir en librairie.
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Ingrid Falaise: la vie après l’enfer de
la violence conjugale
L’auteure et comédienne Ingrid Falaise raconte, dans «Le Monstre – la suite», le long processus de reconstruction qu’elle a dû traverser après avoir fui un mari violent et manipulateur.
Andréanne Moreau du magazine Châtelaine
Photo: Stéphanie Lefebvre
«Oui, il y a un lendemain après la violence amoureuse. Oui, des ailes, ça repousse.» L’auteure et comédienne Ingrid Falaise raconte, dans Le Monstre – la suite, le long processus de reconstruction qu’elle a dû traverser après avoir fui un mari violent et manipulateur.
Ingrid a épousé «M» en 2000. Ce n’est qu’une fois séquestrée dans un petit appartement de Saint-Laurent, persuadée qu’il allait la tuer, qu’elle a réussi à fuir pour de bon, après deux ans de tortures physiques et mentales.
Elle a beau avoir quitté son bourreau il y a maintenant 15 ans, elle porte encore les marques de ses agressions. Les conséquences de la violence conjugale ne s’arrêtent pas au moment où l’on choisit de partir.
«On ne peut pas simplement tourner la page et recommencer notre vie où on l’avait laissée», soutient-elle. Les cauchemars, la peur constante, les flashbacks subsistent.
Pour tenter d’estomper la douleur, Ingrid s’est jetée tour à tour dans la drogue, le travail et l’automutilation. Finalement, après différentes thérapies et des rencontres salvatrices, la dernière grande étape de sa guérison aura été l’écriture de son premier livre, Le Monstre, il y a deux ans.
«C’est comme si, en racontant mon histoire, j’avais réussi à faire en sorte qu’elle ne m’appartienne plus, indique-t-elle. Depuis que je l’ai écrite, j’ai arrêté de faire des cauchemars et je marche la tête haute. Je ne suis plus du tout la même personne.»
Sauver des viesLa pénible épreuve qu’a vécue Ingrid n’aura toutefois pas été vaine. Depuis qu’elle l’a rendue publique, elle reçoit en effet des témoignages de centaines de femmes qui ont trouvé le courage de partir.
«L’une d’elles m’a envoyé une photo de son fils en me disant que c’était grâce à moi s’il était vivant. Son mari lui donnait des coups dans le ventre alors qu’elle était enceinte et elle l’a quitté après m’avoir vue à Tout le monde en parle», relate la comédienne.
Dans ces messages, on lui demandait souvent comment elle avait fait pour regagner sa confiance en elle-même et aller de nouveau vers les autres.
«C’était beaucoup trop long à expliquer pour que je puisse répondre à chaque personne. Alors, je me suis dit que je devais absolument écrire la suite», raconte-t-elle.
Elle espère que cette deuxième partie de son récit pourra aider quiconque a déjà vécu une expérience traumatisante, quelle qu’elle soit, à s’en sortir. «On a tous une reconstruction à faire. On passe par des chemins différents, mais qui se ressemblent beaucoup.»
Faire mieuxChaque fois qu’un drame conjugal est médiatisé, Ingrid Falaise constate qu’il reste beaucoup à accomplir pour sortir les femmes des griffes de leurs monstres. «Ça me vire à l’envers parce qu’elles sont comme moi. J’ai réussi ma fuite, pas elles.» Elle insiste: les victimes de violence conjugale ne sont ni faibles ni sottes.
«Parmi les femmes qui me contactent, il y a des avocates, des policières, des travailleuses sociales… Elles ont honte d’être tombées dans le panneau et cette honte les isole encore davantage. Il faut qu’elles comprennent que ce qu’elles vivent n’est pas un signe de faiblesse. Ce n’est pas leur faute», insiste-t-elle.
«Dire à une victime qu’elle n’a qu’à quitter son conjoint, c’est aussi ridicule que de dire à une anorexique qu’elle n’a qu’à manger, illustre-t-elle. Ces femmes traversent une réelle peine d’amour. Il est dans leur esprit à chaque instant.»
Les organismes comme SOS violence conjugale, dont elle est porte-parole, peuvent être d’un grand secours pour les victimes comme pour les proches qui désirent les aider à s’en sortir.
Ingrid souhaiterait que l’État réinvestisse dans une grande campagne pour sensibiliser à la violence conjugale, tant physique que verbale. «Les mots font plus mal que les coups de poing», soutient-elle.
Malgré tout, malgré la douleur qui refait surface quand elle observe les cicatrices sur ses jambes, Ingrid Falaise s’est reconstruite. Elle a fait face à ses démons, elle a pu relancer sa carrière d’actrice et aimer encore. Son nouveau conjoint, Cédrik, qu’elle a rencontré peu avant de commencer l’écriture de son premier livre en 2014, connaît ses blessures et l’accepte telle qu’elle est.
Elle attend maintenant avec impatience l’arrivée de leur enfant, qui devrait naître d’ici quatre à cinq semaines, en espérant de tout cœur que son bonheur puisse servir d’exemple à toutes celles qui se remettent d’une relation toxique.
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