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    29 juin 1776

     

    Fondation de San Francisco

     

     
     

     

    Le 29 juin 1776, deux Pères franciscains venus du Mexique voisin célébrent la messe au fond d'une magnifique baie de la côte californienne... Cela se passe cinq jours avant la déclaration d'Indépendance des futurs États-Unis d'Amérique !

     

    À cet endroit s'élève aujourd'hui l'une des plus belles cités américaines.

     

    Gabriel Vital-Durand.

     

    Les Franciscains en Californie

     

    La ville de San Francisco doit donc sa naissance... et son nom à l'ordre religieux des franciscains, fondé par Saint François d'Assise.

     

    Né en 1713 à Majorque (Baléares), le père Junipero Serra fonde une mission à San Barnabé, près de Monterey, au nord de la colonie de Nouvelle-Espagne (l'actuel Mexique). De là, il lance des expéditions vers la Californie, encore inexplorée et à l'écart de la civilisation occidentale. En quelques années, sous son impulsion, les franciscains fondent en Californie 21 missions.

     

     

     Le 15 décembre 1774, le vice-roi de Nouvelle-Espagne, Bucareli, adresse au Père Junipero Serra une lettre où il l'invite à rejoindre une expédition vers une baie d'importance stratégique, en Californie centrale, sous le commandement du capitaine de marine Juan Bautista de Anza.

     

    Un premier camp militaire est établi en ce lieu et les Pères Palou et Cambon y célèbrent la messe pour la première fois devant une modeste cabane, la mission Dolorès. Le lieu reçoit le nom de San Francisco en l'honneur de saint François d'Assise, fondateur de l'ordre des franciscains. Ainsi naît la future métropole de Californie centrale.

     

    La découverte de l'or allait lui assurer à partir de 1848 un très rapide essor, à peine interrompu par le séisme de 1906.

     

    Des étrangers venus du Nord

     

    Tandis que les franciscains espagnols multipliaient leurs missions en Californie du sud, les Russes, venus de la presqu'île du Kamtchatka, à l'extrémité nord du continent asiatique, mettaient le pied en Amérique à la suite de Béring pour étendre leurs territoires de chasse à la fourrure.

     

    Les Russes font une telle hécatombe de visons, castors et autres loutres qu'il leur faut pousser toujours plus avant, n'hésitant pas à hiverner sur place dans des conditions fort hostiles.

     

    Le vice-roi du Mexique s'inquiète de ces empiètements en terre espagnole et donne l'ordre de se montrer inflexible avec ces entreprenants schismatiques russes.... En réalité, les intérêts des Russes et des Espagnols sont suffisamment compatibles pour que chaque partie en reste aux démonstrations sans conséquence.

     

    Dans les premières années du XIXe siècle, les trappeurs russes venus d'Asie s'assurent de nouveaux terrains de chasse et fondent Fort Ross, au nord de San Francisco, où ils laissent une petite colonie assistée d'Inuits ou Esquimaux d'Alaska.

     

    Mais en décembre 1841, désespérant de l'appui du tsar qui avait d'autres soucis en tête, leurs successeurs en sont réduits à brader leur comptoir à John Sutter, un colon d'origine suisse qui a fait fortune dans le négoce à Sacramento et va accéder à la célébrité mondiale en découvrant de l'or sur ses terres.

     

    Rapprochement amoureux hispano-russe

    Le 5 avril 1806, le Juno, un petit bâtiment russe se présente devant le fort de San Francisco commandé par le capitaine Arguello. À son bord, le grand chambellan Nicolas Petrovitch Rezanov, ministre plénipotentiaire du tsar et artisan de la colonisation russe en Amérique.

    Le Russe demande des secours après un hivernage désastreux au poste de Sitka (Alaska), trois mille kilomètres plus au nord. Le capitaine qui n'est pas mauvais bougre ne laisse pas d'être ému par l'état d'épuisement de ces hommes courageux et leur offre une généreuse hospitalité dans son poste avancé en attendant des instructions.

    La garnison s'ennuie ferme et les officiers s'occupent comme tous les officiers du monde - en jouant aux cartes, en buvant et en courant les filles. Ces dernières sont particulièrement rares, sans compter que pères et maris ont l'oeil au grain... Pourtant, six semaines plus tard, Nicolas Petrovitch Rezanov rassemble le courage qui n'appartient qu'aux jeunes prétendants et s'enhardit à demander au capitaine espagnol médusé la main de sa fille aînée - Señorina Concepcion...

    Les fiançailles sont célébrées aussitôt sous les vivas de l'équipage en attendant l'autorisation du pape et du roi d'Espagne (le Russe est orthodoxe, la fiancée catholique). Le Juno appareille à nouveau le 21 mai, ses cales bien approvisionnées en matériel et nourriture. Hélas, de retour à Saint-Pétersbourg, Rezanov meurt d'une pneumonie. Il ne se trouvera personne après lui pour porter le rêve d'une colonisation russe en Amérique

    Fin.

     


     

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    14 novembre 1913

    Bienvenue du côté de chez Proust !

     

    Le 14 novembre 1913, Marcel Proust publie à compte d'auteur Du côté de chez Swann.

    L'écrivain ajoutera six tomes à ce livre hors du commun pour en faire le roman le plus long et l'un des plus beaux de la langue française sous le titre À la recherche du temps perdu. Au total, 17 ans de travail acharné.

    Isabelle Grégor

    Dilettante cherche éditeur compréhensif...

    Tout commence par une déconvenue : en 1909, l'éditeur Alfred Vallette refuse le manuscrit Contre Sainte-Beuve. Marcel Proust reprend son texte et par retouches et additions successives en fait un roman, d'abord intitulé : Les intermittences du coeur, Le temps perdu, puis Du côté de chez Swann, À la recherche du temps perdu.

    «Je suis peut-être bouché à l'émeri, mais je ne puis comprendre qu'un monsieur puisse employer trente pages à décrire comment il se tourne et se retourne dans son lit avant de trouver le sommeil !» C'est ainsi que le directeur de la maison d'édition Ollendorf justifie son refus de publier en 1913 la première partie de Du côté de chez Swann. Et il ne sera pas le seul à reculer devant ce manuscrit indéchiffrable, sans chapitre ni alinéa, couvert de ratures et à la taille totalement démesurée !

    Les lecteurs professionnels de chez Fasquelle, éditeur de Gustave Flaubert et Émile Zola, s'arrachent eux aussi les cheveux : «Au bout de sept cent douze pages de ce manuscrit [...], après d'infinies désolations d'être noyé dans d'insondables développements et de crispantes impatiences de ne pouvoir jamais remonter à la surface, on n'a aucune, aucune notion de ce dont il s'agit. Qu'est-ce que tout cela vient faire ? Qu'est-ce que tout cela signifie ? Où tout cela veut-il mener ? Impossible d'en rien savoir ! Impossible d'en pouvoir rien dire !»

    Arrivé chez Gallimard, toute jeune maison d'édition, le document est encore dédaigné «pour son énormité et pour la réputation de snob qu'a Proust». On dit même que le comité de lecture, présidé par André Gide (il en restera honteux à vie), se serait contenté de parcourir quelques passages de cette montagne de pages compactes avant d'opter pour un rejet définitif.

    Finalement, Proust parvient à être publié chez Bernard Grasset mais à la condition... de payer lui-même les frais d'édition ! Il doit donc puiser dans sa fortune personnelle, fruit d'un héritage bienvenu, pour faire paraître son texte à compte d'auteur, le 14 novembre 1913. Le public reconnaîtra néanmoins son talent après les articles enthousiastes de Paul Souday et Henri Ghéon, critiques aujourd'hui oubliés. Le prix Goncourt consacrera enfin l'auteur en 1919 en récompensant À l'ombre des jeunes filles en fleurs (NRF, 1918).

    Lorsqu'un écrivain ne trouve pas le sommeil, il écrit...

    Voici le tout début de La Recherche, et des insomnies du narrateur :

    « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu'il était temps de chercher le sommeil m'éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir dans les mains et souffler ma lumière ; je n'avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour particulier ; il me semblait que j'étais moi-même ce dont parlait l'ouvrage...» (premières lignes d'Un Amour de Swann)

    Un pique-assiette nommé Marcel

    Il est vrai que ce moustachu toujours tiré à quatre épingles inspire peu confiance : fils d'un brillant professeur de médecine catholique et d'une Alsacienne juive qu'il adore, le jeune Proust se console d'un asthme douloureux par la fréquentation assidue des salons, se créant ainsi une réputation de dilettante amplifiée par son célibat d'homosexuel.

    Certes, il écrit : des nouvelles, des articles, des pastiches et même un roman (Jean Santeuil, resté inachevé, sera publié en 1952). Mais il passe surtout pour un snob, habile à circuler avec familiarité dans les fêtes organisées par la haute société.

    Il en profite pour observer sans complaisance cette aristocratie qu'il peindra avec mordant dans sa Recherche, où les lieux et les personnages se cachent derrière des pseudonymes : Balbec pour Cabourg, Combray pour Illiers (Eure-et-Loir)...

    17 ans + 75 brouillons + 13 volumes + 200 personnages = 3.000 pages

    Les quatorze années consacrées à la rédaction de La Recherche ne parviendront pas à changer l'image de dandy et d'amateur collée à Proust : cette œuvre n'a-t-elle pas pour héros un mondain frivole et désœuvré, uniquement sensible aux affres de l'amour, de la jalousie et du temps qui passe ?

    Proust a pourtant abandonné la bonne société pour s'enfermer dans son appartement du boulevard Haussmann aux murs couverts de plaques de liège pour atténuer les bruits de la rue. Souffrant, il ne quitte guère son lit où il aligne inlassablement les phrases, la plus longue ne faisant pas moins de 414 mots !

    Épuisé par la maladie et le travail, Marcel Proust meurt le 18 novembre 1922 sans avoir pu contempler la réalisation totale de sa «cathédrale» de l'écriture, premier roman moderne bâti comme une véritable symphonie.

    Devenue un monument de la littérature, l'œuvre passe pour interminable et difficile d'accès. Mais La Recherche du temps perdu, qui fait si peur aux néophytes, n'est-elle pas en fait que le reflet de la complexité de la vie-même ? Il ne faut pas hésiter à picorer dans les pages pour aller à la rencontre de ces personnages d'une autre époque qui nous ressemblent tant. À vous de retrouver le temps perdu !

    Tout un monde dans une madeleine

    Savez-vous que la fameuse madeleine qui permit à Proust de se replonger dans son enfance près de Chartres, à Illiers (rebaptisé Combray dans le roman) était à l'origine une simple tranche de pain grillé ? Relisons le passage devenu l'exemple parfait pour illustrer le phénomène de la réminiscence :
    « [...] machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. [...] J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle? Que signifiait-elle ? » (extrait de Du Côté de chez Swann)

     

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    Émile Zola (1840 - 1902)

    Un «intellectuel» en politique

     

    Né à Paris d'un père ingénieur d'origine vénitienne, le futur écrivain fait des études à Aix-en-Provence. Il rate le bac «à cause du français» mais n'en deviendra pas moins un écrivains très populaire ! C'est toutefois son action en faveur du capitaine Dreyfus qui lui vaut sa place dans l'Histoire.

    Fabienne Vignolle

    Théoricien de l'hérédité

    Jeune journaliste, Zola apporte en 1866 dans L'Événement son soutien au peintre Édouard Manet qui fera de lui le portrait ci-contre. Il commence à publier des romans (Thérèse Raquin).

    Après la chute de Napoléon III, Zola entreprend une vaste fresque romanesque, le cycle des Rougon-Macquart. Dans cette fresque qui occupera 25 ans de sa vie, il se propose d'illustrer les effets de l'hérédité génétique sur les individus, selon une démarche prétendument scientifique très contestable d'un point de vue éthique.

    Doué d'une immense force de travail, Zola s'astreint à une discipline monastique ce qui lui permet de poursuivre une carrière journalistique honorable en marge de ses travaux romanesques. Le succès lui vient avec la publication fracassante de L'Assommoir en 1877.

    Le 1er mai 1880, l'écrivain publie le manifeste de l'école naturaliste dont il s'affiche comme le chef incontesté : Les soirées de Médan. S'efforçant de décrire dans ses romans tous les milieux sociaux aussi exactement que possible, il n'hésite pas à descendre dans les mines pour Germinal et à faire le voyage de Mantes sur la plate-forme d'une locomotive à vapeur pour La bête humaine.

    La publication du roman L'Oeuvre le brouille avec son ami Cézanne qu'il a mis en scène. Mais l'écrivain retrouve une nouvelle jeunesse avec une lingère de vingt ans, Jeanne Rozerot, qui devient sa maîtresse et lui donnera deux enfants. L'épouse stérile s'accommodera à la longue de cette liaison.

    L'ultime combat

    Comblé de gloire, Zola entame une deuxième vie en publiant dans le journal L'Aurore du 13 janvier 1898 un article retentissant qui dénonce l'injuste condamnation en 1895 d'un officier de confession israélite sous l'accusation d'espionnage et relance l'Affaire Dreyfus.

    Le vieil écrivain passe en justice sous l'accusation de diffamation et s'exile en Angleterre pour échapper à la prison. Dans l'épreuve, sa popularité monte au zénith et il reçoit le soutien de nombreux dreyfusards, écrivains, artistes, hommes politiques (Georges Clemenceau...). Leur combat marque l'entrée des «intellectuels» en politique. C'est le début d'une tradition d'engagement qui marquera le XXe siècle et ne sera pas exempte de faux-pas éthiques (approbation des procès staliniens dans les années 1930).

    Dans la nuit du 29 septembre 1902, Émile Zola meurt asphyxié par le gaz dans sa chambre à coucher. Son épouse, également intoxiquée, est quant à elle ranimée par les sauveteurs. Le bruit court que le romancier s'est suicidé ou qu'il a été assassiné... Beaucoup pensent alors qu'il a été victime de son engagement en faveur de Dreyfus, mais rien ne viendra corroborer ces soupçons. La dépouille de Zola sera conduite au Panthéon le 4 juin 1908

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  •    Trésors Engloutis   

    Franck Goddio face à un sphinx de granite noir représentant Ptolemaios XII, père de Cleopatre VII. Le sphinx date du 1er siècle avant J.C. et fut découvert dans l'ancien port d' Alexandrie. © Franck Goddio/Hilti Foundation
      
      
    A gauche : la stèle d'Héraklion, mesurant 1,90 mètre, est sortie de l'eau. © Franck Goddio/Hilti Foundation. A droite : cette stèle monumentale est la pièce la plus importante et la plus lourde de l'exposition. Avec plus de 6 mètres de hauteur et un poids de 15 tonnes, elle est recouverte d'inscriptions grecques et de hiéroglyphes. © Franck Goddio/Hilti Foundation Photo © Christoph Gerigk
      
      
    Cette tête de granite est attribuée à Caesarion (Ptolemaios XV), fils de Cleopatre VII et de Jules Caesar. Elle faisait partie d'une statue de 5 mètres de hauteur, et date du 1er siècle avant J.C. Elle fut découverte dans l'ancien port d'Alexandrie.© Franck Goddio/Hilti Foundation
      
      
    Un sphinx en granite noir. La tête semble représenter Ptolemy XII, père de la célèbre Cleopatre. © Franck Goddio/Hilti Foundation - Photo © Christoph Gerigk
      
      
      
    Franck Goddio et son équipe de plongeurs admirent la statue colossale du dieu Hapi (dieu du Nil et de la fertilité), découverte près du temple dans la ville perdue d'Heraklion. La statue date du IVème ou IIIème siècle avant J.C. et, avec sa taille de 5,21 mètres de hauteur, est la plus grande statue debout d'un dieu égyptien jamais trouvée. © Franck Goddio/Hilti Foundation
      
      
    Deux statues de cinq mètres de hauteur reposent sur le pont. L'une représente une reine Ptolemaic, l'autre incarne le dieu Hapi. © Franck Goddio/Hilti Foundation
      
      
    Cet objet en or fut trouvé pendant les explorations préliminaires du secteur sud d'Heraklion, en 2003. Elle est gravée d'inscriptions grecques. © Franck Goddio/Hilti Foundation - Photo © Christoph Gerigk
      
      

    A gauche : cette sculpture de granite noir ressemblant à un pharaon est un portrait d'un dirigeant de la 30ème dynastie. © Franck Goddio/Hilti Foundation - Photo © Christoph Gerigk. A gauche : La statue de Isis portant une jarre sculptée à l'éphigie de Osiris mesure 1,5 mètres de hauteur. © Franck Goddio/Hilti Foundation - Photo © Christoph Gerigk.

    Cette tête de grantite est attribuée à Caesarion (Ptolemaios XV), fils de Cleopatra VII et de Julius Caesar. © Franck Goddio/Hilti Foundation - Photo © Christoph Gerigk. Foundation

      
      
      
    Cette bague byzantine en or massif est montée avec une petite lampe à huile. L'anneau est décoré d'une guirlande en arabesques. Rien de similaire n'a jamais été trouvé sur les autres bagues bizantines. © Franck Goddio/Hilti Foundation - Photo © Christoph Gerigk. Foundation
    Fin
      
    PIERRE
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    13 octobre 1307

    Arrestation des Templiers

     

    Au matin du vendredi 13 octobre 1307, tous les Templiers de France, soit plusieurs milliers au total, sont arrêtés sur ordre du roi Philippe IV le Bel (le petit-fils de Saint Louis). 

    Cet acte de violence arbitraire met fin à un ordre original de moines-soldats, vieux de près de deux siècles, qui s'est illustré en Terre sainte et s'est acquis puissance et richesse, s'attirant ainsi la jalousie des féodaux et la convoitise des souverains.

    Richard Fremder raconte... les Templiers
       

    Un ordre monastique prestigieux

    Un Templier au combat en Terre sainte (peinture murale de la chapelle de Cressac (Angoumois)

    L'ordre du Temple est né en Terre sainte, en 1119, après la première croisade, à l'initiative du chevalier champenois Hugues de Payns qui voulait protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem. Il est officialisé par le concile de Troyes, neuf ans plus tard, à l'initiative de Saint Bernard de Clairvaux.

    Le prestige des moines-chevaliers au manteau blanc frappé d'une croix rouge est immense pendant les deux siècles que durent les croisades... malgré la trahison du grand maître Gérard de Ridefort à la bataille de Hattîn, en 1187.

    La huitième et dernière croisade s'achève par la mort tragique du roi Saint Louis devant Tunis en 1270. 

    Dès lors, les dernières possessions franques de Terre sainte tombent définitivement entre les mains des musulmans.

    Ceux-ci s'emparent de Saint-Jean-d'Acre le 28 mai 1291 malgré la résistance héroïque des Templiers autour du grand maître Guillaume de Beaujeu.

    Les Templiers se replient en Europe

    Au début du XIIIe siècle, l'ordre du Temple, chassé de Palestine, n'en dispose pas moins encore d'une force militaire impressionnante de quinze mille hommes, bien plus que n'aurait pu en lever n'importe quel roi de la chrétienté. Mais, de soldats, les Templiers se sont reconvertis en usuriers et ont complètement perdu de vue la reconquête des Lieux saints.

    Le retour des Templiers en Europe (miniature du XIIIe siècle)

    C'est que de considérables donations ont rendu l'ordre immensément riche et l'ont transformé en l'une des principales institutions financières occidentales... et la seule qui soit sûre. Il gère ainsi, en véritable banquier, les biens de l'Église et ceux des rois d'Occident (Philippe le Bel, Jean sans Terre, Henri III, Jaime Ier d'Aragon...).

    Ses commanderies qui abritent les moines-soldats, avec aussi une vocation caritative, couvrent l'ensemble de l'Europe médiévale d'une véritable toile d'araignée. On peut voir au sud d'Angoulême, à Cressac, une chapelle rescapée de l'une de ces commanderies et ornée de peintures murales qui évoquent les croisades.

    L'opinion européenne commence à s'interroger sur la légitimité du Temple. Le roi Philippe le Bel lui-même a souvenance que les Templiers ont refusé de contribuer à la rançon de Saint Louis lorsqu'il a été fait prisonnier au cours de la septième croisade.

    Suivant une idée déjà ancienne, évoquée par Saint Louis et les papes Grégoire X, Nicolas IV et Boniface VIII, Philippe le Bel souhaite la fusion de l'ordre du Temple avec celui, concurrent, des Hospitaliers afin de constituer une force suffisante pour préparer une nouvelle croisade à laquelle le roi de France et le pape Clément V sont très attachés.

    L'affaire est mise à l'ordre du jour de plusieurs conciles et l'on élabore même un projet dans lequel Louis de Navarre aurait été grand maître du nouvel ordre. Son dramatique échec résulte de l'opposition obstinée du grand maître Jacques de Molay ainsi que de l'agressivité du ministre du roi, Guillaume de Nogaret.

    Le drame

    Tous les Templiers de France sont finalement arrêtés par les sénéchaux et les baillis du royaume au terme d'une opération de police conduite dans le secret absolu par Guillaume de Nogaret. Ils sont interrogés sous la torture par les commissaires royaux avant d'être remis aux inquisiteurs dominicains.

    Parmi les 140 Templiers de Paris, 54 sont brûlés après avoir avoué pratiquer la sodomie ou commis des crimes extravagants comme de cracher sur la croix ou de pratiquer des «baisers impudiques». L'opinion publique et le roi lui-même y voient la confirmation de leurs terribles soupçons sur l'impiété des Templiers et leur connivence avec les forces du Mal.

    Le roi obtient du pape Clément V la suppression de l'ordre, au concile de Vienne, en 1312. Elle est officialisée le 3 avril 1312 par la bulle  «Vox in excelso», bien qu'il soit tout à fait exceptionnel qu'un ordre religieux soit purement et simplement dissous.

    Le 3 mai 1312, le pape affecte le trésor des Templiers à l'ordre concurrent des Hospitaliers, à l'exception de la part ibérique qui revient aux ordres militaires locaux. Le roi de France et ses conseillers plaident en faveur de cette solution, respectueuse de la volonté des nombreux bienfaiteurs du Temple.

    En 1313, sur la base de documents comptables, l'ordre de l'Hôpital restitue 200.000 livres au trésor royal pour solde de tout compte. Le successeur de Philippe, Louis X,  réclamera toutefois un supplément, estimant que son père a été floué. L'affaire est close en 1317, quand le nouveau roi Philippe V reçoit 50.000 livres supplémentaires.

    Avec l'affaire du Temple, la monarchie capétienne montre qu'elle entend suivre son intérêt politique et ne plus se comporter en vassale de l'Église.

    La malédiction du grand maître

    Au terme d'un procès inique, le grand maître des Templiers, Jacques de Molay, est lui-même brûlé vif à la pointe de l'île de la Cité le 19 mars 1314. Une plaque rappelle le triste sort de cet homme qui ne sut pas réformer son ordre quand il en était temps.

    Une légende reprise par Maurice Druon dans son célèbre roman-fleuve Les rois maudits veut qu'à l'instant de succomber dans les flammes, Jacques de Molay ait lancé une malédiction à l'adresse du roi et du pape, les invitant à le rejoindre dans la mort avant la fin de l'année. Or, c'est pourtant ainsi que les choses vont se passer.

    Jean Brillet

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