Lassées d’attendre la copie du gouvernement désormais prévue pour fin mars, les associations environnementales publie leur "vrai projet de loi" pour la transition énergétique.
Un parc d'éoliennes dans le Cotentin. Apesteguy/SIPA
Rédigé au sein de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère du Développement durable, le projet de loi sur la transition énergétique ne sera pas présenté ce jeudi au Conseil national de la transition énergétique qui regroupe associations, pouvoirs publics, élus, industriels et énergéticiens.
"Ce serait au mieux pour la prochaine réunion le 20 mars prochain" s’insurgent les 9 associations (Réseau Action Climat, Sortir du Nucléaire,France Nature Environnement, CLER, etc.) qui ont présenté mercredi 26 février la loi telle qu’ils la conçoivent.
Des objectifs clairs et ambitieux
Les associations reprennent en premier lieu les objectifs officialisés par François Hollande lui-même en septembre dernier lors de la Conférence environnementale : réduction par quatre des gaz à effet de serre et de moitié la consommation d’énergie fossile d’ici 2050, diminution de la part du nucléaire dans la production énergétique de 75 à 50% d’ici 2025.
Ce qui diffère, c’est la trajectoire pour atteindre ces objectifs. La France devrait donc se fixer un objectif de réduction d’au moins 45% des émissions de gaz à effet de serre et la consommation finale d’énergie de 35% d’ici 2030. La part d’énergie renouvelable devra atteindre 45% dans la consommation totale d’énergie à la même période. La France doit par ailleurs défendre des objectifs européens contraignants pour les 28 états membres de l’Europe à l’horizon 2030.
La fin des gaspillages
L’essentiel du projet des associations porte sur l’effort de réduction de la consommation finale et donc sur les politiques permettant de "chasser le gaspi" dans tous les secteurs du pays.
Dans l’industrie et les équipements, il s’agit de retirer du marché les équipements les moins performants, de généraliser l’étiquette énergie y compris en l’étendant au chauffage électrique, de rendre obligatoire les audits énergétiques dans les entreprises, de lutter contre l’obsolescence programmée des appareils.
Dans le bâtiment, il s’agit d’accélérer la rénovation énergétique des immeubles en créant un instrument unique de financement de ces travaux et de rendre obligatoire la mise en œuvre d’isolation lors des grands travaux de maintenance des bâtiments.
Dans les transports, prime la lutte contre l’étalement urbain, la réorientation des investissements dans les infrastructures (arrêt des projets autoroutiers et aéroportuaires, appui aux transports collectifs et à l’intermodalité). Le projet propose de réduire la vitesse autorisée à 110 km/h sur autoroute et 80 km/h sur route.
Une production d’énergie moins polluante
et moins risquée
Ce n’est qu’après avoir fourni les outils pour la réduction de la consommation qu’est envisagée la production. L’objectif est d’atteindre 100% d’énergie renouvelable d’ici 2050. Le projet des associations comporte donc un calendrier comportant des échéances concrètes de fermetures de réacteurs nucléaires selon les critères d’âge et d’état de vieillissement. Pour atteindre l’objectif de 50% d’énergie nucléaire en 2025, le projet prévoit la fermeture d’au moins 20 réacteurs d’ici 2020.
Les outils de la transition
L’investissement national nécessaire est estimé à 20 à 30 milliards d’euros par an. Pour y parvenir, sont préconisées la création d’une institution financière dédiée à la transition, et une réorientation de la fiscalité par une taxation accrue sur les produits les plus énergivores. Ce retour de la taxe carbone se marie à un arrêt des subventions aux énergies fossiles, notamment sur le kérosène et le diesel. Le volet emploi comporte une aide aux filières les plus créatrices en postes. 632 000 créations d’emplois d’ici 2030 sont promises. Un rôle accru est dévolu aux collectivités territoriales et locales.
Lobbies contre lobbies
Ce "vrai projet de loi" constitue un marqueur dans le combat qui se déroule actuellement entre lobbies. Le PDG d’EDF, Henri Proglio, et l’Union française de l’électricité (UFE) défendent eux une production accrue de l’énergie d’origine nucléaire sur un scénario d’augmentation de la demande d’énergie évaluée à 3,5 à 4% par an du fait de nouveaux usages comme le véhicule électrique.
De son côté, le 25 février, le Sénat a adopté une proposition de résolution relative à la transition énergétique qui se situe aux antipodes du projet de loi des associations. Selon ce texte déposé par les sénateurs UMP Jean-Claude Gaudin et Ladislas Poniatowski, il faudrait au contraire augmenter la production électrique nucléaire et envisager dès maintenant le remplacement des réacteurs actuels par des EPR.
Ces positions antagonistes laissent présager un débat houleux au Parlement. Le gouvernement doit présenter son projet de loi en juin prochain.