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Par Frawsy le 18 Mai 2016 à 15:24
L'été va débuter plus tôt à cause du
dérèglement climatique
Après avoir établi un critère thermodynamique objectif permettant de distinguer deux grandes saisons en Europe de l’Ouest (une saison d’été et une saison d’hiver), deux chercheurs ont montré à travers leurs recherches et simulations climatiques que l’été commence à présent environ 10 jours plus tôt que dans les années 1960. Une tendance corrélée aux émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols liés aux activités humaines. Si ce rythme se poursuit, ils prévoient que le début d’été sera encore plus précoce d’environ 7 jours à la fin du XXIe siècle.
Dans les années 1960, l’été commençait autour du 10 avril mais depuis les années 2000, il débute plus tôt, autour du 31 mars, selon l’étude de deux chercheurs français publiée dans Nature Climate Change. © FreeProd33, shutterstock.com
Le cycle des saisons (dates de début et durées des saisons) est immuable dans la mesure où il est défini comme étant directement relié, en un point sur Terre, aux fluctuations en ce point de l’intensité du rayonnement solaire au cours d’une année. Pourtant, ce n’est pas ainsi qu’il est ressenti par l’Homme dont la perception, empreinte de subjectivité, dépend de critères considérés (dépassement d’un seuil de température, date de migration de l’hirondelle, date de vendanges, etc.). Ceci n’a rien d’étonnant car, si l’évolution des températures au cours d’une année suit bien les fluctuations du rayonnement solaire, elle est néanmoins modulée par les caractéristiques locales de la météo et du climat.
Souhaitant étudier l’évolution au cours du temps de cette modulation du cycle des saisons en Europe de l’Ouest, deux chercheurs issus du laboratoire Climat, environnement, couplages et incertitudes (CECI, CNRS/CERFACS) et du Centre national de recherches météorologiques (CNRM, CNRS/Météo-France) ont élaboré une définition objective des saisons dans cette partie du « vieux continent », basée sur un critère thermodynamique spécifique à cette région.
Toute l’année, la température de l’Europe de l’Ouest est en effet fortement influencée par la force et la plus ou moins grande pénétration des vents d’ouest à l’intérieur du continent, lesquels sont liés aux anomalies de pression atmosphérique. Or, la relation température pression se trouve être opposée entre l’hiver et l’été : des anomalies négatives de pression atmosphérique sur l’Europe du Nord correspondent à des vents d’ouest renforcés sur l’Europe occidentale, lesquels induisent des conditions chaudes en hiver mais froides en été. En d’autres termes, pression et température sont anti-corrélées en hiver mais corrélées en été. Les chercheurs ont donc décidé de choisir la date de ce changement de signe de la corrélation saisonnière pour définir le début de deux grandes saisons distinguées par ce critère thermodynamique, à savoir une dynamique d’hiver où les vents d’ouest océanique contribuent à réchauffer l’Europe de l’Ouest, et une dynamique d’été où l’inverse s’établit.
Évolution de la date du début d’été estimée à partir d’observations (magenta) et de 10 simulations (simulations historiques et projections après 2012). Chaque point de couleur représente le résultat d’une simulation et la plage grisée correspond aux variations possibles de la date de début d’été dues à la seule variabilité interne du climat. © CNRSVers un début d’été 20 jours plus tôt qu’avant l’ère préindustrielle
Utilisant deux jeux de réanalyses atmosphériques et des données de stations météorologiques indépendantes, les chercheurs ont pu mettre en évidence une tendance prononcée à l’avancement de la date de début d’été : celui-ci commençait en effet autour du 10 avril dans les années 1960, mais 10 jours plus tôt dans les années 2000, soit autour du 31 mars.
Les chercheurs ont ensuite analysé un ensemble de 10 simulations globales du modèle CNRM-CM5 (simulations historiques sur la période1850-2012 et projections sur le XXIe siècle) produites pour le cinquième rapport du Giec. Ils ont pu mettre en évidence que les simulations historiques ne reproduisaient cette tendance à l’avancement de la date du début d’été que si l’évolution observée des forçages naturels (solaire et volcans) et anthropiques (émission de gaz à effet de serre, d’aérosols…) était prise en compte. Ils montrent ainsi que ces forçages sont responsables pour partie de cette tendance, qui ne peut donc être expliquée par la seule variabilité interne climatique. Afin de déterminer lequel de ces forçages était impliqué, ils ont analysé des simulations historiques où forçages naturels et anthropiques étaient appliqués un à un. Ils ont ainsi pu attribuer la tendance à l’avancement de la date du début d’été à l’augmentation des gaz à effet dans l’atmosphère, les aérosols anthropiques venant moduler cette tendance et les forçages naturels ayant une contribution mineure.
L’analyse des projections climatiques réalisées sur 2005-2100, avec pour scénario d’évolution des émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols celui dit du « laisser-faire » (ou RCP8.5, correspondant à une croissance continue, sans limite ni atténuation, de la concentration des gaz à effet de serre et des aérosols dans l’atmosphère), leur a permis de montrer que la précocité de l’été devrait être de plus en plus marquée : l’été s’établirait en moyenne autour du 25 mars en 2100, soit environ 20 jours plus tôt que pour un climat typique de l’époque préindustrielle (l’été commençait en moyenne autour du 12 avril).
Évolution de la couverture neigeuse sur l’Europe de l’est estimée à partir d’observations (NSIDC en vert et réanalyses MERRA en magenta) et de 10 simulations (simulations historiques et projections après 2012, la plage beige correspondant à l’enveloppe des évolutions possibles et la courbe noire à leur moyenne). Les droites représentent les tendances respectives à la diminution de la couverture neigeuse. © CNRSL’Europe de l’Est se réchauffe plus vite que l’Europe de l’Ouest
Les chercheurs ont également pu montrer que l’avancée de l’été sur l’Europe de l’Ouest s’expliquait en partie par la disparition plus précoce de la neige en fin d’hiver sur l’Europe de l’Est (de l’Allemagne à la Russie), une tendance forte d’après les divers jeux de données observationnelles (environ 3 millions de km2 de surface enneigée en moins par décade sur la période 1979-2014 pour le mois de mars) et bien reproduite par le modèle. L’Europe de l’Est se réchauffant plus vite que l’Europe de l’Ouest, de par cette disparition de neige et des processus de rétroaction associés, l’air transporté vers l’Europe occidentale par les épisodes de vent d’est est aujourd’hui beaucoup plus chaud que dans les années 1960.
Par ailleurs, le climat se réchauffant globalement et graduellement, les chercheurs s’attendaient à détecter un recul de la date du début d’hiver. Or il n’en est rien, avec le critère thermodynamique retenu dans leur étude pour définir cette date (située autour du 2 octobre).
Ces tendances sur les dates de début de saisons sont tout à fait compatibles à celles de marqueurs phénologiques tels que la date de débourrage de la vigne en Alsace, la date de floraison des cerisiers, etc. Cela montre que les effets de l’activité humaine sur le vivant ne s’expliqueraient pas uniquement par le simple « réchauffement global » mais pourraient également s’écrire de manière plus subtile, au niveau de l’Europe de l’Ouest, par la modification de la relation intrinsèque entre circulation atmosphérique et température.
À découvrir en vidéo autour de ce sujet :
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Par Frawsy le 9 Mai 2016 à 20:27
La surprenante découverte du récif
géant de l'Amazone
L'Amazone se jette dans l'océan Atlantique dans un panache où se mélangent le sel et l'eau douce. Dans ces eaux boueuses, des scientifiques ont eu la surprise de découvrir un gigantesque système de récifs. Double étonnement : la biodiversité y semble considérable.
La première remontée complète de l'Amazone par les Européens fut celle de l'expédition menée en 1638 par Pedro Texeira, un Portugais, qui emprunta le Rio Napo (ici en photo), l'un des affluents, pour atteindre Quito, en Équateur. Ailleurs, le confluent du rio Solimões (aux eaux boueuses) et du Rio Negro (aux eaux noires) est remarquable par les teintes très contrastées, les eaux ne se mélangeant qu'après des dizaines de kilomètres. © Rio NAPO Amazonia, Wikimedia Commons, cc by sa 2.0
Mille kilomètres ! C'est la longueur estimée du réseau de récifs découvert à l'embouchure du fleuve Amazone, où son eau douce se jette dans les vagues d'eau salée de l'océan Atlantique. L'écosystème, qui s'oriente parallèlement à la côte sud-américaine et perpendiculairement à l'Amazone, abriterait de nombreuses créatures méconnues, voire inconnues, selon une étude parue dans Sciences Advances. Ce récif biogénique est formé notamment de corail, dans la partie sud, mais il a surtout été édifié par d'autres grands constructeurs de récifs, les éponges et les algues rouges.
Ces découvertes sont le fruit d'un programme de recherche basé en partie sur les résultats d'une expédition menée dans les années 1970 qui avait récolté des poissons dans des récifs le long du plateau continental. Pour localiser dans les eaux saumâtres ces mystérieux récifs qui, à l'époque, ne faisaient pas l'objet de relevés de coordonnées par satellite, l'équipe scientifique menée par Patricia Yager, chercheuse à l'université de Géorgie, aux États-Unis, avec des confrères de l'université fédérale de Rio de Janeiro, au Brésil, a commencé par cartographier les fonds à l'aide d'ondes sonores, puis les a échantillonnés au cours de plusieurs expéditions entre 2010 et 2014.
Parmi les découvertes, des espèces du genre Gelidium d'algues rouges, appelées Rhodophytes (ici, une planche illustratrice de Chondrus crispus). © Franz Eugen Köhler, Köhler's Medizinal-Pflanzen, domaine publicLe récif amazonien est complexe
Les analyses ont confirmé la présence des coraux et d'une riche diversité biologique sous la surface boueuse de l'eau. Dans ce catalogue figurent de nombreuses espèces de poissons, d'éponges, d'algues et de corail. « Nous avons rapporté les animaux les plus étonnants et colorés que j'ai vus lors d'une expédition », affirme Patricia Yager. Les niveaux d'acidité et de salinité, les débris, la sédimentation et la lumière, uniques à cet endroit géographique, seraient les facteurs propices à la création d'un tel écosystème, indiquent les chercheurs.
Autre résultat intéressant : le récif est hétérogène dans sa composition. À l'extrémité sud, les eaux sont davantage baignées par le soleil qu'au nord. Aussi le récif est-il dominé dans les basses latitudes par les coraux et les espèces qui recourent à la lumière par la photosynthèse. « Mais au nord, beaucoup de ces [espèces] deviennent moins abondantes et le récif se pare d'éponges et d'autres constructeurs de récif qui assurent leur croissance grâce à la nourriture offerte par le fleuve. Les deux systèmes sont donc intimement liés », conclut Patricia Yager.
Pour les auteurs, les micro-organismes prospérant dans les eaux sombres sous le panache boueux de l'Amazone pourraient fournir la connexion trophique entre le fleuve et le récif : ils représenteraient l'une des ressources nutritives des espèces coralliennes. Il faudra d'autres expéditions pour comprendre les rouages de ces écosystèmes complexes. Comprenant 20 % de l'eau douce mondiale, l'Amazone abrite un éventail immense d'espèces vivantes, dont beaucoup restent à décrire.
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Par Frawsy le 8 Mai 2016 à 14:51
Un mystérieux lac sous-glaciaire caché
en Antarctique
Sous la couverture glacée de l’est de l’Antarctique, une région mal connue, se cache un réseau de canyons géants, de mille kilomètres de long, et, probablement, une immense réserve d’eau, semblable au lac Vostok. C’est la conclusion de chercheurs qui ont repéré de curieuses formations en surface.
L’ellipse rouge situe la position du lac Vostok, 4.000 mètres sous la glace. Un autre lac et un réseau de canyons taillés dans le socle rocheux existerait plus près de la côte, à l’est (dans la direction de l’Australie), quelque part dans le rectangle vert. © Nasa, Futura-Sciences
De longues dépressions parcourent la terre de la Princesse Élisabeth, à l’est du continent antarctique. Imperceptibles du sol, elles apparaissent sur les images prises par le satellite Aqua, de la Nasa, avec le spectromètre Modis (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer), et sur les analyses au radar par le satellite canadien Radarsat. Ces sortes de vallées s’étendent sur plus d’un millier de kilomètres de longueur, et sont par endroits larges de 10 km, pour une profondeur atteignant jusqu’à 1 km. Ils forment un réseau au sein duquel apparaît, encore plus discret, une zone présentant un relief très plat, couvrant environ 1.250 km2 et s’étendant sur 140 km de longueur pour une largeur, irrégulière, d’à peu près 20 km.
Une équipe internationale de chercheurs en déduit la présence d’immenses canyons sous-glaciaires, correspondant aux dépressions en surface, et qui communiqueraient avec un lac sous-glaciaire invisible, juste sous la surface plane. Des structures profondes peuvent en effet se manifester en surface, en modifiant légèrement les pentes ou le relief, affectant la manière dont la glace se déplace et dont la neige se dépose. Des phénomènes bien visibles par des instruments comme le spectromètre Modis ou les radars à synthèse d’ouverture. En 2011, le satellite Goce avait repéré un déficit de gravité à cet endroit, indiquant la présence probable d’un bassin ou d’un lac.
Le réseau de caynons repéré sous l'inlandsis à l'est de l'Antarctique. Il semble relié à un lac sous-glaciaire (subglacial lake ?). © Modis, Newcastle UniversityUn possible écosystème et une pièce de plus dans le
puzzle glacé de l’Antarctique
Avec ses dimensions, ce lac mystérieux est plus petit que le célèbre lac Vostok, qu’un forage russe avait atteint en 2012 pour en analyser l’eau et y chercher des organismes vivants éventuels. De l’ADN de bactéries et d’espèces animales a été découvert. Pour une exploration éventuelle (dont personne ne parle actuellement), le « lac de la Princesse Élisabeth » (qui n’a pas été baptisé) est plus accessible que le lac Vostok. Il n’est en effet séparé que d’une centaine de kilomètres de la station scientifique la plus proche, comme le souligne Martin Siegert dans un article du New Scientist.
Les chercheurs ont présenté leurs résultats durant un congrès, à Vienne, et les ont publiés dans la revue Geology. La région est mal connue, expliquent-ils, et une meilleure compréhension du mouvement et de la structure de l'inlandsis est indispensable pour mieux comprendre la manière dont cette masse d’eau peut répondre au changement climatique.
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Par Frawsy le 28 Avril 2016 à 19:24
Les animaux des forêts aussi influent
sur le climat
Les grands animaux des forêts tropicales jouent un rôle clé dans l'atténuation du changement climatique : en consommant les fruits des arbres et en répandant leurs graines possèdent une grande capacité de stockage du carbone. On commence à comprendre ce mécanisme subtil, qui varie selon les histoires évolutives des forêts sur différents continents.
Espèce classée comme vulnérable dans la liste rouge de l'UICN (2008) à cause de la chasse et de la destruction de son habitat, le ouakari chauve (Cacajao calvus) se nourrit surtout de graines et contribue ainsi à la dissémination des arbres tropicaux du Brésil, de Colombie et du Pérou. © Eugenia Kononova, licence CC
Sous l'effet combiné de la déforestation, de la chasse, des plantations ou encore de la fragmentation de l'habitat par l'Homme, les forêts tropicales font face, pour 88 % d'entre elles, à une perte de diversité animale au sein de communautés écologiques, un phénomène appelé « défaunation ».
Parmi les animaux les plus vulnérables à ces perturbations humaines de l'écosystème tropical figurent ceux qui dispersent les graines d'espèces végétales capables de stocker d'importantes quantités de carbone. La défaunation constitue donc une menace pour le stockage de ce carbone dans les forêts tropicales, mais une grande partie de cette compréhension est dérivée de tendances observées dans les seules forêts d'Amérique du Sud.
Pour obtenir une vision à l'échelle de la planète plus réaliste, une recherche codirigée par l'université de Leeds, au Royaume-Uni, a rassemblé des experts d'une quinzaine d'organismes de divers pays (Australie, Costa Rica, Inde, Malaisie, République du Congo, etc.). À l'aide d'un ensemble pantropical de données et de simulations, les scientifiques ont étudié la façon dont la capacité à stocker du carbone chez les espèces d'arbres disséminées par de grands animaux différait de celles dispersées par de petits animaux ou via d'autres vecteurs, comme le vent ou la gravité.
Le carbone stocké dans les écosystèmes terrestres, comme les forêts tropicales (ici, la forêt amazonienne), réduit d'autant son accumulation dans l'atmosphère sous forme de dioxyde de carbone, ce qui contribue au changement climatique. © Lubasi, licence CC BY-SA 2.0La conservation de la nature concerne la forêt
et ses animaux
Publiés dans Nature Communications, les résultats montrent que les forêts tropicales américaines, africaines et sud-asiatiques, caractérisées par une forte proportion d'espèces animales disséminatrices de graines, révèlent des pertes de carbone significatives, de 2 à 12 %. En d'autres termes, le déclin des grands animaux se traduira par des forêts moins fournies en grands arbres et donc par une diminution du carbone stocké dans le bois au fil du temps.
En revanche, les sylves d'Asie du sud-est et du continent australien, plus dépendantes des alizés et de la gravité pour la dispersion des graines, affichent aucune ou très peu de perte de carbone stocké, voire un léger gain (± 1 %).
Pour les auteurs, à l'échelle de la Terre, la défaunation engendre donc des réponses régionales différentes au niveau du stockage du carbone, selon les compositions floristiques et les modes de dispersion des graines des espèces végétales.
Pour que les forêts tropicales restent parmi les plus grands réservoirs terrestres de carbone et, de fait, des régulateurs du changement climatique, les politiques doivent se concentrer sur la sauvegarde des forêts, mais aussi sur la protection des animaux qui disséminent leurs graines.
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