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    John Fitzgerald Kennedy

    (1917 - 1963)

    Un président de rêve

     

     

     

    De tous les présidents américains, John Fitzgerald Kennedy, le 35e, demeure l'un des plus populaires, malgré la brièveté de son mandat, interrompu par le drame de Dallas, le 22 novembre 1963.

     

    Une famille encombrante

     

    Société:  John Fitzgerald Kennedy (1917 - 1963)

     

    Kennedy est le second enfant d'une fratrie de neuf enfants. Il appartient à une riche et influente famille de Boston, de souche irlandaise.

     

    Son père Joseph est un ambitieux qui a fait fortune dans les alcools pendant l'époque de la prohibition, peut-être avec le concours de la Mafia.

     

    Ambassadeur à Londres à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il soutient le Premier ministre britannique Neville Chamberlain dans sa politique d'apaisement avec Hitler. Winston Churchill, en arrivant au pouvoir, obtient son rappel. De retour à Washington, Joe milite parmi les partisans de l'isolationnisme qui refusent d'engager les États-Unis dans la guerre contre Hitler (parmi eux, le pilote Charles Lindbergh).

     

    Joe, qui a épousé Rose, fille du maire de Boston, n'en poursuit pas moins de ses assiduités toutes les femmes qui passent à sa portée et noue une relation suivie avec l'actrice Gloria Swanson.

     

    Plus sérieusement, il reporte sur ses quatre garçons Joe (Joseph), Jack (John), Ted (Edward) et Bob (Robert) ses ambitions contrariées et les engage à conquérir les sommets. Comme de juste, il mise avant tout sur l'aîné, Joe, son préféré.

     

    Société:  John Fitzgerald Kennedy (1917 - 1963)

     

    Lieutenant de vaisseau dans la guerre du Pacifique, John est gravement blessé après que sa frégate eut été coupée en deux par un destroyer japonais qu'il n'a pas su éviter. Il n'en arrive pas moins à sauver son équipage.

     

    Son père magnifie à outrance dans les médias cet acte de bravoure. Joe, qui multiplie les missions aériennes au-dessus de l'Allemagne, en est affecté. En quête de revanche, il se lance dans une mission suicidaire qui va lui coûter la vie.

     

    Le vieux Joe reporte désormais ses espoirs sur John, en dépit de la mauvaise santé de celui-ci.

     

    Sous un jour avenant, le jeune homme endure depuis l'enfance des souffrances persistantes que l'on identifiera ultérieurement comme la maladie d'Addinson, une maladie dégénérative des os. Il  porte un corset pour soulager sa colonne vertébrale et se bourre de médicaments pour gommer la douleur. 

     

    À deux reprises, dans les années 1950, il subit une opération de la dernière chance et reçoit l'extrême-onction (le sacrement des mourants dans l'Église catholique).

     

    Les médecins ne lui donnent guère de chance de survie au-delà de 45-50 ans (autrement dit, s'il n'avait pas été assassiné à 46 ans, il n'aurait de toute façon pas pu aller au bout d'un deuxième mandat).

     

     

    Société:  John Fitzgerald Kennedy (1917 - 1963)

     

    John Kennedy et son épouse Jacky Lee Bouvier, couple idéal (DR)

     

    La conquête du pouvoir

     

    Après le conflit, auréolé de ses faits d'armes, John se fait élire à la Chambre des représentants puis, en 1952, devient sénateur du Massachusetts.

     

    Pour soigner sa popularité, il publie un livre, sans doute avec le concours d'un nègre, Theodore Sorensen, dans lequel il dresse le portrait de huit sénateurs méritants : Profiles in courage. Le livre lui vaut le Prix Pulitzer en 1955.

     

    Bon connaisseur des affaires internationales, il s'attire en 1957 les foudres du gouvernement français pour avoir déclaré que l'Algérie devait obtenir son indépendance.

     

    Aux élections présidentielles de novembre 1960, John Fitzgerald Kennedy, candidat du parti démocrate, prône un généreux projet sous le nom de «Nouvelle Frontière» (la Frontière désignait aux États-Unis, au XIXe siècle, le front pionnier de l'ouest).

     

    Il met en avant également sa séduisante épouse d'origine française, Jacqueline Bouvier (31 ans), enceinte de leur troisième enfant (il mourra deux jours après sa naissance).

     

    Mais sous l'apparence d'un couple idéal, le ménage va on ne peut plus mal. Dès 1954, soit un an après leur mariage, Jacky a songé au divorce. Elle n'en pouvait plus des frasques sexuelles de son mari, séducteur compulsif comme le vieux Joe, et deux fausses couches n'ont pas arrangé leur relation. Elle se sent rejetée par le clan Kennedy et, par précaution, négocie avec le patriarche Joe des garanties financières solides en cas de rupture ou de décès de John.

     

    Société:  John Fitzgerald Kennedy (1917 - 1963)

     

    La campagne électorale est des plus incertaines.

     

    À l'issue des primaires qui départagent les postulants à la candidature du parti démocrate, John F. Kennedy conclut un cessez-le-feu avec son principal rival Lyndon Baines Johnson et lui offre le poste de vice-président. Malgré cette réconciliation de façade, les deux hommes ne cesseront jamais de se haïr.

     

    Pour la suite de la campagne, le patriarche Joe ne craint pas de solliciter ses amis de la Mafia. On s'interroge aussi sur le rôle du redoutable chef du syndicat des camionneurs, Jimmy Hoffa.

     

    Mais Jack doit par ailleurs composer avec l'inamovible et tout aussi redoutable chef du FBI (la police fédérale), J. Edgar Hoover. Cet autre ami de son père ne supporte pas les opinions progressistes de John et de son frère Robert. Le futur président craint qu'il ne révèle ses relations sexuelles débridées et, plus grave que tout, une liaison au début de la Seconde Guerre mondiale avec une jeune Danoise, Inga Arvad, soupçonnée d'espionnage au profit des Soviétiques.

     

    Avec 120.000 voix d'avance sur 70 millions de suffrages exprimés, John Fitzgerald Kennedy est au final élu d'extrême justesse. Il devient le plus jeune président élu des États-Unis et le premier de confession catholique (notons que le vice-président Theodore Roosevelt avait quant à lui 42 ans et onze mois quant il a succédé en septembre 1901 au président McKinley, assassiné par un anarchiste).

     

    Son rival républicain, Richard Milhous Nixon, vice-président du président sortant, le général Dwight Eisenhower, se montre beau perdant mais n'en jure pas moins de prendre sa revanche. Ce sera chose faite en 1968 avec son élection à la présidence face à Hubert Horatio Humphrey.

     

    La ségrégation raciale en ligne de mire

     

    Dès son arrivée à la Maison Blanche, Kennedy s'entoure d'une équipe de conseillers plus étoffée que jamais. Il s'agit d'intellectuels tels Arthur Schlesinger, recrutés dans les meilleures universités, comme Harvard. Il veut autour de lui «the best and the brightest» (les meilleurs et les plus brillants). Ces conseillers - les «hommes du Président» - prennent souvent le pas sur les ministres du gouvernement (l'«administration» en anglais).

     

    Au gouvernement, le président appelle également des hommes de qualité. Pour le très important Secrétariat à la Défense, il appelle Robert McNamara (44 ans), un gestionnaire brillant qui a été appelé cinq semaines plus tôt à la présidence de la compagnie Ford, la deuxième entreprise du pays.

     

    Davantage attiré par les affaires internationales que par la politique intérieure, John Kennedy se décharge de celle-ci sur son jeune frère Robert (35 ans) auquel il confie l'influent ministère de la justice avec le titre d'attorney general. 

     

    Les États-Unis, grands bénéficiaires de la défaite du nazisme, jouissent au début des années 1960 d'une insolente prospérité mais les rapports entre Blancs et Noirs s'inscrivent encore sous le régime de la ségrégation. Et le parti démocrate, très influent dans le Deep South (Sud profond), y est vivement attaché !

     

    Usant à fond de sa fonction d'attorney general, Bob, très ouvert d'esprit, encourage discrètement les volontaires qui, dans tout le pays, luttent contre la ségrégation en multipliant les «sit in» : Blancs et Noirs mélangés s'attablent par exemple dans un restaurant ségrégationniste le temps qu'il faut pour que le patron se résigne à les servir... ou prenne le risque d'appeler la police (immédiatement suivie de la télévision).

     

    En 1963, la situation devenant explosive, le président prononce un discours solennel pour l'égalité des droits civiques entre Blancs et Noirs. Quelques semaines plus tard, Martin Luther King enfonce le clou en organisant à Washington une manifestation triomphale. Kennedy reçoit avec éclat le leader noir. Le mouvement est désormais lancé. Mais c'est seulement après la mort du président que sont votées les lois abolitionnistes qu'il a mises en chantier.

     

    Martin Luther King et Robert Kennedy sont l'un et l'autre assassinés la même année, en 1968, le premier le 4 avril au Tennessee, le second le 5 juin en Californie au terme d'une succession de triomphes dans les primaires démocrates en vue des élections présidentielles de la fin de l'année.

     

    Au bord du gouffre

     

    Mais John F. Kennedy est également impliqué dans les pires moments de la guerre froide avec l'URSS, l'actuelle Russie.

     

    Société:  John Fitzgerald Kennedy (1917 - 1963)

     

    Kennedy et Khrouchtchev se serrent la main à Vienne en juin 1961

     

    En arrivant à la Maison Blanche, il découvre un projet de débarquement à Cuba destiné à renverser le régime pro-soviétique de Fidel Castro.

     

    À l'instigation d'Allan Dulles, un ami de son père qui dirige les services secrets (la CIA, Central Intelligence Agency), il reprend le projet à son compte et c'est l'expédition calamiteuse de la baie des Cochons : les opposants cubains, malgré le soutien logistique de la CIA, sont écrasés par l'armée de Fidel Castro le 17 avril 1961.

     

    Allan Dulles est renvoyé et remplacé par son adjoint Richard Helms, mais l'opinion publique sait gré au Président d'assumer la responsabilité de son pitoyable échec. Le président cesse quant à lui de prendre pour argent comptant les propos des experts de l'armée comme des services secrets.

     

    À la lumière de cette affaire, les Soviétiques croient pouvoir miser sur la faiblesse du président américain. En juin 1961, à Vienne, le tout-puissant secrétaire général du parti communiste d'URSS, Nikita Khrouchtchev, rencontre Kennedy à Vienne.

     

    Les deux rivaux semblent enterrer la hache de guerre. Ils se serrent la main et donnent au monde l'espoir d'une coexistence pacifique. Illusion... Deux mois plus tard, les Allemands de l'Est, sous protectorat soviétique, érigent un mur en travers de Berlin. La guerre froide rebondit.

     

    L'année suivante, on découvre sur des photos aériennes que les Soviétiques sont en train d'installer des rampes de lancement de missiles à tête nucléaire sur le sol de Cuba, à 200 kilomètres des côtes américaines. Pour les Américains, cette épée de Damoclès est inadmissible.

     

    La tension est à son comble le 22 octobre 1962. Ce jour-là, dans un célèbre discours télédiffusé, Kennedy affiche sa fermeté. Il ordonne une «quarantaine» autour de Cuba pour empêcher les navires communistes de livrer le matériel destiné aux bases de missiles. Avec ce blocus (un acte de guerre qui ne dit pas son nom), on frôle à tout moment l'incident qui pourrait dégénérer en troisième guerre mondiale.

     

    Devant cet ultimatum à peine voilé, Nikita Khrouchtchev s'incline et retire ses fusées. Il obtient en contrepartie l'engagement de Washington de ne rien entreprendre contre Cuba. Par une clause secrète, Washington s'engage aussi à démanteler ses missiles en Turquie, aux frontières de l'URSS.

     

    Pour le monde entier, il devient clair qu'aucun des deux Super-Grands n'est prêt à prendre le risque d'un conflit nucléaire. C'est une première faille dans la guerre froide et l'amorce timide de la détente.

     

    Un an plus tard, le 26 juin 1963, à Berlin, Kennedy ne craint pas d'afficher le soutien des États-Unis aux Berlinois de l'Ouest, victimes du blocus soviétique et de l'érection du mur de la honte. «Ich bin ein Berliner», leur lance-t-il du balcon de la mairie.

     

    Une présidence brève mais riche de promesses

     

    Le bilan de la présidence Kennedy ne se limite pas à ses actions en faveur de l'intégration raciale et contre l'URSS.

     

    Dès son arrivée à la Maison Blanche, le président relève le défi spatial des Soviétiques. Il lance le programme Apollo et fait la promesse d'envoyer un Américain sur la Lune avant la fin de la décennie. Promesse tenue à titre posthume.

     

    Les Américains lui sont aussi reconnaissants d'avoir relancé la lutte contre la pauvreté (un programme qu'il a lui-même qualifié pendant sa campagne de «Nouvelle Frontière») ainsi que d'avoir inauguré des rapports plus équilibrés avec l'Amérique latine, avec en particulier la création de l'Alliance pour le progrès et d'un corps de coopérants volontaires, le Peace Corps.

     

    Mais Kennedy a aussi le douteux privilège d'engager au Viêt-nam les premiers soldats américains. Il y avait 600 conseillers militaires sur place lors de son arrivée à la Maison Blanche ; à sa mort, on y compte 16.000 soldats. Il y en aura jusqu'à 500.000 sous son successeur, Lyndon Baines Johnson.

     

    Depuis l'attentat de Dallas, les Américains cultivent la nostalgie du président défunt, associée au souvenir d'une incontestable prospérité et d'une relative homogénéité des conditions de vie. Même si son image commence à être altérée par les révélations sur sa sexualité et ses frasques.

     

    Société:  John Fitzgerald Kennedy (1917 - 1963)

     

    Bob et John Kennedy avec Marylin Monroe (DR)

    Il a eu une relation suivie avec des actrices comme Marlène Dietrich et sans doute aussi la sulfureuse Marylin Monroe, qui se suicida dans le cours d'une mystérieuse relation avec les frères Bob et John Kennedy.

     

    Mais il a aussi enchaîné les conquêtes à la Maison Blanche, avec les stagiaires, les journalistes et aussi de simples prostituées que des agents du Secret Service conduisaient jusque dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, en totale infraction avec leur obligation d'assurer avant tout la sécurité du Président. 

     

    André Larané

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    Noël simplement

     

    Société:    Noël simplement

     

     

    Entre la machine commerciale et l’enfilade de partys, faire de la place aux petits bonheurs qui ne coûtent rien.

     

    20 nov. 2013 Par Crystelle Crépeau de la revue Chatelaine

     

     

    Société:    Noël simplement

    Photo: Maude Chauvin

     

    Mi-novembre. Le Québec se débat encore avec le dossier de la Charte, il s’interroge sur l’avenir de ses villes au lendemain des élections, frissonne en suivant les audiences de la commission Charbonneau et en voyant tomber les premiers flocons. Soudain, un son strident retentit dans l’actualité. C’est le « bip ! bip ! » du semi-remorque de Noël qui déverse, avec sa subtilité habituelle, son chargement de jouets clinquants, de « nouveaux » disques aux classiques trop souvent revisités, de décorations criardes, de courses folles.

     

    Et moi, qu’est-ce que je fais ? Je souris comme une idiote ! En moins de temps qu’il n’en faut aux commerçants pour remplacer les pauvres sorcières par des pères Noël chantant Feliz Navidad, je bascule dans l’ambiance des fêtes et perds sans crier gare cinq points de quotient intellectuel.

     

     

    « Hooooon, les belles lumières qui apparaissent partout ! Que c’est beau, ce cantique ! » Non, mais, que m’arrive-t-il ?

     

    Il serait de bon ton, ici, d’asseoir ce moment d’égarement sur une savante étude qui attribue des bienfaits à l’esprit des fêtes, de citer un chercheur norvégien sur notre besoin de vivre collectivement un boost de féerie pour gang blasée. Mais je n’en ferai rien. D’abord, parce que je viens de perdre cinq points de Q.I. – l’ai-je déjà dit ? Ensuite, parce que je n’en ai pas envie. Je suis trop occupée à bricoler avec mes enfants une ribambelle de sapins – qui finira probablement en tas de confettis, puisque j’ai échoué mon Évangile en papier. À mettre plus de chocolats que de petits pois dans les sacs destinés à la guignolée. À planifier des cadeaux gourmands pour les amis. Que je ne prendrai probablement pas le temps de concocter, je l’admets. Mais j’aime penser que je le pourrai, bon. Après tout, le plaisir est dans l’anticipation.

     

    Il me reste assez de lucidité pour me rappeler que j’arriverai au 24 décembre cernée jusqu’aux genoux après avoir sprinté pour tout boucler au boulot, cherché des présents originaux pour mes proches dans des magasins bondés, assisté à huit spectacles de Noël des enfants (qui ont toujours lieu à des heures impossibles). Mais aucun de ces irritants ne vient à bout de mon enthousiasme.

     

    Pourquoi ? Parce que entre la machine commerciale de Noël et l’enfilade de partys, il y a encore de la place pour des petits bonheurs qui ne coûtent rien et pour paresser, tout simplement.

     

    Lire enfin ce roman qui prenait racine sur ma table de chevet depuis des mois. Me retrouver en famille devant le téléviseur pour revoir pour la centième fois Sophie dire à Luc : « T’as un trou dans ta mitaine », et Cléopâtre réclamer son goûteur. Faire la tournée des patinoires. Ne penser à rien d’autre qu’à l’instant présent.

     

    Société:    Noël simplement

     

    Combien y a-t-il de parenthèses comme celle-ci dans l’année ? De moments où l’on accepte que tout fonctionne au ralenti ? On peut trouver bien des défauts à la période des fêtes ; reste qu’elle est l’un des derniers bastions de l’inefficacité assumée.

     

    Joyeuse paresse !

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    Le "repassage des seins" : un supplice pour contrôler la sexualité 

     

     

     Au Cameroun, les mères écrasent les seins de leurs filles pour les rendre moins désirables et retarder ainsi l'âge de leur premier rapport sexuel. 

     

     

     

    Société:    Le "repassage des seins"

    Mère et fille au Cameroun © Sylvie Bouchard - Fotolia.com

     

    Le massage des seins, appelé aussi le "repassage" est une pratique ancienne toujours en vigueur dans les pays d'Afrique comme le Cameroun, le Togo ou encore la Guinée. Les mères s'arment de pierres chaudes, de pillons ou même de bananes plantains passées sur le feu et les déposent sur la poitrine de leurs fillettes afin de les aplatir. Cette mutilation consiste à ralentir la croissance mammaire et supprimer les signes extérieurs de féminité afin d'éviter les viols et empêcher les agressions sexuelles.

     

    Au Cameroun, près d'une femme sur dix subit cet acte barbare, selon un rapport publié par la Coopération technique allemande. "Mon calvaire a commencé à 12 ans" raconte Christelle Ensi à Rue 89. "Chaque soir, ma mère me faisait asseoir près d'elle dans la cuisine. Elle dénudait alors ma poitrine pour presser avec force une spatule chaude sur mes seins naissants. Pendant que je hurlais de douleur, mes deux tantes me maintenaient. Au bout de trois mois, ma mère a été forcée d'arrêter en raison de mes brûlures".

     

    Même calvaire pour Amélie qui a témoigné en 2006 sur le site Afrique.com : "A 12 ans, quand j'ai eu un peu de seins, mes parents étaient inquiets. Ils avaient peur que j'attire les garçons. Un jour, ma mère m'a appelée et elle a commencé à me masser les seins avec une pierre chauffée dans le feu. Elle disait qu'il fallait que la pierre soit bien chaude pour casser le "noyau" qu'il y a quand les seins poussent. Ca faisait très mal. Quand elle massait, je criais tellement que les voisins venaient voir ce qui se passait dans la cuisine".

     

    Comme l'excision, le repassage de seins se transmet de générations en générations : les mères répètent les gestes qu'elles ont elles-même subi étant enfant. Selon elles, il s'agit d'une technique comme une autre pour contrôler la sexualité de leur fille : "Le sexe est un sujet généralement tabou dans la famille camerounaise, on n'en parle pas avec nos enfants. Le massage de la poitrine, c'est notre méthode contraceptive locale" explique la mère de Christelle Ensi. Un moyen de "contraception" qui laisse des séquelles à vie, notamment l'impossibilité pour ces filles devenues mères d'allaiter leurs enfants. 

     

     

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    Ce que Anne-France Goldwater

    a appris

     

     

    L’avocate a vécu des milliers de divorces, dont deux dans sa vie personnelle. Voici les secrets d’une vie de couple réussie.

     

    30 oct. 2013 Par Louise Gendron de la revue Chatelaine

     

    Société:  Ce que Anne-France Goldwater a appris

     

    Si tu as raison dans une chicane avec ton conjoint, offre-lui tes excuses. J’ai appris ça de Robert Heinlein, un écrivain de science-fiction que j’ai beaucoup lu quand j’étais jeune. Bien sûr, à l’époque, je n’avais pas été capable d’avaler la phrase ! Il m’a fallu arriver à une troisième union pour comprendre : avoir raison, c’est important dans une salle d’audience. Dans ta relation avec ton mari, l’important, c’est de respecter la voix de l’autre. J’ignore encore pourquoi il m’a fallu tout ce temps pour comprendre…

     

    Partager les tâches 50-50, ça ne sert à rien. À quoi ça sert que mon mari fasse la moitié de la lessive si mes vêtements n’y survivent pas ? Chacun contribue à sa façon, selon son talent, son désir et sa capacité ; c’est comme ça qu’une famille est choyée. Le problème, c’est que les femmes ne valorisent plus leur rôle traditionnel. Je ne sais pas pourquoi. Avoir des enfants, les allaiter, les élever, faire les courses, tout ça est aussi important pour le bien-être de la famille que ce que fait le mari, même s’il est PDG d’une compagnie.

     

    Les femmes sont peureuses. C’est arrivé souvent. Un couple veut divorcer. Monsieur a une entreprise. Plutôt que de négocier un partage, il prétend que la business ne vaut rien et menace de déclarer faillite. Alors, je lui dis : « Parfait. Votre compagnie qui ne vaut rien, donnez-la à Madame, elle va la gérer. On ne vous demandera même pas de pension. » Et j’offre à Madame toutes les ressources pour l’aider. En 32 ans, jamais une femme n’a accepté. Même si elle travaille avec son mari depuis des années. Les femmes sont peureuses. Et c’est une des raisons pour lesquelles les hommes vont continuer à gagner beaucoup plus d’argent qu’elles.

     

    Tu penses que tu vaux mieux que ton chum parce que ton salaire est plus élevé que le sien ? Change de chum. Trouves-en un avec qui tu te sentiras vraiment partenaire. Une famille est une entreprise dont les deux parents sont PDG. Et le PDG des enfants est aussi important que le PDG de l’argent. Alors, chacun met 100 % de ce qu’il a. Si la relation se termine, on partage la richesse qu’on a créée ensemble. Pas besoin du Code civil ou de la Bible pour savoir quelle est la chose décente à faire.

     

    Les enfants doivent avoir la certitude que leurs deux parents seront toujours là pour eux. De nombreux couples séparés ne seraient même pas capables d’être ensemble dans la chambre d’hôpital de leur enfant. C’est une honte. Aucune querelle n’est plus importante que la protection de leur plus grande richesse : leurs enfants. Et mon boulot, c’est de les amener à voir ça.

     

    Être différent des autres, c’est correct aussi. On me dit que je suis flamboyante. Plus jeune, j’acceptais mal cette différence. Aujourd’hui, je me dis : c’est moi, c’est mon caractère, c’est mon corps, c’est mon âme, c’est ma façon d’être. Ça m’a bien rendu service pendant un demi-siècle, ça peut pas être si pire que ça !

     

    L’esprit de corps est essentiel. Les hommes ont leurs clubs de golf ou leurs salons de cigares. Dans mon cabinet, nous sommes majoritairement des femmes. Alors nous avons un minisalon de beauté. Chaque semaine, une coiffeuse et une manucure viennent prodiguer des soins (aux frais de l’entreprise) aux employées qui le désirent. Ça fait plaisir à tout le monde. Et ça contribue à l’esprit de gang. Je pense que c’est important.

     

    Pour apaiser un conflit, j’insiste sur ce qui est important pour chacun. À une femme, je rappelle que ce conjoint qu’elle déteste tant aujourd’hui lui a quand même procuré une richesse éternelle et le plus grand bonheur de sa vie : ses enfants. À un homme d’affaires, je peux dire que plus vite on réglera, plus vite il pourra retourner gagner de l’argent au lieu de me permettre à moi de m’offrir une autre paire de Louboutin !

     

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    Conciliation casse-tête

     

    Quatre mères aux horaires de travail atypiques racontent leur quotidien, entre boulot et vie de famille.

     

    31 oct. 2013 Par Mylène Tremblay de la revue Chatelaine

     

    Société:  Conciliation casse-tête

    Marie-Christine Proulx

     

    On le sait, la conciliation travail-famille n’est pas une mince affaire. Mais ça devient un sport extrême quand il faut se lever aux aurores, passer la nuit debout ou s’absenter quelques jours pour le boulot.

     

    Et elles sont de plus en plus nombreuses, ces mères qui travaillent à toute heure du jour, la semaine comme le week-end. Depuis 20 ans, les emplois à horaires variables ont nettement progressé au pays, sans prise en compte des conditions personnelles des travailleurs.

     

    Ce sont 17 % des mères avec un enfant de moins de cinq ans ont un horaire de travail atypique. Pourtant, en dehors de l’horaire « normal » de 7 h à 18 h, les places à 7 $ en garderie sont pratiquement introuvables, faute d’offre… et de demande. « Les parents sont réticents à l’idée de laisser leurs enfants 12 heures dans un service de garde ou de les réveiller à des heures indues », indique Diane-Gabrielle Tremblay, spécialiste en gestion des ressources humaines, en économie et en sociologie du travail, qui a étudié un projet-pilote de garderie ouverte 24 heures sur la Côte-Nord.

     

    Alors on fait quoi ? On met à profit l’entourage : grands-parents, belles-sœurs, voisins, petites gardiennes du quartier. Celles qui en ont les moyens embauchent une nounou. Un défi de jonglerie qui relève du sport extrême pour les mères seules. « Aux yeux de beaucoup d’employeurs, la responsabilité de la conciliation est individuelle, remarque Diane-Gabrielle Tremblay. À la femme de se débrouiller. » Avec un peu de chance, le supérieur affichera les horaires plus tôt ou accordera les congés demandés.

     

    La stabilisation des horaires apparaît d’ailleurs comme la première piste de solution. Une étude conjointe de la FTQ et de l’UQÀM propose même de  modifier la Loi sur les normes du travail afin d’y inclure des dispositions sur les délais d’affichage et l’accès périodique à des congés le week-end. Bref, il reste encore beaucoup à faire. Ce que confirment les quatre mamans rencontrées pour ce dossier.

     

    Société:  Conciliation casse-tête

    Le beau défi du retour au boulot

     

    Elle se lève à 3 h du matin et se couche tard, les soirs de spectacle. De retour en ondes après un court congé de maternité, la chroniqueuse culturelle de Salut, bonjour ! ne craint ni les nuits trop brèves – elle est rodée – ni la charge de travail – elle est workaholic de son propre aveu.

     

    À 35 ans, tu entames ta troisième année à l’émission Salut, bonjour !, à TVA. À quoi ressemblent tes journées ? J’arrive à TVA à 3 h 30 et là, tout déboule. Avec ma recherchiste, je prépare mes chroniques. À 5 h, je descends au studio pour me faire maquiller et coiffer. Vers 5 h 30, je déjeune. À 6 h, on entre en ondes. Quand l’émission se termine, à 9 h 30, moi, je commence ma journée. J’ai des événements à couvrir, des tournages à préparer. Ce n’est jamais pareil. Très souvent, je passe à la maison faire une sieste d’une heure et demie avant de poursuivre. Je ne suis pas toujours très disciplinée pour l’heure du coucher – surtout si j’assiste à un spectacle –, mais l’arrivée d’un bébé nous force à l’être davantage !

     

    Tu as choisi de retourner au travail alors que ta fille a six mois. As-tu senti qu’on te jugeait ? J’ai mis les regards désapprobateurs de côté. Mon chum et moi avons pris cette décision ensemble, on en avait discuté avant même d’avoir un enfant. Mes collègues mamans m’assurent que c’est l’horaire idéal. Oui, je me lève tôt, mais mes activités professionnelles se concentrent sur trois jours et demi.

     

    Qui garde Emma ? Quand j’ai opté pour le retour au travail, il était clair qu’Emma n’irait pas à la garderie, car elle n’a que six mois. On a engagé une gardienne à la maison, qui vient du lundi au jeudi. Oui, c’est un investissement, mais qui laisse plus de latitude et occasionne moins de stress. De plus, mes parents habitent à 10 minutes d’ici, ceux de Maxime un peu plus loin, et ils sont tous à la retraite. On est bien entourés. Emma restera à la maison durant ses deux premières années. Ensuite, elle ira à la garderie.

     

    Congés parentaux, CPE, crédits d’impôt, aide aux devoirs… Qu’est-ce que le gouvernement pourrait faire de plus pour soutenir les parents ? Promouvoir les garderies offrant des services plus flexibles. La vie des gens qui ont des horaires atypiques n’est pas simple. Il faut payer un supplément pour laisser l’enfant plus tôt, un autre pour le récupérer plus tard. Si nous n’avions pas de gardienne à la maison ou le coup de main de nos parents, je ne sais pas comment je ferais. Peut-être aussi devrait-on rendre l’aide à domicile plus accessible.

     

    Ta mère était vice-rectrice à l’Université de Sherbrooke et ton père, professeur de psychologie. La carrière occupait-elle une grande place chez vous ? Tous deux m’ont transmis l’amour du travail et de la famille. Nous avons beaucoup discuté ensemble de mon retour anticipé. Je me rappelle être débarquée chez eux en pleurant. Je me demandais si c’était une bonne chose, si j’étais une mère indigne. Ma mère m’a dit : « J’ai recommencé à travailler deux mois après ta naissance et celle de ta sœur. Dans le temps, les congés de maternité d’un an n’existaient pas. Tout le monde s’ajustait, peu importe les conditions. Si tu joues en équipe, tu réussiras à t’en sortir. »

     

    Ton plus grand défi ? Décrocher ! S’il y a quelqu’un qui a du mal à le faire, c’est moi ! J’allaite d’un bord, je consulte mon iPad mini de l’autre ! Ce que je veux, c’est être vraiment présente, cesser de parler de travail. Mon chum possède cette faculté : dès qu’il arrive à la maison, il décroche. J’apprends de lui.

     

    Société:  Conciliation casse-tête

    Véronique-Anne Leblanc 

    Une maman, deux garçons, deux jobs

     

    Elle coiffe les comédiens sur les plateaux de tournage et coupe les cheveux dans un salon près de chez elle, dans le quartier Saint-Henri, à Montréal. Son horaire de production, qu’on lui fournit trois jours à l’avance, a de quoi donner le tournis : de jour, de soir, de nuit, la semaine et le week-end. Qui s’occupe d’Izak, huit ans, et de Liam, sept ans, dont elle a la garde une semaine sur deux ? C’est la question qui tue.

     

    « Je vérifie qui est libre, qui peut, qui veut », dit Véronique-Anne. Souvent, sa mère vient dormir à la maison, ou alors son père arrive tôt le matin. Ou elle paie 10 $ l’heure une jeune fille rencontrée au service de garde. « Si je ne trouve personne, je supplie – une cliente, une collègue, une voisine, une amie… » À la longue, à force de solliciter de l’aide, une boule s’est formée dans son estomac. Sans compter les enfants, qui lui demandent : « Quand est-ce que tu vas être avec nous ? » « Les gars, maman travaille… » Et ne dort pas beaucoup.

     

    Lorsque sa conjointe – qui exerce, elle aussi, un métier dans le milieu du cinéma – est à la maison, Véronique-Anne peut souffler un peu. « C’est elle qui me donne le plus gros coup de main. Tout de même, je dois faire attention, elle n’est pas la mère de mes garçons. » En dehors des périodes de pointe, la coiffeuse organise elle-même son emploi du temps, de façon à se libérer le midi et à la fin des classes. Certains clients le lui reprochent. Des hommes surtout.

     

    Sa voisine Karine aussi a des heures de travail atypiques. Justement, la voici qui sonne à la porte. « Veux-tu que je ramène Liam ? – Merci, mais pas aujourd’hui ! » Ses enfants fréquentent la même école qu’Izak et Liam. Les deux mamans s’entraident du mieux qu’elles peuvent.

     

    Pendant le trajet vers l’école, Véronique-Anne réfléchit au concept abstrait de la conciliation travail-famille. « Ça ne veut rien dire pour moi. Dans mon métier, ça n’existe pas. » Mal prise, elle emmène les garçons au salon ou sur les plateaux. « Des fois, ils trouvent ça long et plate ! » J’interroge Liam : « C’est vrai ? » L’adorable petit bonhomme à lunettes fait oui de la tête, puis poursuit : « Mais j’aime bien voir les effets spéciaux. »

     

    Les dernières semaines n’ont pas été faciles à vivre pour son frère et lui. Leur maman a collaboré à une télésérie pendant plus de deux mois. « Il y avait toujours du monde qui gardait à la maison – des gens de confiance. Mais si je rentre plus tard que prévu, mon plus vieux n’est pas content ! Il m’attend, assis dans son lit… »

     

    Elle aimerait bien que son syndicat en fasse davantage pour les parents. « Ça fait des années qu’on demande un réseau de gardiennes d’expérience pour nous dépanner. Mais c’est resté lettre morte. » Et le gouvernement ? Elle ne sait pas. Pas le temps de faire des recherches pour connaître les services officiels qu’il fournit.

     

    Travailler et s’occuper de sa famille, ce n’est pas un fardeau, assure-t-elle. Le problème, c’est d’avoir à payer le gros prix. « Je suis tannée de toujours quémander de l’aide, de fouiller dans ma poche. Je rêve d’une société où nous n’élèverions pas nos enfants seuls. Ici, c’est chacun pour soi. »

     

    Étonnamment, même si son emploi du temps lui occasionne parfois des maux de ventre, elle ne le troquerait contre celui de personne. « Le cinéma, c’est ma passion. J’ai toujours eu des horaires atypiques. Je ne me vois pas enfermée dans une boîte. »

     

    Société:  Conciliation casse-tête

    Rosanna Ciccarone

    Entre ciel et terre… et enfants

     

    Rosanna Ciccarone est agente de bord. Son mari, contrôleur aérien. « Les jours fériés, on ne connaît pas ça, ni les fins de semaine ! Quand je reçois mon horaire au début du mois, je le compare à ceux de mon chum et de mes enfants. Je détermine ensuite nos besoins de gardiennage. » Grâce à son ancienneté, Rosanna, qui cumule près de 20 ans d’expérience, peut indiquer ses restrictions et ses préférences au moyen d’un logiciel – non aux lundis, oui aux vols après 9 h… Mais le système a ses limites. Tout le monde ne peut avoir congé le 25 décembre !

     

    De la mi-octobre à la mi-avril, cette grande brune de 40 ans fait des allers-retours dans le Sud, pour un total de 20 à 30 heures par semaine. L’été, elle assure les liaisons pour l’Europe, où elle passe en moyenne deux nuits par semaine. Son mari, lui, suit un horaire rotatif – un bloc de cinq ou six jours suivi de trois ou quatre jours de congé.

     

    Dans ce va-et-vient incessant, leur arrive-t-il de se croiser ? Elle rit. « Oui ! On a aussi chacun du temps pour soi. C’est pour ça qu’on est ensemble depuis 18 ans ! » Pour s’occuper des enfants, Vincent, six ans, et Maïka, huit ans, le couple se relaie. Monsieur part très tôt et termine à 14 h ? Madame prépare les enfants pour l’école puis décolle à 11 h.

     

    Quand le changement de garde s’effectue pendant la nuit, les petits n’y voient que du feu. L’agente de bord atterrit, se repose quelques heures, entame son « deuxième quart » à la maison puis se recouche. « Contrairement à ce que plusieurs pensent, les enfants ne passent pas leur temps au service de garde. »

     

    Et que fait-on quand les horaires des parents se chevauchent ? Les grands-parents entrent en scène pour quelques heures, toute la nuit ou un week-end entier. « Ce n’est pas toujours plaisant pour les petits de nous voir partir ni pour moi de ne pas avoir mon conjoint la fin de semaine, avoue Rosanna. Mais c’est notre réalité. » Son plus jeune compte encore les dodos lorsqu’elle s’absente. « Maman, comment oses-tu me quitter ? » lui a-t-il lancé récemment !

     

    Auparavant, elle en ressentait de la culpabilité. Plus maintenant. « J’essaie de profiter des occasions qui se présentent – prendre un café tranquille à Paris, visiter la ville… Je me ressource au travail. » Et puis, au final, elle estime passer plus de temps avec sa progéniture que sa copine, par exemple, qui fait du 9 à 5. « Ce mode de vie nous offre une belle qualité de vie, on se le dit souvent entre agentes de bord. Je fais le ménage et les courses quand Vincent et Maïka sont à l’école. À leur retour, je suis disponible pour eux. »

     

    Il y a bien sûr des inconvénients à passer sa vie entre ciel et terre. Les heures de vol sont longues (elle peut rester debout plus de 20 heures d’affilée) et le décalage horaire est dur pour le corps. Difficile de récupérer quand la routine prend le dessus. « Avant de partir, je m’assure que le lavage est fait, que les uniformes d’éducation physique sont dans le sac d’école, etc. »

     

    La situation devient hautement plus stressante quand un avion est retenu au sol. Comme à Punta Cana, au printemps dernier. « Le pilote nous a dit de sortir notre pyjama à cause d’un bris mécanique. Or, je devais prendre la relève de mon chum le lendemain matin. » De l’hôtel, tard dans la nuit, elle a écrit à sa mère, priant que son message la trouve éveillée. « Heureusement, elle l’a reçu à temps et m’a dit de ne pas m’inquiéter… »

     

    Sans elle et ses beaux-parents, point de salut. « Jusqu’ici, on a réussi à s’arranger, dit Rosanna. Les garderies ouvertes 24 heures sont rares. Quand ma fille a eu un an, j’ai cherché. Je n’ai rien trouvé près de la maison. » Ses démarches auprès des Ressources humaines ont aussi été vaines. « Le secteur de l’aviation est trop incertain pour créer une garderie en milieu de travail. »

     

    Société:  Conciliation casse-tête

    Yolande James 

    Maman au Parlement

     

    L’heure de la rentrée parlementaire a sonné. Après avoir passé l’été avec son bébé, la députée libérale de Nelligan (Montréal) s’apprête à sauter dans l’arène. Sa grossesse, ses nuits écourtées, son retour à l’Assemblée nationale, Yolande James n’a pas peur de dire « les vraies affaires » !

     

    Il n’y a pas beaucoup de poupons au Parlement… Qu’est-ce qui vous a incitée à fonder une famille ? À 35 ans, je ne pouvais plus attendre les conditions gagnantes. La perfection n’existe pas. Et je refusais de laisser le train passer. Mon conjoint et moi, nous avons toujours désiré des enfants. J’ai beaucoup de plaisir à faire de la politique, mais ce n’est pas éternel et je ne veux pas y sacrifier ma vie privée. Ce qui reste, c’est la famille, et elle est devenue ma priorité depuis que j’ai vu mon père subir un anévrisme au cerveau en 2010.

     

    Les députés siègent à l’Assemblée na­tionale du mardi au jeudi. Comment ­envisagez-vous votre retour à Québec ? C’est ce que j’appréhende le plus. Ce sera un retour progressif, à raison d’une journée par semaine pour commencer. Mais tout peut arriver. Si le gouvernement déposait une loi avec laquelle mon parti n’est pas d’accord, je devrais m’organiser. Pendant la grève de la construction, en juillet dernier, j’ai dû passer une nuit à Québec pour le vote. C’était la première fois que j’étais séparée de mon fils et j’ai trouvé ça très, très difficile, même si mon chum m’envoyait des vidéos de Philippe tout souriant ! Ça n’a pas de bon sens de ressentir un tel sentiment de culpabilité !

     

    Qui va garder Philippe ? Selon un dicton africain, ça prend tout un village pour élever un enfant. Moi, j’en ai un dans mon entourage. C’est que ma famille l’attendait, ce bébé-là ! Au début, on s’organisera à la pièce. Une chose est sûre, il n’ira pas tout de suite dans un CPE. Mon conjoint est très présent, nos parents aussi. On pense faire appel à une gardienne en temps et lieu.

     

    Quelle a été la réaction de vos collègues en apprenant la nouvelle ? Tous ont bien pris soin de moi. Ce n’est pas tous les jours qu’une députée tombe enceinte ! J’ai averti le commissaire à l’éthique que je ne comptais pas revenir à l’Assemblée avant l’automne, à moins d’une urgence. Toutefois, j’ai poursuivi mes activités à mon bureau de comté – j’habite à cinq minutes.

     

    Devenir mère met-il un frein à une carrière politique ? Si j’étais encore ministre, je trouverais difficile de tout concilier. Par contre, je ne crois pas devoir tout abandonner pour me consacrer à mon fils. Pour aider les mamans à rester en politique, il faut assurer la relève pendant un certain temps. Mon collègue Geoffrey Kelley, député libéral de Jacques-Cartier, dans l’ouest de l’île de Montréal, a cinq enfants. Il a été le premier à me dire : « Je vais te remplacer pour telle activité. » C’était naturel pour lui, il savait ce qui m’attendait. Plus nous serons nombreuses en politique, plus les choses vont évoluer en notre faveur.

     

    Vous considérez-vous comme une super­woman ? Pantoute ! Devant la maternité, on devient humble. Je fais de mon mieux, comme la majorité des femmes. J’en ai rencontré des jeunes mères complètement brûlées parce qu’elles s’efforçaient de tout faire en même temps. Cette pression existe. Je la sens. Une nouvelle maman doit performer. Mais un bébé, ce n’est pas rien ! Vouloir passer du temps avec son enfant, ça ne signifie pas qu’on est paresseuse ou sans ambition ! C’est pourtant le message qu’on reçoit.

     

    Vous avez été ministre de la Famille pendant deux ans. Que feriez-vous de plus, aujourd’hui, pour les parents ? Le gouvernement n’a pas de baguette magique. Les places en garderie, c’est bien beau, mais il n’y a pas que ça. La société doit apporter sa contribution, reconnaître davantage la famille. Quand une femme passe une entrevue d’embauche, l’employeur − homme ou femme − veut savoir si elle a l’intention d’avoir des enfants et combien. Les congés parentaux dérangent… Le soutien financier et le réseautage sont essentiels eux aussi. J’ai toujours eu de l’empathie pour les chefs de famille monoparentale et j’en ai encore plus aujourd’hui ! J’aurais aimé faire davantage pour ces parents, les aider à créer leur propre « village ». Savoir qu’on n’est pas seul, ça change tout.

     

    Vous ne profitez pas pleinement des programmes gouvernementaux − congé de maternité d’un an, CPE, etc. Ce n’est pas utile pour vous ? Ça le serait, mais ce n’est pas adapté à ma réalité. Ce n’est pas comme si je retournais au travail à temps plein. Chacune vit la conciliation travail-famille à sa façon. Nous avons fait le choix de ne pas envoyer Philippe à la garderie tout de suite, parce que nous pouvions compter sur nos parents.

     

    Parvenez-vous à décrocher ? C’est plus difficile que je ne le pensais ! Avant d’accoucher, puis pendant que j’allaitais, je regardais la période des questions et j’envoyais des textos. Ma collègue Julie Boulet me répétait souvent : « Profite bien de ce moment, ça passe vite. » Elle avait raison. Maintenant que mon fils a cinq mois et que j’ai repris mes activités professionnelles, j’en profite pleinement. Mais au début, c’était l’enfer ! [Elle rit de bon cœur.]

     

    Pourquoi ? Lorsqu’on est enceinte, on se fait dire que le bébé va dormir trois heures d’affilée, mais la mère ne dort pas nécessairement pendant ce temps-là ! Des nuits blanches, j’en ai passé plein, mais cinq en ligne, c’est dur… À vrai dire, je n’ai pas vécu de lune de miel pendant ma grossesse. J’ai eu le dos bloqué à cause d’une sciatique et j’ai accouché deux semaines après la date prévue. Je tournais en rond comme une lionne en cage. Mais là, je suis totalement en amour avec mon fils ! [Elle fait défiler sur son iPhone des photos d’un beau bébé joufflu.]

     

    Qu’est-ce qui a changé depuis sa venue ? Avant, on pouvait m’appeler à la dernière minute pour une activité et j’y allais. On menait la belle vie : je rentrais de Québec à 21 h, on soupait à 22 h. C’est fini tout ça. Chez les James-Lauzon, on mange à 17 h et, passé 20 h 30, la maison est fermée ! Mes amis ne comprennent plus rien…

     

    La conciliation travail-famille, qu’est-ce que ça signifie pour vous ? Défense d’utiliser la langue de bois ! Être à la fois une professionnelle et une mère comblées. Passer du temps avec mon enfant et me donner à 100 % au travail sans jamais, jamais me sentir coupable de négligence. J’ai besoin de travailler. Mais ça cause des dommages collatéraux. Je n’arrive plus à faire tout ce que j’ai inscrit sur ma liste, il y a du lavage en retard… Ce n’est pas grave, on est heureux !

     

    Vous êtes avocate. Envisagez-vous de quitter un jour la politique pour consacrer plus de temps à votre famille ? Aux dernières élections, j’ai senti que je devais choisir entre les deux. Mais Jean Charest m’a assurée du contraire et confortée dans ma décision de me présenter une nouvelle fois. Pour attirer les femmes en politique, il faut leur dire la vérité. Oui, c’est parfois une folie, il y a des moments où on se demande ce qu’on fait là, mais je ne changerais absolument rien. Je vis des choses incroyables. Le jour viendra où je ferai autre chose, mais pas uniquement pour des raisons familiales.

     

     

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